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L'encadrement des communications politiques lors des élections fédéralesDocument de discussion 1 : Réglementation des communications politiques en vertu de la Loi électorale du Canada

La partie de la LEC traitant des communications politiques trouve son origine dans les travaux du Comité Barbeau, qui a présenté son rapport en 1966, et dans la Loi sur les dépenses électorales, adoptée par le Parlement en 19741. Ce Comité et la Loi qui a suivi ont été influencés par des problèmes découlant d'une forte hausse des coûts de campagne provoquée par le média relativement nouveau et puissant qu'était la télévision. La Loi, telle qu'elle a été créée dans les années 1970 et 1980, prévoyait des plafonds de dépenses et des obligations de déclaration pour les partis et les candidats. Ces dispositions visaient à garantir l'équité, à réduire les coûts et à assurer la transparence. Elles contenaient des dispositions visant les communications et en particulier, la publicité radiodiffusée. Ces dispositions portaient notamment sur des subventions pour l'achat de publicité et un processus de répartition du temps d'émission entre les partis. À cette époque, les règles encadrant les communications n'étaient applicables que pendant la période électorale (entre la délivrance des brefs et le jour du scrutin)2.

Au fil des ans, des modifications législatives ont permis de développer et d'élargir ce cadre. En 2000, la LEC a été révisée et bon nombre des dispositions portant sur des types de communication en particulier, notamment la radiodiffusion, ont été élargies pour tenir compte de toute la « publicité électorale ». En outre, de nouvelles règles visant les tiers ont été mises en place, limitant les dépenses de publicité électorale et exigeant la déclaration de ces dépenses3. Le projet de loi C-76, adopté en 2018, s'est appuyé sur des exigences existantes, notamment en étendant l'application de certaines dispositions en dehors de la période électorale dans le cas d'une élection générale à date fixe4. Toutefois, les éléments de la Loi actuelle reflètent ceux adoptés par le Parlement il y a plusieurs décennies. Ces éléments peuvent être divisés en trois groupes principaux :

  • ceux qui contribuent à la transparence;
  • ceux qui favorisent l'équité;
  • ceux qui interdisent certaines communications dans le but de promouvoir un débat démocratique plus sain.

Transparence

La transparence peut elle-même être divisée en trois éléments :

  • la transparence concernant les personnes qui communiquent;
  • la transparence concernant les personnes ayant payé les communications;
  • la transparence concernant la nature et le contenu des communications.

La transparence présente plusieurs avantages, notamment pour lutter contre la corruption et les activités illégales et pour promouvoir la confiance du public dans le processus électoral dans son ensemble5. La transparence favorise également un électorat mieux informé6.

Transparence concernant les personnes qui communiquent

En ce qui concerne les personnes qui communiquent, la LEC prévoit que la publicité électorale diffusée par les partis et les candidats doit contenir une déclaration selon laquelle sa diffusion est autorisée par l'agent concerné (« l'énoncé d'autorisation »)7. Dans le cas de tiers, le projet de loi C-76 a ajouté des exigences selon lesquelles l'énoncé d'autorisation doit être « visible ou autrement accessible » et doit contenir le nom et l'adresse Internet ou municipale du tiers8.

La LEC contient également des dispositions régissant la transparence en matière de sondages électoraux tels que les sondages d'opinion. La Loi exige que le premier éditeur d'un tel sondage fournisse les noms des personnes qui l'ont commandité et réalisé.

De plus, la LEC contient des dispositions administrées par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) qui exigent la transparence en ce qui concerne les communications par téléphone. Les entités politiques, les tiers ainsi que les groupes et personnes qui appellent des électeurs pendant une élection fédérale et au sujet de l'élection doivent s'inscrire auprès du CRTC dans les 48 heures suivant le premier appel; les entités politiques et les personnes qui utilisent leurs services internes pour passer des appels en direct font exception. Les fournisseurs de services d'appel doivent également s'inscrire auprès du CRTC s'ils passent des appels au nom de quelqu'un9.

Le projet de loi C-76 a ajouté de nouvelles exigences relatives à la transparence en ce qui concerne certaines publicités politiques en ligne. Un registre tenu et publié par la plateforme comprend de l'information sur l'autorisation10.

