Enquête nationale auprès des jeunes
SECTION 7 : CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS
L'Enquête nationale auprès des jeunes a permis de mieux comprendre les principaux facteurs influençant la décision des jeunes Canadiens de participer ou non à l'élection générale de mai 2011 et aux élections en général.
Interrogés sur leur participation électorale depuis qu'ils étaient habilités à voter, environ 46 % des jeunes de l'échantillon national aléatoire se sont décrits comme des votants assidus, 20 % comme des votants fréquents, 21 % comme des votants occasionnels et 13 % comme des non-votants récurrents. Un peu moins des trois quarts des répondants (74 %) ont dit avoir voté lors de l'élection générale de mai 2011. Il convient toutefois d'apporter une précision sur ce taux de participation : les sondages surestiment toujours la participation électorale, lorsqu'on compare les données des sondages à la participation électorale réelle.
La scolarité était liée à la participation à l'élection générale, les répondants plus scolarisés étant plus nombreux à rapporter avoir voté lors de cette élection. Toutefois, il existe une forte corrélation entre la scolarité et les autres facteurs liés à une plus grande participation électorale, comme l'âge plus avancé, une plus grande motivation, des connaissances politiques plus poussées et une plus grande exposition aux influenceurs. Par conséquent, le niveau de scolarité est probablement à la base de plusieurs variables influençant la participation électorale (p. ex. parler de politique en famille, savoir comment voter). On a aussi observé une corrélation entre un niveau de revenu inférieur et une faible participation électorale.
Les obstacles à la participation à l'élection générale de 2011 s'inscrivaient dans deux catégories : la motivation (attitudes, intérêt et connaissances politiques) et l'accès au scrutin (connaissance du processus électoral, situation personnelle et obstacles administratifs). Chacune de ces deux catégories d'obstacles a eu une influence importante sur la participation à la dernière élection générale.
La raison la plus souvent citée par les répondants pour expliquer pourquoi ils avaient voté était liée à l'importance de participer au scrutin : pour accomplir leur devoir de citoyen ou pour exprimer leur opinion. La principale raison pour laquelle les répondants n'avaient pas voté lors de l'élection générale, citée par 64 % des non-votants, était liée à l'accès au scrutin : ces répondants ont dit qu'ils étaient à l'école ou au travail toute la journée ou avaient dû s'occuper des enfants.
Les principaux obstacles motivationnels nuisant à la participation au scrutin se résument aux suivants : on pense que tous les partis politiques sont identiques et qu'aucun parti ne parle des enjeux importants, on ne considère pas le vote comme un devoir civique, on s'intéresse peu à la politique et on a peu de connaissances sur le sujet.
Les non-votants étaient plus susceptibles de rapporter une difficulté à se rendre au bureau de scrutin. Sur le plan administratif, un obstacle important était la difficulté à produire une pièce d'identité. Les non-votants étaient plus nombreux à ne pas trouver facile ou commode de voter lors d'une élection fédérale. Au chapitre du processus électoral, les obstacles les plus étroitement liés à l'abstention étaient les suivants : certains ne connaissaient pas les différentes façons de voter ou ne savaient pas où se rendre pour voter ou quand le faire. Les jeunes ayant rapporté avoir reçu la carte d'information de l'électeur étaient plus nombreux à avoir participé au scrutin, possiblement parce qu'ils y avaient trouvé les renseignements nécessaires pour le faire.
Les jeunes ayant voté ont indiqué avoir été influencés par les politiciens (ayant été contactés par un parti ou un candidat), les médias et leur famille. Ils étaient aussi plus nombreux à affirmer parler de politique à la maison, présentement et lorsqu'ils étaient enfants.
7.1 Participation électorale chez les membres des sous-groupes
On a étudié la participation à l'élection générale de 2011 au sein de cinq sous-groupes : les jeunes Autochtones, les jeunes des groupes ethnoculturels, les jeunes sans emploi, les jeunes handicapés et les jeunes des régions rurales.
Le taux de participation à l'élection générale de mai 2011 chez les jeunes Autochtones (incluant les Premières Nations et les Inuits, mais non les Métis) et chez les jeunes sans emploi était considérablement moins élevé (42 % chacun) que celui de l'ensemble des répondants faisant partie de l'échantillon national aléatoire (74 %). Il en va de même du taux de participation des jeunes handicapés (55 %), des jeunes des groupes ethnoculturels (61 %) et de ceux des régions rurales.
Les jeunes des sous-groupes étaient différents de ceux de l'échantillon national aléatoire. Ils étaient confrontés à des obstacles motivationnels comme le manque de connaissances politiques, le manque d'intérêt à l'égard de la politique canadienne et le fait de ne pas avoir pour opinion que le gouvernement joue un rôle important dans leur vie, que leur vote pouvait contribuer à changer les choses ou qu'au moins un parti politique s'intéressait aux enjeux importants pour eux.
