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Perspectives électorales – Les nouvelles approches du développement démocratique

Perspectives électorales – Novembre 1999

Les défis des autorités électorales dans les nouvelles démocraties


Rafael López Pintor
Professeur, Département de sociologie, Universidad autónoma de Madrid (Espagne)
Conseiller principal en recherche, IDEA International

Dépouillement des bulletins de vote à l'élection présidentielle de 1996 au Bénin
Dépouillement des bulletins de vote à l'élection présidentielle de 1996 au Bénin

Dans les démocraties nouvelles et naissantes, la gestion des élections présente un défi considérable. L'intégrité du droit de suffrage, à ce stade initial de la démocratisation, doit être assurée par des autorités indépendantes des partis politiques, capables de satisfaire aux normes internationales de bonne pratique. La multiplication des élections multipartites sur tous les continents a entraîné l'apparition d'une nouvelle réalité qui mérite un examen approfondi de la part des analystes et des praticiens. L'objectif du présent article est d'explorer davantage cette nouvelle réalité, dans la ligne du document que j'ai publié récemment sous les auspices du Programme des Nations Unies pour le développement, au sujet des organismes de gestion et des institutions de gouvernance des électionsnote 1.

Comme l'affirmait la déclaration de clôture d'un récent séminaire international sur cette question : Nous sommes à l'ère de la démocratie. L'élément essentiel du processus démocratique réside dans la tenue périodique d'élections libres et équitables, pour lesquelles l'existence d'organes de gestion des élections, qui soient à la fois politiquement légitimes et techniquement efficaces, est une condition nécessaire. En tant que fondement de la démocratie, les élections constituent le moyen le plus évident pour la population d'accéder au processus démocratique et aux institutions d'un gouvernement représentatif. En conséquence, la présence d'organes de gestion des élections adéquats s'avère cruciale pour que le processus électoral puisse se développer de manière intégrée, transparente et responsablenote 2.

Les défis en matière de gouvernance

Dans le dossier chaud de la démocratisation, la question fondamentale, aujourd'hui comme hier, demeure celle de savoir si la garantie du droit de suffrage doit être laissée au pouvoir exécutif seul ou s'il est nécessaire de recourir aux pressions et au contrôle d'agents externes. L'expérience, aussi bien ancienne que récente, milite en faveur de la deuxième solution. Tout tourne autour de la juste pratique et de la transparence du suffrage universel. Il semble que, de nos jours, cet idéal ne puisse plus être poursuivi de la même manière que dans les anciennes démocraties, au cours de la deuxième moitié du dix-neuvième et de la première moitié du vingtième siècle, c'est-à-dire par une lutte prolongée des forces démocratiques contre des gouvernements tout-puissants qui représentaient de vieilles aristocraties terriennes et des oligarchies industrielles et financières soudées entre elles. La majeure partie de cette lutte s'est inscrite dans le conflit social et l'agitation politique, voire dans les guerres civiles et internationales, aussi bien en Europe qu'aux États-Unis. À la fin de la Deuxième Guerre mondiale, parmi les fruits mûrs d'une histoire amère, régnaient les conditions nécessaires à la tenue d'élections en toute sécurité, que ce soit par le ministère de l'Intérieur, le Home Office, les responsables locaux, les shérifs ou d'autres.

La démocratisation de la « troisième vague » et les élections tenues dans le sillage des accords de paix surveillés par la communauté internationale, conclus à la suite d'interminables conflits civils, se déroulent d'une autre façon. Pour des raisons analytiques et pratiques, il importe d'éviter toute confusion entre des phénomènes historiques qui n'ont pas grand chose en commun. Dans le passé, nous avons assisté à des élections correctement tenues par le seul pouvoir exécutif, après une centaine d'années de conflit et après l'apparition progressive de contrôles nouveaux par les partis politiques, les parlements, les pouvoirs judiciaires impartiaux et les médias indépendants. En revanche, les élections d'aujourd'hui tenues aux premiers stades de la démocratisation sont réalisées dans des conditions de mobilisation rapide des populations, d'une règle de droit à peine naissante, de partis politiques faibles et, souvent, de médias peu indépendants. C'est dans ce contexte que les organismes électoraux jouent, à court terme, le rôle que les partis politiques, les syndicats et les autres défenseurs du suffrage universel jouaient à long terme, en luttant pour le droit de voter en Europe de l'Ouest, dans les Amériques, aux Indes et ailleurs.

