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Participation électorale des Autochtones au Canada

7. Recommandations

Pour 2008‑2013, Élections Canada s'est fixé comme objectifs de maintenir la confiance des électeurs dans le processus électoral, d'accroître l'accessibilité de ce processus et de consolider l'engagement des principaux intervenants. À la lumière de nos constatations, nous proposons cinq recommandations stratégiques visant à rendre le processus électoral plus accessible aux Autochtones. Ces recommandations, qui pourraient contribuer à augmenter le taux de participation des Canadiens autochtones, sont les suivantes :

  1. Cibler les Autochtones vivant dans les réserves.
  2. Mettre l'accent sur les jeunes Autochtones.
  3. Concevoir et promouvoir des programmes qui permettent d'acquérir des ressources politiques et de renforcer le sens du devoir civique.
  4. Intensifier les efforts d'inscription des électeurs.
  5. Étudier les cas exceptionnels.

Ci-après, nous expliquons la logique derrière chaque recommandation et nous proposons des moyens pour y donner suite.

1. Cibler les Autochtones vivant dans les réserves

Selon nos estimations, à circonstances égales, les résidents des réserves des Premières nations sont moins susceptibles de voter que leurs concitoyens dans une proportion de 7 à 8 points de pourcentage. Cette probabilité augmente pour atteindre 9 à 10 points de pourcentage chez les Autochtones des réserves rurales. On note trois raisons pour lesquelles tout effort visant à accroître la participation électorale des Autochtones des réserves profiterait à l'ensemble des électeurs autochtones. Premièrement, nos constatations suggèrent qu'une personne sera plus portée à voter si les gens avec qui elle vit ont déjà voté, ce qui, à notre avis, témoigne d'un effet de réseau généralisé (voir Christakis et Fowler, 2009). Il s'agit là d'une occasion importante pour encourager la mobilisation. En axant ses efforts sur des populations concentrées dans des zones géographiques, Élections Canada optimiserait cet effet de réseau. Les coûts de scrutin pourraient diminuer, puisque les électeurs échangeraient de l'information sur le processus électoral. Cette façon de faire pourrait aussi renforcer le sens du devoir civique et l'obligation sociale, puisque les électeurs qui se prévaudraient de leur droit de vote inciteraient les autres à faire de même.

Deuxièmement, en travaillant de concert avec les chefs de bande, Élections Canada pourrait utiliser les connaissances et traditions locales dans le but de rehausser l'efficacité de ses programmes de mobilisation. Il faut évidemment tenir compte du contexte dans la mise en œuvre de programmes éducatifs destinés aux électeurs et d'initiatives d'inscription. En s'attardant d'abord aux populations des réserves, Élections Canada, en étroite collaboration avec les dirigeants locaux, pourrait adapter ses programmes afin de répondre aux besoins cernés. Cette tâche devient plus ardue lorsqu'il s'agit des populations hors réserve, qui sont souvent dispersées. Élections Canada devrait entreprendre des recherches-sondages et des discussions thématisées avec les électeurs autochtones pour mieux comprendre comment leur vision de l'obligation et de l'engagement communautaires influe sur leur participation aux élections fédérales. Par exemple, Élections Canada pourrait poser tout un éventail de questions sur le sentiment d'obligation afin de comprendre si la participation électorale diffère de l'obligation que l'un ressent envers sa famille ou sa communauté ainsi que des autres formes de participation.

Troisièmement, comme la participation électorale est plus faible dans les réserves, les possibilités d'amélioration sont plus grandes. Bien que la pleine participation dans une région demeure improbable, il va de soi que le potentiel de croissance marginale est plus grand là où la participation est faible.

2. Mettre l'accent sur les jeunes Autochtones

Les jeunes Autochtones sont beaucoup moins enclins à voter que leurs aînés. Selon nos estimations, un électeur autochtone de 25 ans ou moins est de 25 à 26 points de pourcentage moins susceptible de voter que son homologue de 65 ans ou plus. Cette estimation prend en compte les effets du revenu des jeunes Autochtones, qui est inférieur à la moyenne. À l'instar des Autochtones dans les réserves, le potentiel d'amélioration est considérable.

Puisque notre prochaine recommandation met l'accent sur l'importance des ressources politiques, nous nous concentrons sur les moyens que pourrait prendre Élections Canada pour mieux cibler les jeunes. D'abord, Élections Canada devrait revoir la publicité destinée aux jeunes Autochtones. Bien que tout effort visant à accroître la participation électorale ait du mérite, il nous paraît évident que la publicité d'Élections Canada destinée aux électeurs autochtones ne produit pas les résultats escomptés, en particulier chez les jeunes.

Les scrutins permettent d'évaluer l'efficacité des techniques de mobilisation dans une mesure restreinte seulement. Puisque le vote n'a lieu qu'à la fin de la campagne électorale, il est difficile de savoir avant cette date si une campagne publicitaire s'est avérée efficace. Par conséquent, si Élections Canada souhaite maximiser ses efforts de sensibilisation et de mobilisation auprès des jeunes en période électorale, nous lui conseillons de mener des sondages à mi-parcours et de déployer ses publicités sur le terrain de manière progressive afin de tester leur efficacité.

Nous suggérons aussi de tester au cours des élections partielles tous les types d'outils de persuasion disponibles. En effet, les élections partielles organisées dans des circonscriptions géographiquement dispersées – qui sont plus susceptibles de toucher les électeurs des réserves – sont l'occasion idéale pour mettre à l'essai diverses techniques de mobilisation dans une circonscription donnée, durant un scrutin donné.

