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Perspectives électorales – La participation électorale des groupes ethnoculturels

Perspectives électorales – Décembre 2006

La participation électorale des groupes ethniques et immigrants au Canada

Jack Jedwab
Directeur général, Association d'études canadiennes

Il est communément admis que le taux de participation des immigrants est moins élevé que celui des électeurs nés au Canada. Cette réalité masque toutefois la diversité des formes de participation des divers groupes ethnoculturels et ethnoraciaux du pays. Par exemple, le taux de participation autodéclaré varie entre certaines communautés d'origine européenne et non européenne. La mesure dans laquelle l'appartenance ethnique influence la participation est davantage affaire de conjectures que de contrôles empiriques. Relativement peu d'ensembles de données ont permis de procéder à des analyses de ce genre. L'Enquête sur la diversité ethnique de Statistique Canada jette un éclairage instructif sur la question. Les données révèlent en effet qu'il est beaucoup moins probable que les personnes établies au Canada entre 1991 et 2001 déclarent avoir voté que celles arrivées antérieurement. Les données montrent aussi pourtant que le taux de participation est plus élevé parmi les membres des minorités visibles nés à l'étranger que chez ceux nés au Canada. Ces constatations soulèvent des questions quant à la mesure dans laquelle l'enracinement accroît le taux de participation. Plus de répondants à identité ethnique forte que de répondants à identité faible disent avoir voté aux élections fédérales. L'appartenance ethnique ne semble donc pas réduire la participation électorale. Le présent article évoque la nécessité de revoir certaines idées reçues au sujet du lien entre ethnicité et participation électorale.

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La population de Canadiens nés à l'étranger se compose en grande partie de personnes dont l'origine ethnique n'est ni britannique ni française. Comme on pense généralement que les immigrants sont moins portés à voter que les non-immigrants, les communautés ethniques minoritaires font l'objet d'une attention grandissante chez ceux qui s'inquiètent de la baisse de la participation électorale dans les pays démocratiques. Et comme près d'un Canadien sur cinq est né à l'étranger, il ne faut pas s'étonner de l'intérêt considérable que suscite ici la participation électorale des immigrants et des communautés ethniques.

Ceux qui invoquent la dichotomie immigrant/non-immigrant pour expliquer les différences de participation électorale font parfois trop peu de cas de la diversité des antécédents ethnoculturels et ethnoraciaux des Canadiens nés à l'étranger. De fait, il n'est pas évident que les immigrants votent moins que les non-immigrants. Toutefois, certains groupes ethniques ont plus tendance à voter que d'autres et la différence est souvent associée à la « fraîcheur » de l'immigration de la communauté en question. À quelques exceptions près, le taux de participation autodéclaré varie entre communautés d'origine européenne et non européenne. Néanmoins, dans plusieurs groupes non européens, le taux autodéclaré de participation est plus élevé chez les Canadiens nés à l'étranger que chez ceux nés au Canada.

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À l'aide des données de l'Enquête sur la diversité ethnique de 2002 de Statistique Canada, nous examinons les différences observées de la participation aux élections fédérales de plusieurs groupes européens et non européens. La manière la plus efficace d'analyser les observations concernant les Canadiens d'origine non européenne est de se servir des données sur les minorités visibles. (Pour Statistique Canada, font partie des minorités visibles les personnes, autres que les Autochtones, qui ne sont pas de race blanche ou qui n'ont pas la peau blanche, selon la Loi sur l'équité en matière d'emploi.) Pour mieux comprendre la dichotomie électorale immigrant/non-immigrant, nous analysons le taux de participation autodéclaré des membres immigrants et non immigrants des minorités visibles. Les analystes de la participation électorale ont établi de fortes corrélations entre l'âge et le taux de participation et on trouvera certaines réponses à la question de savoir si l'identification ethnique joue également un rôle.

