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Le fardeau de voter aux élections fédérales canadiennes de 2019

Chapitre 5 : Quelle est l'importance du fardeau?

Nous avons vu que les diverses perceptions du fardeau de voter ont tendance à être relativement faibles, mais qu'il existe des exceptions, notamment chez les jeunes, les électeurs autochtones vivant dans des réserves, les électeurs souffrant d'un handicap grave et les abstentionnistes habituels. Mais il est toujours possible qu'un petit fardeau ait un impact important sur la décision de voter, surtout si l'avantage du vote est relativement faible. Comme l'a élégamment fait valoir Aldrich (1993), un petit coût peut faire une grande différence dans un contexte de faible coût et de faible bénéfice.

Notre objectif dans ce chapitre est d'estimer dans quelle mesure l'intention de voter est affectée par les différents fardeaux que nous avons examinés dans les chapitres précédents. En d'autres termes, quel serait l'impact sur le taux de participation si tous les électeurs pensaient qu'il est très facile de s'inscrire, de se rendre au bureau de vote, de déposer un bulletin et de décider pour qui voter?

Pour ce faire, nous devons prendre en compte les autres facteurs, principalement motivationnels, qui façonnent la participation : l'intérêt pour la politique, la conviction que voter est un devoir et l'affiliation partisane. À la suite de Blais et Daoust (2020), nous nous concentrons sur deux attitudes motivationnelles puissantes : l'intérêt pour la politique et la conviction que le vote est un devoir civique. Il existe de solides preuves empiriques que chacune de ces deux attitudes affecte la décision de voter, c'est-à-dire que les personnes qui ne s'intéressent pas beaucoup à la politique ou qui n'ont pas le sentiment d'avoir une obligation morale de voter sont beaucoup plus enclines à s'abstenir. Nous incluons une troisième variable, à savoir si l'on se sent proche d'un parti politique, car ceux qui se sentent proches d'un parti sont plus enclins à voter (Campbell et al., 1960).

Le niveau d'intérêt pour la politique est mesuré par une question simple demandant dans quelle mesure on s'intéresse à la politique (Q49, première et troisième vagues); l'intérêt moyen sur une échelle de 0 à 1 est de 0,71; la réponse la plus courante est « moyennement intéressé(e) », suivie de « très intéressé(e) » 25 . Le sens du devoir civique est abordé par la question proposée par Blais et Achen (2019), où les répondants étaient invités à dire s'ils considéraient le vote comme un devoir ou un choix (Q55r, première vague); 74 % ont choisi le devoir. Les identificateurs de parti sont définis comme ceux qui indiquent qu'ils se sentent proches d'un parti politique fédéral (Q64, première vague); 45 % des répondants se sentent proches d'un parti.

La question est donc de savoir dans quelle mesure la décision de voter ou de s'abstenir est déterminée par ces facteurs de motivation et dans quelle mesure elle l'est par les obstacles. Notre approche est la suivante. Notre variable dépendante est l'intention de vote, mesurée à la première vague du questionnaire (Q35, première vague). Cette variable prend la valeur 1, si la personne a répondu qu'elle était certaine de voter, ce qui était le cas pour 80 % de l'échantillon, et 0 sinon (les répondants qui ont dit qu'ils étaient susceptibles, peu susceptibles ou certains de ne pas voter). Nous reproduisons également les analyses avec le taux de participation déclaré dans l'enquête postélection (Q37, troisième vague), dans laquelle 90 % des répondants affirment avoir voté. On présente ces résultats dans le tableau 1 de l'annexe D.