Transparence concernant les personnes ayant payé les communications

Le deuxième élément de la transparence, à savoir qui a payé les communications, est en grande partie réalisé par les rapports des entités politiques sur leurs donateurs. Les partis, les candidats, les associations de circonscription, les candidats à l'investiture et les candidats à la direction d'un parti sont tous tenus de présenter des rapports complets sur leurs donateurs11. Ces rapports sont ensuite publiés par Élections Canada et mis à la disposition du public pour inspection. Les tiers font également état de certaines de leurs contributions12. Ces rapports ne lient pas (pour la plupart) directement les contributions aux communications, mais ils fournissent de l'information qui peut servir pour comprendre qui soutient les activités des entités politiques.

Un lien plus étroit entre le financement et l'activité existe en ce qui concerne les sondages électoraux. La première publication du sondage doit comporter le nom du commanditaire13.

Transparence concernant la nature et le contenu des communications

La transparence prévue par la LEC concerne en grande partie les éléments ci-dessus. Toutefois, dans un nombre limité de cas, la LEC exige de l'information supplémentaire sur la nature et le contenu des communications. Les candidats, les candidats à la direction d'un parti, les candidats à l'investiture et les tiers sont tenus de préparer un rapport détaillé sur le coût de dépenses particulières, y compris les communications. Les tiers sont également tenus de signaler le lieu de la communication14.

De plus, la première personne qui transmet un sondage électoral et toute personne qui le transmet dans les 24 heures qui suivent doivent joindre au sondage divers types d'informations méthodologiques pour aider l'électeur à comprendre la fiabilité du sondage15. Le demandeur du sondage doit également publier sur un site Web public un autre rapport plus détaillé sur la méthodologie utilisée16. Enfin, si un sondage électoral publié n'est pas basé sur des méthodes statistiques reconnues, cette information doit être précisée dans les résultats du sondage au moment de leur publication, ou s'ils sont retransmis, dans les 24 heures17.

En outre, le registre de publicités politiques en ligne mentionné ci-dessus comprend non seulement le nom de la personne ayant autorisé la publicité, mais aussi des copies des publicités elles-mêmes18. Ainsi, il y a un degré supplémentaire de transparence, car il existe un dossier permanent et révisable sur le contenu de la publicité19.

En ce qui concerne les appels aux électeurs, en plus de l'enregistrement de la personne responsable des appels (tel que mentionné ci-dessus), quiconque conclut ou a conclu un contrat avec un fournisseur pour passer des appels doit conserver un dossier de chaque numéro de téléphone appelé, des copies de tous les scripts utilisés pour les appels de vive voix, des enregistrements de chaque message envoyé par un dispositif de composeur-messager automatique et de chaque date à laquelle le script ou le message a été utilisé20. Bien que de tels documents doivent être conservés et pourraient être utilisés dans le cadre d'une poursuite, ils ne sont pas accessibles au public.

Équité

Le deuxième objectif des dispositions relatives au financement politique de la Loi est l'équité du processus électoral concernant le financement des participants à ce processus. L'équité devrait être atteinte en « uniformisant les règles du jeu », en favorisant des choix éclairés et en assurant la confiance du public dans le système électoral par la réduction de l'influence financière sur les élections21. La LEC y parvient principalement en imposant des plafonds de dépenses pendant les élections et en utilisant des subventions (notamment des remboursements de dépenses électorales et des crédits d'impôt pour les contributions) pour permettre aux participants de mieux transmettre leurs messages aux électeurs22.

En plus de ces dispositions générales sur le financement politique, la LEC contient des dispositions particulières visant certaines communications, ayant pour but d'uniformiser davantage les règles du jeu de ces communications entre les entités politiques. Là encore, ces dispositions sont axées sur la radiodiffusion, ce qui reflète la préoccupation de l'époque à laquelle elles ont été rédigées23.

La LEC prévoit un arbitre en matière de radiodiffusion, chargé d'arbitrer les décisions entre les radiodiffuseurs et les partis concernant la réservation du temps d'émission24. Ainsi, les propriétaires d'organismes de radiodiffusion ne peuvent accorder un traitement favorable à l'un ou l'autre des partis et donc supprimer les messages des uns ou favoriser les messages des autres.

