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Pourquoi la participation décline aux élections fédérales canadiennes : un nouveau sondage des non-votants


10. Internet

La possibilité d'utiliser la technologie Internet pour faciliter le vote soulève beaucoup d'intérêt. L'accès à Internet est largement répandu; seulement le quart (26,5 %) des répondants disent ne pas avoir accès à Internet à la maison, au travail, ou aux deux endroits (33 % ont dit y avoir accès aux deux endroits). En interrogeant les gens sur leur utilisation possible d'Internet, on incluait, comme il se doit, la condition que « la technologie assure la sécurité et la confidentialité ». Cette question tombe aussi dans le domaine de l'hypothétique, et les résultats ne devraient donc pas être considérés comme totalement précis. Néanmoins, le potentiel d'Internet comme outil de vote mérite examen.

On verra plus loin dans cette section un calcul de l'effet potentiel du vote par Internet sur le taux de participation. Mais examinons d'abord les résultats obtenus en demandant aux gens s'ils seraient susceptibles d'utiliser Internet pour :

  •   vérifier et modifier leur information personnelle ou s'inscrire sur la liste électorale;
  •   voter en ligne au lieu d'aller au bureau de scrutin.



Tableau 46 Probabilité d'utiliser Internet pour s'inscrire, en fonction du vote de 2000 (en pourcentage)


  Voté en 2000? Total
Oui Non
Seriez-vous susceptible de vous servir d'Internet pour vérifier et modifier votre information personnelle ou vous inscrire sur la liste électorale? Très susceptible
32,5
31,7
32,1
Assez susceptible
25,7
26,2
26,0
Peu susceptible
15,0
15,9
15,5
Pas du tout susceptible
26,8
26,2
26,5
Total
100,0
100,0
100,0
V = 0,015   p < 0,926




Tableau 47 Probabilité d'utiliser Internet pour voter, en fonction du vote de 2000 (en pourcentage)


  Voté en 2000? Total
Oui Non
Seriez-vous susceptible de vous servir d'Internet pour voter en ligne au lieu d'aller au bureau de vote? Très susceptible
33,1
43,2
38,5
Assez susceptible
14,2
17,0
15,7
Peu susceptible
14,8
12,0
13,3
Pas du tout susceptible
37,9
27,8
32,5
Total
100,0
100,0
100,0
V = 0,131   p < 0,000


Comme le montrent les tableaux 46 et 47, la majorité des répondants se déclarent « très susceptibles » ou « assez susceptibles » d'utiliser Internet pour s'inscrire ou modifier leur information sur la liste électorale et pour voter. En ce qui concerne l'inscription par Internet, on constate très peu d'écart entre les votants et les non-votants de l'élection fédérale de 2000. Le vote par Internet, par contre, est plus susceptible d'intéresser les non-votants de 2000. Comme l'indique le tableau 47, 43,2 % des non-votants prétendent qu'ils seraient très susceptibles de voter en ligne, et 17 % d'autres affirment qu'ils seraient assez susceptibles de le faire. Si l'on se fie à ces réponses, l'introduction de l'inscription et du vote par Internet pourrait avoir un effet bénéfique sur la participation électorale. Bien entendu, le tout est d'évaluer la plausibilité des intentions énoncées.




Tableau 48 Probabilité d'utiliser Internet pour voter, en fonction de la fréquence du vote aux trois dernières élections fédérales (en pourcentage)


  Voté à aucune des élections 1 2 Voté aux 3 élections Total
Seriez-vous susceptible de vous servir d'Internet pour voter en ligne au lieu d'aller au bureau de vote? Très susceptible
41,4
57,8
36,8
28,9
36,7
Assez susceptible
20,5
9,4
18,2
13,3
15,5
Peu susceptible
11,3
9,4
13,0
16,2
16,6
Pas du tout susceptible
26,9
23,3
32,0
41,6
34,1
Total
100,0
100,0
100,0
100,0
100,0
V = 0,133      p < 0,000


