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Optimiser les valeurs du redécoupage


Chapitre 4 – Soutenir le processus de redécoupage

Les commissions de délimitation des circonscriptions sont chargées de garantir l'un des droits constitutionnels fondamentaux des Canadiens. À cette fin, il est essentiel qu'elles soient indépendantes et aient des pouvoirs substantiels, comme on le mentionne dans les chapitres précédents. Cependant, elles ne peuvent mener à bien l'ensemble de leurs tâches sans un certain soutien administratif et pratique.

La Loi actuelle prévoit qu'un soutien administratif soit accordé aux commissions par des organismes tels qu'Élections Canada, Ressources naturelles Canada et Statistique Canada. Dans l'ensemble, cependant, elle ne précise pas expressément que les commissions doivent recevoir un soutien administratif dans l'exercice de leurs fonctions administratives.

Dans les faits, il est parfois difficile, voire impossible pour les commissions de s'occuper elles-mêmes de beaucoup de ces activités d'administration courante. En effet, une commission est une entité temporaire qui ne peut réaliser des travaux que pendant sa période d'existence juridique, et il existe beaucoup d'obligations administratives qui, lorsqu'elles doivent être assumées par une entité temporaire de taille modeste, deviennent pour elle des facteurs d'inefficacité. Pour ces raisons, il faudrait prévoir dans la Loi qu'un soutien aux tâches administratives doit être fourni aux commissions.

Ce soutien ne doit cependant pas miner les valeurs primordiales que sont l'impartialité et l'indépendance des commissions, ni donner cette impression. Il faut donc différencier les modes de soutien appropriés de ceux qui ne le sont pas.

4.1 Lignes directrices

Le comité permanent a recommandé qu'Élections Canada fournisse aux commissions :

  • des instructions et des lignes directrices pour déterminer et rendre une décision sur les communautés d'intérêts, la spécificité et les tendances historiques des circonscriptions (recommandation 1);
  • les critères de base requis pour les décisions relatives aux rapports et un format de rapport normalisé (recommandation 1);
  • des critères adéquats pour l'attribution d'un nom à chaque circonscription (recommandation 1);
  • des méthodes qui permettent d'évaluer la représentation d'une communauté (recommandation 4).

Ces lignes directrices et instructions pourraient être utiles aux commissaires et aider les députés et le grand public à comprendre leurs travaux, mais l'organisme habilité à les fournir se trouverait à participer activement, à l'échelle nationale, au redécoupage des circonscriptions, ce qui compliquerait le processus et rendrait l'organisme vulnérable aux interventions de tiers intéressés. De telles interventions s'inscriraient en marge du processus d'audience publique prévu par la Loi.

En outre, toute ligne directrice fournie ne devrait servir qu'à guider l'interprétation de la Loi. Or, les commissaires, qui sont adéquatement versés dans le domaine juridique, sont aussi bien placés que n'importe quel tiers, y compris Élections Canada, pour procéder à cette interprétation.

Il ne faut pas pour autant penser que les activités de la commission doivent être libres de toute contrainte – la Loi en impose d'ailleurs déjà, comme celle de déposer une proposition initiale et un rapport final, celle de faire publier un avis accompagné de certains documents, et celle de tenir au moins une audience publique. Toutes ces obligations sont autant de limites à la libre action des commissions. L'article 15 de la Loi stipule aussi que le principe de délimitation est l'égalité démographique, et que les commissions ne peuvent y déroger qu'à l'intérieur de certaines bornes.

Pour toutes ces raisons, nous ne recommandons pas qu'Élections Canada ou tout autre organisme soit habilité à fournir des lignes directrices ou instructions aux commissions à propos de tout aspect important du processus de redécoupage. Nous proposons plutôt que les préoccupations du comité permanent soient abordées directement dans le texte de la Loi – sans qu'Élections Canada serve d'intermédiaire dans l'établissement des directives –, afin que toute contrainte à la liberté de décision des commissions de délimitation soit débattue au Parlement et ne puisse être modifiée à l'avenir que par cette voie.