La LEC stipule également que facturer un tarif de diffusion ou de publicité dans une publication périodique qui dépasse le montant le plus bas facturé pour un temps ou un espace équivalent à un parti politique ou à un candidat est une infraction25.

Exigences sur les communications afin de promouvoir un dialogue politique sain

Enfin, la LEC contient diverses dispositions qui restreignent ou interdisent les communications que le Parlement a jugées problématiques. Ces dispositions ont pour but d'améliorer le dialogue démocratique et de faciliter le processus de prise de décision pour les électeurs.

La LEC contient notamment des dispositions stipulant que les nouveaux sondages d'opinion et certaines publicités électorales sont interdits le jour du scrutin26. Par le passé, la LEC prévoyait d'autres périodes d'interdiction plus longues, mais au fil des ans, des décisions judiciaires et des amendements ont réduit ces dispositions aux périodes d'interdiction plus ciblées d'aujourd'hui27.

La LEC contient également des interdictions plus ciblées sur certaines fausses communications relatives aux candidats ou associées aux campagnes des candidats ou des partis28. Il est également interdit de tenter intentionnellement d'induire quelqu'un en erreur en usurpant l'identité d'une entité politique ou d'un fonctionnaire électoral29.

Sans surprise, les efforts visant à interdire – par opposition à réglementer ou à restreindre – des communications ont suscité des contestations constitutionnelles, et les gouvernements ont dû expliquer la raison pour laquelle certaines communications sont suffisamment problématiques pour justifier une interdiction. Dans l'affaire Thomson Newspapers Co. c. Canada, où la Cour a examiné la constitutionnalité de l'embargo de trois jours sur les sondages d'opinion qui se trouvait alors dans la LEC, il a été soutenu que l'interdiction des sondages était nécessaire pour offrir aux électeurs une période de répit pour examiner leurs choix de vote, et que cette période laissait l'occasion de répondre à un sondage trompeur30.

La Cour a estimé que l'argument d'une période de répit n'était pas fondé. La Cour a suggéré que les Canadiens n'ont pas besoin d'une interdiction de certains types d'informations pour les protéger de toute distraction quant à leur décision de vote. Toutefois, la Cour a conclu que la capacité de répondre à un sondage « inexact » justifiait une période d'interdiction, mais seulement le jour même du scrutin, puisque les candidats et les partis auraient le temps de répondre aux sondages inexacts publiés la veille du jour du scrutin31.

Lorsque la constitutionnalité de la période d'interdiction de publicité le jour du scrutin a été contestée dans l'affaire Harper c. Canada, la Cour a estimé que cette atteinte à la liberté d'expression était justifiée pour promouvoir l'objectif d'un vote éclairé en donnant la possibilité « de relever, critiquer et possiblement corriger toute publicité trompeuse.32» La Cour a également noté que les périodes d'interdiction pouvaient être justifiées par l'objectif d'assurer l'égalité d'information avant le vote dans toutes les régions du pays33.

Notes de bas de page

Note 1 Canada. Rapport, Commission des dépenses électorales, Ottawa, 1966. Loi sur les dépenses électorales, S.C. 1973-74, ch. 51.

Note 2 W.T. Stanbury, Money in Politics: Financing Federal Parties and Candidates in Canada (Toronto: Dundurn, 1991), pp. 27-39. F. Leslie Seidle, « The Election Expenses Act, the House of Commons and the Parties » dans J.C. Courtney, ed., The Canadian House of Commons: Essays in Honour of Norman Ward (Calgary: University of Calgary Press, 1985), p. 113 (en anglais seulement).

Note 3 Loi électorale du Canada (ci-après, la LEC), L.C. 2000, ch. 9. Voir, en général, la partie 16.

Note 4 Loi sur la modernisation des élections, L.C. 2018, ch. 31. Une période « préélectorale » d'une élection générale à date fixe a été définie au paragraphe 2(1), qui a ensuite été appliqué à certaines activités d'entités politiques, notamment celles des tiers.