En cette période de démocratisation universelle, l'une des importantes tendances constatées dans le façonnement des institutions électorales consiste à confier la conduite des élections à des autorités possédant un statut légal d'indépendance par rapport au pouvoir exécutif et dotées d'un personnel permanent, d'un siège national et de bureaux un peu partout dans le pays. Dans une perspective historique, la gestion exclusive du suffrage par l'exécutif appartient maintenant à une catégorie résiduelle, sur le plan non seulement du nombre, mais également de l'évolution des structures. Parmi les 27 démocraties les plus stables de cette deuxième moitié du siècle, sept seulement possèdent ce genre d'autorité électorale, toutes étant situées dans le nord-ouest de l'Europe, auxquelles s'ajoute la Suisse, et elles représentent 25 % des vieilles démocraties. Les autres pays, dans lesquels la démocratie s'est installée plus tard ou qui n'ont pas terminé leur transition sont le théâtre d'un modèle naissant différent. Parmi ces pays, un sur cinq seulement a des élections administrées exclusivement par le pouvoir exécutif. Contrairement à ce que l'on constate dans les pays à longue tradition démocratique et à gouvernement centralisé (à savoir les pays de l'Europe continentale et les anciennes colonies de tradition française centralisatrice ou appartenant au Commonwealth britannique), les nouvelles démocraties présentent très rarement une structure électorale entièrement régie par le gouvernement. En outre, les réformes électorales, que ce soit dans les nouvelles sociétés démocratiques ou dans certaines démocraties plus anciennes, s'orientent presque invariablement vers l'établissement, du moins en droit, de commissions électorales indépendantes, investies soit de l'entière responsabilité du processus électoral, soit de pouvoirs de supervision sur les scrutins conduits par le pouvoir exécutif.

Autrefois, et jusqu'à récemment, les élections ont d'abord été menées par les gouvernements, que les pays appartiennent à la tradition de la common law britannique ou à celle du droit romain et du code Napoléon. La principale différence est que, dans le monde anglo-saxon (common law), l'administration électorale a suivi une voie plus décentralisée, tandis que, dans le monde romain (droit civil), le gouvernement central a conservé une autorité plus forte. Selon la tradition, les élections étaient considérées comme un service public. C'est l'expansion de la démocratie de masse à la suite de la Deuxième Guerre mondiale et la vague de démocratisation plus récente qui ont remis en question la légitimité du rôle d'« arbitre » joué par le pouvoir exécutif dans la lutte pour le pouvoir. À cet égard, ce n'est pas par hasard que : a) certaines démocraties aussi stables que les États-Unis ou l'Australie ont établi des commissions électorales indépendantes pas plus tard que dans les années 70 et 80, respectivement; b) la plupart des pays où les élections étaient autrefois gérées par le gouvernement ont progressivement établi des organes de supervision comportant ou non des représentants des partis politiques; et c) l'évolution récente favorise l'établissement de commissions électorales indépendantes, la plupart du temps composées de représentants des partis politiques.

