open Menu secondaire

Pourquoi la participation décline aux élections fédérales canadiennes : un nouveau sondage des non-votants


2. Motifs d'abstention




Tableau 1 Raisons de la baisse de participation électorale (Question ouverte; réponses multiples)

 

Politiciens et institutions politiques
  % de tous les répondants % de non-votants
Politiciens (attitudes négatives du public)
26,2
24,9
Gouvernement (attitudes négatives du public)
13,0
16,0
Candidats (attitudes négatives du public)
11,7
12,4
Partis (attitudes négatives du public)
6,3
6,2
Enjeux (attitudes négatives du public)
5,5
4,2
Chefs de parti (attitudes négatives du public)
3,3
2,3
Système électoral (attitudes négatives du public)
1,0
0,5
Administration des élections (problèmes)
1,0
1,2
 
68,0
67,7

Inutilité
  % de tous les répondants % de non-votants
Inutilité de la participation
15,7
14,5
Manque de compétition
14,0
8,6
Mécontentement régional
2,8
1,8
 
32,5
24,9

Apathie du public
  % de tous les répondants % de non-votants
Apathie et indifférence
22,7
24,2
Attention centrée sur autre chose
5,1
5,8
Manque de connaissances, d'information
4,3
5,0
Cynisme
4,0
3,4
Abstention des jeunes
3,1
1,9
 
39,2
40,3

  % de tous les répondants % de non-votants
Autre
3,1
5,0
Ne sait pas
1,4
2,5
N =
4 659
848

Dans tous les tableaux de réponses multiples, les totaux des catégories doivent être considérés comme approximatifs, puisque les répondants peuvent donner plus d'une réponse par catégorie.


Pour commencer, nous pouvons examiner les raisons fournies par les participants au sondage actuel à la question ouverte : « Le taux de participation aux élections fédérales canadiennes diminue depuis les quelques dernières élections. Selon vous, pourquoi le taux de participation est il à la baisse? » Cette question était posée au début du questionnaire afin que l'électeur ne puisse pas faire le lien avec d'autres questions. Elle était posée durant l'entrevue préliminaire, avant qu'on demande au répondant s'il avait lui même voté. Elle comporte donc un vaste échantillon et brosse une image très large et statistiquement précise des perceptions des Canadiens sur ce sujet. Le tableau 1 présente les réponses générales de tous les répondants et celles d'un sous groupe particulier, les répondants qui n'ont pas voté à l'élection fédérale de 2000. La plupart des réponses de ces derniers sont très semblables au total, mais nous signalerons quelques différences.

La majorité des Canadiens attribuent la baisse de la participation aux attitudes négatives du public vis-à-vis de la performance des politiciens et institutions politiques fédéraux. Les objets de mécontentement perçu couvrent l'éventail complet des individus et des institutions, mais les réponses les plus fréquentes sont « les politiciens » et « le gouvernement », termes généraux témoignant de la nature floue des attitudes que les gens attribuent à d'autres. Il est à noter que ces sentiments négatifs n'étaient pas nécessairement ressentis par les répondants qui ont voté à l'élection. Toutefois, il est vraisemblable qu'ils sont assez répandus.

Les deux pôles du mécontentement sont les politiciens et le gouvernement. Beaucoup perçoivent les politiciens comme indignes de confiance, égoïstes, libres d'agir sans rendre de comptes, peu crédibles, non fiables, etc. De même, le gouvernement, parfois avec un « G » majuscule et parfois sans, trahit les gens et accomplit peu. Les candidats sont souvent mentionnés, parce que la question portait sur la participation électorale, soulevant ainsi le contexte électoral. Comme on pouvait s'y attendre, les candidats sont perçus comme ayant les mêmes défauts que les « politiciens ». On blâme également les partis politiques : certains répondants ont attribué le faible taux de participation à la difficulté de trouver de bons candidats ou à faire une distinction entre les partis. Certains ont affirmé que les électeurs ont du mal à se reconnaître dans les enjeux soulevés par les partis en période électorale, ou trouvent parfois leurs politiques mal inspirées.

À la lumière de ces réponses, il est difficile de déterminer ce qui a pu provoquer le déclin majeur des dernières années dans le taux de participation. Après tout, ce n'est pas d'hier que les citoyens se plaignent des politiciens et des gouvernements, et il est difficile de croire qu'on pourrait trouver une mesure objective de la « diminution de la qualité » des candidats ou des élus, ou de l'activité gouvernementale.