Le taux de participation officiel à l'élection était de 67 % 26 . L'enquête surestime clairement le taux de participation, comme c'est souvent le cas dans les enquêtes sur la participation électorale. Il y a à cela deux raisons. La première est l'autosélection. Les personnes qui s'intéressent davantage à la politique (et qui sont plus enclines à voter) sont plus susceptibles de répondre aux enquêtes « politiques ». L'attrition accentue ce phénomène dans le cas des enquêtes par panel, car les personnes moins intéressées par la politique sont plus susceptibles d'abandonner lors des deuxième et troisième vagues. Le biais d'autosélection est donc plus important en troisième vague, c'est pourquoi la plupart de nos analyses sont réalisées avec les données de la première vague. La deuxième raison est la désirabilité sociale : certaines personnes sont réticentes à admettre qu'elles ne votent pas (parce que le « bon » citoyen est censé voter). La question sur le vote déclaré lors de la vague postélection a été formulée de manière à ce qu'il soit plus facile pour les personnes d'indiquer qu'elles n'ont pas voté cette fois-ci (Morin-Chassé et al., 2017), mais cela n'élimine pas complètement le biais de désirabilité sociale.

Même si les recherches existantes montrent qu'il existe un biais dans la distribution de la variable dépendante, les preuves disponibles suggèrent que cela n'affecte pas substantiellement les relations que nous observons. Achen et Blais (2016) utilisent les American National Election Studies (ANES) pour examiner les corrélats de l'intention de vote, du vote déclaré et du vote validé. Ils constatent que « toutes les variables pertinentes sont statistiquement significatives et de signe correct dans les trois équations » (page 200); et que « nos résultats soutiennent une approbation circonscrite et qualifiée de la pratique actuelle consistant à confondre les études sur le vote prévu, le vote déclaré et le vote validé » (page 207).

À l'aide d'estimations MCO, nous prédisons la probabilité d'être certain qu'une personne va voter, en utilisant les trois variables de motivation et les quatre fardeaux, tout en contrôlant également les caractéristiques sociodémographiques. On présente ces résultats dans le tableau 2 de l'annexe D. La figure 5.1 présente les résultats concernant les motivations et les fardeaux pour le modèle 1 du tableau 2. Nous pouvons constater que les fardeaux ont une importance : chacun des quatre fardeaux a un effet indépendant sur la propension à voter. Cependant, les facteurs de motivation (intérêt pour la politique et devoir) ont un impact beaucoup plus important. L'intérêt que l'on porte à la politique et le sentiment d'avoir une obligation morale de voter sont plus importants que la perception de la facilité ou de la difficulté de voter.

Figure 5.1 : L'impact des efforts et des motivations sur l'intention de voter, en tenant compte des caractéristiques sociodémographiques

Figure 5.1 : L'impact des efforts et des motivations sur l'intention de voter, en tenant compte des caractéristiques sociodémographiques

Description de « Figure 5.1 : L'impact des efforts et des motivations sur l'intention de voter, en tenant compte des caractéristiques sociodémographiques »

Cette figure représente l'impact des fardeaux perçus et des motivations sur la probabilité d'être certain de voter. La figure liste les fardeaux et les éléments de motivation sur l'axe des ordonnées et l'axe des abscisses représente le changement de la probabilité d'être certain de voter, passant de -0,15 à 0,3. La liste des fardeaux, c'est-à-dire les étapes du processus de vote qui sont perçues comme difficiles, est la suivante : inscription, décision, bureau de vote et vote. Les facteurs de motivation énumérés sont : s'intéresser à la politique, considérer le vote comme un devoir et s'identifier à un parti (ceux qui indiquent se sentir proches d'un parti politique fédéral).

Il y a un point par motivation ou par fardeau, qui représente la variation de la probabilité d'être certain de voter lorsqu'une variable donnée passe de la valeur la plus faible à la valeur la plus élevée, toutes choses étant égales par ailleurs. Des valeurs positives signifient que la probabilité d'être certain de voter est plus élevée lorsqu'une variable de motivation ou de fardeau donnée passe de la valeur la plus faible à la valeur la plus élevée. Une valeur négative signifie que la probabilité d'être certain de voter diminue lorsqu'une variable de motivation ou de fardeau donnée passe de la valeur la plus faible à la valeur la plus élevée. Toutes les motivations énumérées ci-dessus ont des effets positifs, tandis que tous les fardeaux ont des effets négatifs sur la probabilité d'être certain de voter. L'effet complet de chacune de ces motivations ou fardeaux sur la probabilité d'être certain de voter est décrit dans le paragraphe ci-dessous.