Même si l'on constate, au fil de l'histoire et dans l'expérience plus récente, l'apparition d'une évolution structurée de l'administration électorale, il serait naïf de s'attendre à ce que les organes nouvellement établis possèdent effectivement une véritable indépendance politique et un savoir-faire professionnel. Plutôt qu'à des miracles politiques, c'est à une lutte entre forces opposées qu'il faut s'attendre. D'une part, il existe une contradiction entre le modèle institutionnel de l'administration électorale adopté en droit (institution indépendante, permanente et professionnelle) et la vraie vie (degrés variables d'indépendance, de permanence et de professionnalisme), et d'autre part, on retrouve différentes arènes où les tenants des idéaux d'indépendance et de permanence doivent combattre leurs opposants pour maintenir l'intégrité du droit de suffrage. Certains éléments de la nouvelle structure sont les mêmes qu'autrefois, d'autres sont différents. D'un côté, la voie qui mène à l'indépendance est pleine de problèmes et d'obstacles, puisque ceux qui possèdent le pouvoir politique ne sont guère susceptibles d'accepter sans broncher les contrôles externes exercés par d'autres institutions. Il existe également des pressions de la part de partis de l'opposition pour remplacer les personnes en place, sans oublier les tentatives grossières de manipulation des électeurs et de truquage des bulletins de vote. D'un autre côté, il se pourrait que le parcours soit moins long pour ces pays, ne serait-ce qu'en raison de l'apparition, dans le village mondial, de nouveaux points d'appui pour le droit de suffrage (l'accessibilité de l'instruction, la surveillance internationale et nationale des droits de la personne, une exposition quasi instantanée aux médias et des conditions politiques plus pacifiques, à mesure qu'augmente le nombre des démocraties).

Bulletin de vote utilisé à l'élection présidentielle de 1990 à Haïti.
Bulletin de vote utilisé à l'élection présidentielle de 1990 à Haïti.

À l'heure actuelle, le principal défi provient des difficultés – à la fois politiques et techniques – associées aux idéaux d'indépendance et de professionnalisme. Comment faire pour les atteindre réellement? C'est d'abord une question politique, le jugement juridique et le savoir-faire technique ne venant qu'en deuxième lieu. En fait, l'indépendance par rapport au pouvoir politique devrait supposer des dispositions juridiques adéquates, ainsi qu'un processus qui leur soit assorti. La coalition des forces qui luttent pour la liberté et la règle de droit devrait profiter de l'occasion que leur offre l'étape d'élaboration des nouveaux régimes pour établir une bonne structure institutionnelle. Les négociations des accords de paix, la formulation des constitutions et les réformes électorales devraient représenter les meilleures occasions de négocier et de mettre en place les dispositions juridiques et les conditions matérielles nécessaires à cette fin. En ce sens, il est essentiel que les méthodes de nomination soient conçues de façon à protéger l'institution électorale contre la mainmise des titulaires (lesquelles comprennent généralement toute une gamme de candidats de diverses provenances : pouvoir judiciaire, partis politiques – approuvés par une très forte majorité du parlement). De plus, il faudrait que les budgets électoraux proviennent des fonds consolidés et soient directement régis par des comités permanents du parlement, plutôt que contrôlés par l'entremise d'un ministère; et probablement, comme c'est souvent le cas, les organes électoraux devraient être intégrés dans la constitution. Abstraction faite de l'architecture de l'institution, pour que l'autorité électorale, quelle que soit sa forme juridique, puisse bien fonctionner, il est nécessaire que les partis politiques y soient partie prenante. En tant que principaux acteurs des élections, les formations politiques et les candidats, par le truchement de leurs représentants, ont le droit politique d'entretenir des contacts directs et permanents avec l'autorité électorale. En outre, un contact régulier entre cette dernière et les comités parlementaires pourrait également faire partie d'un scénario de transparence et de contrôle démocratique. Dans le même ordre d'idées, le gardien du droit de suffrage a la responsabilité de susciter et d'entretenir un soutien à large portée parmi les autres acteurs essentiels du processus démocratique (c.-à-d. les médias, les syndicats, les églises et les organisations de défense des droits de la personne), et devrait avoir les moyens de le faire.

Les défis en matière de gestion

Voici quelques-unes des principales questions qu'il faut poser à l'échelon gestionnel et technique des organes électoraux : quelle devrait être la taille de l'organisation pour que les bureaux de vote soient gérés de manière efficace et efficiente? Vaudrait-il mieux que cette organisation soit centralisée ou décentralisée? Comment faire pour assurer aux élections un bon rapport coûts-efficacité? Quel doit être le rôle des nouvelles technologies dans la gestion des élections? Il est bien évidemment impossible de traiter ces questions en profondeur dans le cadre de cet article, mais je présente néanmoins ici quelques-uns des éléments d'analyse que j'ai développés dans le document cité plus haut.