Les obstacles d'accès étaient aussi plus présents. Les jeunes des sous-groupes étaient moins informés du processus électoral, moins nombreux à dire avoir reçu une carte d'information de l'électeur et moins nombreux à affirmer qu'ils se sentiraient bien accueillis à un bureau de scrutin.
En comparant les votants et les non-votants de chaque sous-groupe, on constate que les obstacles motivationnels et les obstacles d'accès avaient tous deux grandement influencé leur participation. Dans tous les sous-groupes, l'indifférence des non-votants à l'égard de l'élection constituait un prédicteur important de leur comportement.
On a observé un lien entre, d'une part, l'abstention des jeunes de tous les sous-groupes (sauf celui des jeunes handicapés) et, d'autre part, le fait de ne pas savoir où se rendre pour voter et quand voter, et le fait ne pas connaître les différentes façons de voter. Il existe aussi un lien étroit entre le fait de ne pas avoir reçu la carte d'information de l'électeur et l'abstention des jeunes des groupes ethnoculturels, des jeunes sans emploi et des jeunes handicapés. Enfin, un autre obstacle courant chez les jeunes des sous-groupes était la difficulté à se rendre au bureau de scrutin (tous les sous-groupes, sauf celui des jeunes handicapés, où possiblement autant les votants comme les non-votants étaient concernés par des problèmes de mobilité).
D'autres facteurs contribuant à une faible participation électorale étaient propres à certains sous-groupes :
- Le fait d'être membres des Premières Nations ou d'être Inuits ou de vivre dans une réserve (jeunes Autochtones).
- Le fait que la télévision constitue la principale source d'information (jeunes des groupes ethnoculturels).
- Le fait de moins connaître la politique (jeunes handicapés et jeunes des régions rurales).
Dans l'analyse bidimensionnelle, les jeunes des sous-groupes semblaient être influencés par un moins grand nombre de personnes ou de groupes. Selon l'analyse de régression, l'absence d'influence de la part de la famille constitue un obstacle important à la participation électorale chez les jeunes de tous les sous-groupes, à l'exception des jeunes sans emploi.
7.2 Mesures susceptibles d'améliorer la participation électorale
Une analyse de régression réalisée au moyen des données de l'échantillon national aléatoire a démontré clairement que les obstacles motivationnels et les obstacles d'accès influencent tous deux la participation électorale. Les mesures les plus susceptibles d'améliorer la participation électorale des jeunes à court et moyen terme sont celles visant les obstacles d'accès. Améliorer leur connaissance du processus, réduire les difficultés liées à leur situation personnelle et éliminer les obstacles administratifs constituent toutes des mesures importantes. Bien qu'il soit plus difficile d'accroître la motivation des jeunes que de réduire les obstacles d'accès, certaines mesures peuvent néanmoins être prises pour réduire les obstacles motivationnels à long terme. Les jeunes qui avaient une attitude positive à l'égard de la politique et de la démocratie, qui étaient intéressés par la politique et qui avaient des connaissances à ce sujet étaient plus nombreux à participer à la dernière élection générale que les jeunes moins motivés.
7.3 Recommandations
Certaines stratégies proposées concernent tous les groupes de jeunes et d'autres seront plus efficaces si elles ciblent certains groupes en particulier. Les sous-groupes sont concentrés dans certaines régions; par exemple, les jeunes des groupes ethnoculturels sont surtout présents dans les grands centres urbains et les jeunes Autochtones, dans le Nord (bien que le Sud compte aussi de nombreux Autochtones). On recommande à Élections Canada de se servir des données du recensement pour établir le profil démographique des circonscriptions et mettre en œuvre des mesures élaborées en fonction du profil démographique des jeunes de ces circonscriptions. On pourrait accorder la priorité aux circonscriptions où le taux de participation électorale des jeunes est relativement faible.
Les mesures les plus susceptibles d'améliorer la participation électorale des jeunes à court terme sont celles visant les obstacles d'accès, notamment :
- Mieux informer les jeunes qui ne votent pas sur le « où, quand, comment » voter. Offrir ces renseignements dans un format qui convient aux jeunes peu scolarisés et d'une manière en tenant compte de la culture des jeunes Autochtones et de ceux de groupes ethnoculturels.
- Mieux informer les jeunes sur les différentes façons de voter autrement qu'au bureau de scrutin, surtout les jeunes handicapés et ceux des régions rurales.
