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Avis écrit : 2021-09 (ébauche – janvier 2022)

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À la demande de l'agent principal d'un parti enregistré, le directeur général des élections donne un avis écrit sur l'application de toute disposition de la Loi électorale du Canada à une activité ou à une pratique à laquelle le parti ou une association enregistrée, un candidat à l'investiture, un candidat ou un candidat à la direction du parti a l'intention de se livrer. Avant de donner son avis, le directeur général des élections en fournit l'ébauche aux partis politiques fédéraux enregistrés et au commissaire aux élections fédérales aux fins de consultation et de rétroaction.

L'avis lie le directeur général des élections et le commissaire à l'égard de l'activité ou de la pratique du parti enregistré, de l'association enregistrée, du candidat à l'investiture, du candidat ou du candidat à la direction en question, dans la mesure où tous les faits importants à l'appui de la demande d'avis ont été communiqués et sont exacts, et tant que ni les faits eux-mêmes, ni l'activité ou la pratique envisagées ne font l'objet d'un changement important.


Contributions apportées à la suite de certains accords ou affirmations

Demande présentée

En vertu de l'article 16.2 de la Loi électorale du Canada (LEC), l'agent principal du Parti Marijuana a présenté la demande suivante :

« Cette demande vise à obtenir un énoncé sur la légalité du régime de prime à la participation, au regard de l'article 369. Cet énoncé pourrait servir à informer les Canadiens de leur droit de conclure légalement des transactions de prime à la participation par l'entremise d'un parti enregistré, d'une association enregistrée, ou des deux, de telles transactions leur donnant droit également à un certain avantage net après impôt. Le régime de contributions politiques autorisées devrait s'appliquer à tous les dirigeants et agents de partis enregistrés et d'associations enregistrées. Puisqu'il n'y a aucune limite quant au nombre de dirigeants et d'agents que peuvent nommer les partis et les associations enregistrés, cette forme de contributions politiques pourrait s'appliquer à tous les Canadiens.

Le parti a défini cinq étapes pour enregistrer les activités de participation au sein d'une association enregistrée :

  1. Communiquer l'acceptation de la charge de dirigeant d'une association enregistrée au premier dirigeant ou l'acceptation de la charge d'agent de circonscription à l'agent financier. Le premier dirigeant ou l'agent financier informe Élections Canada de la nomination.
  2. Apporter une contribution en argent à l'association enregistrée, jusqu'à concurrence du plafond annuel fixé, et recevoir un reçu officiel, valide aux fins de l'impôt.
  3. À titre de donateur (qui est aussi dirigeant ou agent), réclamer le crédit d'impôt pour contribution politique sur sa déclaration de revenus personnelle, en présentant le reçu officiel.
  4. À titre de dirigeant ou d'agent, diriger les opérations de l'association de circonscription et soumettre un état des dépenses à l'association enregistrée, lequel doit être étayé par des explications écrites ou électroniques vérifiables sur la provenance et la destination des fonds visés.
  5. Être remboursé ou payé, selon la juste valeur marchande, pour des actions prises en tant que dirigeant ou agent.

Bien qu'il y ait plusieurs différences mineures dans leur administration par Élections Canada, ces cinq étapes de participation pourraient être semblables pour les dirigeants et les agents des partis politiques enregistrés. Des particuliers pourraient devenir des dirigeants ou des agents de parti. À ce titre, ils pourraient gérer la façon dont leur contribution est dépensée, facturer le parti pour ces services et recevoir une indemnité, en plus de réclamer pour eux-mêmes un crédit d'impôt pour contributions politiques. »

Avis

À la lumière des renseignements fournis, Élections Canada est d'avis que le procédé proposé par le Parti Marijuana ne peut, dans son ensemble, être promu ou mené sans enfreindre la LEC, car des contributions seraient apportées à la suite d'accords interdits ou d'affirmations interdites, ou les deux. Le procédé consiste à acheminer des fonds par un parti ou une association au profit du donateur, qui toucherait une « prime » sous forme de crédit d'impôt. Ce genre de pratique est illégal en application des articles 368 et 369 de la LEC.

