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Note d'interprétation no 2017-06 (juillet 2017)

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En vertu de l'article 16.1 de la Loi électorale du Canada, le directeur général des élections établit des lignes directrices et des notes d'interprétation concernant l'application de la Loi aux partis enregistrés, aux associations enregistrées, aux candidats à l'investiture, aux candidats et aux candidats à la direction. Avant d'établir une ligne directrice ou une note d'interprétation, il consulte les partis politiques fédéraux enregistrés et le commissaire aux élections fédérales, et les invite à formuler des commentaires sur l'ébauche. Les lignes directrices et les notes d'interprétation donnent des indications et favorisent une interprétation et une application uniformes de la Loi. Toutefois, elles ne sont fournies qu'à titre d'information et ne remplacent pas les dispositions de la Loi.

Contributions et transactions commerciales

Note concernant l'actualité (juillet 2019) : Depuis l'adoption du projet de loi C-76 (L.C. 2018, ch. 31), certaines références juridiques et certaines parties du contexte dans cette note d'interprétation sont devenues désuètes. Toutefois, l'analyse et l'interprétation d'ensemble demeurent valides.

Question

Dans le cadre de leurs activités, les entités politiques réglementées peuvent faire des transactions qui leur rapporteront de l'argent, mais qui n'entraîneront pas une contribution ou une cession. Souvent, ces transactions sont de nature commerciale : il y a un acheteur consentant, un vendeur consentant, et les deux ont convenu du prix du bien ou du service. Mais parfois, des transactions ayant les caractéristiques d'une transaction commerciale entraîneront tout de même des contributions au sens de la Loi électorale du Canada (LEC). La présente note d'interprétation vise à préciser les circonstances dans lesquelles les règles sur les contributions s'appliquent aux transactions des entités politiques.

Interprétation

  1. En règle générale, étant donné la définition très vaste que donne la LEC d'une « contribution monétaire », tout versement d'argent à une entité politique qui n'est pas remboursable est une contribution. Élections Canada a prévu des exceptions bien précises pour les transactions de nature purement commerciale afin de permettre aux entités politiques de prendre part à certaines activités commerciales en dehors d'un contexte politique.
  2. Si la transaction ne se fait pas dans un contexte politique, de sorte qu'elle est purement de nature commerciale et que l'entité politique y est partie au même titre que tout participant au marché, il n'y a pas contribution à moins que l'acheteur ne donne à l'entité politique un montant supérieur à la juste valeur marchande de la transaction.
  3. Si la transaction se fait dans un contexte politique (par exemple un congrès du parti, une rencontre de l'association enregistrée ou une activité de financement du candidat), elle entraînera généralement une contribution. Le montant de la contribution correspond à la différence entre la somme donnée et le coût de tout avantage tangible reçu.
  4. Pour déterminer si une transaction impliquant le versement d'argent à une entité politique entraînera une contribution, il faut examiner les faits entourant la transaction. Il incombe à l'entité politique de démontrer que la rentrée d'argent n'est pas une contribution.

Cadre législatif

Dans ce contexte, les dispositions pertinentes de la LEC sont :

  • Seuls les citoyens canadiens ou les résidents permanents peuvent apporter une contribution politique. (paragraphe 363(1))
  • S'entend d'une contribution monétaire toute somme d'argent versée et non remboursable. (paragraphe 2(1))
  • S'entend d'une contribution non monétaire la valeur commerciale d'un service, sauf d'un travail bénévole, ou de biens ou de l'usage de biens ou d'argent, s'ils sont fournis sans frais ou à un prix inférieur à leur valeur commerciale. (paragraphe 2(1))
  • S'entend de la valeur commerciale, en ce qui concerne la fourniture de biens et de services ou l'usage de biens et de services, le prix le plus bas exigé pour une même quantité de biens ou de services de la même nature ou pour le même usage de biens ou d'argent, au moment de leur fourniture, par :

    • a) leur fournisseur, dans le cas où il exploite une entreprise qui les fournit;
    • b) une autre personne qui les fournit sur une échelle commerciale dans la région où ils ont été fournis, dans le cas où leur fournisseur n'exploite pas une telle entreprise. (paragraphe 2(1))
  • Le paiement par un particulier, ou pour son compte, de frais de participation à un congrès – annuel, biennal ou à la direction – d'un parti enregistré donné constitue une contribution à ce parti. (paragraphe 364(8))
  • Les contributions sont assujetties à des plafonds. (paragraphe 367(1))
  • Si une activité de financement est organisée essentiellement pour recueillir des contributions monétaires par la vente de billets, le montant de la contribution est constitué de la différence entre le prix du billet et la juste valeur marchande de ce à quoi le billet donne droit. (article 377)

Analyse et discussion

Contributions monétaires

Les entités politiques réglementées (partis enregistrés, associations enregistrées, candidats, candidats à la direction et candidats à l'investiture) peuvent recevoir des fonds de diverses sources. La plupart des fonds sont des contributions de particuliers, des cessions d'entités politiques affiliées et, dans certains cas, des remboursements à partir des fonds publics. Cependant, toutes les entités peuvent recevoir des fonds qui ne relèvent pas de ces catégories.