Jusqu'à un certain point, le malaise dont nous parlons peut résulter du sentiment généralisé que la participation politique est inutile. Certaines réponses en ce sens apparaissent à la deuxième section du tableau 1, mais ces sentiments peuvent être sous-jacents à d'autres réponses. Dans les réponses classées sous la rubrique « Inutilité », les répondants disaient qu'ils manquaient de choix et que leur vote ne changerait rien. « C'est toujours la même histoire », disaient certains. D'autres ont parlé de la « domination d'un parti », qui semblait exclure tout espoir de changement de gouvernement. Cependant, les répondants qui n'ont pas voté en 2000 étaient moins susceptibles que l'ensemble du groupe d'attribuer la baisse de participation au manque de compétition. De plus, comme on le verra plus loin, le manque perçu de compétition n'est qu'un facteur d'abstention parmi plusieurs autres.

La dernière grande catégorie du tableau 1 fait état des réponses qui imputent la baisse de la participation à l'« apathie » du public. Selon beaucoup de répondants, les gens sont simplement indifférents, inattentifs, paresseux, ou ne trouvent pas la scène politique assez excitante. Selon une autre variation de cette explication, les non-votants seraient simplement intéressés par d'autres choses et accorderaient une faible priorité à la participation politique, ou encore ne se seraient pas donné la peine d'obtenir l'information nécessaire pour voter de façon utile. Certains ont mentionné des attitudes de cynisme, de désillusion, de découragement, de frustration et de désespoir. Certains tiennent les jeunes responsables de la baisse de participation, une observation que nous examinerons en détail plus loin, mais pour laquelle aucun motif n'est fourni.

Dans l'ensemble, le public canadien semble reconnaître que la participation électorale ne cesse de diminuer et que cette situation peut s'expliquer. Plusieurs des problèmes relevés ne sont pas faciles à résoudre, car ils peuvent être liés à des changements dans les perceptions et les attentes à l'égard du système politique plutôt qu'à un changement comportemental des politiciens et des gouvernements. Ces problèmes, et les analyses contenues dans ce rapport, donnent à penser que la diminution de la participation observée dans les années 1990 risque de se poursuivre pendant un certain temps.

Les réponses du public concernant la baisse de la participation électorale reflètent un certain nombre de thèmes majeurs et ne sont en aucune façon axées sur un seul. De même, à la question ouverte « Quelle est la raison principale pour laquelle vous n'avez pas voté? », les non-votants ont donné une variété de réponses. En outre, certaines réponses invoquant une baisse d'intérêt pour les élections, et pour la politique en général, soulevaient de nouvelles questions. Si les gens votent moins parce qu'ils sont moins intéressés, pourquoi leur intérêt baisse-t-il? Il faut donc s'attendre à trouver une variété d'explications pour la baisse de la participation aux dernières élections fédérales canadiennes, plutôt qu'une seule « clé de la situation ». Par ailleurs, le Canada n'a jamais connu de participation électorale massive comme certains autres pays, particulièrement ceux où le vote est obligatoire. La participation normale depuis la Deuxième Guerre mondiale a été de l'ordre de 75 % des électeurs admissibles; plusieurs études ont cherché à expliquer ce qui motivait les 25 % d'abstentionnistes. Ces enquêtes précédentes, comme celle dont Jon Pammett rend compte dans « L'exercice du droit de vote au Canada », dans Herman Bakvis (dir.), La participation électorale au Canada (vol. 15 des études de la Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis, Toronto, Dundurn, 1991, p. 45), ont fourni une variété d'explications pour l'abstention. Dans trois années d'élection où une question ouverte était posée aux non-votants, environ 40 % ont affirmé qu'ils n'étaient pas intéressés à l'élection, environ un tiers ont déclaré être loin de leur lieu de scrutin, moins de 20 % se sont dits trop occupés, environ 10 % étaient malades et les autres n'ont pas été recensés. Nous reviendrons plus loin sur toutes ces explications. Il n'y a donc aucune raison de s'attendre à ce que l'augmentation du taux d'abstention constatée dans les années 1990 soit attribuable à un seul facteur clé, quoique certains facteurs puissent s'avérer plus importants que d'autres.