Paragraphe 368(4) – Transactions avec un parti enregistré effectuées au titre du procédé proposé

Il y a contravention du paragraphe 368(4) lorsqu'un parti enregistré conclut un accord prévoyant le paiement de biens ou de services à la condition qu'une contribution soit apportée. Par conséquent, le procédé proposé enfreint cette disposition si les transactions font intervenir le parti enregistré.

Paragraphe 369(1) – Transactions avec un parti enregistré ou une association enregistrée effectuées au titre du procédé proposé

Il y a contravention du paragraphe 369(1) lorsqu'une personne, y compris un parti enregistré, une association enregistrée, ses dirigeants ou ses agents, indique à un donateur ou à un donateur éventuel que la totalité ou une partie d'une contribution sera cédée à une personne ou à une entité autre qu'un parti enregistré, une association enregistrée, un candidat ou un candidat à la direction. C'est aussi le cas si l'on indique que la totalité ou une partie de la contribution sera cédée au donateur.

Comme il est mentionné dans le procédé proposé, les particuliers ont droit à un crédit d'impôt pour les contributions apportées à certaines entités politiques. Ce crédit d'impôt constitue la « prime » accordée à un participant au procédé proposé. L'article 369 a été inclus dans la LEC pour empêcher les entités de déguiser en contributions politiques – pour profiter du crédit d'impôt – des fonds qui seront en fait acheminés par le parti ou l'association à une entité non politique. Or, c'est précisément ce que prévoit le procédé : une contribution est apportée, étant entendu que la totalité ou une partie de celle-ci n'ira pas au parti ou à l'association, mais sera plutôt payée à une autre entité choisie par le donateur (possiblement au donateur lui-même). En faisant la promotion du procédé proposé pour encourager la participation, le parti enregistré ou l'association enregistrée laisse entendre aux particuliers que leurs contributions à une entité politique peuvent leur être acheminées, ce qui enfreint l'article 369. Un participant qui accepte ou demande de telles contributions enfreindrait aussi l'article 369.

Note : Les avis écrits du directeur général des élections portent exclusivement sur l'application de la LEC à une pratique proposée. Toute question de nature fiscale doit être adressée à l'Agence du revenu du Canada.

Cadre législatif

Les dispositions de la LEC les plus pertinentes dans le présent contexte sont les suivantes :

  • Une contribution peut être monétaire ou non monétaire. Elle n'est jamais remboursable. (paragraphe 2(1))
  • Il est interdit à toute personne ou entité de conclure un accord prévoyant le paiement de biens ou de services fournis à un parti enregistré ou à un candidat à la condition qu'un particulier apporte une contribution à un parti enregistré, à une association enregistrée, à un candidat, à un candidat à l'investiture ou à un candidat à la direction. (paragraphe 368(4))
  • Il est interdit à toute personne ou entité de demander ou d'accepter une contribution monétaire pour le compte d'un parti enregistré, d'une association enregistrée ou d'un candidat en indiquant à la personne à qui est demandée ou de qui est reçue la contribution que celle-ci sera, en tout ou en partie, cédée à une personne ou à une entité autre que le parti enregistré ou qu'un candidat, un candidat à la direction ou une association de circonscription. Il est interdit à toute personne ou entité d'agir de concert avec d'autres personnes ou entités en vue d'échapper à cette interdiction. (article 369)
  • Un parti enregistré peut nommer, comme agents enregistrés, des personnes autorisées par le parti à accepter des contributions ainsi qu'à engager et à payer des dépenses au nom du parti. (paragraphe 396(1))
  • Une association enregistrée peut nommer, comme agents de circonscription autorisés, des personnes autorisées par l'association à accepter des contributions ainsi qu'à engager et à payer des dépenses au nom de l'association. (paragraphe 456(1))
  • Les nominations d'agents enregistrés et d'agents de circonscription doivent être communiquées à Élections Canada dans un délai de 30 jours. (paragraphes 396(2) et 456(2))
  • Seuls les agents enregistrés d'un parti enregistré peuvent engager des dépenses pour le parti enregistré, ainsi qu'accepter des contributions et payer des dépenses au nom du parti enregistré. (paragraphes 426(1) à (3))
  • Seuls les agents de circonscription d'une association enregistrée peuvent engager des dépenses pour l'association enregistrée, ainsi qu'accepter des contributions et payer des dépenses au nom de l'association enregistrée. (paragraphes 475(1) à (3))