Il est important pour une entité politique réglementée de savoir ce qui distingue une contribution, notamment parce que celle-ci est assujettie à un plafond en vertu de la LEC et qu'elle doit être déclarée adéquatement. De plus, les contributions de personnes ou de groupes de personnes qui ne sont pas des citoyens canadiens ou des résidents permanents sont interdites.

Si la plupart des contributions sont faciles à reconnaître, des vérifications supplémentaires sont parfois requises pour déterminer si une transaction donnée entraîne une contribution.

La LEC indique qu'une « contribution monétaire » est une somme d'argent non remboursable. Cette définition est un bon point de départ, mais elle est incomplète. Certaines sommes non remboursables remises à des entités politiques ne sont pas des contributions, par exemple les recettes découlant de la vente de biens à leur juste valeur marchande après une campagne électorale.

Pour bien comprendre ce qu'est une contribution monétaire, il faut tenir compte du sens ordinaire du mot « contribution » à la lumière des dispositions pertinentes de la LEC ainsi que les raisons qui sous-tendent la réglementation des contributions.

Transactions où l'entité politique est l'acheteur

Les définitions que donne la LEC de la « contribution non monétaire » et de la « valeur commerciale » peuvent servir de fondement pour comprendre les contributions monétaires. Ensemble, elles indiquent que le montant d'une contribution non monétaire est la valeur commerciale d'un bien ou d'un service fourni à l'entité politique, moins le prix facturé pour ce bien ou ce service.

Par exemple, si un candidat paie 1 000 $ pour des pancartes électorales qui valent 1 000 $, aucune contribution n'est apportée par le vendeur. Il s'agit d'un simple achat. Cependant, si le candidat reçoit gratuitement les pancartes ou les paie moitié prix, le vendeur apporte une contribution de 1 000 $ ou de 500 $, selon le cas.

Généralement, une transaction entre une entité politique et un vendeur n'entraîne pas une contribution si l'entité politique paie au minimum la valeur commerciale du bien ou du service. Cependant, il faut se demander s'il en va de même lorsque l'entité politique est le vendeur.

Transactions où l'entité politique est le vendeur

Avant d'examiner les transactions où l'entité politique est le vendeur, il faut d'abord déterminer ce qu'est la « juste valeur marchande ». Habituellement, il s'agit du « prix le plus élevé que vous pouvez obtenir pour votre bien lors d'une vente effectuée dans un marché libre et sans restriction, entre deux personnes consentantes qui sont averties, renseignées et prudentes, et qui agissent de façon indépendante »note 1.

Cependant, lorsqu'une entité politique vend un bien dans le cadre d'une activité de financement, Élections Canada considère généralement que la juste valeur marchande est le montant que l'entité politique a remis au fournisseur pour obtenir le bien ou le service. Cette définition est appliquée pour déterminer objectivement la juste valeur marchande lorsque la valeur d'une marque, par exemple le logo d'un parti, ne peut pas être établie dans un marché libre.

Simples transactions commerciales

Dans certains cas où l'argent parvient à l'entité politique en échange de biens ou de services, la transaction n'entraîne pas une contribution.

Par exemple :

  • Une association enregistrée pourrait gagner des intérêts sur le solde de son compte bancaire, comme les particuliers ou les organisations. Ces intérêts, en partant du principe que l'association bénéficie d'un taux qui ne dépasse pas le taux du marché, ne sont pas une contribution faite par la banque.
  • Un candidat peut vendre des biens dont il n'a plus besoin, soit des ordinateurs usagés, après la période électorale. Les sommes que le candidat reçoit pour la vente de ces biens à leur juste valeur marchande ne constituent pas des contributions.
  • Un parti sous-loue ses locaux et déménage dans un nouvel endroit. Si la sous-location reflète la juste valeur marchande du loyer, le revenu qui en découle n'est pas une contribution.