Tableau 2  Analyse factorielle des raisons fournies pour ne pas voter


  1 2
a)
Je ne savais pas où ni quand voter
0,65
0,20
b)
Mon nom n'était pas sur la liste électorale
0,65
0,00
c)
Je pensais que mon vote n'avait pas d'importance
0,00
0,60
d)
Je n'aimais aucun des candidats ou des partis
0,00
0,59
e)
Je ne me sentais pas concerné par les enjeux de la campagne
0,21
0,67
f)
J'étais malade
0,70
0,00
g)
J'étais à l'extérieur de la ville
0,66
0,00
h)
J'étais trop occupé par mon travail
0,52
0,00
i)
L'élection ne m'intéressait pas
-0,18 
0,67
j)
Je trouve qu'il y a trop d'élections
0,33
0,41
(principaux éléments; rotation Varimax)
Facteur 1 : Personnel/administratif
Facteur 2 : Manque d'intérêt


Dans le sondage, on demandait aux non-votants de 2000 d'indiquer le degré d'importance pour eux de 10 raisons possibles. Le tableau 2 présente une analyse factorielle de cette question. L'analyse factorielle est une technique de réduction des données : elle explore les corrélations entre les éléments d'un groupe de variables et détermine tout point commun ou facteur sous-jacent. Elle est utile dans la mesure où les schèmes de « saturations de facteurs » (corrélations des variables individuelles avec les facteurs sous-jacents) ont une validité apparente, facilement explicable. Autre avantage : chaque répondant reçoit des cotes sur tous les facteurs (« cotes de facteurs »), qui peuvent être utilisées plus tard comme variables sommaires dans une analyse de régression. Une telle analyse sera présentée plus loin.

Le tableau 2 montre que deux facteurs sommaires sous-tendent les 10 raisons potentielles de l'abstention à l'élection fédérale 2000. Le facteur 1 présente des saturations élevées (plus de 0,5) en fonction de cinq variables :
a) Je n'ai pas voté parce que je ne savais pas où ni quand voter.
b) Je n'ai pas voté parce que mon nom n'était pas sur la liste électorale.
c) Je n'ai pas voté parce que j'étais malade.
d) Je n'ai pas voté parce que j'étais à l'extérieur de la ville.
e) Je n'ai pas voté parce que j'étais trop occupé par mon travail.

Les cinq variables ci-dessus, toutes rattachées au facteur 1, semblent avoir une cohérence suffisante pour que nous puissions parler d'un facteur personnel/administratif. Les deux premiers éléments de ce facteur  –  le manque d'information sur le lieu et le moment du vote et le fait de ne pas être sur la liste électorale  –  sont manifestement de nature administrative. Le troisième élément, la maladie, et le quatrième, l'éloignement, sont reliés entre eux : si les électeurs concernés avaient pu voter facilement malgré leur maladie ou leur absence, ils se peut fort bien qu'ils auraient voté. Cela ne veut pas dire qu'Élections Canada est à blâmer pour ces abstentions, mais simplement que dans des conditions administratives idéales, ces personnes auraient pu voter. Enfin, le motif « occupé par mon travail » se rattache à ce facteur plutôt qu'à l'autre. Ce point est intéressant et mérite d'être approfondi, car il n'était pas du tout évident que les personnes se déclarant trop occupées n'étaient pas simplement en train de rationaliser un autre type de motif, le manque d'intérêt dans l'élection. Toutefois, comme les personnes « occupées à travailler » se rattachent au facteur 1, il est vraisemblable qu'elles se retrouvent dans la même catégorie que les malades, les absents et les personnes non inscrites qui ont l'impression de ne pas avoir voté à cause d'un empêchement.

Le facteur 2 présenté dans le tableau 2 est d'un type très différent que le facteur 1. Il comporte les variables :
c) Je n'ai pas voté parce que je pensais que mon vote n'avait pas d'importance.
d) Je n'ai pas voté parce que je n'aimais aucun des candidats ou partis.
e) Je n'ai pas voté parce que je ne me sentais pas concerné par les enjeux de la campagne.
i) Je n'ai pas voté parce que l'élection ne m'intéressait pas.

On peut raisonnablement désigner le facteur 2 comme un facteur de désintérêt. Il regroupe ceux qui n'ont pas voté parce qu'ils trouvaient l'élection inintéressante, leur vote sans importance, et les partis, candidats et enjeux peu inspirants. Le manque d'intérêt, mesuré par ces questions et d'autres, a compté pour beaucoup dans l'explication de la faible participation à l'élection de 2000. Plus de la moitié (53 %) des non votants de 2000 ont déclaré que la raison « Je n'ai pas voté parce que l'élection ne m'intéressait pas » était « très » ou « assez » importante dans leur décision de ne pas voter.