Contexte

Tout citoyen canadien ou résident permanent du Canada peut apporter une contribution à un parti enregistré ou à une association enregistrée, sous réserve des plafonds annuels. Une contribution monétaire est une somme d'argent versée et non remboursable. Les contributions monétaires peuvent donner droit à un crédit d'impôt.

La LEC comporte des restrictions quant aux conditions dans lesquelles des contributions peuvent être demandées et acceptées. Ces restrictions contribuent à préserver l'intégrité du régime de financement politique, notamment en empêchant les entités de profiter du crédit d'impôt pour contributions politiques en présentant comme telles des transactions qui ne respectent pas les objectifs du régime du crédit d'impôt.

Toutes les contributions apportées à un parti enregistré ou à une association enregistrée doivent être reçues par un agent enregistré (y compris l'agent principal) du parti ou par un agent de circonscription (y compris l'agent financier) de l'association, selon le cas. Il leur incombe donc d'accepter et de déclarer correctement les contributions et de délivrer les reçus requis.

Toutes les dépenses d'un parti enregistré ou d'une association enregistrée doivent être engagées et payées par un agent enregistré ou par un agent de circonscription, selon le cas.

Analyse et discussion

Résumé du procédé proposé

Le procédé proposé sur lequel le Parti Marijuana demande un avis écrit est décrit en cinq étapes dans sa demande, bien qu'il y ait une autre étape préliminaire importante pour l'analyse : la communication du procédé aux donateurs potentiels. Voici une mise en situation qui illustre l'application du procédé. Robert, un particulier, prend connaissance du procédé proposé sur le site Web du parti et décide de devenir agent de circonscription d'une association enregistrée. L'association le nomme comme agent et en informe Élections Canada. Robert verse une contribution de 100 $ à l'association. À titre d'agent, il accepte la contribution au nom de l'association et se délivre un reçu de contribution de 100 $. Par la suite, il établit qu'une dépense de 100 $ qu'il a engagée personnellement profite à l'association (c'est-à-dire que l'association a engagé cette dépense). Par l'entremise de Robert en sa qualité d'agent, l'association lui verse alors 100 $ pour cette dépense qu'il a identifiée comme étant engagée pour l'association. Robert inscrit une contribution politique de 100 $ dans sa déclaration de revenus. Par conséquent, même si Robert n'a pas dépensé le moindre sou (il a versé une contribution de 100 $ et a reçu un paiement de 100 $), il a obtenu un reçu de contribution d'une valeur potentielle de 75 $1.

Dans certaines circonstances, chacune des cinq étapes du procédé peut être exécutée en toute légalité. Ensemble, et surtout si le procédé est communiqué, elles contreviennent aux interdictions prévues aux paragraphes 368(4) ou 369(1) de la LEC, ou aux deux.

Accords interdits pour les partis enregistrés

Le paragraphe 368(4) de la LEC interdit à toute personne ou entité de conclure un accord prévoyant le paiement de biens ou de services fournis à un parti enregistré ou à un candidat à la condition qu'un particulier apporte une contribution à un parti enregistré, à une association enregistrée, à un candidat à l'investiture, à un candidat ou à un candidat à la direction.