- Revoir la politique sur la production d'une pièce d'identité et d'un document portant l'adresse de l'électeur. La difficulté à produire ces documents a constitué un obstacle considérable pour plusieurs jeunes qui n'ont pas voté et suggère que la possibilité d'utiliser la carte d'information de l'électeur en tant que pièce d'identité devrait être offerte à tous les électeurs34.
- Le fait d'avoir reçu la carte d'information de l'électeur est lié à une plus grande participation; ce lien est probablement attribuable au fait que cette carte rappelle aux jeunes de voter ou contient les renseignements dont ils ont besoin. À ce chapitre, il serait utile d'envisager les mesures suivantes :
- Des publicités ou des rappels concernant l'obtention d'une carte d'information de l'électeur dans divers sites Internet, dont les sites de médias sociaux comme Facebook.
- Explorer la possibilité de distribuer la carte d'information de l'électeur de façon électronique, permettant ainsi aux électeurs de recevoir celle-ci par courriel ou par téléphone (messages textes au moyen du téléphone cellulaire) ou d'autres dispositifs électroniques.
- Dans les localités comptant un grand nombre de jeunes moins scolarisés (selon le profil démographique des circonscriptions), envisager la possibilité de placer les bureaux de scrutin dans des endroits fréquentés par les jeunes et trouver des façons de rendre les bureaux de scrutin plus accueillants pour les jeunes.
- Élaborer des stratégies pour mieux adapter les bureaux de scrutin aux besoins des parents ayant de jeunes enfants et ainsi, réduire un des obstacles d'accès des parents. Les données du recensement permettront de cerner les localités comptant un grand nombre de parents, en particulier les chefs de familles monoparentales.
Les mesures visant à réduire les obstacles motivationnels exigeront des stratégies à plus long terme :
- Élaborer des stratégies de communication pour améliorer les connaissances des jeunes sur la politique et la démocratie au Canada. Une amélioration de ces connaissances aura pour effet d'accroître la participation des non-votants au processus démocratique. Pour ce faire, fournir des renseignements sur la politique et la démocratie ciblant les enjeux importants pour les jeunes, surtout les jeunes des sous-groupes.
- Éduquer les jeunes sur les façons de se renseigner sur la position des partis politiques ou des candidats à l'égard des questions importantes pour eux. Fournir ces renseignements par les voies de communication appropriées.
7.3.1 Influenceurs
- Étudier les données sur les moyens efficaces d'influencer un changement de comportement chez les jeunes et intégrer ces renseignements aux stratégies visant à améliorer la participation électorale des jeunes.
- En général, les jeunes n'ayant pas voté lors de la dernière élection générale ont rapporté un moins grand nombre de personnes ou de groupes ayant influencé leur décision. Veiller à ce que les partis politiques et les candidats connaissent l'importance de joindre les jeunes.
- La famille a joué un rôle important chez les jeunes des sous-groupes dans leur décision de voter ou non. Élaborer des messages à l'intention des parents sur l'importance de parler avec leurs enfants de la participation au scrutin et de fournir à leurs enfants les renseignements nécessaires sur le « où, quand, comment ».
7.3.2 Joindre les jeunes qui ne votent pas
- Il faudra tenir compte du niveau de scolarité dans toutes les communications visant à améliorer la participation électorale des jeunes. Dans ce contexte, les stratégies de marketing et de communication devront inclure les sites fréquentés par les jeunes moins scolarisés, comme les suivants :
- Les centres d'emploi comme les Centres Service Canada.
- Les programmes et les établissements offrant un enseignement correctif et/ou des programmes de formation de base aux adultes.
- Les centres jeunesse.
- Les jeunes interrogés, votants et non-votants, étaient de grands utilisateurs d'Internet et du site de réseautage social Facebook. Le contenu affiché dans Facebook et d'autres sites Internet est donc susceptible d'attirer l'attention des jeunes.
7.3.3 Recherches ultérieures
On recommande d'effectuer une recherche qualitative (au moyen d'un groupe de discussion, par exemple) ciblant les non-votants des sous-groupes, afin d'explorer le contexte entourant les obstacles à la participation électorale et les solutions possibles. Voici quelques exemples :
- Quelles caractéristiques rendent les bureaux de scrutin accueillants ou non?
- Comment mieux adapter les bureaux de scrutin aux besoins des parents ayant de jeunes enfants?
- Quel est le rôle des divers influenceurs et qu'est-ce qui détermine leur efficacité?
- Que faudrait-il faire pour changer l'attitude des non-votants à l'égard de la participation électorale?
34 Élections Canada n'a pas le pouvoir de modifier les exigences de base de cette politique; il s'agit d'une politique législative ne pouvant être modifiée que par le législateur.