Participation électorale des jeunes au Canada
4. Analyse par cohorte de la participation aux élections fédérales canadiennes
Dans la présente section, nous passons en revue et mettons à jour une analyse par cohorte de la participation électorale au Canada. Nous avons utilisé une version améliorée d'une méthode employée au départ par Blais et coll. (2004), adaptée de Johnston (1989 et 1992) afin de séparer les incidences du cycle de vie de la génération (cohorte) et de la période sur la participation électorale, et nous avons mis à jour l'analysenote 15. L'idée de base est simple : nous regroupons tous les ensembles de données recueillies dans le cadre des EEC afin de couvrir toutes les élections fédéralesnote 16 de 1965 à 2008, inclusivement (sauf les élections de 1972 puisque aucune étude électorale n'avait alors été menée). Nous possédons, au total, des données sur 13 électionsnote 17.
Nous avons ensuite procédé à une estimation à variables multiples qui tient compte des incidences du cycle de vie, de la cohorte et de la période. Les effets du cycle de vie correspondent à ceux de l'âge. En fait, plus une personne vieillit, plus elle s'engage dans son milieu social et acquiert de solides préférences au fil du temps, ce qui fait qu'elle est plus susceptible de voter. Ce lien n'est toutefois pas linéaire. À la fin du cycle de vie, la probabilité de participation diminue légèrement, particulièrement pour des raisons de santé. Pour désigner les cohortes, nous nous sommes servis des premières élections auxquelles des personnes ont eu le droit de voter. Par exemple, les personnes nées entre 1942 et 1944 ont pu voter pour la première fois en 1965 (il fallait, à l'époque, avoir 21 ans pour voter). Notre modèle compte 14 cohortes, toutes désignées par les premières élections auxquelles elles ont pu voter. Nous avons aussi créé des variables pour chaque élection afin de mesurer l'incidence de contextes particuliers d'une élection qui ont rendu cette élection plus ou moins « excitante ».
Selon les résultats du modèle à variables multiples (tableau A2 en annexe), nous sommes en mesure d'estimer le taux de participation de toutes les cohortes à chacune des élections générales fédéralesnote 18. Ces estimations sont présentées dans le tableau 5, et on constate qu'un certain nombre de tendances intéressantes ressortent. Si l'on observe les chiffres de gauche à droite, on constate l'incidence du cycle de vie : le taux de participation d'une cohorte a tendance à augmenter au fil du temps, à mesure que les gens vieillissent. Cependant, l'importance de cette augmentation diminue au fil du temps. Il s'agit là d'une tendance générale, mais on constate que certaines « périodes » particulières ont une incidence, c'est-à-dire que le taux de participation est particulièrement faible ou particulièrement élevé à certaines élections. Nous constatons, par exemple, que la participation diminue, pour toutes les cohortes, de 1979 à 1980, mais augmente grandement de 1980 à 1984.
La meilleure méthode pour connaître l'incidence d'une génération consiste à comparer le taux de participation initial des diverses cohortes. Dans les années 60, environ 70 % des membres d'une nouvelle cohorte votaient aux premières élections pour lesquelles ils étaient admissibles. En 2004, ce taux n'était que d'un peu plus de 30 %. Au moins, les deux tiers des nouveaux électeurs venaient déposer leur bulletin de vote dans les années 60, tandis qu'ils n'étaient plus qu'un tiers à le faire en 2004.
Comme l'ont fait ressortir les analyses précédentes (Blais et coll., 2004), c'est la raison principale de la diminution de la participation. La diminution de la participation au sein des nouvelles cohortes a commencé dans les années 70 et semble plutôt stable. Le taux de participation chez les nouvelles cohortes avait déjà commencé à diminuer puisqu'il était passé de 50 % environ dans les années 80 à la fourchette de 40 % dans les années 90. Il semble y avoir une tendance persistante à la baisse dans le taux de participation des nouvelles cohortes. En conséquence, même si les jeunes sont plus susceptibles de voter à mesure qu'ils vieillissent, ils sont si peu nombreux à le faire au départ qu'on doit s'attendre à ce que le taux de participation général diminue.