Dans le procédé proposé, un parti ou une association convient avec un particulier de lui acheter des biens ou des services, et le versement d'une contribution est une condition de cet accord. Il se peut que la même personne agisse, ou non, au nom des deux parties de l'accord à des titres différents (p. ex. si elle est à la fois agent du parti et fournisseur des biens ou des services). Comme un accord prévoyant la fourniture de biens ou de services à un parti enregistré ou à un candidat ne peut inclure, comme condition, le versement d'une contribution, le donateur et le parti enregistré enfreignent le paragraphe 368(4) si le parti intervient dans le procédé proposé.

Affirmations interdites de la part des partis enregistrés et des associations enregistrées

L'article 369 de la LEC interdit à toute personne ou entité de demander ou d'accepter une contribution pour le compte d'un parti enregistré ou d'une association enregistrée en indiquant à la personne à qui est demandée ou de qui est reçue la contribution que celle-ci sera, en tout ou en partie, cédée à une personne ou à une entité autre qu'une entité politique. Agir de concert en vue d'échapper à cette interdiction constitue aussi une infraction.

L'article 369 a été ajouté à la LEC pour protéger les dispositions relatives au financement politique. Plus précisément, il empêche d'utiliser les transactions avec des entités politiques comme moyen de générer des contributions donnant droit à un crédit d'impôt. D'ailleurs, il est interdit par l'article 369 de donner à une transaction la forme d'une contribution, si c'est simplement un moyen d'acheminer des fonds vers une entité non politique tout en obtenant un reçu pour crédit d'impôt.

Le procédé proposé incite les particuliers à effectuer des transactions déguisées en contributions, en échange d'une « prime ». Les particuliers toucheraient cette prime en apportant une contribution monétaire, puis en se faisant « rembours[er] ou pay[er], selon la juste valeur marchande », des dépenses qu'ils associent à leur lien avec l'entité politique. Même si l'on affirme qu'il s'agirait de dépenses du parti ou de l'association, toujours est-il que les particuliers n'auraient pas versé de contributions sans la certitude de toucher une prime et l'affirmation de pouvoir disposer des fonds comme ils l'entendent. En faisant la promotion du procédé proposé pour encourager la participation, le parti enregistré ou l'association enregistrée laisse entendre aux particuliers que leurs contributions à une entité politique peuvent leur être acheminées, ce qui enfreint l'article 369.

Dans la mesure où le procédé proposé a été conçu pour esquiver les conséquences du paragraphe 369(1), par exemple en présentant l'acheminement de l'argent au donateur comme étant le remboursement d'une dépense du parti ou de l'association, il enfreint également l'interdiction, prévue au paragraphe 369(2) de la LEC, d'agir de concert en vue d'échapper à l'interdiction prévue au paragraphe 369(1).

Conclusion – Application de la LEC au procédé proposé

Le procédé proposé enfreint le paragraphe 368(4) de la LEC lorsqu'il lie les contributions et les dépenses d'un parti enregistré. Il enfreint aussi l'article 369 lorsqu'il implique une affirmation de la part d'un parti enregistré ou d'une association enregistrée. Le procédé proposé n'est donc pas autorisé par la LEC.

À propos de l'étendue de cet avis

Les avis écrits du directeur général des élections portent exclusivement sur l'application de la LEC à une pratique proposée. Même si les contributions monétaires peuvent donner droit à des crédits d'impôt en application de la Loi de l'impôt sur le revenu, la gestion de ces crédits d'impôt dépasse le cadre du présent avis. Toute question de nature fiscale doit être adressée à l'Agence du revenu du Canada.

Notes de bas de page

1 Bien que le paragraphe 366(1) de la LEC exige la délivrance d'un reçu pour toute contribution supérieure à 20 $, l'utilisation de ce reçu comme preuve de versement d'une contribution aux fins d'un crédit d'impôt est régie par la Loi de l'impôt sur le revenu et dépasse donc le cadre du présent avis.