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9. Saine gestion électoraleRépondre aux nouveaux défis : Recommandations du directeur général des élections du Canada à la suite des 43e et 44e élections générales

Dans son Plan stratégique 2020-2028, Élections Canada s'est engagé à travailler en collaboration et mettre à profit les diverses expertises pour favoriser une démocratie électorale forte. Dans cette optique, les recommandations qui suivent visent à améliorer l'administration des élections.

9.1 Collaboration avec les autorités électorales provinciales et territoriales

En 1997, le Parlement a mis fin aux recensements de porte-à-porte effectués avant les élections fédérales et a créé le Registre national des électeurs, qui se voulait le fruit d'une véritable collaboration à l'échelle nationale. Élections Canada s'est vu confier le mandat légal d'administrer le Registre, de conclure des ententes avec les autorités fédérales et provinciales aptes à fournir des données utiles, et de partager les données du Registre avec les organismes électoraux provinciaux et territoriaux afin de contribuer à l'exactitude des listes électorales dans tout le pays. Au fil des ans, Élections Canada et ses partenaires fédéraux et provinciaux ont convenu d'apporter des améliorations aux données et aux procédures. Ensemble, ces améliorations ont permis d'accroître la fiabilité du Registre et ont été bénéfiques pour tous les organismes de gestion électorale qui utilisent les données du Registre.

Malgré cette initiative, la prestation de services en collaboration avec d'autres organismes électoraux canadiens reste limitée en 2022. La mise en commun des données sur les électeurs inscrits n'est qu'une des façons possibles de collaborer. Élections Canada et ses homologues provinciaux et territoriaux ont plusieurs points en commun : ils offrent le même type de services, achètent le même type matériel électoral et servent les mêmes populations. De plus, il leur arrive fréquemment d'utiliser les mêmes immeubles comme lieux de scrutin et d'embaucher les mêmes travailleurs électoraux. Enfin, ils sont souvent confrontés aux mêmes défis, qu'ils relèvent habituellement grâce à la collaboration et à l'expertise commune.

La collaboration entre Élections Canada et les autres organismes électoraux canadiens est limitée en partie par la Loi électorale du Canada, qui ne prévoit pas de cadre officiel pour une collaboration soutenue. Il convient de noter que le directeur général des élections a le mandat légal d'apporter son aide et sa collaboration aux organismes électoraux d'autres pays, mais qu'aucune disposition similaire ne l'autorise à apporter son aide à d'autres organismes électoraux canadiens (ou à recevoir de l'aide de ceux-ci). Bien que la Loi lui accorde clairement le pouvoir indépendant de contracter, elle ne lui permet pas de conclure des ententes avec d'autres organismes électoraux canadiens en vue de leur fournir des biens ou des services ou d'en recevoir de leur part.

Afin de réaliser des économies et de tirer parti de l'expérience et de l'expertise des autres organismes électoraux, le directeur général des élections devrait avoir les pouvoirs financiers et de passation de contrats nécessaires pour apporter son aide et sa collaboration aux organismes électoraux des provinces et des territoires. Ces pouvoirs devraient être accompagnés de la possibilité de facturer les services; les paiements seraient transmis directement au receveur général du Canada.

Recommandation 9.1.1

  • Pour améliorer l'administration des élections dans tout le pays, accorder explicitement au directeur général des élections le mandat d'offrir son aide et sa collaboration aux organismes électoraux provinciaux et territoriaux ainsi que la possibilité de recevoir de l'aide ou des services de leur part.

9.2 Protection de la sécurité et de la vie privée des directeurs du scrutin

Le directeur général des élections est tenu par la Loi de publier chaque année le nom, l'adresse domiciliaire et la profession des directeurs du scrutin dans la Gazette du Canada. En raison de cette exigence, les directeurs du scrutin s'inquiètent pour leur sécurité et leur vie privée. La publication des adresses domiciliaires est plus particulièrement préoccupante, surtout dans un contexte politique de plus en plus polarisé.

Les directeurs du scrutin sont nommés par le directeur général des élections à la suite d'un processus de sélection ouvert, annoncé et fondé sur le mérite, à l'image du processus d'embauche des fonctionnaires. Leurs noms et leurs coordonnées professionnelles, mais pas leurs adresses domiciliaires, sont publiés et mis à jour sur le site Web d'Élections Canada, ce qui permet aux électeurs de trouver leur directeur du scrutin. L'obligation de publication dans la Gazette est désormais inutile.