Note : Les points représentent la variation de la probabilité d'être certain de voter lorsqu'une variable donnée passe de la valeur la plus faible à la valeur la plus élevée, toutes choses étant égales par ailleurs.

Parmi les quatre fardeaux, celui qui présente le coefficient le plus élevé est l'inscription. Toutes choses égales par ailleurs, la probabilité d'être certain de voter diminue de 13 points lorsque l'inscription est perçue comme très difficile. Cela dit, ce fardeau ne s'applique pas à la grande majorité des Canadiens, car ils sont déjà inscrits; ce n'est donc pas une préoccupation pour eux puisqu'ils n'ont rien à faire pour s'inscrire. Nos données suggèrent que la participation augmenterait d'un point de pourcentage si l'inscription était perçue comme très facile par tous. Cette estimation est obtenue en multipliant 0,08 (la moyenne du fardeau d'inscription) par 0,125 (le coefficient du fardeau de l'inscription). En utilisant la même approche, nous estimons que la participation augmenterait de 4 points si le fardeau de la décision était complètement absent, de 3 points s'il n'y avait aucune difficulté perçue associée au fait de se rendre au bureau de vote, et de 2 points si tout le monde pensait que voter est très facile.

Se débarrasser du fardeau de la décision ne semble pas être une option réaliste, surtout si l'on considère que de nombreux Canadiens ne sont pas très bien informés sur les partis, les chefs et les candidats. Nos données suggèrent que, si l'on se concentre sur les aspects procéduraux, c'est-à-dire les aspects qu'Élections Canada peut éventuellement améliorer, l'augmentation maximale du taux de participation, si tous les aspects de la procédure se déroulaient parfaitement bien, est de six points de pourcentage 27 . Nous nous risquons à dire que le gain total potentiel réaliste est probablement de quelques points de pourcentage. Ce n'est pas beaucoup, mais nos données suggèrent qu'il est possible d'augmenter légèrement le taux de participation, notamment en facilitant la tâche de chacun pour se rendre au bureau de vote et déposer son bulletin.

Il est logique de penser que ces fardeaux n'ont pas le même impact sur tout le monde. Il y a des personnes qui sont prêtes à voter, quelle que soit la difficulté, parce qu'elles sont passionnées par la politique ou qu'elles pensent que c'est leur devoir civique de voter. D'autres peuvent être ambivalentes et être tentées de s'abstenir si elles sont confrontées à un obstacle quelconque. Cela suggère que les différents fardeaux auront un effet plus important sur la décision de participation chez les personnes moins intéressées par la politique ou qui pensent que le vote est une décision personnelle et non un devoir. Cette interprétation est étayée par la figure 5.2, qui montre l'impact du fardeau du « bureau de vote » et du « vote » en fonction du niveau d'intérêt et du sens du devoir civique de chacun (voir le tableau 2 de l'annexe D pour les résultats complets). On constate que l'impact de ces fardeaux est beaucoup plus important chez les personnes qui ne s'intéressent pas du tout à la politique et chez celles qui n'ont pas le sens du devoir civique; dans ce cas, la présence d'un obstacle fournit aux gens une raison supplémentaire de rester chez eux.

Figure 5.2 : L'impact des efforts sur l'intention de vote, selon l'intérêt et le devoir

Figure 5.2 : L'impact des efforts sur l'intention de vote, selon l'intérêt et le devoir

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Cette figure représente deux histogrammes représentant l'impact des fardeaux sur les intentions de vote, selon l'intérêt pour la politique et le sens du devoir civique.