Beaucoup de Canadiens pensent que le choix de l'électeur est souvent lié à l'identification ethnique. Un sondage réalisé en janvier 2006 par Ipsos Canada révèle que trois Canadiens sur quatre estiment que « les membres de certaines minorités ethniques du Canada ont tendance à voter en bloc pour un parti ou un candidat en particulier » [traduction] note 1. En revanche, dans le même sondage, deux tiers des répondants disent qu'ils ne seraient pas plus enclins à voter pour un candidat aux mêmes antécédents ethniques ou religieux que les leurs. Il y a lieu de noter qu'il était tout aussi improbable que le répondant immigrant et non immigrant, des minorités visibles et d'autres catégories, vote pour un candidat pour cette raison.

Recherches sur l'ethnicité et la participation électorale

La définition multidimensionnelle de l'identité ethnique, composée d'éléments comme l'origine, l'ascendance, la langue et la religion, complique l'étude des corrélations entre ethnicité et participation électorale.

On ignore encore avec précision dans quelle mesure l'appartenance ethnique encourage les électeurs des minorités à participer aux élections. La manière dont l'appartenance ethnique influe sur cette participation a davantage fait l'objet de conjectures que d'essais empiriques. En réalité, à ce jour, relativement peu d'ensembles de données nous permettent d'établir un lien de causalité entre l'expression complexe de l'identité ethnique et certains aspects de la participation à la vie démocratique. L'analyse des liens entre ethnicité et vote se trouve compliquée d'autant par la définition multidimensionnelle de l'identité ethnique, composée d'éléments comme l'origine, l'ascendance, l'identité, la langue et la religion.

Dans l'étude du taux de participation des groupes ethniques, Black a mesuré l'influence relative de l'ethnicité et du lieu de naissance. Pondérant les variations attribuables au statut socioéconomique, à l'âge, aux attitudes politiques et à l'adhésion associative, il a constaté que seuls les répondants des Antilles (tous nés à l'étranger) votaient notablement moins que le groupe témoin : les Britanniques nés au Canada note 2. D'après Black, il est intéressant de constater que la prise en compte de la durée de résidence au Canada réduit, sans l'éliminer, la différence du vote des Antillais.

Lapp, en revanche, insiste sur le fait que tant les populations nées au Canada que nées à l'étranger se caractérisent par la diversité de leur composition ethnoculturelle note 3. Dans son étude des communautés ethniques de Montréal, Lapp relève que la participation de certains groupes ethniques est plus forte que la moyenne provinciale. Elle signale que c'est le cas de la communauté grecque mais non des communautés chinoise et juive de Montréal. Dans le cas des Italiens et des Portugais, le taux de participation égalait celui de la population en général. Lapp précise que ces variations sont présentes même en corrigeant des facteurs de citoyenneté, de période d'immigration et de langue parlée à la maison. Autrement dit, la participation ne dépend pas seulement de la longueur de la période passée au Canada. Lapp affirme donc que l'adaptation de l'immigrant n'est pas toujours la meilleure variable explicative de la participation électorale.

Souvent, derrière cette perception de dichotomie entre l'électeur immigrant et non immigrant, se profile la question de l'identification au Canada. Sous cet angle, certaines hypothèses peuvent être avancées au sujet de la mesure dans laquelle l'appartenance à un groupe ethnique réduit la participation au processus électoral. Les analyses portant sur l'intégration culturelle donnent à penser que les nouveaux venus connaissent moins bien les normes et les valeurs politiques du Canada que les Canadiens de naissance note 4. Le fait que les immigrants viennent de cultures différentes peut aussi avoir une action différenciatrice sur leur participation à la vie politique du pays. Peut-être ont-ils du mal à transposer l'expérience politique de leur pays d'origine au processus politique canadien. Sont scrutées de plus en plus attentivement les explications de la faiblesse du taux de participation fondées sur les problèmes d'intégration culturelle. Contrairement aux conclusions sur le rôle des connaissances dans la formation de l'opinion publique, en effet, Bilodeau et Nevitte soutiennent que les connaissances factuelles au sujet du milieu d'accueil n'ont pas d'effets significatifs sur la façon dont les immigrants acquièrent confiance dans les institutions politiques du pays d'accueil. Les immigrants plus familiers avec la culture démocratique du pays d'accueil ne manifestaient ni plus ni moins de confiance que ceux qui l'étaient peu note 5.