D'abord, en ce qui concerne l'organisation : l'important n'est pas tant qu'elle soit vaste, mais qu'elle soit adaptée aux circonstances politiques, géographiques et financières du pays. La question de la permanence et du professionnalisme (durabilité, recrutement et mécanismes de formation normalisés, etc.) soulève moins de controverse. Le maintien en place d'une organisation assimilable à la fonction publique s'est révélé à l'usage plus efficace que la création de structures au fur et à mesure des besoins. Cela est vrai dans presque tous les domaines où il s'agit d'assurer des services collectifs à une population nombreuse et d'utiliser des ressources massives. Pourquoi en serait-il autrement des élections? L'expérience nous apprend que les organes électoraux permanents, composés de fonctionnaires, même s'ils n'ont pas l'usage d'un équipement de haute technologie, peuvent fonctionner à des niveaux acceptables d'efficacité et de rentabilité. Citons pour preuve les cas du Botswana, de l'Inde, du Chili et de l'Uruguay, où les organismes électoraux ont tenu efficacement des élections multipartites au cours de la majeure partie du présent siècle, tout en assurant la formation de leurs propres professionnels, malgré des difficultés économiques, des restrictions budgétaires et l'absence de matériel de haute technologie.

Deuxièmement, pour ce qui touche à la concentration du pouvoir : quel que soit le modèle d'administration officiellement défini par la loi, deux grands facteurs entraînent la nécessité d'une certaine décentralisation. Le premier réside dans la nature massive des élections; le second concerne la tenue d'élections locales dans presque toutes les démocraties. Quel que soit le niveau de développement économique et culturel d'une société, en réalité, le suffrage universel réel tend à être la règle. Par conséquent, les élections sont devenues véritablement une entreprise massive. Théoriquement, la bonne gestion des services électoraux devrait reposer sur un pouvoir décisionnel dispersé. Par ailleurs, et c'est le plus important, les élections locales sont devenues un phénomène universel, pour lequel il faut des organes électoraux locaux et régionaux possédant un certain degré d'autonomie. Contrairement aux démocraties d'autrefois, celles d'aujourd'hui exigent que les autorités politiques de tous les niveaux soient élues au scrutin populaire. Par exemple, dans la majeure partie de l'Amérique latine, les maires et les gouverneurs ont été élus au scrutin populaire direct pour la première fois pas plus tard que dans les années 80. Dans les nouvelles démocraties d'Afrique et de certaines autres régions du monde, les élections locales sont déclenchées peu de temps après les premières élections générales, et parfois même avant. La règle d'or dans ce domaine devrait être un pouvoir centralisé et une gestion décentralisée.

Troisièmement, en ce qui concerne le rapport coûts-efficacité : aucune recherche systématique n'a été menée et aucune méthodologie n'a même été élaborée jusqu'à maintenant pour l'étude comparative des dépenses électorales, comme l'illustre abondamment le projet Administration et coût des élections ACEnote 3 et le document du PNUD. Néanmoins, quelques conclusions préliminaires peuvent être tirées à partir des données concernant quelque 50 pays recueillies pour ce document. L'un des grands facteurs dignes de mention en ce qui concerne la variation des coûts réside dans l'ampleur de l'expérience antérieure d'élections multipartites. En effet, des écarts considérables sont constatés dans les dépenses électorales entre les scrutins tenus dans les démocraties stables, dans les systèmes en transition et dans le cadre d'opérations spéciales de maintien de la paix. Lorsqu'ils sont tenus dans un pays possédant une longue expérience des élections multipartites, ces scrutins coûtent généralement moins cher que là où ce type d'opération représente une entreprise nouvelle. Fait intéressant, cette tendance se vérifie quelle que soit la région du monde, le niveau de développement économique et le fait que le suivi électoral ait été ou non interrompu par des périodes de régime militaire. Statistiquement parlant, c'est dans les pays où l'expérience électorale est ancienne que les élections coûtent le moins cher : les États-Unis et la plupart des pays européens; le Chili, le Costa Rica et le Brésil, en Amérique latine; le Botswana et le Kenya, en Afrique; l'Inde et le Pakistan, en Asie; et enfin l'Australie. À l'autre extrême, se situent les élections tenues dans le cadre d'une opération plus large de maintien de la paix : celles-là, comme on peut s'y attendre, sont les plus coûteuses.