Bref, nous préconisons la mise à l'essai d'une large gamme d'approches. Comme l'ont démontré les recherches effectuées aux États-Unis, il s'agit là de la meilleure méthode pour déterminer les outils de mobilisation les plus efficaces.

3. Concevoir et promouvoir des programmes qui permettent d'acquérir des ressources politiques et de renforcer le sens du devoir civique

Aucun facteur n'influe autant sur la décision de voter que les ressources politiques et la conviction que le vote est un devoir. Chose alarmante, ces deux tendances affichent un recul abrupt au pays, surtout chez les jeunes Canadiens. Pour stimuler la participation électorale, il faudra d'abord renverser cette tendance. Malheureusement, il n'existe aucune solution miracle puisque ce déclin semble attribuable à un changement de valeurs à long terme, et à grande échelle, chez les plus jeunes générations (Blais et Rubenson, à paraître; Howe, 2010).

Bien que nous n'ayons pas de solutions précises, nous préconisons deux politiques d'avenir particulières. Élections Canada devrait servir de bureau central et de source de financement pour assurer la meilleure formation possible en matière d'éducation civique. Il serait essentiellement appelé à piloter ou à financer la mise à l'essai d'outils pédagogiques visant à développer l'intérêt et le savoir politiques des jeunes (Autochtones et non-Autochtones) afin de les habiliter à voter. Pour ce faire, il faut d'abord déterminer de quelles ressources les jeunes citoyens ont besoin. Pour l'instant, nous supposons que la sensibilisation à l'importance du vote et la connaissance des divers partis politiques, et l'intérêt pour ceux-ci, revêtent davantage d'importance que la compréhension du fonctionnement de notre système politique. Il ne s'agit toutefois que d'une hypothèse.

Nous pensons qu'Élections Canada et ses partenaires devraient concevoir différents programmes d'éducation civique dans les trois à cinq prochaines années et les mettre en œuvre dans les réserves ainsi que dans les écoles secondaires fréquentées par un grand nombre d'élèves autochtones. En menant plusieurs approches de front et en comparant leurs effets sur des électeurs ciblés au cours d'un ou de deux cycles électoraux, nous comprendrons mieux ce qui contribue au renforcement des ressources politiques et du sens du devoir civique chez les Canadiens autochtones.

Un tel programme expérimental en matière d'éducation civique pourrait être adapté aux Autochtones de tous âges. Élections Canada devrait examiner les effets des divers programmes communautaires d'éducation civique, qui pourraient être administrés par les citoyens, durant un cycle électoral ou en dehors de celui-ci. En déployant et en testant ces programmes de manière systématique, nous cernerons lesquels renforcent les ressources politiques et le sens du devoir civique dans une région donnée et permettent d'augmenter la participation électorale.

La conception de ces programmes n'incombe pas nécessairement à Élections Canada. En tant que bureau central et source de financement, Élections Canada aurait comme rôle central d'appuyer les initiatives communautaires, pourvu qu'elles soient soumises à des évaluations de programme adéquates.

4. Intensifier les efforts d'inscription des électeurs

Comme le montrent nos résultats, l'inscription a une incidence décisive et distincte sur la décision de voter, même après la prise en compte des facteurs démographiques clés et de l'influence des ressources politiques et du devoir civique. À vrai dire, le fait d'être inscrit et de se rappeler avoir reçu une carte d'information de l'électeur ajoute 20 points de pourcentage à la probabilité d'aller voter. Nous avons deux recommandations visant à accroître le taux d'inscription.

Premièrement, Élections Canada devrait élargir son Programme des agents de relations communautaires, mis en œuvre lors de la 38e élection générale (2004). Il procure des renseignements importants relatifs à l'inscription et au vote et contribue à la révision ciblée du Registre national des électeurs. Dans la mesure du possible, des ressources additionnelles devraient être affectées à ces fins.

Deuxièmement, Élections Canada devrait examiner d'autres moyens pour permettre aux électeurs de s'inscrire, notamment en ligne ou par téléphone. D'autres administrations se sont lancées sur cette voie, et Élections Canada devrait prendre des mesures préliminaires en vue de faire de même. À cette fin, il faudrait se hâter d'apporter les changements législatifs nécessaires. Toutefois, puisque plusieurs régions rurales au Canada n'ont pas encore de connexion Internet à large bande, un tel changement d'approche devra être surveillé attentivement pour s'assurer qu'il n'engendre pas d'avantages différentiels fondés sur l'accès à Internet.

5. Étudier les cas exceptionnels

Finalement, nous recommandons à Élections Canada de commander une série d'études de cas sur les endroits où la participation électorale des Autochtones est de loin supérieure ou inférieure à la moyenne. Dans certains cas, ces sections de vote seront voisines ou se trouveront au sein d'une même circonscription.

La recherche-sondage permet de cerner les principaux facteurs qui font varier le taux de participation, mais elle ne relève pas les différences sur le terrain entre les endroits où la participation est élevée et ceux où elle est faible. C'est pourquoi une série d'études de cas approfondies aideraient à circonscrire les facteurs déterminants qui contribuent à des taux anormalement élevés ou faibles de participation. Instinctivement, les candidats potentiels mobiliseraient l'élite politique et communautaire de la place, souligneraient la grande compétence dans les bureaux de scrutin et encourageraient les visites par les candidats locaux et les agents de relations communautaires. Il ne s'agit là que de quelques explications possibles et c'est pourquoi des recherches plus approfondies s'imposent.