Élection | 1965 | 1968 | 1974 | 1979 | 1980 | 1984 | 1988 | 1993 | 1997 | 2000 | 2004 | 2006 | 2008 |
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Cohorte | |||||||||||||
1965 | 69 | 71 | 71 | 79 | 75 | 82 | 84 | 85 | 81 | 78 | 79 | 80 | 76 |
1968 | 70 | 71 | 80 | 75 | 83 | 85 | 85 | 82 | 79 | 80 | 81 | 77 | |
1972 | 60 | 71 | 65 | 75 | 78 | 79 | 75 | 72 | 73 | 75 | 70 | ||
1974 | 56 | 68 | 62 | 73 | 76 | 77 | 74 | 70 | 72 | 74 | 69 | ||
1979 | 60 | 54 | 66 | 70 | 72 | 68 | 64 | 66 | 68 | 63 | |||
1980 | 45 | 57 | 62 | 64 | 61 | 57 | 59 | 62 | 56 | ||||
1984 | 58 | 63 | 65 | 62 | 58 | 60 | 63 | 58 | |||||
1988 | 54 | 57 | 53 | 50 | 53 | 56 | 50 | ||||||
1993 | 53 | 49 | 46 | 49 | 52 | 47 | |||||||
1997 | 43 | 40 | 43 | 47 | 42 | ||||||||
2000 | 34 | 37 | 41 | 36 | |||||||||
2004 | 34 | 38 | 34 |
Les données sont tirées des Études électorales canadiennes effectuées pour toutes les élections de 1965 à 2008, à l'exception des élections de 1972. Chaque cellule représente la probabilité qu'une personne appartenant à une cohorte en particulier vote à des élections précises. Les estimations sont faites à partir du modèle présenté dans le tableau A2.
Retour à la Note 15 Les effets du cycle de vie sont ceux qui se manifestent à mesure que les gens vieillissent; les effets de la génération sont ceux qui sont liés aux écarts entre les groupes de personnes nées à des époques différentes; enfin, les effets de la période concernent les changements qui surviennent au fil du temps et qui touchent tout le monde. Parmi les effets liés à la période, mentionnons des événements particuliers, comme la période qui a précédé la Seconde Guerre mondiale et celle qui l'a suivie, ou encore les caractéristiques particulières d'une élection bien précise. Nous avons apporté deux améliorations à la méthode employée par Blais et coll. (2004). En ce qui concerne la génération, nous avons déterminé, aux fins de la présente étude, qu'il s'agissait de la première élection à laquelle un groupe de personnes avait le droit de voter. Nous avons préféré cette façon de faire à une simple distinction entre les personnes nées avant le baby-boom, les baby-boomers, les personnes nées dans les années 60 et les personnes nées dans les années 70. Nous avons aussi créé une variable distincte pour pouvoir tenir compte des particularités de chaque élection, plutôt que de nous contenter d'une simple comparaison entre les élections tenues avant et après 1990.
Retour à la Note 16 Les élections de 1965 ne figurent pas dans les données parce qu'elles servent de point de comparaison. Nous mesurons donc la mesure dans laquelle les gens sont plus ou moins susceptibles de voter à chaque élection qu'en 1965, toutes autres choses étant égales, ce qui permet de connaître l'incidence du cycle de vie et de la génération.
Retour à la Note 17 L'étude effectuée par Blais et coll. (2004) se penchait sur neuf élections, de 1968 à 2000.
Retour à la Note 18 Il s'agit seulement d'estimations qui ne sont valides que dans la mesure où les hypothèses que nous devons formuler sont plausibles. Nous devons tenir compte du fait que la surdéclaration est assez fréquente au sein de toutes les cohortes et de tous les groupes d'âge, et que l'incidence du cycle de vie est à peu près la même pour toutes les cohortes. Nous pensons que ces hypothèses ne sont pas entièrement vraies, mais que les erreurs ne sont pas importantes et s'annulent en partie les unes les autres. Nous avons inclus une variable afin de représenter les personnes qui avaient le droit de voter pour la première fois aux élections de 2006 et de 2008 (voir le tableau A2), mais nous n'avons pas fourni d'estimations du taux de participation de ces électeurs, leur nombre étant trop restreint (69 et 122 respectivement).