4.2 Le soutien administratif aux commissions

Recommandation 4.2 :

Il faudrait ajouter à la Loi un article qui confère expressément à Élections Canada l'autorité d'offrir un soutien administratif aux commissions de délimitation des circonscriptions. Celles-ci seraient obligées de l'accepter.

En plus de leurs travaux principaux, toutes les commissions doivent effectuer diverses tâches administratives pour que le redécoupage se déroule sans encombre. Au nombre de ces tâches figurent actuellement la location de locaux et d'équipement, l'embauche et la rémunération d'employés et de fournisseurs, et l'obtention du soutien technique nécessaire entre autres aux connexions Internet. La commission et son personnel peuvent se charger de quelques-unes de ces tâches; cependant, bon nombre d'entre elles, bien que nécessaires au fonctionnement de tout bureau moderne, demandent un grand investissement de temps et sont difficiles à accomplir efficacement par une entité temporaire de petite taille. La commission pourrait allouer à ses travaux de redécoupage le temps qu'elle passe à s'acquitter d'obligations administratives.

Par ailleurs, le souci extrême d'indépendance des commissions donne parfois lieu à des pratiques non efficientes et à des coûts superflus. Il est difficilement justifiable que les commissions établissent ou achètent 10 systèmes de paie, 10 sites Web ou 10 logiciels différents.

Par le passé, Élections Canada a offert un appui administratif aux commissions. Pendant le dernier redécoupage, Élections Canada a fourni les services suivants, qui ne sont pas mentionnés expressément dans la Loi :

  • location de bureaux et d'équipement de bureau;
  • services de paie;
  • soutien technique à la conception et à la tenue à jour de sites Web;
  • aide cartographique;
  • en-tête de lettres et cartes professionnelles;
  • aide à la publication des avis sur les audiences des commissions;
  • services de traduction;
  • services d'impression;
  • entreposage des documents et autres services au terme du redécoupage.

Il faudrait énoncer expressément dans la Loi ce rôle d'Élections Canada au regard du soutien administratif.

4.3 Communication de renseignements aux commissions

Recommandation 4.3 :

Élections Canada devrait être mandaté pour faciliter la communication de renseignements aux commissaires lors de séances d'information ou d'autres façons. Les commissions seraient obligées de tenir compte de ces renseignements.

Le comité permanent a recommandé qu'Élections Canada fournisse aux commissions du matériel de formation normalisé (recommandation 1.1). Il a aussi proposé que soit fourni aux commissions ce qui suit :

  • des stratégies pour déterminer les points de départ naturels du redécoupage;
  • des exemples de conseillers spécialisés devant être consultés (planificateurs municipaux, fonctionnaires provinciaux oeuvrant dans les domaines de la statistique ou de la démographie, etc.);
  • une documentation standardisée afin de les inciter à comprendre à fond et de manière uniforme les applications du critère relatif à la communauté (tel que définie par la Loi);
  • une liste des facteurs importants qui permettent aux députés de représenter efficacement une communauté;
  • une description de l'ensemble des obligations d'un député afin qu'elles puissent comprendre l'incidence des changements de limites sur les besoins des électeurs (recommandation 4).

Pour réaliser les tâches complexes qui leur sont confiées, les commissions doivent avoir accès à des renseignements sur une large gamme de sujets, y compris ceux énumérés ci-dessus. La recherche d'information sur des questions comme les limites des circonscriptions, les communautés d'intérêts et la représentation effective peut cependant être ardue. Lorsque des sources d'information sont offertes aux commissions, elles doivent l'être dans le plus grand respect de leur indépendance, et d'une façon qui montre clairement que le but poursuivi n'est pas d'influencer la position des commissaires, mais uniquement de les renseigner objectivement.