Tableau 3  Importance de la raison
« Je n'ai pas voté parce que l'élection ne m'intéressait pas »


Tableau 3  Importance de la raison « Je n'ai pas voté parce que l'élection ne m'intéressait pas »



Tableau 4   Importance de la raison « Je n'ai pas voté
parce que je n'aimais aucun des candidats ou des partis »


Tableau 4 Importance de la raison « Je n'ai pas voté parce que je n'aimais aucun des candidats ou des partis »



Tableau 5  Importance de la raison «  Je n'ai pas voté parce que
je ne me sentais pas concerné par les enjeux de la campagne »


Tableau 5 Importance de la raison « Je n'ai pas voté parce que je ne me sentais pas concerné par les enjeux de la campagne »



Tableau 6  Importance de la raison « Je n'ai pas voté
parce que je pensais que mon vote n'avait pas d'importance »


Tableau 6 Importance de la raison « Je n'ai pas voté  parce que je pensais que mon vote n'avait pas d'importance »


Examinons d'abord les variables de désintérêt. De loin, la raison la plus souvent citée comme importante était « Je n'ai pas voté parce que l'élection ne m'intéressait pas » (tableau 3). Plus de la moitié des non votants de 2000 l'ont jugée « très importante » ou « assez importante » dans leur décision. Si le manque d'intérêt peut n'impliquer aucun jugement négatif sur les choix offerts à l'élection, les tableaux 4 et 5 ont une orientation plus nettement négative. Un nombre important des non-votants ont affirmé ne pas avoir voté parce qu'ils n'aimaient aucun candidat ou parti (47 %) ou ne se sentaient pas concernés par les enjeux (37 %). Comme on pouvait s'y attendre, le manque d'intérêt est en corrélation avec le fait de ne pas aimer les partis ou candidats (Taub = 0,15, p<0,000) et ne pas se sentir concerné par les enjeux (Taub = 0,25, p<0,000). Une quatrième raison, « Je pensais que mon vote n'avait pas d'importance » est mentionnée par 37 % des répondants comme importante pour eux, et ce facteur est aussi corrélé avec les quatre autres.




Tableau 7  Importance de la raison « Je ne savais pas où ni quand voter »


Tableau 7 Importance de la raison « Je ne savais pas où ni quand voter »



Tableau 8  Importance de la raison « Mon nom n'était pas sur la liste électorale »


Tableau 8 Importance de la raison « Mon nom n'était pas sur la liste électorale »


Examinons maintenant les facteurs personnels/administratifs. Les tableaux 7 et 8 montrent qu'environ un cinquième des non-votants ont affirmé que le fait de ne pas savoir où ni quand voter, ou de ne pas être inscrit sur la liste électorale, était une raison « très » ou « assez » importante dans leur décision. Comme on pouvait s'y attendre, ces deux variables sont fortement corrélées (Taub = 0,33, p<0,000), ce qui indique que bon nombre de ces répondants sont les mêmes personnes. Comme les électeurs non inscrits ne recevaient pas de carte d'information précisant les heures et le lieu du vote, ils pouvaient raisonnablement citer les deux facteurs comme importants. Pour évaluer leur incidence sur tout l'électorat, nous devons mettre ces réponses en proportion. La meilleure mesure de l'incidence directe de la non-inscription est peut-être que 12,7 % des non-votants ont classé cette raison comme « très importante ». Le taux de participation globale ayant été de 61 %, on peut penser que la non-inscription a diminué le taux d'environ 5 % (12,7 % X 0,39 = 4,95 %), en ne comptant que les personnes jugeant cette raison « très importante ». Si nous ajoutons les personnes jugeant cette raison « assez importante », ce nombre pourrait augmenter.

