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Un code de conduite ou d'éthique pour les partis politiques : Un outil qui permettrait de renforcer la démocratie électorale au Canada?

3. AVANTAGES ET INCONVÉNIENTS D'UN CODE

Comme il a été mentionné, les codes de conduite ou d'éthique sont maintenant monnaie courante dans diverses sphères de la société. Leur utilisation dans le milieu politique est plus récente et controversée. Le présent document ne vise pas à analyser en profondeur les débats sur l'utilisation de codes dans le milieu politique. Pour établir les bases de la discussion qui suivra sur l'élaboration, le contenu, l'application et la mise en œuvre d'un code, les avantages et les inconvénients seront plutôt énumérés en style télégraphique, sans entrer dans les détails.

Avantages d'un code

  • Le code prendrait certainement (mais pas forcément) la forme de « directives non impératives », par opposition aux lois et aux règlements contraignants qui sont plus connus. Les directives non impératives ne sont pas faciles à définir, se présentent sous de nombreuses formes et sont chaudement débattues dans le milieu juridique. La principale caractéristique d'une directive non impérative est qu'elle n'a pas force exécutoire et n'est assortie d'aucune sanction légale en cas d'infraction. Quant à savoir si elle peut justifier une décision judiciaire, il y a matière à débatnote 6. Malgré ce qui précède, des études menées dans un certain nombre de domaines ont démontré que les directives non impératives étaient efficaces pour influencer les attitudes et orienter le comportement des organismes et des particuliers visés.
  • Le code viendrait s'ajouter aux règles normatives et plus détaillées de la Loi électorale du Canada, qui prévoit des infractions quasi criminelles, des sanctions punitives et la possibilité d'engager des poursuites judiciaires pour dissuader les contrevenants éventuels et encourager le respect des règles.
  • Le code corrigerait des lacunes dans la portée de la Loi et accroîtrait la gamme de mesures correctives en cas d'actions ou d'inactions qui ne constituent pas des infractions criminelles, mais qui contournent les règles ou ne respectent pas l'esprit de la loi.
  • Le code reposerait en grande partie sur les atteintes possibles à la réputation des partis, des chefs et des partisans qui commettent des actes contraires à l'éthique.
  • Le code donnerait au directeur général des élections et au commissaire aux élections fédérales un plus grand pouvoir de persuasion et de négociation pour assurer le respect des normes de conduite élevées dans le processus électoral.
  • L'adoption d'un code pourrait prévenir les demandes de réglementation accrue des affaires des partis.
  • Le code pourrait atténuer le manque de confiance relatif du public envers les partis politiques et assurer le respect des normes juridiques et éthiques accrues auxquelles les partis et les candidats sont tenus par les électeurs de répondre.
  • Le code pourrait encourager davantage les partis à connaître leurs obligations d'ordre juridique et éthique et à se comporter de façon appropriée. Il rappellerait aux partis leur devoir envers les Canadiens d'être dignes de confiance.
  • En élaborant eux-mêmes le code, possiblement avec l'aide d'Élections Canada, les partis indiqueraient qu'ils sont conscients de leurs problèmes de réputation auprès d'une grande partie de la population.
  • Le code donnerait de la cohérence aux valeurs et aux principes démocratiques auxquels souscrivent les partis. Il justifierait l'intervention des membres des partis qui signalent des préoccupations d'ordre éthique concernant les pratiques des partis et qui réclament des mesures correctives.
  • Le code faciliterait, pour les chefs de parti, la gestion des manquements d'ordre éthique qui pourraient miner la confiance en leur parti.
  • Les codes étant largement utilisés dans d'autres sphères de la société, y compris au gouvernement, il y aurait des modèles et des expériences desquels les partis politiques pourraient s'inspirer.
  • Un code n'est pas une panacée au désabusement de la population face au processus électoral et politique en général, mais il pourrait bonifier légèrement le cadre juridique et éthique ainsi que la vie démocratique du Canada.

Pour chaque point, on pourrait invoquer des contre-arguments, qui semblent souvent présenter des inconvénients des codes. De plus, les avantages avancés doivent être prouvés.