Le tableau 48 montre la fréquence de vote de nos répondants aux trois dernières élections fédérales (même variable que dans le tableau 20). On y constate que ceux dont la fréquence de vote est la plus basse  – ceux qui n'ont voté qu'à une seule ou à aucune de ces élections  – seraient plus portés à voter par Internet. Même ceux qui ont voté dans deux des trois élections exprimaient davantage l'intention d'utiliser Internet que ceux qui ont voté à chaque élection. Il est probable que les Canadiens qui se font un devoir de voter à chaque élection aiment le faire en se rendant aux bureaux de vote, et seraient moins susceptibles de voter par Internet. Point intéressant à noter, les répondants qui ont voté à une des trois élections s'avèrent être ceux qui sont le plus susceptibles d'utiliser Internet pour voter. Ainsi, l'Internet pourrait devenir une façon pour les électeurs « intermittents » ou « passagers » (voir Harold D. Clarke, Jane Jenson, Lawrence LeDuc et Jon H. Pammett, Political Choice in Canada et Absent Mandate, éditions variées, pour une discussion sur les « électeurs passagers ») d'accroître leur taux de participation. On sait que ces électeurs ne sont pas des « non-votants permanents » mais qu'ils participent plutôt quand ils le peuvent, ou lorsque leur intérêt est éveillé. Le vote par Internet pourrait en amener certains à voter.




Tableau 49 Prédicteurs de l'usage d'Internet pour s'inscrire ou voter (Régression multiple) (Bêtas seulement)


Prédicteurs Susceptible de
S'inscrire Voter
Âge
-0,175*
-0,167*
Scolarité
0,146*
0,153*
Revenu
0,121*
0,121*
Sexe
0,048
-0,002
Milieu urbain ou rural
0,069*
0,089*
Né au Canada
0,017
0,016
Mobilité
0,055
0,004
Inscrit sur la liste 2000
0,032
0,008
Participation active?
0,047
-0,007
Participation passive?
0,145*
0,099*
Fréquence du vote 1993 – 2000
-0,019
0,129*
N =
1 294
1 299
 
R 2 = 0,150
R 2 = 0,144
† = cotes de facteurs
* = statistiquement significatif p < 0,01


Le tableau 49 présente un résumé des prédicteurs de l'utilisation d'Internet dans une présentation de régression multiple utilisant seulement les coefficients Bêta, ou standardisés, pour des raisons de concision. L'écart total expliqué est modeste, environ 15 % dans les deux cas, et les variables prédictives associées à « susceptible » de se servir d'Internet pour s'inscrire ou pour voter sont très semblables. Il est évident que l'option Internet intéresse davantage les jeunes, les citadins, les personnes plus scolarisées et celles ayant un revenu plus élevé. Il est bien connu que ces variables sont les mêmes pour l'utilisation d'Internet en général. En ce qui concerne l'inscription par Internet, le seul autre prédicteur statistiquement significatif est d'avoir fait davantage de « participation passive » dans le passé  – écrire à un journal, appeler à une émission-débat ou participer à un groupe de discussion sur Internet. Pour le vote par Internet, il y a un prédicteur supplémentaire, notre variable « fréquence du vote » du tableau 48. Dans ce cas-ci, moins le répondant a voté dans le passé, plus il se dit prêt à voter par Internet. Cette constatation renforce la relation observée dans le tableau précédent, et montre que la faible fréquence de vote a un effet indépendant des autres variables. On se rend compte, ici encore, que le vote par Internet pourrait être bénéfique.

Pour explorer plus à fond le potentiel d'Internet, on a élaboré deux calculs quant à l'apport éventuel d'Internet pour réduire deux problèmes de nature personnelle ou administrative : la non-inscription sur la liste électorale et le fait d'être « occupé par le travail » le jour du scrutin. Les tableaux 46 à 49 indiquaient les réponses à la question « Si la technologie assurait la sécurité et la confidentialité, seriez-vous susceptible de vous servir d'Internet pour » a) « Vérifier et modifier votre information personnelle ou vous inscrire sur la liste électorale » et b) « Voter en ligne au lieu d'aller au bureau de vote? » Dans la mesure où le fait de ne pas être inscrit sur la liste peut constituer un obstacle au vote, l'inscription ou la modification de l'information par Internet pourrait atténuer le problème. Et dans la mesure où les gens occupés peuvent trouver difficile de se rendre au bureau de scrutin, le vote par Internet pourrait leur permettre de voter.

