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Déclarations et discours


Le directeur général des élections du Canada, Marc Mayrand,
clarifie l'application des nouvelles dispositions de la
Loi électorale du Canada concernant l'identification des électeurs

DATE : Le lundi 10 septembre 2007, à 11 h
ENDROIT : Amphithéâtre national de la presse, Ottawa

 

Marc Mayrand : Bonjour, mesdames et messieurs. Si vous me le permettez, je vais faire d'abord une courte allocution en français et je la répéterai en anglais.

Je suis ici ce matin pour clarifier le régime d'identification de l'électeur tel qu'il existe en ce moment dans la Loi électorale du Canada et pour vous informer des mesures administratives que j'ai prises pour inviter les personnes qui ont le visage découvert – couvert, pardon, à se dévoiler quand elles se présenteront pour voter.

D'abord, permettez-moi de vous rappeler le rôle du directeur général des élections. Ce rôle consiste essentiellement à administrer la Loi électorale du Canada telle qu'énoncée par les élus siégeant au Parlement. Je ne peux me substituer aux parlementaires. Il ne m'appartient pas de modifier la Loi. Je n'énonce pas de normes. J'administre la Loi telle que formulée et j'exerce les pouvoirs et fonctions que celle-ci me confère.

Jusqu'au 22 juin dernier, la Loi électorale du Canada édictait que les électeurs inscrits pouvaient se présenter aux bureaux de scrutin et simplement décliner leurs nom et adresse après quoi un bulletin de vote leur était remis.

En juin dernier, le Parlement a adopté de nouvelles dispositions selon lesquelles les électeurs doivent dorénavant prouver leur identité et leur adresse résidentielle avant de pouvoir voter.

La Loi prévoit plusieurs façons de le faire qui ne requièrent pas l'identification visuelle de l'électeur. En effet, la Loi offre trois options à l'électeur pour s'identifier. Premièrement, l'électeur peut choisir de s'identifier au moyen d'une carte gouvernementale fédérale ou provinciale comportant trois éléments d'identification, soit sa photo, son nom et son adresse résidentielle. Il va de soi que le scrutateur dans cette situation doit pouvoir comparer la photo de l'électeur qui choisit cette méthode pour s'identifier avec son visage. Et, dans ce cas-là, on s'attendra qu'effectivement l'électeur se découvre.

Aucune carte délivrée par le gouvernement fédéral ne contient ces trois éléments d'information, pas même le passeport canadien puisqu'il ne comporte pas l'adresse résidentielle. Certaines cartes délivrées par les provinces peuvent toutefois répondre à ces exigences et c'est principalement le cas du permis de conduire.

Pour les électeurs qui ne détiennent pas de carte gouvernementale comportant la photo, le nom et l'adresse résidentielle, un deuxième moyen s'offre à eux pour s'identifier, et c'est de présenter deux pièces d'identité autorisées par le directeur général des élections. La Loi ne requiert pas que ces pièces autorisées comprennent la photo de l'électeur. Cette méthode n'offre donc pas la possibilité au personnel électoral de comparer le visage à une photo.

Par ailleurs, le Parlement a prévu que l'électeur sans pièce d'identité peut quand même être admis à voter s'il prête serment appuyé par un autre électeur inscrit qui répondra sous serment de son identité. Encore ici, aucune comparaison visuelle n'est requise.

Notons enfin, qu'indépendamment de ce qui précède, les électeurs peuvent également choisir de voter par la poste. Par définition, cette procédure spéciale suppose qu'il n'y a aucun contact visuel entre l'électeur et le personnel électoral. Je porte à votre attention que plus de 80 000 électeurs ont voté par la poste à l'élection générale de 2006.

On peut donc constater qu'il y a plusieurs façons de prévues dans la Loi pour voter et que plusieurs ne requièrent pas d'identification visuelle de l'électeur et que c'est l'électeur qui a le choix de la méthode.

Maintenant, la controverse qui m'amène ici aujourd'hui a pris naissance suite à des questions posées par les médias. Je tiens à préciser que je n'ai reçu aucune demande de traitement spécial de la part d'électeurs ou d'électrices. Selon les informations que j'ai, il n'y aurait que quelques centaines de femmes portant le voile au Canada et la plupart accepteraient de se dévoiler dans un contexte approprié.