Pour Lapp, il est possible que le degré d'intérêt pour la politique soit une considération importante dans l'explication des taux de participation. Les dirigeants de la communauté chinoise de Montréal interviewés par Lapp ont admis qu'il était difficile de convaincre les gens de voter en raison de leur peu d'intérêt pour la politique. Inversement, les chefs de la communauté grecque attribuent son taux de participation disproportionnellement élevé à un vif intérêt pour la politique.

Un sondage Environics, réalisé pour le compte de l'Association d'études canadiennes en juillet et août 2004, a cherché à déterminer le degré d'intérêt pour la politique fédérale. L'enquête a révélé que 73 % des répondants estimaient que leur degré d'intérêt pour la politique n'avait pas changé à la suite de l'élection fédérale de 2004. Chez les autres répondants, toutefois, un plus grand nombre a déclaré que leur intérêt s'était accru (19 %) au lieu de diminuer (8 %). En moyenne, les immigrants interrogés étaient beaucoup plus enclins à signaler un intérêt grandissant pour la politique. C'était particulièrement le cas des immigrants non européens, 30 % d'entre eux indiquant un intérêt accru pour la politique après la campagne de 2004, 60 % n'indiquant aucun changement et 10 % signalant une baisse d'intérêt note 6.

Concentration des immigrants et taux de participation : élections fédérales de 2004 et 2006

Les résultats des élections fédérales de 2004 et 2006 révèlent que les circonscriptions à forte concentration d'immigrants ont affiché un taux de participation inférieur à la moyenne. En 2001, près de 90 % de tous les immigrants étaient domiciliés dans les provinces de l'Ontario, de Québec et de la Colombie-Britannique – particulièrement dans les régions de Toronto, Vancouver et Montréal. Comme l'indique le tableau 1, les circonscriptions à plus fort pourcentage d'immigrants se trouvent dans ces zones métropolitaines.

Tableau 1
Taux de participation aux élections fédérales de 2004 et 2006 dans les 15 circonscriptions fédérales ayant la plus forte population d'immigrants
Endroit Pourcentage de la population de la circonscription née à l'extérieur du Canada Taux de participation à l'élection fédérale de 2004 Taux de participation à l'élection fédérale de 2006
Ensemble du Canada 60,9 64,7
Scarborough–Rouge River 66,7 51,1 57,0
Scarborough–Agincourt 64,0 56,4 61,7
York-Ouest 61,2 48,5 57,9
Markham–Unionville 60,0 56,1 61,7
Don Valley-Est 59,6 59,4 63,8
Mississauga Est–Cooksville 58,0 52,4 58,3
Vancouver-Sud 57,7 55,8 56,4
Richmond 57,2 56,7 56,3
York-Centre 57,0 56,8 61,1
Etobicoke-Nord 55,8 51,0 59,0
Davenport 55,5 52,9 60,6
Vancouver Kingsway 55,0 58,0 58,7
Mississauga–Brampton-Sud 53,6 53,8 60,0
York-Sud–Weston 53,5 51,7 60,0
Saint-Laurent–Cartierville 46,9 54,3 55,3
Burnaby–New Westminster 46,0 59,0 60,1

Sources : Statistique Canada, Recensement du Canada, 2001; et Élections Canada, Résultats officiels du scrutin, 2004 et 2006

Une analyse par bureau de scrutin permettrait certes de mieux savoir la mesure dans laquelle les groupes d'immigrants ont participé aux élections fédérales de 2004 et 2006. Néanmoins, les chiffres globaux montrent que le taux de participation des circonscriptions où se trouvent le plus grand nombre d'immigrants est à tout le moins inférieur à la moyenne dans le reste de leurs provinces respectives. En 2006, le taux de participation nationale était de 64,7 % (60,9 % en 2004) : en Ontario, le taux de participation fédérale était de 66,6 % (61,8 en 2004); en Colombie-Britannique, 63,7 % (63,3 % en 2004) et au Québec, 63,9 % (60,5 % en 2004). Le tableau 1 montre que les 15 circonscriptions au nombre le plus élevé d'immigrants ont généralement suivi la tendance. De fait, dans plusieurs circonscriptions de l'Ontario à forte population d'immigrants, l'augmentation en pourcentage du taux de participation pour l'élection fédérale de 2006 est plus importante que dans la province dans son ensemble.

