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Estimation du taux de participation par groupes d'âge à la 38e élection générale fédérale (28 juin 2004)


Rapport final

Décembre 2005

Sommaire

Le taux de participation à l'élection générale fédérale de 2004 s'inscrit dans le droit fil de la tendance à la baisse observée depuis 1993. Des travaux de recherche menés après l'élection générale de 2000 ont montré que le phénomène était en grande partie attribuable à la désaffection des jeunes Canadiens. Afin de raffiner son analyse du phénomène, Élections Canada a adopté une nouvelle approche pour mesurer le taux de participation par groupe d'âge à l'élection générale de 2004 : Élections Canada a procédé par recoupement du vote exprimé et des données du Registre national des électeurs afin d'établir le taux de participation par groupe d'âge.

Les résultats montrent que, parmi les jeunes âgés de 18 à 21 ans et demi qui étaient admissibles au vote à une élection fédérale pour la première fois en 2004, le taux de participation estimé s'établissait à 39 %. Fait intéressant, ce taux de participation était de 4 points supérieur au taux de participation du groupe d'âge suivant (21 ans et demi à 24 ans), bien que la différence soit inférieure à la marge d'erreur de cette étude. On a aussi observé une augmentation constante du taux de participation en fonction de l'âge, taux qui atteint son plus haut point chez les 58 à 67 ans, soit 75 %.

Nos estimations sont tirées d'un échantillon représentatif de 553 sections de vote dans 31 circonscriptions électorales réparties dans tout le Canada et de l'ensemble des votes par anticipation et du sous-ensemble national de bulletins de vote spéciaux. Les résultats, fondés sur la population canadienne en âge de voter, ont une marge d'erreur de ±4,3 %, 19 fois sur 20. La nouvelle approche ne permet pas une comparaison directe de nos constatations avec les chiffres antérieurs, mais elle servira de référence pour suivre les tendances futures.

Contexte

Au cours de la dernière décennie, nous avons constaté un déclin constant du taux de participation des électeurs canadiens aux élections générales fédérales. Le taux de participation est passé d'une moyenne de 75 % dans l'après-guerre à 70 % en 1993, à 67 % en 1997, puis à 64,1 % en 2000 et à 60,9 % le 28 juin 20041. Au Canada, le taux de participation officiel est calculé en fonction du nombre d'électeurs inscrits au Registre national des électeurs au moment d'une élection.

Au Canada, comme dans beaucoup d'autres démocraties industrialisées, la recherche sur le taux de participation aux élections confirme que les jeunes votent moins que les personnes plus âgées. L'Étude électorale canadienne (EEC), un projet universitaire mené à toutes les élections générales fédérales sauf une depuis 19682, a fait ressortir la tendance après l'élection générale de 2000. L'EEC suggère que la chute du taux de participation aux élections observée ces 15 dernières années au Canada est principalement attribuable à une diminution sans précédent du taux de participation des électeurs les plus jeunes combinée au phénomène du remplacement générationnel3.

Afin d'étudier la tendance plus à fond, Élections Canada a commandé, en 2002, une étude approfondie aux professeurs Jon Pammett et Lawrence LeDuc4. Leur recherche, qui s'appuyait sur un sondage original auquel ont répondu un nombre égal de votants et de non-votants (autodéclaration), a révélé qu'à peine plus de 25 % des jeunes de 18 à 24 ans admissibles avaient voté à l'élection fédérale de 2000. Il convient de souligner que cette estimation est fondée sur des comportements rapportés par les électeurs eux-mêmes.

Initiatives d'Élections Canada

À la lumière de ces résultats et d'autres études, Élections Canada a adopté une stratégie à plusieurs volets qui consiste à éduquer et à informer les jeunes sur le processus électoral et leur droit de vote, à rendre le processus électoral le plus accessible possible et à sensibiliser les leaders d'opinion et les intervenants au déclin de la participation chez les jeunes.