Le premier histogramme montre l'impact des fardeaux que représentent le fait de se rendre au bureau de vote et le fait de voter sur l'intention d'être certain de voter, selon le niveau d'intérêt pour la politique. Les deux fardeaux ont un impact négatif sur l'intention de vote. Plus précisément, le fardeau associé au vote a un effet marginal négatif plus important sur la probabilité d'être certain de voter que celui du fardeau de se rendre au bureau de vote. Lorsque l'intérêt pour la politique passe d'un niveau faible à un niveau élevé, l'impact négatif de chacun des fardeaux sur la probabilité d'être certain de voter diminue.

Le deuxième histogramme montre l'impact du fardeau que représente le fait de se rendre au bureau de vote et le fait de voter sur l'intention d'être certain de voter, selon le sens du devoir civique (c'est-à-dire si voter est un devoir ou un choix). Le deuxième graphique montre également que les deux fardeaux ont un impact négatif sur l'intention de vote. Plus précisément le fardeau associé au vote a un effet marginal négatif plus important sur la probabilité d'être certain de voter que celui du fardeau de se rendre au bureau de vote. Lorsque le devoir civique passe de zéro à un (de voter est un choix à voter est un devoir), l'impact négatif de chacun de ces fardeaux sur la probabilité d'être certain de voter diminue.

Nous avons noté au chapitre 4 que les différents fardeaux ont tendance à être plus élevés chez les jeunes. Cela soulève la question de savoir si le taux de participation plus faible observé chez les jeunes citoyens est dû aux fardeaux. Pour déterminer si c'est le cas, nous régressons d'abord l'intention de vote sur nos catégories d'âge, avec et sans contrôles. Les résultats complets sont présentés à l'annexe E. Il y a tout d'abord un écart de 15 points de pourcentage entre la participation du groupe des 18-24 ans et celle du groupe des 45-54 ans (notre catégorie de référence). Lorsque nous contrôlons d'autres caractéristiques sociodémographiques, en particulier le fait que les 18-24 ans ont tendance à être plus pauvres, célibataires et plus mobiles, cet écart est réduit à 10 points. Le plus intéressant est le fait que l'écart n'est pas plus faible lorsque nous introduisons des facteurs de motivation. Chez les jeunes, les fardeaux semblent compter davantage que le manque de motivation.

Notre dernière tâche consiste à déterminer si les fardeaux plus importants subis par certains groupes entraînent un taux de participation plus faible. Nous procédons de la manière suivante : nous vérifions d'abord si la participation est effectivement plus faible dans ce groupe. Nous introduisons ensuite les caractéristiques sociodémographiques, les variables de motivation et les fardeaux pour voir s'ils expliquent le faible taux de participation. Enfin, nous déterminons s'il existe des preuves que les différents fardeaux ont un impact plus important sur la participation dans ce groupe.

Les résultats complets sont présentés à l'annexe F, tableaux 1 à 4, pour chacun de nos groupes et sous-groupes : les Autochtones vivant dans les réserves ou hors réserve, les personnes souffrant d'un handicap modéré ou grave, celles qui sont nées après 1998 ou qui ont acquis leur citoyenneté après l'élection précédente de 2015 et pour lesquelles il s'agit de la première élection fédérale pour laquelle elles avaient le droit de vote, les abstentionnistes habituels qui n'avaient jamais voté auparavant, et enfin le groupe des NEET.

La figure 5.3 montre l'écart de participation prévue entre les membres de ces groupes et le reste de l'échantillon sans aucun contrôle. Comme on s'y attendait, le taux de participation est systématiquement plus faible dans tous les groupes. L'écart est toutefois modéré dans la plupart des groupes, sauf dans deux d'entre eux, où il est vraiment important (environ 25 points pour les NEET et les Autochtones vivant dans les réserves), et dans un autre où il est encore plus important (52 points pour les abstentionnistes habituels). Dans le cas des NEET, cet écart disparaît lorsque l'on contrôle les caractéristiques sociodémographiques 28 .