Inconvénients d'un code

  • Le fait de proposer l'adoption d'un code de conduite ou d'éthique pourrait être vu par les élus et les membres de la classe politique comme une remise en question de leur intégrité et de leur sens de l'éthique.
  • L'éthique ne devrait pas être considérée comme supérieure au processus politique, ni en être dissociée en étant mise en application par des gens de l'extérieur.
  • La politique n'est pas une profession comme celles où des codes ont été adoptés avec succès. En politique, il y a de très nombreux points de litige au sujet de quels principes et de quelles valeurs devraient guider les décisions et les comportements.
  • En politique, les élus, les candidats, les associations de circonscription, les employés et les bénévoles sont tous tiraillés à divers degrés entre leurs obligations et allégeances envers leur parti, leur circonscription, leur province ou région, le pays, les principes et les pratiques démocratiques, et leur jugement personnel. Un code de conduite ou d'éthique sera peu utile pour résoudre les dilemmes éthiques découlant de l'occupation de divers rôles.
  • En politique, contrairement aux autres domaines où les codes sont appliqués de façon relativement objective, les plaintes relatives à des infractions aux règles d'éthique serviront à attaquer les parties rivales pour obtenir des avantages politiques à court terme.
  • Le code empiéterait indûment sur le processus décisionnel des partis politiques et restreindrait l'exercice du jugement en politique. Les règles universelles qui visent à uniformiser les normes de jugement diminuent le pouvoir de décision et pourraient même porter atteinte à la vie privée des intervenants en politique.
  • En ce qui a trait à l'éthique, les politiciens ont tendance à réfléchir et à agir de façon pragmatique, sans essayer de cerner, d'analyser ou de concilier de multiples valeurs et principes flous. Ils se fient plutôt à leur instinct, qui est guidé en grande partie par la façon dont leurs actions seront interprétées par le public et par le Parlement ou les médias.
  • Le code se voudrait éducatif et formateur en matière d'éthique. Or, l'éthique ne s'enseigne pas : un bon sens de l'éthique s'acquiert par l'expérience.
  • Une foule de règles, de directives, d'organismes de surveillance et de sanctions existent, mais seul un petit nombre d'infractions graves sont commises.
  • Le scepticisme et l'opposition que suscitera le code en feront un document formel portant sur des infractions déjà prévues dans la Loi électorale du Canada, ou une série d'énoncés de valeurs flous qui offriront peu de conseils pratiques, voire aucun.
  • En fait, le milieu de la politique s'est assaini. Toutefois, ce n'est pas l'impression qu'a la population, car le bruit que font les allégations d'actes répréhensibles est amplifié par le caractère antagoniste de la culture parlementaire et par les médias. Ainsi, les réformes devraient viser à changer les mentalités plutôt qu'à ajouter des règles, qu'elles soient impératives ou non.
  • Plutôt que de renforcer la confiance de la population à l'égard du milieu et de la classe politique, l'établissement d'un code exigeant un suivi et des rapports réguliers pourrait avoir l'effet contraire, car des accusations seraient portées régulièrement.
  • L'adoption d'un code renforcera les stéréotypes négatifs et exagérés qui circulent autour des politiciens et des partis politiques, ce qui découragera des personnes compétentes de se lancer en politique.
  • Il serait plus avantageux de confier aux politiciens une plus grande part de responsabilité (mais pas l'entière responsabilité) en ce qui concerne l'intégrité en politique, que d'adopter un code de conduite ou d'éthique dont le respect serait assuré par un organisme de surveillance.

Il va sans dire qu'on pourrait opposer des objections à ces arguments contre l'adoption d'un code. Pour avoir du poids, certaines nécessiteraient encore une fois des preuves à l'appui, qui ne seraient peut-être pas faciles à obtenir.

Certains lecteurs sont peut-être déjà convaincus qu'un code est souhaitable ou fera plus de mal que de bien. Toutefois, la majorité voudra en savoir plus sur la fin et les moyens avant de trancher.

Parlons maintenant des questions concrètes liées à l'adoption d'un code. Ces questions sont abordées en ordre logique, et pas forcément selon leur importance pour l'adoption et la mise en œuvre réussies d'un code.


Note 6 Pour obtenir un aperçu des arguments pour ou contre, voir : SOSSIN, Lorne, et Charles W. Smith. 2003. « Hard Choices and Soft Law: Ethical Codes, Policy Guidelines and the Role of the Courts in Regulating Government », Alberta Law Review, vol. 40, no4, p. 867-893.