Le 16 mai dernier, au cours de l'étude du projet de loi C-31 qui fait l'objet de la controverse aujourd'hui, j'ai témoigné devant le Sénat en compagnie de mon homologue du Québec qui a expliqué l'approche qu'il avait suivie lors de la dernière élection provinciale tenue au Québec. J'ai moi-même indiqué qu'en vertu des règles alors à l'étude, une personne pourrait voter sans avoir à se dévoiler. Le Parlement n'a pas alors jugé opportun de modifier le projet de loi.

Le 26 juillet, alors que nous mettions au point les préparatifs en vue de l'élection partielle qui devait être déclenchée au plus tard le 28 juillet dans Outremont, nous avons tenu une conférence téléphonique avec les représentants des partis politiques enregistrés pour partager l'approche que je comptais adopter concernant les diverses questions, dont celle du voile. Dans les jours qui ont suivi, j'ai également transmis la documentation préparée pour cette réunion au gouvernement et au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre pour les informer de la conférence téléphonique, des textes qui avaient été utilisés à l'occasion de cette conférence téléphonique, et les inviter à me faire part de leurs commentaires.

Depuis la semaine dernière, les médias posent de nombreuses questions. Devant l'ampleur du débat, nous avons émis un communiqué de presse qui réitérait les exigences législatives établies par le Parlement et qui reprend l'approche que j'ai partagée avec les partis politiques, le gouvernement et le Comité parlementaire. Depuis, le milieu politique a joint sa voix à celles de nombreuses autres exprimées sur ce sujet.

Au cours des derniers jours, nous avons revu tout le dossier et précisé les procédures à suivre aux bureaux de scrutin. J'ai donc rappelé au personnel électoral l'importance de se satisfaire de l'éligibilité de l'électeur à voter, et notamment de s'assurer que celui-ci a 18 ans.

Dans ce contexte, j'ai demandé au personnel électoral d'inviter toute personne dont on ne peut voir le visage à se dévoiler, et ce, dans un cadre respectueux de ses croyances. Si celle-ci choisit de ne pas le faire, elle devra prêter serment quant à sa qualité d'électeur pour être admise à voter selon les exigences de la Loi. Je n'ai cependant pas modifié la Loi pour exiger qu'elle se dévoile. Encore une fois, le choix demeure celui de la personne.

On a beaucoup parlé au cours des derniers jours du pouvoir du directeur général des élections de modifier ou d'adapter la Loi. Ce pouvoir d'adaptation est un pouvoir exceptionnel qui doit s'exercer avec réserve et circonspection. Ce pouvoir suppose qu'il y a des nécessités en raison d'une urgence, de circonstances exceptionnelles ou imprévues ou d'une erreur pour justifier l'adaptation de la Loi de façon provisoire et ponctuelle. Il ne revient pas au directeur général des élections de se substituer à la volonté clairement exprimée du législateur.

Je tiens à préciser que, de façon générale, ce pouvoir est destiné à faciliter l'exercice et le déroulement du vote, et non à restreindre les droits fondamentaux des électeurs. J'estime qu'à ce moment-ci il n'y a pas de raison pour moi d'exercer mon pouvoir d'adaptation de la Loi. Je continuerai à suivre les événements de très près et si les circonstances le justifient, je n'hésiterais pas à prendre les mesures appropriées pour assurer le bon déroulement du scrutin.

En conclusion, j'aimerais rappeler que nous vivons dans un système démocratique basé sur un régime de droit qui garantit certains droits et libertés à tous les citoyens. Ma responsabilité à titre d'administrateur du régime électoral est d'assurer une application de la Loi qui respecte ces droits et réconcilie leur application.

J'invite donc le Parlement à réexaminer et, s'il le juge à propos, à modifier les règles relatives au déroulement du vote à la lumière des nombreux commentaires exprimés par les autorités politiques et la population. J'estime qu'il ne revient pas à l'administrateur du régime électoral de trancher un débat de société qui fait rage. Ce serait m'approprier un mandat qui ne m'appartient pas et surtout usurper celui de nos élus.

Entre-temps, je fais appel à la sagesse et à l'esprit civique de tous les citoyens pour assurer le bon déroulement du vote pendant les élections partielles dans Outremont, Saint-Hyacinthe–Bagot et Roberval–Lac-Saint-Jean le 17 septembre prochain.

Je vous remercie de votre attention.