Toutefois, ce calcul demeure hautement conjectural, car les répondants considérant ces facteurs administratifs comme importants ont aussi été nombreux à classer les facteurs de désintérêt comme importants. Par exemple, il y a une corrélation positive entre le fait qu'un répondant présente sa non-inscription sur la liste électorale comme un motif important de son abstention et le fait qu'il présente comme un motif important le fait qu'il ne se sentait pas concerné par les enjeux de la campagne (Taub = 0,15, p<0,000). Si ces répondants avaient été inscrits sur la liste, ils pourraient donc ne pas avoir voté pour d'autres motifs. Si l'on émet les hypothèses 1) qu'un recensement de porte à porte aurait permis d'inscrire tous les électeurs et 2) que ceux qui ont présenté leur non-inscription comme une raison « très importante » auraient voté s'ils avaient été inscrits, peu importe leur degré d'intérêt pour l'élection, les déficiences de la liste électorale pourraient avoir abaissé la participation de 5 %. Toutefois, la conclusion la plus réaliste est que l'effet réel était moindre, peut être de l'ordre de 2 ou 3 %.



Tableau 9  Importance de la raison « J'étais malade »


Tableau 9 Importance de la raison « J'étais malade »




Tableau 10  Importance de la raison « J'étais à l'extérieur de la ville »


Tableau 10 Importance de la raison « J'étais à l'extérieur de la ville »



Tableau 11  Importance de la raison « J'étais trop occupé par mon travail »


Tableau 11 Importance de la raison « J'étais trop occupé par mon travail »


Les trois prochains tableaux révèlent que d'autres facteurs « personnels/administratifs » sont associés à l'abstention à divers degrés. Les personnes malades ou à l'extérieur de la ville (tableaux 9 et 10) peuvent, en vertu de la Loi électorale du Canada, voter par anticipation ou par bulletin de vote spécial. Toutefois, ces solutions exigent souvent de la planification, et l'effort supplémentaire requis est un élément dissuasif pour ceux qui ne se sentent pas assez motivés pour trouver l'énergie, le temps et l'intérêt nécessaires.

Enfin, il y a ceux qui étaient « trop occupés par leur travail », un groupe comprenant près du tiers de tous les non-votants si l'on compte ceux pour qui ce facteur était « très » ou « assez » important. Bien entendu, la Loi donne aux employés un certain nombre d'heures de congé autorisé pour se rendre aux urnes. Mais les exigences du travail peuvent avoir ajouté des obstacles à ceux qui voyaient déjà d'autres éléments dissuasifs. Rappelons que cette variable se rattache au facteur personnel/administratif et non à celui du désintérêt. Les corrélations d'être trop occupé par son travail avec d'autres facteurs personnels/administratifs sont : « ne pas savoir où ni quand voter » Taub = 0,26, p<0,000; « mon nom n'était pas sur la liste électorale » Taub = 0,22, p<0,000; « être malade » Taub = 0,19, p<0,000; et « à l'extérieur de la ville » Taub = 0,26, p<0,000. Ces corrélations sont plus élevées que les suivantes : « l'élection ne m'intéressait pas » Taub = 0,01, statistiquement non significatif; « je n'aimais aucun des candidats ou des partis », Taub = 0,06, p<0,03; » Je pensais que mon vote n'avait pas d'importance » Taub = 0,09, p<0,001; et « Je ne me sentais pas concerné par les enjeux de la campagne » Taub = 0,15, p<0,000. Ainsi, il est plus probable que les gens jugeant ce facteur important se sont abstenus parce qu'ils ont été motivés par un facteur supplémentaire plutôt que par leur simple manque d'intérêt.





Tableau 12 Principaux motifs d'abstention, 2000 (Question ouverte; réponses multiples; % des répondants)

 

Désintérêt
  Groupes d'âge
65+
55 – 64
45 – 54
35 – 44
25 – 34
18 – 24
Total
Non intéressé; ne s'en souciait pas; apathie
14,8
29,0
18,3
19,7
27,3
28,0
25,0
Vote inutile; ne compte pas; issue connue d'avance
6,4
8,4
9,6
10,0
11,4
6,5
9,0
Oublié; ne savait pas
4,2
0,0
0,0
1,2
2,0
3,9
2,3
Trop compliqué; confusion
0,0
0,0
2,3
2,5
0,7
0,0
0,9
 
25,4
37,4
30,2
33,4
41,4
38,4
37,2

Négativisme
  Groupes d'âge
65+
55 – 64
45 – 54
35 – 44
25 – 34
18 - 24
Total
N'aimait aucun des candidats/partis/enjeux
9,9
13,4
22,7
21,2
14,1
13,9
15,9
Manque de confiance envers les candidats/partis/chefs
17,7
13,5
21,3
16,7
14,0
6,3
12,8
Manque d'information sur les candidats/partis/enjeux
0,0
1,6
3,3
5,0
3,1
6,3
4,3
Mécontentement régional
0,0
3,0
3,0
2,8
0,5
0,8
1,4
 
