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Document de discussion : Enjeux découlant des communications téléphoniques inappropriées reçues par des électeurs

3. Difficultés rencontrées par les enquêteurs

Cette partie du document décrit certains des obstacles auxquels ont été confrontés les enquêteurs d'Élections Canada dans leur recherche de la source des appels inappropriés faits durant la dernière élection générale.

  • Absence de contrats écrits pour les services de télémarketing ou autres services de communication avec les électeurs

    Les enquêtes d'Élections Canada semblent indiquer que les principaux partis ont leur propre bassin d'entreprises de télémarketing, et qu'ils partagent leurs contacts avec les campagnes des candidats. Bien qu'il existe des factures, il n'y a habituellement pas de contrats écrits entre les campagnes et les entreprises de télémarketing détaillant quels services seront fournis, quand et à quel coût.
  • Limites actuelles à l'obligation de rendre compte à Élections Canada

    Les renseignements contenus dans les rapports produits par les partis politiques sont actuellement trop limités pour qu'on puisse en tirer de l'information pertinente. En effet, ces rapports ne comprennent que le détail des contributions reçues. Les dépenses électorales des partis y sont regroupées en catégories générales, et peu de détails sont fournis sur la façon dont elles ont été engagées. Aux termes de la loi actuelle, les partis politiques fédéraux ne sont pas tenus de fournir de pièces à l'appui de leurs dépenses.

    Si les rapports des candidats et les documents y afférents sont plus complets, et pourraient révéler qu'une entreprise de télémarketing a été engagée pour la diffusion de messages automatisés ou en personne aux électeurs, la raison de l'utilisation faite de ces services, ou le texte des messages communiqués aux électeurs en sont absents, puisque la LEC ne l'exige pasnote 18.

    De plus, si le rapport n'indique pas que la campagne a engagé une entreprise de télémarketing ou de télécommunication pour communiquer avec les électeurs, ou si la dépense n'a pas été engagée à des fins de publicité (p. ex. appels pour « faire sortir le vote ») et qu'elle est consignée dans le rapport, moins détaillé, de l'association de circonscription, Élections Canada ne saura pas que la dépense a servi à cet usage, à moins qu'il n'en soit informé autrement : plainte, dénonciation, etc.

    Enfin, les rapports peuvent être produits trop tard pour que l'information qui s'y trouve sur les ententes avec les fournisseurs de service soit vraiment utile à l'enquête.
  • La technologie au service de l'anonymat

    La technologie actuelle permet aux individus qui souhaitent contourner les règles d'éviter la détection de plusieurs façons. Ainsi, même lorsqu'il existe des dispositions législatives ou réglementaires applicables, comme les Règles du CRTC sur les télécommunications non sollicitées, ces dispositions peuvent être contournées dans la pratique à l'aide de moyens technologiques assurant l'anonymat. La solution à ce problème réside peut-être plus dans les progrès technologiques que dans la création de nouvelles règles.

    Services de téléphonie sur protocole Internet

    • La technologie VoIP permet de cacher l'origine d'un appel et de forcer l'affichage d'un faux numéro sur l'afficheur du destinataire. C'est ce que l'on appelle les appels mystérieux (ou, en anglais, « spoofing »). Ceci restreint la possibilité de remonter jusqu'à l'appelant la piste d'un appel fait en utilisant cette technologie.
    • La technologie a tellement évolué qu'il est possible d'installer un centre d'appel par VoIP pratiquement n'importe où, même dans un domicile privé, à l'aide d'un ordinateur récent, de quelques serveurs et de listes d'appels.
    • Cela dit, dans le cas de la circonscription de Guelph, le système utilisé a été celui d'une entreprise de communications connue qui a conservé ses propres dossiers d'appels et coopéré avec les enquêteurs.
    Serveurs mandataires

    • L'anonymat peut aussi être facilité par les serveurs mandataires servant d'intermédiaire pour les ordinateurs et les serveurs qui communiquent par Internet. Les serveurs mandataires garantissent l'anonymat en effaçant automatiquement les traces de l'origine des communications.
    • Dans l'enquête sur le dossier de Guelph, des documents déposés en cour par le commissaire aux élections fédérales indiquent que des serveurs mandataires ont servi à communiquer avec l'entreprise de communication sous une fausse identité.
    Téléphones cellulaires jetables