Avant le dernier redécoupage, le directeur général des élections a organisé à Ottawa une conférence où les commissaires ont pu discuter de leur travail et écouter des chercheurs et d'autres intervenants les entretenir des principaux défis posés par le redécoupage. Des députés membres du comité permanent ont été invités à la conférence, et leur présence a particulièrement été encouragée à la discussion sur les communautés d'intérêts et la spécificité. On a présenté aux commissaires des ressources, mais aucune directive ni interprétation ne leur a été intimée par Élections Canada.

Élections Canada pourrait mener le même genre d'initiatives à l'avenir. Ces activités d'information ne viseraient pas à prescrire aux commissions des lignes directrices ou des instructions à suivre, mais plutôt à donner aux commissaires de partout au pays l'occasion d'échanger des idées et d'obtenir de l'information sur le redécoupage provenant de diverses sources.

Le comité permanent a recommandé que les commissaires soient mieux informés sur les obligations d'un député (recommandation 4.5). À cet égard, on pourrait convier aux activités d'information d'Élections Canada un groupe de députés de partout au pays qui brosseraient un tableau de leurs responsabilités.

4.4 Normalisation des rapports

Recommandation 4.4 :

Il faudrait modifier l'article 20 de la Loi de manière à préciser que le rapport de chaque commission doit comprendre les renseignements suivants, dans l'ordre :

  • des cartes des circonscriptions proposées;
  • une brève introduction énonçant le nom de chaque commissaire, le nombre de circonscriptions attribuées à la province et tout autre renseignement contextuel jugé important;
  • un tableau présentant la population de chaque circonscription de la province et l'écart avec le quotient provincial;
  • une justification, si la commission le juge nécessaire, des limites et du nom accordés aux circonscriptions;
  • toute autre question dont la commission désire traiter;
  • le lieu et la date des audiences publiques tenues dans la province, et le nom des personnes y ayant fait des observations;
  • une description géographique des circonscriptions proposées.

Les rapports envoyés par les commissions à la Chambre des communes à l'occasion du dernier redécoupage exposaient les limites et les populations de circonscriptions proposées, ainsi que le nom à leur attribuer, conformément à l'article 20 de la Loi. Ils comprenaient aussi des cartes, une brève justification des choix opérés et, entre autres renseignements, un tableau des écarts entre les populations et le quotient provincial et, dans certains cas, la liste des lieux et dates des audiences publiques.

Le comité permanent, dans son examen des rapports, a recommandé qu'un modèle de rapport normalisé soit fourni aux commissions, afin que tous les rapports comprennent les motifs de leurs décisions et expliquent leurs méthodes de travail (recommandation 10). Selon le comité, on simplifierait ainsi l'étude de ces rapports.

La normalisation de la présentation des rapports faciliterait leur comparaison, et garantirait qu'aucun élément d'information important n'y manque. En outre, les rapports des commissions ne sont pas complètement indépendants les uns des autres, puisqu'ils sont fondus ensemble pour créer le décret de représentation. Il est donc logique qu'ils soient établis selon un modèle uniforme.

On pourrait modifier l'article 20 de la Loi pour y énumérer tous les éléments qui doivent être présentés dans le rapport d'une commission. Ces éléments devraient obligatoirement figurer dans tout rapport.

4.5 Rapports après le redécoupage

Recommandation 4.5 :

Il faudrait ajouter à la Loi une disposition énonçant que, après un redécoupage, le directeur général des élections peut soumettre dans un rapport au Parlement les modifications qu'il souhaite qu'on apporte à la Loi en vue d'en améliorer l'administration.

Comme les redécoupages ont lieu tous les dix ans, on court toujours le risque que les leçons tirées du redécoupage précédent, surtout sur le plan administratif, soient oubliées au moment de commencer le suivant. Dans la Loi électorale du Canada et la Loi référendaire, il est stipulé que, à la suite d'une élection générale ou d'un référendum, le directeur général des élections doit faire rapport au Parlement de toutes les modifications que, selon lui, il importe d'apporter à ces deux lois.

L'inclusion d'une disposition similaire dans la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales habiliterait officiellement Élections Canada à déposer un rapport de recommandations dont le Parlement pourrait s'aider pour réviser la Loi.