Note 5 Voir L. Young, « Toward Transparency: An Evaluation of Disclosure Arrangements in Canadian Political Finance » dans F. Leslie Seidle, ed., Issues in Party and Election Finance in Canada (Toronto: Dundurn, 1991) p. 3 (en anglais seulement). Voir aussi L. Turnbull, Transparent and Level: Modernizing Political Financing in Canada, (Ottawa, Public Policy Forum, 2018), p. 5 (en anglais seulement).

Note 6 Harper c. Canada 2004 CSC 33, paragraphes 23 et 91.

Note 7 LEC, infra, art. 320 et 429.3.

Note 8 LEC, infra, art. 349.5 et 352.

Note 9 Ces exigences ont été ajoutées à la Loi par L.C. 2014, ch. 12.

Note 10 LEC, infra, art. 325.1 et 325.2.

Note 11 LEC, infra, par. 432(2), 475.4(2), 476.75(2), 477.59(2) et 478.8(2).

Note 12 LEC, infra, par. 359(4).

Note 13 LEC, infra, art. 326.

Note 14 Voir art. 476.75 (candidats à l'investiture), 477.59 (candidats), 478.8 (candidats à la direction d'un parti) et 359 (tiers). Si ces derniers sont tenus de fournir un rapport détaillé des dépenses et des documents justifiant ces dépenses, les partis enregistrés et les associations de circonscription enregistrées ne sont pas tenus par la Loi de fournir de tels détails ou documents.

Note 15 LEC, infra, par. 326(1) et (2).

Note 16 LEC, infra, par. 326(3).

Note 17 LEC, infra, art. 327.

Note 18 LCE, infra, alinéa 325.1(3)a).

Note 19 La facilité de référence est limitée par le fait que chaque plateforme crée et tient son propre registre.

Note 20 LEC, infra, partie 16.1.

Note 21 Libman c. Québec [1997] 3 SCR 569 et Harper, infra, au paragraphe 63. Ces arrêts reflètent l'acceptation par la Cour suprême du fait que les plafonds de dépenses pendant une élection, bien qu'ils constituent une restriction à la liberté d'expression, peuvent être justifiés en vertu de l'article 1 de la Charte des droits et libertés.

Note 22 Les plafonds de dépenses se trouvent dans la LEC, infra, art. 429.1 et art. 430 (partis), art. 477.5 (candidats), et art. 349.1 et art. 350 (tiers). Les dispositions relatives au remboursement des dépenses électorales se trouvent à l'art. 444 (partis) et aux art. 477.73 et 477.74 (candidats). Le remboursement de l'impôt sur le revenu se trouve dans la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, 5e suppl., ch.1, par. 127(3).

Note 23 Voir notamment la LEC, infra, art. 335 et 345.

Note 24 LEC, infra, art. 332.

Note 25 LEC, infra, art. 348.

Note 26 LEC, infra, art. 323, 324 et 328.

Note 27 Il convient de noter que la tendance croissante au vote par anticipation (qui représente 26 % de tous les bulletins de vote recueillis lors de l'élection générale de 2019) soulève également des questions quant à la pertinence des périodes d'interdiction le jour du scrutin. Voir directeur général des élections, Rapport sur la 43e élection générale du 21 octobre 2019 (11 février 2020), section 3.2.

Note 28 L'article 91 fait actuellement l'objet d'une contestation constitutionnelle dans l'affaire Canadian Constitution Foundation v. Canada (Attorney General), Cour supérieure de l'Ontario, dossier numéro CV-1900-6273800000 (en anglais seulement).

Note 29 LEC, infra, art. 480.1 et. 481.

Note 30 Thomson Newspapers Co. c. Canada [1998] 1 SCR 877, paragraphes 96 à 99.

Note 31 Ibid., aux paragraphes 100 à 109.

Note 32 Harper c. Canada, infra, paragraphe 133.

Note 33 Harper c. Canada, infra, paragraphe 133. L'objectif de l'égalité de l'information comme raison pour limiter les communications a également été invoqué par la Cour suprême dans l'affaire R. c. Bryan 2007 SCC 12, en confirmant la période d'interdiction (désormais abrogée) sur la diffusion des résultats de certaines régions du pays dans d'autres endroits où les bureaux de vote n'étaient pas encore fermés.