Groupes ethniques et immigrants : taux de participation déclaré

Des membres de la communauté philippine accueillent la reine Elizabeth II à Toronto, lors de sa visite au Canada en 2002.

En réponse à un sondage, les Canadiens dans leur ensemble tendent à déclarer un taux de participation plus élevé que ne l'indiquent les résultats réels des élections. Le phénomène est souvent attribué au fait qu'il est bien vu de dire que l'on a voté. Néanmoins, des enseignements peuvent être tirés de l'examen des intentions des électeurs, qui donnent une idée de l'importance et du prix qu'ils attachent à l'exercice du droit de vote. Plus de 27 000 personnes se désignant comme électeurs admissibles à l'élection fédérale de 2000 ont participé à l'Enquête sur la diversité ethnique (EDE) de 2002 note 7. Les données de l'EDE révèlent qu'il y a peu de différences entre la mesure dans laquelle ont déclaré avoir voté aux élections fédérales les non-immigrants (78,8 %) et les immigrants admissibles (77,6 %). Toutefois, l'enquête met au jour un écart considérable entre le taux de participation fédéral déclaré des immigrants arrivés avant 1991 (83,4 %) et ceux arrivés entre 1991 et 2001 (53 %). Des schémas divergents de participation déclarée entre immigrants européens et non européens sont à l'origine de ces résultats. Le tableau 2 montre que les immigrants nés en Asie, au Proche-Orient et en Amérique latine déclarent un taux de participation plus bas aux élections fédérales que ne le font les électeurs nés au Canada. Les immigrants nés dans les pays européens ont tendance à déclarer un taux de participation plus élevé que les personnes nées ici.

Tableau 2
Taux autodéclaré de participation électorale pour certaines minorités aux élections fédérales de 2000 selon le lieu de naissance
Lieu de naissance Ont voté N'ont pas voté Total des électeurs admissibles interrogés Taux de participation déclaré
Canada 21 290 5 738 27 028 78,8
Europe 3 067 519 3 586 87,6
Afrique 267 69 336 79,4
États-Unis 305 86 391 78,0
Amérique centrale, Amérique du Sud, Caraïbes et Bermudes 607 220 827 73,3
Asie et Proche-Orient 1 713 722 2 435 70,4

Source : Enquête sur la diversité ethnique, Statistique Canada et ministère du Patrimoine canadien, 2002

Le tableau 3 illustre en outre les différences de taux de participation autodéclaré à l'élection fédérale de 2000 entre les personnes nées dans certains pays européens et celles nées dans certains pays d'Asie. Les personnes nées en Inde échappent à la différence entre population européenne et population asiatique.

Tableau 3
Taux autodéclaré de participation aux élections fédérales de 2000 selon certains lieux de naissance
Lieu de naissance Ont voté N'ont pas voté Total des électeurs admissibles interrogés Taux de partici-pation déclaré
Canada 21 290 5 738 27 028 78,8
Italie 470 34 504 94,0
Pays-Bas 210 14 224 93,7
Royaume-Uni 731 115 846 86,4
Allemagne 318 52 370 85,9
Pologne 245 66 301 81,6
Inde 292 68 360 81,1
Portugal 194 49 243 79,8
États-Unis 305 86 391 78,0
Philippines 220 71 291 75,6
République populaire de Chine 263 110 373 70,5
Région administrative spéciale de Hong Kong 277 151 428 64,7

Source : Enquête sur la diversité ethnique, Statistique Canada et ministère du Patrimoine canadien, 2002

Les différences constatées ci-dessus se reflètent dans les données de l'EDE sur le taux de participation autodéclaré des minorités visibles. Les électeurs admissibles qui n'appartiennent pas à une minorité visible déclarent habituellement un taux de participation supérieur à la moyenne. Ce qui frappe le plus au tableau 4, ce sont les différences entre les membres nés au Canada et les membres nés à l'étranger des mêmes groupes. À l'exception des répondants japonais, les immigrants ont tendance à autodéclarer un taux plus élevé de participation que les non-immigrants. Ces résultats indiquent qu'il faut analyser davantage le lien entre la situation d'immigrant et la situation de minoritaire et son influence sur le taux de participation.