Inscription par Internet : Pour calculer l'incidence éventuelle de l'inscription par Internet, on a d'abord croisé, pour les non-votants, l'importance de la non-inscription par la susceptibilité d'utiliser Internet pour s'inscrire. Pour cela, on a pris ceux qui avaient déclaré que la non-inscription était « très ou assez importante » et ceux qui s'étaient dits « très ou assez susceptibles » de se servir d'Internet pour s'inscrire. Ce calcul produit 130 personnes (à partir d'un échantillon pondéré de 1 065 non-votants) ou 12,2 % des non-votants à qui cette procédure pourrait s'appliquer. Pour voir l'effet sur l'ensemble de l'électorat, il faut multiplier le groupe de non-votants par 0,39 (pourcentage des non-votants). On obtient ainsi un résultat de 4,76 %, l'augmentation potentielle du taux de participation grâce à l'inscription par Internet.

Mais il importe d'émettre deux réserves sur ce chiffre. D'abord, il semble raisonnable de croire qu'il fallait avoir un certain intérêt pour l'élection de 2000 pour se donner la peine de s'engager dans un processus d'inscription par Internet. Nous sommes donc revenus aux 130 inscrits potentiels mentionnés ci-dessus et n'avons retenu que ceux qui se disaient « très ou assez intéressés » par l'élection, enlevant ceux qui affirmaient être « peu » ou « pas du tout » intéressés. Cela donne 53 personnes, qui, multiplié par 0,39, correspond à une hausse potentielle de 1,94 % du taux de participation avec l'inscription par Internet.

Enfin, nous croyons qu'il est raisonnable de croire que seulement les personnes dotées d'un accès Internet seraient susceptibles de s'inscrire en ligne. Les données indiquent que 39 personnes du groupe ci-dessus avaient un accès Internet à la maison, au travail, ou les deux. En multipliant encore ce total par 0,39, on constate que l'augmentation du taux global de participation pouvant raisonnablement découler de l'inscription par Internet serait de 1,43 %. Ainsi, si l'on se fie aux affirmations des répondants selon lesquelles a) ne pas figurer sur la liste était un facteur important dans leur décision de ne pas voter et b) ils se seraient inscrits par Internet s'ils avaient pu; et en supposant c) qu'ils étaient intéressés par l'élection, et d) qu'ils avaient accès à Internet, on peut conclure qu'il y aurait une petite augmentation du taux global de participation (estimée à moins de 1,5 %) si l'inscription par Internet était permise.

Vote par Internet : Pour ce qui est des non-votants de 2000 qui ont dit ne pas avoir voté surtout parce qu'ils étaient « occupés par le travail » (32,9 % des non-votants, ou 12,56 % des électeurs), nous avons cherché à savoir s'ils auraient voté par Internet. En prenant ceux qui se sont dits « très ou assez susceptibles » de le faire, nous avons relevé 238 personnes, ou 21,7 % des non-votants. En calculant ce nombre comme un pourcentage de l'électorat total (21,7 X 0,39), nous obtenons un premier total de 8,46 %  – la hausse potentielle du taux de participation avec le vote par Internet.

Toutefois, comme pour l'analyse précédente, quelques réserves s'imposent. Lorsqu'on trie ces 238 personnes en fonction de leur intérêt exprimé pour l'élection de 2000, on constate que seulement 84 d'entre elles étaient « très ou assez intéressées ». Si l'on refait le calcul, l'incidence du vote par Internet sur le taux total de participation tombe à 3,07 %. Enfin, ce nombre diminue encore (à 77 personnes) si l'on ne retient que les répondants ayant un accès Internet à la maison ou au travail; la hausse potentielle du taux de participation descend alors à 2,82 %. Ainsi, si l'on se fie aux affirmations des répondants selon lesquelles a) le fait d'être occupé au travail a été un facteur important dans leur décision de ne pas voter, b) ils auraient voté par Internet s'ils avaient pu, c) ils étaient intéressés par l'élection et d) ils avaient accès à Internet, on peut conclure que le taux total de participation aurait augmenté d'un peu moins de 3 % si le vote par Internet avait été en vigueur. Ce pourcentage pourrait être quelque peu supérieur si on ajoute les répondants des autres catégories de non-votants (ceux « à l'extérieur de la ville ») non saisis par la catégorie « occupé au travail ».