Le directeur général des élections du Canada, Jean-Pierre Kingsley, a décrit les initiatives d'Élections Canada à plusieurs reprises, notamment au Symposium sur la participation électorale au Canada tenu à l'Université Carleton en mars 2003; à la Table ronde sur la participation électorale des jeunes tenue à l'Université de la Colombie-Britannique en mai 2003; au Forum national sur le vote des jeunes tenu à Calgary en octobre 2003; et à la Table ronde sur les jeunes autochtones et le processus électoral fédéral organisé à Ottawa en janvier 2004.

Parmi les initiatives mises de l'avant, Élections Canada a lancé un nouveau site Web à l'attention des « Jeunes électeurs », remanié à la suite de consultations menées auprès des jeunes. En février 2004, le directeur général des élections a écrit à 1,1 million de jeunes Canadiens ayant atteint 18 ans depuis l'élection générale de 2000 pour leur rappeler leur droit démocratique que constitue le droit de vote. Ceux qui n'étaient pas inscrits ont aussi reçu une trousse d'inscription. Après le déclenchement de l'élection de 2004, Élections Canada a de nouveau écrit aux 250 000 jeunes qui n'étaient toujours pas inscrits pour leur indiquer comment ils pouvaient s'inscrire pendant la période de révision ou aux bureaux de scrutin.

En prévision de l'élection de juin 2004, 80 directeurs de scrutin ont nommé des agents des relations communautaires pour cibler les quartiers à forte concentration d'étudiants, mener des campagnes d'inscription spéciales, aider les jeunes à trouver des lieux de scrutin faciles d'accès et fournir des renseignements à des représentants d'organisations et des médias jeunesse.

Pendant l'élection de 2004, la campagne de publicité grand public d'Élections Canada visait à transmettre aux jeunes le message selon lequel il faut s'exprimer « quand tout le monde écoute ». Par ailleurs, Élections Canada a parrainé le concours « Voir du pays », une initiative organisée par une entreprise externe et annoncée sur le Web et sur les chaînes de télévision MusiquePlus et MuchMusic.

D'autres initiatives s'appuyaient sur des partenariats établis avec divers organismes non gouvernementaux qui s'intéressent à l'éducation civique. En voici quelques exemples :

  • Partenariat avec la câblo-éducation, un programme d'éducation électorale intitulé « Ton vote...Ta voix ». Les élèves de la 10e à la 12e année (secondaire IV, V et cégep au Québec) de partout au Canada étaient invités à produire un message d'intérêt public pour expliquer à leurs pairs l'importance de la démocratie et du vote.
  • Partenariat avec Rush the Vote, un organisme voué à accroître la participation électorale et la conscience politique des jeunes grâce à des concerts où les artistes encouragent le vote et la participation à la démocratie.
  • Vote étudiant 2004, un programme éducatif novateur conçu pour permettre aux moins de 18 ans de vivre le processus électoral fédéral de 2004 dans le cadre d'une élection parallèle dans leur école.
  • Partenariat avec l'Institut du Dominion dans le cadre de l'initiative Vote jeunesse 2004 en vue de créer une trousse d'information destinée aux jeunes électeurs.
  • Collaboration avec quatre associations étudiantes post secondaires en vue de créer une affiche pour l'élection générale de 2004.

À la lumière de ces initiatives et d'autres encore, la participation des jeunes est devenue l'un des principaux sujets de discussion de la campagne électorale de 2004. Sans toutefois devenir un enjeu politisé, la participation des jeunes a retenu l'attention de plusieurs partis politiques, et les médias nationaux lui ont accordé une grande importance. À notre connaissance, il s'agit d'une première.