Recommandation 9.2.1

  • Pour protéger la sécurité et la vie privée des directeurs du scrutin, supprimer dans la Loi l'obligation de publier leur nom, leur adresse domiciliaire et leur profession dans la Gazette du Canada.

9.3 Mesure qui facilite le recrutement des directeurs du scrutin

En vertu de la Loi, les nouveaux directeurs du scrutin sont nommés par le DGE pour un mandat renouvelable fixe de 10 ans à la suite d'un processus de nomination externe fondé sur le mérite. Les directeurs du scrutin qui se sont bien acquittés de leurs fonctions peuvent être nommés pour un autre mandat de 10 ans.

La durée du mandat représente un obstacle important au recrutement. La plupart des candidats au poste de directeur du scrutin sont réticents à s'engager pour 10 ans : pour des raisons personnelles, bon nombre d'entre eux préfèreraient un mandat beaucoup plus court. Parmi les directeurs du scrutin qui ont quitté leur poste depuis l'élection générale de 2015, seulement 41 % étaient arrivés au terme de leur mandat. Cette situation est probablement attribuable au fait que les travailleurs s'attendent désormais à plus de mobilité et de flexibilité.

Un raccourcissement des mandats des directeurs du scrutin pourrait renouveler l'intérêt pour le poste, élargir le bassin de personnes qualifiées et permettre au DGE de recruter régulièrement de nouveaux talents dans les circonscriptions. La Loi permet actuellement au DGE de nommer les agents de liaison locaux (qui supervisent les directeurs du scrutin d'une région) pour une période qu'il détermine. Les dispositions pourraient être les mêmes pour les directeurs du scrutin.

Recommandation 9.3.1

  • Pour faciliter le recrutement des directeurs du scrutin, autoriser le DGE à fixer la durée de leur mandat au lieu d'exiger qu'ils soient nommés pour 10 ans.

9.4 Collecte de données démographiques sur les participants aux élections

Élections Canada est autorisé par la Loi à recueillir des données précises sur les personnes qui désirent se porter candidat, sur les candidats à l'investiture et sur les candidats à la direction. Ces données se limitent principalement au nom, à l'adresse et à la profession.

Élections Canada n'est pas clairement habilité par la Loi à recueillir des renseignements démographiques sur les participants aux élections. Ce manque de données l'empêche d'intégrer, dans ses activités, les principes de l'analyse comparative entre les sexes plus. Il l'empêche aussi de connaître les effets des services et des programmes sur divers groupes démographiques et, en particulier, de savoir si des obstacles indésirables en ont découlé.

De plus, cette situation empêche le Parlement et les chercheurs d'obtenir des données démographiques complètes sur les participants aux élections.

De nombreux groupes sont sous-représentés à la Chambre des communes, et les raisons en sont complexes. L'importance de déployer des efforts pour que le Parlement reflète véritablement la diversité de la société canadienne fait peu de doute. Toutefois, il faut avant toute chose disposer de données de qualité, non seulement sur les députés, mais aussi sur tous les participants au processus électoral.

Cette recommandation est conforme au rapport intitulé Élisez-la : Feuille de route pour accroître la représentation des femmes sur la scène politique canadienne, publié en avril 2019 par le Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes. L'une des recommandations de ce rapport était « [q]ue le gouvernement du Canada considère apporter des modifications afin de permettre, avec le consentement des candidats aux investitures, que soient recueillies des données intersectionnelles sur eux, notamment des données sur l'identité de genre ».

Recommandation 9.4.1

  • Pour bâtir un système électoral plus inclusif et représentatif, donner à Élections Canada, dans la Loi, le mandat de recueillir, sur une base volontaire, et de rendre publiques des données démographiques anonymisées sur les participants aux élections, dont des données sur le genre, l'origine ethnique, l'âge, le statut d'Autochtone et les handicaps.

9.5 Assouplissement pour le dépouillement du vote par anticipation

La Loi sur la modernisation des élections a énormément assoupli les modalités d'affectation des fonctionnaires électoraux aux bureaux de scrutin. Par contre, le dépouillement des bulletins déposés à un bureau de vote par anticipation doit encore être effectué par deux fonctionnaires électoraux qui étaient affectés à ce bureau.