Enfin, en ce qui concerne les nouvelles technologies des télécommunications et de l'informatique : elles sont destinées à rester, ne serait-ce qu'en raison de leurs coûts décroissants et de leurs capacités grandissantes. Leur seule existence suffit à créer des pressions sur l'administration des élections à ses diverses étapes : l'inscription, le scrutin et le décompte, sans oublier la gestion administrative. Néanmoins, les nouvelles technologies en elles-mêmes ne pourront améliorer l'intégrité et l'acceptabilité des systèmes électoraux. Il faudra aussi surmonter le manque de transparence et de confiance. Il serait toujours sage de tenir compte des circonstances entourant le processus électoral avant d'adopter une technologie nouvelle. Mais surtout, il faut associer les acteurs politiques au processus décisionnel, de même qu'à l'application des nouvelles technologies. Dans une perspective plus gestionnelle et plus technique, les décisions concernant l'adoption de technologies nouvelles devraient faire partie de la planification stratégique des organes électoraux, pour lesquels un certain niveau de permanence institutionnelle est nécessaire. Comme l'ont souligné les hauts responsables des élections au Canada à différentes reprisesnote 4, non seulement il faut s'arrêter à des considérations de coût (qu'il s'agisse du démarrage ou du long terme), mais également aux avantages et aux inconvénients des technologies nouvelles par rapport aux besoins précis du pays en question, de même qu'aux problèmes de l'obsolescence et de la maintenance.

Aide et établissement de réseaux à l'échelon international

Dans le contexte de la démocratisation qui fait suite à la guerre froide, les élections et la gestion électorale ont transcendé les frontières nationales pour devenir des entreprises à caractère international, dans deux sens au moins. Le premier concerne l'aide politique, financière et technique émanant de gouvernements et d'organisations internationales. Quant à l'autre, il s'agit du maillage professionnel entre les autorités électorales de diverses régions et de divers pays.

La communauté internationale a joué toute une série de rôles différents dans le processus de la démocratisation mondiale. Son intervention est généralement considérée comme utile pour ce qui est de faciliter le processus de démocratisation et, en particulier, la mise en place d'organes électoraux. Dans les situations très critiques, il est arrivé à la communauté internationale de prendre littéralement en main l'organisation des élections (p. ex., la mission de l'ONU au Cambodge et l'actuelle mission de l'OSCE en Bosnie-Herzégovine). Dans d'autres cas, elle a été l'un des grands acteurs de l'organisation des élections, dans le contexte de l'application d'accords de paix (p. ex. au Salvador, au Mozambique ou en Haïti). Il est généralement reconnu (et d'ailleurs des documents le prouvent) que, faute d'une intervention de la communauté internationale, ces élections n'auraient pas pu avoir lieu. Plus couramment, c'est une aide internationale financière et technique qui est accordée aux autorités nationales pour leur permettre d'organiser leurs élections dans les démocraties naissantes et nouvelles. Cette forme d'aide est généralement considérée comme appropriée et même décisive dans certains pays. Au fil du temps, lorsque les organes électoraux s'améliorent sur les plans organisationnel et opérationnel, ils deviennent beaucoup moins tributaires du soutien administratif, gestionnel ou opérationnel, même s'ils continuent de demander des conseils techniques et de l'aide financière pour tenir leurs élections ou pour d'autres raisons liées à la gouvernance. Il importe de citer ici des pays comme l'Australie, le Canada, l'Espagne et l'Uruguay, dont les autorités électorales nationales sont particulièrement actives pour ce qui est d'aider d'autres autorités électorales, au moyen d'initiatives institutionnelles et dans le cadre de missions internationales, en assurant la contribution de fonctionnaires électoraux de haut niveau à titre de personnes-ressources.