Évaluation de la participation électorale chez les jeunes

De façon constante, la participation autodéclarée obtenue par sondage est considérablement plus élevée, généralement de 15 à 20 points, que la participation électorale officielle. Ce problème est bien connu des chercheurs qui utilisent des données de sondage pour étudier la participation électorale. Bien que des mesures puissent être apportées pour corriger la situation, il n'existe aucune solution globale pour résoudre le problème. Mais surtout, il est impossible de savoir si cette tendance varie en fonction de l'âge des répondants ni la façon dont elle varie, le cas échéant.

Plusieurs facteurs contribuent à cette surestimation. D'abord, les personnes qui s'intéressent moins à la politique, et qui sont les plus susceptibles de ne pas aller voter, risquent davantage de refuser de participer à un sondage portant sur les élections, ce qui entraîne une sous-représentation des non-votants et une surprésentation des votants dans les échantillons de sondage.

Comme autre facteur, les experts en sondage ont aussi ciblé la tendance naturelle de l'être humain à surdéclarer des comportements qui sont considérés comme allant dans le sens des normes socialement acceptées – et l'exercice du droit de vote semble être l'un de ces comportements pour plusieurs personnes. Même s'il est moins probable que ceci se produise dans des entrevues téléphoniques qu'en personne, le phénomène existe néanmoins. Les chercheurs ont expérimenté diverses façons de demander aux répondants s'ils avaient voté ou non, et les résultats sont demeurés systématiquement plus élevés que les taux de participation officiels. Puisqu'il est presque impossible de mesurer et de contrôler ce phénomène, les corrections méthodologiques apportées aux données, notamment par la pondération, se sont avéré les solutions les plus efficaces pour que les résultats du sondage correspondent aux taux de participation officiels.

Une nouvelle approche

Pour contrer ces difficultés méthodologiques, Élections Canada a adopté une nouvelle approche pour mesurer la participation de tous les groupes d'âges. Usant d'un pouvoir conféré au directeur général des élections, Élections Canada s'est servi de diverses données recueillies dans le but d'administrer le processus électoral pour créer un important échantillon composé d'électeurs ayant voté à l'élection générale de 2004. Ces données ont ensuite été mises en concordance avec celles du Registre national des électeurs pour obtenir la répartition des électeurs par groupe d'âge. L'étude était conçue pour renforcer la capacité d'Élections Canada à servir l'électorat ainsi qu'à éduquer et à informer le public, conformément à l'article 18 de la Loi électorale du Canada.

L'approche méthodologique a consisté à sélectionner un échantillon national de 553 sections de vote réparties dans 31 circonscriptions électorales dans l'ensemble des provinces et territoires. On a pu obtenir des estimations d'une fiabilité statistique de ±4,3 %, 19 fois sur 20, lorsque généralisées à l'ensemble de la population canadienne en âge de voter5. Puisque les estimations de la participation électorale à l'échelle provinciale suscitent aussi un certain intérêt, on a ajouté 139 sections de vote à l'échantillon de départ afin d'obtenir des prévisions provinciales/territoriales ayant une fiabilité statistique raisonnable. Selon la présente étude, les estimations nationales reposent uniquement sur l'échantillon de départ, alors que les estimations provinciales reposent sur l'échantillon élargi. D'autres renseignements concernant la méthodologie utilisée sont présentés en annexe.

Observations

Faits saillants – Scène nationale

La figure 1 illustre les taux de participation nationaux estimés par groupe d'âge. Ces estimations sont calculées en comparant le nombre d'électeurs à la population approximative en âge de voter dans chacun des groupes (citoyens seulement).

Une tendance générale peut être dégagée : il existe une relation linéaire entre l'âge et la participation, ce qui correspond aux tendances généralement observées lorsqu'on utilise d'autres méthodes de recherche. Toutefois, les résultats montrent une exception intéressante à cette relation : chez les électeurs les plus jeunes (18-21 ½ ans), pour qui l'élection du 28 juin 2004 était la première élection générale fédérale à laquelle ils étaient admissibles, le taux de participation est de 4 points supérieur à celui du groupe d'âge suivant (21 ½-24 ans), soit ceux qui étaient admissibles à voter pour la première fois en 2000. Il convient de signaler que cette différence est inférieure à la marge d'erreur associée à l'échantillon national, ce qui signifie que l'écart entre les deux estimations peut être expliqué par une erreur d'échantillonnage, et qu'il n'indique pas nécessairement une différence réelle entre celles-ci.