Cette exigence pose problème lorsque les travailleurs d'un bureau de vote par anticipation travaillent également aux bureaux de scrutin ordinaires le jour de l'élection. Si l'on a besoin d'eux pour dépouiller les votes à la fermeture des bureaux le jour de l'élection, ils sont alors dans l'impossibilité de dépouiller les votes par anticipation. Une solution serait d'autoriser le directeur du scrutin à affecter d'autres fonctionnaires électoraux disponibles au dépouillement des votes par anticipation.

Depuis l'assouplissement en 2018 des modalités d'affectation des travailleurs aux bureaux de vote, il est maintenant peu probable qu'un bureau soit occupé par les mêmes travailleurs durant les 48 heures du vote par anticipation. Grâce aux assouplissements adoptés, les fonctionnaires électoraux peuvent désormais prendre des pauses lorsqu'ils sont fatigués et lorsqu'au sein d'un bureau de scrutin achalandé être réaffectés afin de mieux servir les électeurs en période de pointe. C'est pourquoi le dépouillement des votes par anticipation par les mêmes travailleurs ne contribue pas nécessairement à l'intégrité du processus. En réalité, plusieurs fonctionnaires électoraux auront travaillé à un bureau de scrutin donné au cours des quatre jours de vote par anticipation. La Loi devrait être modifiée pour tenir compte de cette réalité et pour faciliter le dépouillement des votes par anticipation.

Recommandation 9.5.1

  • Pour faciliter le dépouillement des votes par anticipation, modifier la Loi afin d'accroître la marge de manœuvre des directeurs du scrutin au moment d'affecter des travailleurs au dépouillement.

9.6 Augmenter la confiance dans les dépenses déclarées par les partis

À l'heure actuelle, les partis politiques ne sont pas tenus par la Loi de fournir des pièces justificatives avec leurs rapports financiers, contrairement aux candidats, aux candidats à la direction, aux candidats à l'investiture et aux tiers, auxquels le DGE peut demander des justificatifs de dépense. Une harmonisation des règles a déjà été recommandée par d'anciens DGE, dans des rapports présentés au Parlement en 2005, en 2010 et en 2016. Élections Canada recommande encore une fois que les partis politiques soient tenus de fournir des pièces justificatives avec leurs rapports financiers.

À chaque élection, les partis politiques du Canada reçoivent des dizaines de millions de dollars en subventions publiques directes, versées sous forme de remboursements des dépenses électorales et d'autres dépenses admissibles, ainsi que des millions de dollars supplémentaires en subventions publiques indirectes, versées sous différentes formes.

Toutefois, ce soutien financier est accordé alors que décline la confiance du public envers les institutions politiques. Les rapports financiers, les vérifications effectuées par Élections Canada et la publication de renseignements sur les activités de financement politique sont autant de mesures cruciales pour lutter contre ce déclin. Malheureusement, l'absence d'obligation de fournir des justificatifs de dépenses nuit à l'efficacité de ces mesures.

La Loi sur la modernisation des élections a habilité le commissaire aux élections fédérales à demander des pièces justificatives au cours d'une enquête. Ce pouvoir était certes un ajout nécessaire à l'arsenal du commissaire, mais son mandat d'exécution demeure un complément, et non un substitut, au programme de vérification et de transparence administré par le DGE. Qu'importe si un cas est renvoyé ou non au commissaire, les électeurs et les contribuables sont en droit de s'attendre à un processus de vérification complet et rigoureux. De plus, sans ce pouvoir, le DGE est moins apte à renvoyer les cas qui l'exigent au commissaire. Or, ce dernier ne peut pas demander de pièces justificatives s'il n'est pas saisi d'une affaire. Le commissaire aux élections fédérales appuie cette recommandation.

Par souci de transparence et de saine gestion des fonds publics, les partis politiques enregistrés devraient être tenus de produire des justificatifs des dépenses dont ils demandent le remboursement, lorsqu'Élections Canada en fait la demande au cours du processus de vérification.

Recommandation 9.6.1

  • Pour assurer la transparence et accroître la confiance des électeurs, autoriser le DGE à demander aux partis tout document ou renseignement qu'il juge nécessaire pour vérifier si les partis et leur agent principal ont respecté les exigences de la Loi relatives aux rapports de dépenses électorales.