Toutefois, certaines transactions ayant les caractéristiques d'une transaction commerciale où l'entité politique reçoit des fonds entraînent des contributions. Plusieurs exemples de telles transactions sont définis formellement dans la LEC. Élections Canada a pris position sur d'autres exemples dans ses avis écrits, lignes directrices et notes d'interprétation.

Activités de financement par la vente de billets

Dans le cadre d'une activité de financement, au sens de l'article 377 de la LEC, la contribution d'un particulier est le prix du billet moins la juste valeur marchande de l'avantage tangible reçu en échange du billet (repas, boissons, droit d'entrée pour un tournoi de golf, etc.).

Une partie du prix du billet demeure une contribution, malgré le fait que la transaction semble posséder les caractéristiques d'une transaction commerciale (c'est-à-dire qu'une personne doit acheter un billet pour prendre part à l'activité).

Congrès

Conformément au paragraphe 364(8) de la LEC, les participants qui déboursent une somme pour participer au congrès d'un parti ou à une course à la direction font une contribution au parti. Selon le Manuel sur le financement politique des partis enregistrés et des agents principaux :

Le montant de la contribution est la différence entre le montant payé par le particulier et la valeur commerciale de tout avantage tangible reçu, notamment les repas et l'hébergement, ou tout autre bien et service tangible reçu directement par le participant au congrès. Les dépenses générales engagées par le parti pour l'organisation du congrès, telles que la location d'une salle ou de matériel audiovisuel, ne sont pas déduites des frais de participation au congrès. (juin 2016 : 36)

En fait, l'interprétation d'Élections Canada précède l'adoption du paragraphe 364(8) de la LEC, lequel est venu préciser que les frais de participation à un congrès sont une contribution, même si ce paiement a tout d'une transaction commerciale.

Cependant, dans certaines circonstances, les frais de location d'un espace dans une foire commerciale n'entraîneront pas une contribution. Ce point est abordé dans la note d'interprétation no 2016-06, Frais facturables pour de l'équipement de foire commerciale ou d'exposition et son installation dans un congrès de parti. Élections Canada a conclu qu'il n'y a pas contribution si les paiements sont acceptés pour ne couvrir que les coûts différentiels réels des installations, de la mise en place et des autres avantages tangibles auxquels l'exposant a eu droit. De plus, les paiements ne peuvent pas être déduits des coûts que le parti aurait engagés pour le congrès, mais sans le volet « foire commerciale ».

Tirages, enchères et ventes de produits partisans

Dans la note d'interprétation no 2016-01 (Financement), on donne plusieurs exemples de transactions assujetties aux règles sur les contributions même s'il est question d'un bien ou d'un service vendu par une entité politique. Les raisons qui sous-tendent l'interprétation sont énoncées dans la note; il n'en sera question que brièvement dans le présent document.

En ce qui concerne les tirages, le plein tarif du billet constitue une contribution aux fins de la LEC. On ne déduit pas du prix du billet une partie de la valeur du prix calculée au prorata puisqu'aucune valeur ne peut être accordée à l'espoir de gagnernote 2.

Concernant les enchères, on mentionne deux situations dans la note no 2016-01 : l'achat d'un bien ayant une valeur marchande vérifiable, et l'achat d'un bien ou d'un service qui n'est pas vendu commercialement. On y indique ce qui suit :

Un particulier qui achète un bien ou un service mis aux enchères apporte une contribution si le montant offert dépasse la juste valeur marchande du bien ou du service. La juste valeur marchande correspond généralement au montant qui serait payé pour le bien ou le service sur le marché commercial. [...]

Cependant, si le bien ou le service mis aux enchères n'est pas vendu commercialement, la contribution correspond au prix d'achat en entier. (2016 : 8)

Par exemple, on a demandé à Élections Canada par le passé si les sommes amassées dans le cadre d'une enchère dont le prix serait une rencontre avec un chef politique entraîneraient une contribution. Selon la note no 2016-01, il s'agirait bel et bien d'une contribution puisque la juste valeur marchande d'un tel avantage ne peut pas être calculéenote 3. De plus, ce type de paiement est généralement versé pour manifester son soutien ou acquérir de l'influence ou un capital de sympathie, soit le type de transaction que la LEC vise à réglementer par ses règles sur les contributions.

En ce qui touche la vente de produits partisans, notamment des stylos ou des chandails au logo du parti, on mentionne dans la note d'interprétation que tout montant déboursé par l'acheteur qui dépasse le coût payé par l'entité politique constitue une contribution.