Figure 1 : Taux de participation estimé par groupe d'âge - Canada (%)

Dans le cas des autres groupes d'âge, on constate une augmentation constante du taux de participation électorale en fonction de l'âge; ce taux atteint un maximum de 75 % chez les 58-67 ans, puis diminue légèrement à 71 % chez le groupe le plus âgé. Ici aussi, la tendance correspond en tout point à ce qui se dégage habituellement des sondages d'opinion publique.

De plus, à l'échelle nationale, seuls les trois groupes les plus âgés (personnes de 48 ans et plus) ont un taux de participation supérieur à la moyenne.

Faits saillants – Scène provinciale

Le tableau qui suit présente les taux de participation par groupe d'âge dans chaque province et territoire. La colonne placée à l'extrême droite donne le taux de participation général calculé en fonction de la population de Canadiens âgés d'au moins 18 ans dans chaque province.

Tableau 2 : Taux de participation électoral estimé dans chaque province et territoire (calculé en fonction du nombre de citoyens en âge de voter [%])
  18-21½ 21½-24 25-29 30-37 38-47 48-57 58-67 68 + Participation
Terre-Neuve-et-Labrador 24 23 33 39 49 58 69 57 49
Île-du-Prince-Édouard 51 43 57 65 73 80 89 75 74
Nouvelle-Écosse 38 42 53 47 62 74 73 60 61
Nouveau-Brunswick 41 31 46 55 66 74 86 73 65
Québec 47 40 47 50 56 69 77 75 61
Ontario 42 37 46 49 63 70 77 65 60
Manitoba 30 30 37 42 53 66 70 73 57
Saskatchewan 30 28 35 41 53 68 78 86 59
Alberta 36 30 43 51 56 66 73 67 56
Colombie-Britannique 32 33 45 46 52 70 80 78 59
Yukon 24 29 45 47 56 67 75 81 56
Territoires du Nord-Ouest 31 30 40 44 58 64 51 32 50
Nunavut 26 29 38 43 48 55 76 69 45

En nombres absolus, parmi les électeurs admissibles au vote pour la toute première fois, ceux de l'Île-du-Prince-Édouard ont obtenu le taux de participation le plus élevé (51 %), suivi de ceux du Québec (47 %), de l'Ontario (42 %) et du Nouveau-Brunswick (41 %). Règle générale, les taux de participation des jeunes suivent les mêmes tendances que l'ensemble de l'électorat dans chaque province et territoire.

La figure 2 ci-dessous compare visuellement les deux groupes d'âge les plus jeunes. C'est au Nouveau-Brunswick que l'on observe le plus grand écart entre la plus jeune cohorte et la cohorte qui la suit immédiatement, soit 10 %. Suivent l'Île-du-Prince-Édouard (8 %), le Québec (7 %), l'Alberta (6 %) et l'Ontario (5 %).

Dans les autres provinces et territoires, plus particulièrement en Colombie-Britannique, au Nunavut et au Yukon, la tendance entre les deux groupes est inversée; mais elle rejoint la relation linéaire habituelle qui existe entre l'âge et le taux de participation pour les groupes d'âge suivants. Il faut signaler, cependant, que toute comparaison doit tenir compte des marges d'erreurs déterminées pour les unités géographiques d'intérêt (voir tableau 5 de l'annexe).

Figure 2 : Taux de participation estimé chez les deux plus jeunes groupes d'électeurs -- par province et territoires (%)

(Calculé en fonction du nombre de citoyens en âge de voter)

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