Figure 5.3 : L'écart de participation dans les sous-groupes

Figure 5.3 : L'écart de participation dans les sous-groupes

Description de « Figure 5.3 : L'écart de participation dans les sous-groupes »

Cette figure représente sur l'axe des ordonnées les groupes d'intérêt sur l'axe des abscisses la différence de probabilité d'être certain de voter entre les sous-groupes et le reste de l'échantillon. Cette différence de probabilité va de -0,55 à 0, où 0 représente la référence qui est la probabilité d'être certain de voter du reste de la population, à l'exclusion des membres des sous-groupes respectifs.

Ces sous-groupes d'électeurs sont :

  • Les Autochtones vivant sur réserve
  • Les Autochtones vivant hors réserve
  • Les électeurs avec un handicap modéré
  • Les électeurs avec un handicap sévère
  • Les nouveaux Canadiens
  • Les nouveaux électeurs (18-21 ans)
  • Les abstentionnistes
  • Les personnes âgées de 18 à 34 ans qui ne sont ni aux études, ni en emploi, ni en formation (NEET)

L'écart de participation entre le sous-groupe et le reste de l'échantillon, du plus petit au plus grand, est le suivant : Abstentionnistes, Autochtones sur réserve et NEET, électeurs avec un handicap sévère, nouveaux Canadiens, nouveaux électeurs (18-21 ans), Autochtones vivant hors réserve et électeurs avec un handicap modéré.

Note : Le point correspond à l'écart de participation entre les membres de ce groupe et le reste de l'échantillon, sans contrôles.

Concentrons-nous sur les deux groupes pour lesquels il existe un écart de participation important, qui ne peut s'expliquer comme un simple reflet des caractéristiques sociodémographiques : les Autochtones vivant dans des réserves et les abstentionnistes habituels. La figure 5.4 montre comment l'écart de participation se réduit pour ces deux groupes, à mesure que nous introduisons les caractéristiques sociodémographiques, puis les variables de motivation, et enfin les fardeaux. Commençons par les Autochtones qui vivent dans les réserves. Il est important de garder à l'esprit que l'écart de participation est assez faible chez les Autochtones vivant hors réserve par rapport à l'écart chez ceux qui vivent dans des réserves. La figure 5.4 indique que le contrôle des fardeaux ne réduit l'écart de participation que de 3 points. Nous en concluons que ce n'est pas principalement en raison des contraintes liées au vote que les Autochtones vivant dans des réserves sont moins enclins à voter.

Qu'en est-il des abstentionnistes habituels? La figure 5.4 montre que le facteur le plus important est constitué par les motivations. Ils sont moins intéressés par la politique et moins enclins à croire qu'ils ont un devoir civique de voter, ce qui explique en grande partie leur abstention. On constate cependant que l'écart de participation de ce groupe diminue de 7 points lorsque les fardeaux sont pris en compte. Il est clair que pour ce groupe comme pour la plupart des citoyens, la motivation (ou l'absence de motivation) compte davantage, mais les fardeaux entrent également en ligne de compte. Au moins certains d'entre eux seraient prêts à voter s'ils étaient convaincus que le vote est assez facile.

Figure 5.4 : L'écart de participation entre les Autochtones vivant dans des réserves et les abstentionnistes réguliers, avec et sans contrôles

Figure 5.4 : L'écart de participation entre les Autochtones vivant dans des réserves et les abstentionnistes réguliers, avec et sans contrôles

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Cette figure montre deux représentations des effets du contrôle successif de certaines variables sur la probabilité d'être certain de voter des autochtones vivant sur réserves et des abstentionnistes réguliers. Les variables de contrôle sont les caractéristiques socio-démographiques, les motivations et les fardeaux liés à chaque étape du processus de vote. Tant pour les électeurs autochtones sur réserves que pour les abstentionnistes, l'écart entre le sous-groupe d'intérêt et le reste de l'échantillon en ce qui concerne la probabilité d'être certain de voter diminue à mesure que l'on contrôle successivement les caractéristiques sociodémographiques, les motivations et les fardeaux liés à chaque étape du processus de vote.