Commandites et publicité

Dans les manuels de financement politique de diverses entités, on prévoit également le cas où une organisation souhaite « commanditer » l'activité d'une entité politique ou « faire de la publicité » avec des partisans d'une entité politique. On y indique que ces transactions sont assujetties aux règles sur les contributions, et ce, malgré le fait qu'un tel arrangement peut avoir les caractéristiques d'une transaction commerciale. La prochaine section de la présente note réitère les raisons qui sous-tendent cette interprétation.

Intention du Parlement : réduire l'abus d'influence et favoriser des conditions équitables pour tous

Comme il a déjà été mentionné, la LEC définit une contribution monétaire comme étant « toute somme d'argent versée et non remboursable ». Malgré cette définition très large, il est important de noter que le sens ordinaire du mot « contribution » n'inclut pas la valeur de l'avantage tangible reçu par la personne qui fait une transaction de nature purement commerciale avec une entité politique.

Au moment de faire les interprétations mentionnées dans la section précédente et de définir ce qui constitue une « contribution monétaire », Élections Canada a considéré ce qui est généralement accepté comme étant l'intention du Parlement en matière de réglementation des contributions.

Premièrement, par le mécanisme de déclaration transparente et les limites sur les donateurs et les montants des contributions, le Parlement vise à réduire l'abus d'influence qui pourrait découler de l'achat, par une personne ou une entité, d'influence ou de faveurs (autrement dit, acheter du capital de sympathie), ainsi que la perception d'abus d'influence.

Deuxièmement, le Parlement cherche à favoriser des conditions équitables entre les entités politiques en veillant à ce que les candidats qui bénéficient du soutien de quelques riches donateurs ne soient pas les seuls à pouvoir participer au processus politique. La loi limite la capacité des particuliers, des sociétés et des syndicats d'utiliser leurs ressources financières pour aider les entités politiques qu'ils appuient.

Ces intentions sont directement liées aux transactions qui entraînent des rentrées d'argent pour les entités politiques. Si une personne ou une entité ne pouvant pas apporter de contribution (un non-Canadien ou une société, entre autres) était en mesure de donner de l'argent à une entité politique en commanditant un congrès ou en achetant un bien à un prix exorbitant dans le cadre d'enchères, l'objectif des plafonds de contributions serait contrecarré. Il en est ainsi parce que l'objet et l'effet de telles transactions ne se distinguent pas de ceux d'une contribution.

Puisque l'intention du Parlement ne pouvait pas être de permettre que les règles de contribution soient si facilement contournées, Élections Canada conclut que le Parlement voulait que ces transactions soient visées par la vaste définition donnée d'une « contribution monétaire ».

Conclusion

Selon l'interprétation d'Élections Canada, l'argent remis à une entité politique par un particulier ou un groupe est une contribution, à moins que l'entité politique puisse prouver le contraire.

Si la transaction ne se fait pas dans un contexte politique, de sorte qu'elle est purement de nature commerciale et que l'entité politique y est partie au même titre que tout participant au marché, il n'y a pas contribution à moins que l'acheteur ne donne à l'entité politique un montant supérieur à la juste valeur marchande de la transaction.

Si la transaction se fait dans un contexte politique, par exemple un congrès ou une activité de financement, elle entraînera généralement une contribution. Le montant de la contribution correspond à la différence entre la somme donnée et le coût de tout avantage tangible reçu.


Note 1 Agence du revenu du Canada (ARC), « Lexique des organismes de bienfaisance et dons », mis à jour en avril 2017.

Note 2 L'ARC adopte une approche différente concernant les reçus d'impôt pour dons (voir le folio de l'impôt sur le revenu Reçus pour dons pour une partie de la valeur et juste valeur marchande réputée, avril 2017). L'ARC estime que les participants à une loterie, bien qu'ils puissent être influencés dans leur choix de loterie par l'identité de l'organisme de bienfaisance qui l'organise, sont principalement motivés par la chance de gagner les prix qui sont offerts. Puisqu'il n'est pas possible de quantifier raisonnablement le montant de l'avantage, aucune partie du coût d'un billet de loterie ne constitue un don pour lequel un reçu d'impôt peut être délivré. Autrement dit, le prix payé n'est pas un don, mais une transaction commerciale à laquelle participe l'acheteur.

Note 3 Une fois de plus, la position de l'ARC diffère (ibid.) : lorsqu'une personne achète un bien ou un service mis aux enchères pour lequel il n'y a pas de valeur claire vérifiable, l'offre détermine la valeur du bien ou du service, et ce, peu importe qui organise les enchères.