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Une évaluation comparative d'organismes électoraux centraux

Introduction

La présente étude vise à fournir une analyse comparant les modalités de gouvernance en œuvre pour les élections nationales au Canada avec celles utilisées pour les élections nationales en Australie, en Inde, en Nouvelle-Zélande, au Royaume-Uni et aux États-Unis. En consultation avec Élections Canada, il a été convenu que l'évaluation comparative porterait principalement sur certains éléments clés des modalités de gouvernance des six pays, sans négliger les facteurs contextuels, organisationnels et procéduraux qui pourraient servir à tirer des leçons pour le Canada.

L'évaluation comparative se concentre sur les éléments suivants de gouvernance électorale dans chaque pays :

  • le contexte national, selon que le système politique est un système parlementaire doté d'un cabinet ou présidentiel doté d'un congrès et que l'ordre constitutionnel est fédéral ou unitaire;
  • le mandat juridique ainsi que les principes et les valeurs sur lesquels se fondent les structures et processus de la gestion électorale;
  • la structure et la composition de l'organisme de gestion électorale (OGE), en particulier les différences entre les commissions regroupant plusieurs membres et les organismes dirigés par une seule personne;
  • l'étendue des responsabilités de chaque OGE, la façon dont il obtient ses ressources et la manière dont il fonctionne pour assumer ses responsabilités;
  • la nature des relations de reddition de comptes entre l'OGE et d'autres parties du gouvernement, en particulier l'exécutif politique et la législature;
  • une évaluation de l'indépendance de la structure et des mécanismes de prise de décision de l'OGE et les menaces potentielles à la portée de l'indépendance;
  • les contraintes, les possibilités et les défis organisationnels auxquels chaque OGE doit faire face.

Méthodologie

De nombreux renseignements ayant servi à la présente évaluation comparative, recueillis grâce à une recherche en ligne, sont tirés de documents universitaires secondaires sur la gestion du système électoral, de rapports publiés, de mandats juridiques et de sites Web officiels des OGE analysés dans l'étude.

Comme les documents officiels peuvent ne pas fournir des renseignements complets et à jour ou d'évaluations de rendement honnêtes, nous avons interviewé des fonctionnaires électoraux chevronnés dans les six pays. Élections Canada a identifié les personnes-ressources dans chacun des autres OGE et a obtenu des approbations pour les entrevues. Des entrevues semi-structurées ont été réalisées avec des représentants de ces OGE de façon confidentielle, sans que les sources soient citées. (On peut trouver à l'annexe F une liste des personnes interviewées.)

Critères d'évaluation

On trouvera dans la présente section les critères utilisés pour évaluer le rôle, la structure et le fonctionnement des OGE des cinq pays qui ont été comparés avec le Canada. Nous partons du principe que des élections libres et équitables, conduites de façon non partisane, professionnelle et efficace, ne peuvent pas s'organiser sans une autorité indépendante, crédible, transparente, fiable et légitime, qui inspire confiance à la population.

De solides modalités de gouvernance électorale contribuent à des élections bien organisées, à la confiance du public envers le processus électoral et à la légitimité démocratique des résultats. Cependant, il est difficile de fournir des arguments normatifs et une preuve empirique des liens entre les modalités de gouvernance et des concepts vagues et multidimensionnels comme la qualité, la confiance et la légitimité, en raison des facteurs qui peuvent affecter les élections et les perceptions publiques du processus électoral.

Les autorités électorales ne sont pas des entités isolées du reste de la société. Situées à la frontière parfois nébuleuse entre l'administration impartiale et la politique partisane, ces autorités sont très exposées aux influences environnementales. Par conséquent, les modalités de gouvernance électorale dans tous les pays reflètent dans une certaine mesure, difficile à déterminer, le contexte socioéconomique et géographique du pays, son histoire, ses traditions, sa culture politique et son ordre constitutionnel, les relations et la dynamique du pouvoir parmi les différentes parties du système politique, la concurrence du système de partis ainsi que les questions liées aux préoccupations du public à un certain moment (Mozaffar et Schedler, 2002 : 13). C'est pourquoi il est difficile d'isoler la contribution particulière des modalités électorales au sein d'une saine démocratie dans un pays donné : cela ne peut être fait que d'une façon plutôt impressionniste.

Il est risqué de généraliser trop facilement ce qui semble bien fonctionner dans d'autres pays parce que l'on ne tient alors pas assez compte du contexte distinctif ou de l'environnement dans lequel chaque OGE évolue, ainsi que de l'étendue des responsabilités de ces autorités et des ressources à leur disposition pour remplir leur mandat. Il faut faire preuve d'une grande prudence quand vient le temps de transposer les caractéristiques d'un système électoral à un autre afin d'éviter des conséquences imprévues et peut-être non souhaitées. Cela ne veut pas dire pour autant que nous ne pouvons pas tirer des leçons positives ou négatives des expériences d'autres pays.

En comparant les modalités de gouvernance électorale du Canada à celles d'autres pays, il est utile de tenir compte d'un certain nombre de valeurs et de principes fondateurs sur lesquels reposent les structures et les processus du système électoral. De tels principes et valeurs sont habituellement de nature plutôt générale et vague. Cela signifie que les pays peuvent ne pas interpréter et appliquer tels critères dans la conception initiale et toute modification subséquente à leurs modalités de gouvernance électorale en raison des circonstances changeantes au sein de la société et du système politique. Le caractère général des critères signifie également qu'il peut toujours y avoir matière à débat quant à savoir si les structures et les processus existants dans la gestion électorale d'un pays donné reflètent et renforcent de façon adéquate les critères clés de la gestion électorale démocratique.

Nous avons eu recours aux critères suivants aux fins de l'évaluation pour analyser les modalités de gouvernance électorale des six pays :

  • autorité juridique claire
  • indépendance
  • impartialité et équité
  • professionnalisme et expertise
  • stabilité, uniformité et fiabilité
  • économie, efficience et efficacité
  • transparence, souplesse et responsabilité

On trouvera à l'annexe A une discussion détaillée sur la signification de ces critères et sur la façon dont ils ont été utilisés dans l'analyse à suivre.

La gouvernance électorale englobe plus que les dimensions juridique, logistique et mécanique de l'administration électorale. Ces activités spécialisées sont extrêmement importantes en soi, mais elles reflètent et renforcent également des principes primordiaux et des valeurs de démocratie importants.

Les critères pour assurer la réussite de la gouvernance électorale sont interdépendants. Ils sont à la fois complémentaires et contradictoires. Étant donné que l'indépendance peut devenir une norme incontournable, appuyée à l'échelle internationale, nous avons fait de ce critère le point central de l'analyse, tout en n'ignorant pas la façon dont elle se confond parfois avec d'autres critères importants. Il n'existe pas de modèle parfait de gouvernance électorale qui puisse optimiser la réalisation de tous les critères de façon simultanée – il faut alors inévitablement viser l'équilibre et les compromis.

Les mérites relatifs des organismes dirigés par une seule personne constituent des éléments particulièrement intéressants au moment de l'analyse, si on compare ces organismes aux commissions composées de plusieurs membres en ce qui a trait à l'indépendance et à d'autres critères importants.

La prochaine section fournit un aperçu des constatations de six études de cas nationales et de la façon dont elles reflètent les thèmes cernés auparavant. Les six études de cas viennent appuyer de manière plus détaillée les observations et les affirmations dans l'évaluation comparative et elles examinent plus à fond les modalités de gestion électorale dans chaque pays à l'étude.