Un autre phénomène, différent mais connexe, est celui de la récente expansion des associations professionnelles internationales d'autorités électorales dans plusieurs régions du monde. Dans les Amériques, il existe un certain nombre de telles organisations : l'Association des institutions électorales d'Amérique centrale et des Caraïbes (Asociacion de Organizaciones Electorales de America Central y el Caribe), créée aux termes du Protocole de Tikal; l'Association des tribunaux électoraux latino-américains, créée aux termes du Protocole de Quito; et l'Union interaméricaine des organismes électoraux (Union Interamericana de Organismos Electorales), qui intègre les deux premières et englobe également le Mexique, les États-Unis et le Canada. Dans l'Europe de l'Est et du Centre, de même qu'en Afrique, deux régions en voie de démocratisation, des associations ont également été créées sous les auspices de la Fondation internationale pour les systèmes électoraux (IFES). Ce sont : l'Association des responsables d'élections d'Europe centrale et de l'Est (ACEEE), établie en 1991, et l'Association des autorités électorales d'Afrique (AAEA), à laquelle ont souscrit 14 pays de la région et qui a été créée en 1997. En Asie, on retrouve l'Association des autorités électorales d'Asie (AAEA). Quant à la région du Pacifique, elle a aussi son association, l'Association of Pacific Islands, Australia and New Zealand Electoral Administrators (PIANZEA). Outre cela, il existe une association des responsables d'élections du Commonwealth et deux organes internationaux ayant leur siège aux États-Unis : l'International Association of Clerks, Recorders, Election Officials and Treasurers (IACREOT) et l'International Institute for Municipal Clerks (IIMCC). Tous ces groupements ont joué un rôle actif dans l'organisation de conférences et de symposiums régionaux pour les responsables d'élections.

Conclusion

Les organismes électoraux façonnés selon un modèle institutionnel axé sur l'indépendance et la permanence apportent une contribution importante à la démocratie et à la règle de droit. Dans un certain nombre de cas, la performance exceptionnelle des responsables d'élections a été soulignée. Le plus souvent, toutefois, la preuve que leur rôle est important provient d'expériences négatives, associées à des élections mal gérées qui ont dégradé le caractère légitime des nouveaux systèmes démocratiques. Même si l'indépendance et la permanence, lorsqu'elles sont effectivement mises en œuvre, ne suffisent pas en elles-mêmes à garantir le caractère libre et équitable des élections, elles créent de meilleures occasions d'améliorer la transparence et la confiance du public et, par conséquent, de protéger le droit de suffrage, aussi bien aux étapes précoces de la démocratisation que dans l'avenir prévisible. Elles peuvent également améliorer l'efficacité technique du processus électoral.

Notes

Note 1 PINTOR, Rafael López. Electoral Management Bodies as Institutions of Governance, Programme des Nations Unies pour le développement, New York, 1999.

Note 2 « International Workshop on Electoral Management Bodies as Institutions of Governance », Communications et conclusions, Mexico, du 26 au 29 mai 1999.

Note 3 IDEA, ONU, IFES. Projet Administration et coût des élections (ACE), CD-ROM réalisé au Canada, 1998.

Note 4 GOULD, Ron. « New Technologies of Modernization in Electoral Administration », document présenté lors de la Conférence intitulée Asian Democracy in Transition: Symposium on Asian Elections in the 21st Century, à Manille, Philippines, 1997. Aussi, « International Workshop on Electoral Management Bodies as Institutions of Governance », communication de Jean-Pierre Kingsley lors de la séance sur les nouvelles technologies, Mexico, du 26 au 29 mai 1999.


Note : 

Les opinions exprimées par les auteurs ne reflètent pas nécessairement celles du directeur général des élections du Canada.