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Pourquoi la participation décline aux élections fédérales canadiennes : un nouveau sondage des non-votants


9. Les jeunes et l'éducation

Le lien entre l'âge et l'abstention est souvent mentionné dans les pages précédentes. Le tableau 14, par exemple, révèle que la participation des cohortes récentes de jeunes électeurs aux élections fédérales était particulièrement faible. L'âge était le plus puissant prédicteur du vote aux tableaux 17 à 20, qui traitent d'un grand éventail de facteurs. L'âge est aussi un prédicteur important du développement du sens du devoir civique (tableau 30). Et on verra un peu plus loin, dans une section sur les cohortes d'âge, une large gamme d'effets additionnels de l'âge sur d'autres variables.

Il semble donc naturel de se pencher directement sur l'abstention chez les jeunes. Dans le sondage, une question ouverte était posée à tous les répondants : « On a souvent observé que les jeunes étaient moins susceptibles de voter que les personnes plus âgées. Selon vous, pourquoi est ce ainsi? » Les réponses (tableau 42) forment deux grandes catégories, celles reliées au manque d'intégration des jeunes dans le système politique, et celles suggérant que le problème découle des attitudes fondamentales d'apathie ou de méfiance des jeunes envers la politique.




Tableau 42 Raisons perçues de la faible participation des jeunes (Question ouverte; réponses multiples)


Non intégrés
Moins de 25 ans 25 ans et plus
Éloignés de la politique en raison de l'âge; ne pas se sentir représenté, lié
40,4
36,6
Manque d'information, de compréhension, de connaissances
33,9
27,1
Manque d'encouragements
2,0
4,2
Trop occupé, trop mobile
3,3
3,2
 
79,6
71,1

Désengagement
Moins de 25 ans 25 ans et plus
Désintérêt, apathie
31,3
30,4
Négativisme, cynisme, désillusion
9,2
13,5
Méfiance envers les systèmes/politiciens
6,7
8,7
Irresponsabilité, rébellion, paresse
4,3
6,4
 
51,5
59,0

  Moins de 25 ans 25 ans et plus
Autre
1,8
3,5
Ne sait pas
0,0
0,4
N =
386
1 420


Ces deux catégories de réponses sont constituées d'explications populaires du faible taux de participation chez les jeunes (les réponses multiples étaient permises). Il appert, toutefois, que la plupart des Canadiens pensent que les jeunes ne votent pas parce qu'ils se sentent à l'écart des rouages du système politique, ou parce qu'ils manquent d'information sur le sujet (tableau 42, deux premières catégories). La première explication, le sentiment d'être à l'écart, comprend des réponses comme celles-ci :

  •   les jeunes ne croient pas que le gouvernement les représente ou se soucie de leurs   idées, de leurs besoins et de leurs problèmes;
  •   la différence d'âge éloigne les jeunes du processus politique et des politiciens;
  •   les partis ne font pas d'efforts pour les rejoindre, ou ne sont pas à leur écoute;
  •   les jeunes sentent que la politique ne les touche pas, peut-être parce qu'ils   n'assument pas encore les responsabilités qui sont au c?ur des enjeux politiques;
  •   personne n'écoute les jeunes, ils n'ont pas voix au chapitre.

Les sentiments d'éloignement face à la politique sont évoqués par plus d'un tiers de l'ensemble des répondants, mais le pourcentage est encore plus élevé chez les jeunes. Le sentiment général est que les jeunes ne sont pas bien représentés par le système politique et que, par ailleurs, ils ne sont pas assez informés sur les candidats, les partis et les enjeux. Ils manquent aussi de connaissances sur la façon dont les activités politiques peuvent influencer leur vie. Il est possible que les jeunes trouvent la politique trop difficile et compliquée, et en éprouvent un sentiment d'intimidation qui conduit à l'indifférence.

Les explications de l'abstention chez les jeunes comportaient souvent des raisons classées dans la catégorie « Désengagement ». La plus grande partie de ces répondants décrivent simplement les jeunes comme désintéressés ou apathiques face au vote. Certains répondants attribuent cependant aux jeunes une attitude plus volontairement et activement négative face à la politique ou aux élections. En effet, certains des répondants estiment que les jeunes sont moins enclins à voter parce qu'ils sont cyniques ou désenchantés de la politique, dégoûtés « des fausses promesses, de la malhonnêteté, de l'hypocrisie, de la corruption et du négativisme » qui caractériseraient la vie politique, et réfractaires à participer à un exercice « inutile ». Pour certains répondants, les jeunes manquent de confiance envers les candidats, les partis ou le gouvernement, ou n'aiment simplement pas ce qui se fait (ou ne se fait pas) en politique. Un nombre plus faible de répondants portent un jugement négatif sur les jeunes, les qualifiant d'« irresponsables, immatures, paresseux, rebelles ou sans vision ».