27,6
31,5
50,3
45,7
31,7
27,3
34,4

Raisons personnelles/administratives
  Groupes d'âge
65+
55 – 64
45 – 54
35 – 44
25 – 34
18 – 24
Total
Trop occupé par le travail/à l'école/famille
5,0
3,4
3,1
11,9
13,7
22,6
14,3
Hors de la circonscription/province/pays
20,3
23,0
9,3
8,0
10,9
7,9
10,4
Problèmes d'inscription
4,0
3,0
6,7
2,7
5,2
7,4
5,5
Maladie, problèmes de santé
19,5
5,8
7,7
1,9
2,0
0,4
2,9
Ne savait pas où ni quand; problèmes avec le bureau de scrutin; transport
5,7
5,1
2,7
2,5
2,2
4,2
3,3
Déménagement
0,0
0,0
2,5
1,1
1,2
0,5
0,9
 
54,5
40,3
32,0
28,1
35,2
43,0
37,3

Autres
  Groupes d'âge
65+
55 – 64
45 – 54
35 – 44
25 – 34
18 – 24
Total
Motifs religieux
5,5
3,0
1,5
2,0
1,1
0,9
1,5
Autre; inclassable; vague; aucune
0,0
0,9
0,8
3,1
1,8
3,6
2,4
 
5,5
3,9
2,3
5,1
2,9
4,5
3,9
N =
43
58
109
171
331
347
1 059


Le tableau 12 présente des réponses ouvertes de non-votants à une question leur demandant la principale raison de leur décision. Les répondants ont cité un large éventail de raisons, classables en trois grandes catégories qui sont mentionnées à des fréquences à peu près égales. Nous appelons ces catégories désintérêt, négativisme et raisons personnelles/administratives. Le plus grand groupe de réponses à cette question provenait de ceux que l'élection (ou la politique en général) n'intéressait pas, qui ne se souciaient pas qu'une élection ait lieu et qui ne voulaient pas voter. D'autres répondants de cette catégorie citaient cependant l'inutilité du vote : ils estimaient que leur suffrage ne compterait pas et que l'issue de l'élection était connue d'avance. Quelques autres dans la catégorie désintérêt trouvaient toute la scène électorale trop compliquée, ou avaient simplement oublié l'élection.

Nous avons classé les réponses comme exprimant le négativisme plutôt que de la simple indifférence si les répondants indiquaient un manque de confiance à l'égard de tout candidat, parti ou chef de parti, ou disaient n'en trouver aucun assez intéressant pour mériter son vote. Certains ont mentionné qu'ils ne se sentaient pas concernés par les sujets débattus ou n'avaient pas assez d'information sur les enjeux ou d'autres facteurs politiques pour choisir. Quelques-uns ont formulé des plaintes à propos du niveau fédéral, ou ont indiqué que la politique fédérale ne les intéressait pas.

La troisième catégorie, raisons personnelles/administratives, contient une variété d'éléments. Nous y avons classé les raisons comme « trop occupé » et « à l'extérieur » parce que dans d'autres mesures de ce sondage, notamment l'analyse factorielle présentée au tableau 2, elles sont associées à d'autres raisons personnelles ou administratives plutôt qu'à celles mesurant le désintérêt. Toutefois, il est clair que certains répondants disant avoir été trop occupés pour voter ne faisaient que rationaliser leur manque d'intérêt.

Le tableau 12 montre des écarts intéressants concernant les motifs d'abstention des différents groupes d'âge. Les répondants les plus jeunes (18 – 24 ans en 2000) exprimaient moins souvent des sentiments négatifs envers les candidats, les partis et les chefs que ceux des groupes plus âgés. Toutefois, ils invoquaient beaucoup plus des raisons personnelles ou administratives, en particulier qu'ils étaient trop occupés. Ils étaient aussi un peu plus susceptibles de rencontrer des problèmes d'inscription. Le niveau de désintérêt était aussi supérieur à la moyenne dans les deux groupes d'âge les plus jeunes.

Les répondants les plus âgés (plus de 65 ans) étaient les plus touchés par des problèmes de santé et par l'absence de leur circonscription au moment de l'élection. Quant aux sentiments négatifs à l'égard des politiciens, les groupes d'âge mûr (mi-trentaine à mi-cinquantaine) mentionnaient plus souvent ces raisons.