Tableau 4
Taux autodéclaré de participation de certaines minorités visibles à l'élection fédérale de 2000 selon la naissance au pays ou à l'étranger
Groupe Taux pour l'ensemble de l'électorat Né au Canada Né à l'extérieur du Canada
Non-membre d'une minorité visible 81,8 80,9 83,6
Sud-Asiatiques 70,9 60,4 78,2
Philippins 69,7 59,6 75,6
Arabes 65,5 55,9 75,1
Noirs 61,8 53,2 74,6
Chinois 64,9 62,8 65,8
Japonais 75,8 77,1 60,8

Source : Enquête sur la diversité ethnique, Statistique Canada et ministère du Patrimoine canadien, 2002

Le taux de participation plus faible des jeunes Canadiens est largement attesté. Comme l'âge moyen des groupes de minorités visibles est plus bas que celui de la population blanche, il est utile d'examiner le taux de participation déclaré par cohorte d'âge. Comme le montre le tableau 5, il existe des différences marquées entre le taux de participation déclaré des 18 à 24 ans et celui des 45 à 54 ans.

Tableau 5
Taux de participation autodéclaré à l'élection fédérale de 2000 de certaines minorités visibles selon certaines cohortes d'âge
Groupe 18-24 45-54
Non-membre d'une minorité visible 50,0 88,9
Japonais 49,0 85,7
Sud-Asiatiques 49,2 85,0
Noirs 32,8 85,0
Philippins 52,2 79,7
Chinois 37,0 73,9
Arabes 40,0 di
Total 47,7 87,6

Source : Enquête sur la diversité ethnique, Statistique Canada et ministère du Patrimoine canadien, 2002
di (donnée infime) = il y a trop peu de répondants pour effectuer une analyse statistique.

Appartenance ethnique, identification nationale et taux de participation

Les trois quarts au moins des répondants à l'EDE trouvent importante l'identité ethnique (31 377 sur 41 695 lui accordent une importance de 4 ou 5 sur une échelle de 5). Rien dans l'EDE ne vient étayer l'idée qu'une appartenance ethnique forte se traduit par un taux de participation faible. Comme l'indique le tableau 6, que le facteur considéré soit l'identité ou l'appartenance, ceux qui éprouvent un lien ethnique fort ont tendance à déclarer un taux de participation élevé. L'EDE révèle que plus de 8 Canadiens sur 10 ayant déclaré que leur identité ethnique est importante ont déclaré avoir voté à l'élection fédérale de 2000, par rapport à environ deux tiers qui ont répondu que l'identité ethnique n'avait aucune importance. L'appartenance ethnique ne semble donc pas avoir réduit la participation. Le tableau 6 révèle également qu'un fort sentiment d'appartenance à un groupe ethnique ou culturel a peu d'effet à la baisse sur le taux de participation déclaré.

Tableau 6
Importance de l'identité ethnique et de l'appartenance à un groupe ethnique et taux de participation autodéclaré à l'élection fédérale de 2000
Degré d'importance Identité ethnique Taux de participation Appartenance ethnique Taux de participation Degré d'appartenance
1 – sans importance 66,8 77,3 1 – pas fort du tout
2 67,2 77,8 2
3 72,5 78,1 3
4 75,1 78,2 4
5 – très important 82,3 80,7 5 – extrêmement fort

Source : Enquête sur la diversité ethnique, Statistique Canada et ministère du Patrimoine canadien, 2002

Tableau 7
Vote autodéclaré à l'élection fédérale de 2000 selon le sentiment déclaré d'appartenance au Canada, 2002
Sentiment d'appartenance au Canada Taux de participation
1 – pas fort du tout 62,5
2 69,1
3 70,0
4 75,5
5 – extrêmement fort 82,7

Source : Enquête sur la diversité ethnique, Statistique Canada et ministère du Patrimoine canadien, 2002

L'EDE révèle qu'un plus grand nombre de ceux qui indiquent avoir un degré élevé d'appartenance au Canada ont tendance à déclarer avoir voté aux élections fédérales. Toutefois, les données de l'EDE indiquent également qu'un degré d'appartenance fort à la communauté ethnique n'implique pas un degré d'appartenance faible au Canada, si bien que l'on aurait tort de postuler que les groupes ethniques minoritaires participent moins en raison d'une identification nationale moindre. À l'aide de ces données, Jantzen note 8 fait observer que parmi les divers groupes ethnoculturels et ethnoraciaux minoritaires, une proportion importante déclare éprouver un fort sentiment d'appartenance au Canada.