Tableau 43 « Selon vous, que devrait-on faire pour intéresser davantage les jeunes à la politique? » (Question ouverte; réponses multiples)


Meilleure éducation, information
Moins de 25 ans 25 ans et plus
Davantage de sensibilisation dans les écoles
23,0
23,7
Davantage de dialogue/de contact direct/d'éducation (général)
9,0
12,7
Plus d'accent sur la pertinence au niveau individuel, avantages, emplois
8,0
10,0
Plus de publicité, de présence médiatique
7,7
4,1
Plus d'éducation à la maison
0,0
2,3
 
47,7
52,8

Changements au système politique; implication
Moins de 25 ans 25 ans et plus
Plus d'enjeux pertinents pour les jeunes
26,7
14,7
Recrutement, implication des jeunes
7,3
10,5
Candidats, politiciens, chefs plus jeunes
4,7
7,0
Meilleurs politiciens, chefs, partis
2,3
4,3
Réforme électorale; réforme démocratique
1,7
2,3
 
42,7
38,8

Changements de conduite politique
Moins de 25 ans 25 ans et plus
Un gouvernement qui a de meilleurs rapports avec les jeunes, qui les comprend
10,6
14,1
Plus d'honnêteté, de responsabilité, d'obligation de rendre des comptes
6,1
10,9
Rendre la politique moins compliquée, plus intéressante, plaisante
7,6
4,7
 
24,3
29,7

  Moins de 25 ans 25 ans et plus
Autre
1,8
1,8
Rien, ne sait pas
3,2
3,0
N =
332
1 184


Après la question sur les raisons de la faible participation des jeunes, nous avons demandé : « Selon vous, que devrait-on faire pour intéresser davantage les jeunes à la politique? » Les réponses sont indiquées au tableau 43. La majorité des répondants ont mentionné « une meilleure éducation ou information » comme solution potentielle, réponse qui découle logiquement du diagnostic de « manque d'éducation » noté auparavant. Toutefois, les réponses dans cette catégorie étaient assez diversifiées, traitant de la nécessité de promouvoir l'éducation non seulement dans les écoles, mais aussi à la maison (un répondant a même mentionné le lieu de travail) et dans les médias. Certains ont fait remarquer que les programmes d'information ou d'éducation devaient refléter les intérêts et les situations personnelles des jeunes afin de les intéresser davantage.

La notion de pertinence pour les jeunes apparaît aussi dans la catégorie suivante de réponses, portant sur les changements à apporter au système politique pour encourager l'implication des jeunes. Nous constatons dans le tableau 43 qu'un nombre substantiel de tous les répondants ont l'impression que les personnes qui déterminent l'ordre du jour du monde politique devraient tenir compte davantage des enjeux touchant les jeunes. Ces enjeux pourraient concerner l'emploi, l'éducation et l'avenir des jeunes. Selon un certain nombre de répondants, des mesures favorisant le recrutement ou l'implication des jeunes seraient rentables. On affirme également que la présence de chefs, de politiciens et de candidats plus jeunes inciterait les jeunes électeurs à s'intéresser davantage à la politique. Certaines personnes ont aussi parlé de réforme électorale, mais ce point n'est pas fortement ressorti dans les réponses.

Enfin, le thème de la pertinence pour les jeunes arrive aussi au premier rang dans la troisième catégorie du tableau 43, celle des changements dans les actions ou la conduite des politiciens. Selon certains des répondants, les jeunes pourraient s'intéresser davantage à la politique si le gouvernement essayait de les rejoindre et les comprendre, afin qu'ils aient voix au chapitre dans les affaires publiques. Les autres répondants dans cette catégorie parlaient davantage de la nécessité de changements dans des domaines comme l'honnêteté, la responsabilité et l'obligation de rendre des comptes chez les politiciens.




Tableau 44  « Les écoles devraient en faire davantage pour éduquer les enfants en matière d'élection et de participation politique »


Entièrement d'accord= 44 %  ;  D'accord= 39 %  ;  En désaccord= 11 %  ;  Entièrement en désaccord= 6 %

 

Tableau 45  « On devrait abaisser l'âge légal de vote à 16 ans pour encourager la participation des jeunes »


Entièrement d'accord= 8 %  ;  D'accord= 16 %  ;  En désaccord=44 %  ;  Entièrement en désaccord= 33 %


À partir de la liste des raisons citées pour la faible participation politique et électorale des jeunes, et des solutions proposées, on peut avantageusement se concentrer sur le thème de l'éducation. Une question du sondage demandait explicitement aux répondants s'ils croyaient que « les écoles devraient en faire davantage pour éduquer les enfants en matière d'élection et de participation politique ». Le tableau 44 révèle un appui massif à cette suggestion. S'occuper davantage d'éducation politique dans les écoles, les médias et à la maison ne ferait que renforcer l'orientation actuelle du milieu de l'éducation, comme en témoignent les efforts des gouvernements provinciaux pour accroître l'éducation civique au niveau secondaire. Élections Canada investit déjà beaucoup d'efforts dans une campagne d'éducation publique, mais d'autres mesures seraient possibles.

Une autre idée a été moins bien accueillie. Lorsqu'on leur a demandé s'ils pensaient que l'on « devrait abaisser l'âge légal de vote à 16 ans pour encourager la participation des jeunes », le tableau 45 indique que le quart (24 %) seulement des répondants se sont dits d'accord. Quels que soient les mérites à long terme d'une telle idée, il semble que les gens réalisent que l'octroi du droit de vote aux 16 à 18 ans abaisserait initialement le taux de participation encore davantage, et qu'il faudrait augmenter les efforts d'éducation pendant un certain temps avant que la majorité ne soit prête à en discuter.