    • Les téléphones cellulaires jetables peuvent servir à dissimuler l'origine d'une communication. Certaines applications pour iPhone permettent également de créer des numéros de téléphone temporaires qui peuvent être utilisés pour faire des appels ou envoyer des messages texte sans laisser de trace.
    • Dans cette même enquête, des documents déposés en cour par le commissaire spécifient qu'un téléphone cellulaire jetable a servi à communiquer avec une entreprise de communication sous une fausse identité.
  • Absence de normes sur la rétention des données dans le secteur des télécommunications

    Il n'existe pas de normes dans le secteur des télécommunications, sur les données qui doivent être conservées, et sur la durée de leur rétention. Certaines entreprises ne conservent des données sur leurs télécommunications que si elles sont facturées. D'autres conservent tous les renseignements sur les communications faites par leurs utilisateurs (p. ex. date de l'appel, durée, numéro de téléphone du destinataire). Certaines conservent l'information seulement quelques jours, d'autres pendant trois mois. La durée de la période de rétention des données influe directement sur la capacité des enquêteurs de faire leur travail.

    Le Code criminel permet aux enquêteurs d'obtenir d'un juge une ordonnance de communication afin d'obliger des particuliers ou des entités à fournir ou à produire certains documents en leur possession. Moins drastiques que les mandats de perquisition, ces ordonnances peuvent être demandées lorsque les circonstances s'y prêtent. Aux termes du paragraphe 487.012(3), l'ordonnance ne sera accordée que si le dénonciateur (dans le cas d'Élections Canada, l'enquêteur) démontre qu'il a des motifs raisonnables de croire qu'une infraction a été ou est présumée avoir été commise.

    La rédaction de la dénonciation en vue de convaincre le juge d'accorder l'ordonnance de communication, la délivrance de l'ordonnance et la production des documents par leur détenteur peuvent prendre des semaines, voire des mois, compte tenu du déroulement de l'enquête et de la complexité du dossier. La chaîne des événements et des communications peut être très difficile sinon impossible à recréer lorsque l'entreprise ne conserve ses données de télécommunication que pendant une très courte période.
  • Critères d'obtention d'une ordonnance de communication

    Comme mentionné ci-dessus, l'ordonnance de communication ne peut être délivrée que si l'enquêteur prouve qu'il a des motifs raisonnables de croire qu'une infraction a été commise ou est présumée avoir été commise. Il doit également avoir des motifs raisonnables de croire que les documents ou données demandés fourniront une preuve que l'infraction a été commise et que ces documents ou données sont en la possession ou à la disposition de la personne de qui ils sont demandés. Si la plainte n'est fondée que sur la mémoire du témoin, ou sur des doutes après le fait, ces motifs pourraient ne pas suffire pour justifier la délivrance d'une ordonnance de communication de documents à une entreprise de télécommunication.
  • Nature publique de la dénonciation

    Lorsqu'un juge accorde une ordonnance de communication, un document lui est remis par la suite décrivant l'information obtenue. À ce stade, la dénonciation (c'est-à-dire le document dans lequel l'enquêteur explique pourquoi il a besoin des renseignements demandés, et pourquoi il croit que ces renseignements sont en la possession de la personne à qui ils sont demandés) devient accessible au public.

    C'est la découverte d'une de ces dénonciations par les journalistes du Ottawa Citizen qui a entraîné l'afflux de plaintes et de réactions de février 2012. Par contre, la publication du contenu des dénonciations a pu porter préjudice à la réputation des personnes ou entités contactées par les enquêteurs, alors que celles-ci n'étaient nullement accusées dans les dénonciations de visées malfaisantes.

Note 18 La loi permet au DGE de demander des documents supplémentaires à l'appui d'une dépense. Généralement, le contenu d'une publicité n'est pas pertinent à cette fin.