Note : Le point du haut correspond à l'écart de participation entre les membres de ce groupe et le reste de l'échantillon sans contrôles, et les autres points correspondent au même écart lorsqu'on contrôle successivement les caractéristiques sociodémographiques, les motivations et les efforts.

Le souci est que les membres de ces groupes sont plus fortement touchés par les différents fardeaux lorsqu'ils doivent décider de voter ou non. Nous testons cette possibilité dans la colonne 5 des tableaux 1 à 4 de l'annexe F. Si les fardeaux avaient un impact plus important pour un groupe donné, la variable d'interaction devrait être significative et négative, ce qui voudrait dire qu'elle a un effet négatif plus important dans ce groupe. Il y a un total de 32 variables d'interaction incluses dans les tableaux 1 à 4 (colonne 5), et seulement cinq d'entre elles ont un coefficient négatif significatif. Les divers fardeaux sont plus élevés dans ces groupes et la participation est plus faible, mais les fardeaux ne constituent qu'une petite partie de l'explication de la faible participation, et ils n'y ont pas plus d'importance que dans le reste de l'électorat.

Examinons un dernier élément de preuve concernant le rôle des fardeaux dans la décision de ne pas voter. Lors de la troisième vague (postélection) de l'enquête, on a demandé aux personnes ayant indiqué qu'elles n'avaient pas voté de donner la raison principale de leur abstention (Q38, troisième vague). Le questionnaire proposait une longue liste de 18 raisons possibles, dont cinq qui se rapportent au manque de motivation (04 à 08) comme le manque d'intérêt et huit, liées au processus (09 à 16) comme les longues files d'attente. Au total, 44 % ont choisi une raison liée au manque de motivation et seulement 11 %, une raison liée au fardeau. Ceci est conforme à notre verdict selon lequel le manque de motivation compte plus que les fardeaux, bien que ces derniers jouent également un rôle.

Nos analyses suggèrent que les fardeaux ont de l'importance, pas beaucoup, mais tout de même de manière significative. D'après nos estimations, le taux de participation augmenterait de 10 points de pourcentage si tout le monde trouvait très facile de s'inscrire, de décider qui soutenir, de se rendre au bureau de vote et de voter. Cela n'est bien sûr pas réaliste, notamment en ce qui concerne le coût de décision. Nous nous sommes donc concentrés sur les trois autres coûts, les coûts « procéduraux », sur lesquels Élections Canada a une certaine influence. Le taux de participation pourrait être augmenté de six points si ces fardeaux étaient complètement supprimés. Nous pensons qu'un objectif réaliste serait de réduire substantiellement ces fardeaux et que cela pourrait augmenter le taux de participation de quelques points.

Nous constatons également que ces fardeaux ont un impact plus important sur la propension à voter chez les personnes qui sont moins intéressées par la politique et qui ont un sens du devoir civique plus faible. Ces personnes peuvent être plus difficiles à atteindre, et il peut s'avérer plus difficile de les informer que le vote peut être plus facile qu'elles ne le pensent.

Quant aux sous-groupes précis, nous en avons identifié deux où la participation est particulièrement faible : les Autochtones vivant dans des réserves et les abstentionnistes réguliers. La faible participation des Autochtones vivant dans les réserves est une question complexe que nous ne pouvons pas aborder entièrement dans cette étude. Nos données suggèrent toutefois que les fardeaux ne sont pas la principale raison de cette moindre participation. Quant aux abstentionnistes habituels, le manque de motivation est le principal facteur, mais les fardeaux perçus jouent également un rôle.

Notes de bas de page

25 Les catégories de réponse sont : pas du tout (0), peu (0,33), moyennement (0,66) et très (1).

26 https://www.elections.ca/content.aspx?section=res&dir=rec/eval/pes2019/vtsa&document=index&lang=f

27 Trois points associés au fardeau du bureau de vote, deux points au fardeau du bulletin de vote et un point à l'inscription.

28 Cela reflète le fait que la participation est généralement plus faible chez les jeunes et les chômeurs. Il n'y a rien de particulier au fait d'être à la fois jeune et sans emploi.