Conclusion

Les résultats de l'EDE soulèvent plusieurs questions au sujet du taux de participation des immigrants et des membres des communautés ethniques. À première vue, on pourra être frappé par la nature contradictoire des données empiriques quand il s'agit du taux de participation. Les données sur les circonscriptions électorales à forte concentration d'immigrants montrent que le taux de participation est moins élevé chez les Canadiens nés à l'étranger. Les données de l'EDE révèlent que ceux qui se sont établis au Canada entre 1991 et 2001 étaient beaucoup moins portés que ceux arrivés avant 1991 à déclarer qu'ils votaient. Comme beaucoup d'immigrants de fraîche date vivent dans les circonscriptions urbaines figurant au tableau 1, le taux de participation inférieur à la moyenne ne semble pas étonnant. Pourtant, l'idée que l'enracinement au Canada contribue à l'élévation du taux de participation est remise en question par les chiffres de l'EDE relatifs aux jeunes appartenant à une minorité visible nés au Canada, qui déclarent souvent un taux de participation largement inférieur aux élections fédérales que leurs correspondants immigrants.

Un sondage Environics a constaté que 41 % des Canadiens pensent que la principale cause de la baisse de la participation électorale est que leur vote est sans effet. C'est de loin la raison la plus importante donnée par les répondants note 9. La façon dont les questions d'identité influent sur le taux de participation doit être examinée de plus près. Il est vraisemblable que l'âge, l'ascendance ethnoculturelle et le lieu de résidence, entre autres facteurs, contribuent tous d'une manière quelconque à déterminer le taux de participation. L'assertion faite ici est que certaines attitudes ethniques sont un frein de plus à cette participation en ce qu'elles peuvent ajouter à l'indifférence ou au sentiment d'impuissance de l'électeur. Si les résultats de l'EDE cités ici sont justes, il est donc essentiel de comprendre pourquoi les jeunes des minorités visibles du Canada en particulier disent se prêter si peu au processus électoral. C'est une question qui mérite plus ample étude.

Notes

Note 1 Ipsos Canada, « Canadian Immigration And Ethnicity – Where Do Voters Stand? », 11 janvier 2006.

Note 2 Jerome H. Black, « Ethnic Minorities and Mass Politics in Canada: Some Observations in the Toronto Setting », Revue internationale d'études canadiennes, n° 3, 1991, p. 129-151.

Note 3 Miriam Lapp, « Ethnic Group Leaders and the Mobilization of Voter Turnout: Evidence from Five Montreal Communities », Études ethniques du Canada, vol. XXXI, n° 2, 1999, p. 17-42.

Note 4 David Bell et Lorne Tepperman, The Roots of Disunity: A Look at Canadian Political Culture, McClelland and Stewart, Toronto, 1979.

Note 5 Antoine Bilodeau et Neil Nevitte, communication préparée pour le congrès annuel de l'Association canadienne de science politique, Halifax, 2003.

Note 6 Jack Jedwab, « Apathie, protestation et convergence dans la politique canadienne : élection fédérale 2004 post mortem », <www.acs-aec.ca/Polls/5-10-2004_fr.pdf>.

Note 7 Enquête sur la diversité ethnique, Statistique Canada et ministère du Patrimoine canadien, 2002.

Note 8 Lorna Jantzen, « L'avantage d'analyser les attitudes ethniques par catégorie de génération. Résultats de l'enquête sur la diversité ethnique », communication présentée à la conférence Perspectives canadiennes et françaises sur la diversité, Ottawa, 16 octobre 2003, <www.pch.gc.ca/pc-ch/pubs/diversity2003/jantzen_f.cfm>.

Note 9 Jack Jedwab, ibid.


Note : 

Les opinions exprimées par les auteurs ne reflètent pas nécessairement celles du directeur général des élections du Canada.