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Établir un cadre juridique pour le vote électronique au Canada

Annexe A – Normes et rapports internationaux

Pour notre travail de recherche en vue de définir un cadre juridique idéal pour le Canada, nous avons consulté les principaux rapports sur le vote électronique produits par des organismes gouvernementaux, ainsi que les directives formulées par les observateurs électoraux internationaux. Voici la synthèse des principaux constats et critères tirés de ces rapports.

A.1 Conseil de l'Europe

Le Conseil de l'Europe (CE) a rendu public le seul ensemble de normes applicables au vote par Internet qui est valide et approuvé au niveau international (Smith, 2006). En 2004, le CE a publié Les normes juridiques, opérationnelles et techniques relatives au vote électronique : recommandation Rec (2004)11) (CE, 2005), un guide des normes juridiques, opérationnelles et techniques applicables au vote électronique. Le Canada jouit actuellement du statut d'observateur au sein du CE. En plus de ces recommandations, le CE a publié des manuels sur la mise en œuvre du vote électronique.

Les principales recommandations du CE contiennent 121 exigences qui servent de liste de vérification pour mettre en œuvre le vote électronique et auxquelles ses nations membres, dont la Norvège et la Suisse, font fréquemment référence pour mettre en œuvre leurs propres systèmes dans ce domaine.

Le cadre du CE lui-même contient peu de précisions juridiques pour tenir compte du large éventail de codes électoraux en vigueur. Il est plutôt axé sur des pratiques exemplaires particulières telles que l'accessibilité, la sécurité et les éléments concrets du vote électronique. Ce cadre vise à inciter les États membres à contrer la faible participation électorale grâce aux technologies de l'information et de la communication utilisées dans la vie de tous les jours. Le Conseil recommande de cultiver la confiance du public en s'assurant que les systèmes de vote électronique sont [TRADUCTION] « sûrs, fiables, efficaces, techniquement solides, ouverts à une vérification indépendante et aisément accessibles aux électeurs » (CE, 2005 : 7). Afin d'inciter les États membres à s'avancer dans cette voie, le CE leur recommande de modifier leur code électoral pour respecter ces critères, ainsi que pour s'assurer que les élections dans lesquelles on utilise le vote électronique sont aussi fiables et sécuritaires que celles dans lesquelles on ne l'utilise pas.

Ces recommandations comportent trois volets, à savoir les mesures juridiques, opérationnelles et techniques à prendre. Le volet juridique s'appuie sur quelques principes généraux tels que le suffrage universel, le suffrage équitable et le suffrage libre, ainsi que sur la protection des résultats du scrutin. Un grand nombre de ces recommandations font écho à des règles communes à tous les modes de scrutin, par exemple empêcher l'électeur de voter plusieurs fois, ne pas perturber la liberté de choix et préparer correctement les listes électorales.

Volets des recommandations du Conseil de l'Europe
Recommandations juridiques
  • Principes (suffrage universel, suffrage équitable, suffrage libre)
  • Garanties de procédure (transparence, vérifiabilité et responsabilité, fiabilité et sécurité)
Recommandations opérationnelles
  • Notification, vote, résultats
Recommandations techniques
  • Accessibilité, interopérabilité (capacité des diverses composantes techniques à fonctionner ensemble), fonctionnement des systèmes, sécurité, vérifications, homologation
Exemples de normes techniques et applicables à la conception formulées dans les recommandations
  • Rendre les interfaces compréhensibles et conviviales (norme recommandée numéro 1)
  • S'assurer d'optimiser l'utilisation des systèmes pour les personnes handicapées (norme numéro 3)
  • Offrir le vote électronique à titre de moyen de vote supplémentaire et facultatif (norme numéro 4)
  • S'assurer que les électeurs peuvent déposer un bulletin blanc (norme numéro 13)
  • Permettre aux électeurs d'interrompre la procédure de vote électronique à tout moment (norme numéro 11)
  • Protéger la vie privée des utilisateurs (diverses normes recommandées)
Exemples de garanties de procédure
  • Le public devrait être informé et confiant (procédure recommandée numéro 20).
  • Des informations devraient être diffusées publiquement (procédure numéro 21).
  • On recommande d'offrir aux électeurs la possibilité de s'exercer (procédure numéro 22).
  • On devrait permettre aux observateurs d'assister aux élections et de les commenter (procédure numéro 23).
  • On devrait vérifier indépendamment que le système fonctionne avant de l'utiliser (procédure numéro 25).
  • On devrait prendre des mesures pour écarter les risques de fraude ou d'intervention non autorisée (procédure numéro 29).
  • Toutes les modifications du système devraient être réalisées par des équipes d'au moins deux personnes (procédures numéro 32 et numéro 33).
  • Le vote électronique à distance ne devrait pas se poursuivre après la clôture du scrutin dans les bureaux de vote (procédure numéro 45).
  • On devrait prendre des mesures pour empêcher de lier les électeurs aux votes (procédure numéro 48).

Ce rapport souvent très précis détaille des mesures à prendre pour garantir la protection des renseignements personnels, la sécurité et la mise à l'essai adéquate des systèmes; pour garantir que des méthodes de vérification efficaces sont en place, de même que des plans de secours en cas de panne du matériel informatique. Les observateurs électoraux utilisent maintenant fréquemment les recommandations du CE en guise de fiche de rendement pour évaluer les exigences et les procédures des systèmes. Nous recommanderions aux fonctionnaires électoraux du Canada d'envisager également de s'inspirer de cette liste de vérification.

L'adoption de toutes ces recommandations n'est pas universelle. Par exemple, la délivrance d'un récépissé à l'électeur après son vote est l'objet d'un débat, parce que, selon certains, cette mesure ouvrirait la porte à la coercition des électeurs, alors que, selon d'autres, une trace de papier sous une forme ou sous une autre peut donner confiance aux électeurs. Les recommandations ne sont pas non plus exhaustives. Elles n'abordent pas les lois particulières qui devraient être en vigueur pour empêcher la fraude électorale ou la meilleure façon de répartir les tâches dans le cadre d'un système de vote électronique.

A2 United States Election Assistance Commission

La United States Election Assistance Commission a publié des lignes directrices exhaustives sur l'utilisation des systèmes de vote électronique en milieu contrôlé, mais il lui reste encore à publier les mêmes exigences pour le vote par Internet. La Commission a été mise sur pied en 2002, dans le cadre de la loi Help America Vote Act of 2002, adoptée par le Congrès des États-Unis pour inciter les États à remplacer les cartes à perforer et les machines à voter à levier périmées qui ont donné lieu à des controverses pendant l'élection présidentielle de 2000, surtout dans certains comtés de Floride. La loi Help America Vote Act of 2002 définit des normes minimales, tandis que le National Institute of Standards and Technology formule des conseils à la Commission sur un ensemble de lignes directrices précises.

Ces lignes directrices, intitulées Voluntary Voting System Guidelines, sont un ensemble de critères régissant l'utilisation de machines à voter en milieu contrôlé employant la technologie électronique de l'enregistrement directNote 12. Bien que chaque État américain administre indépendamment les élections fédérales et les élections d'État, les États qui se conforment aux exigences minimales de la loi Help America Vote Act of 2002 sont admissibles à un financement fédéral pour acheter des machines à voter. Certains États ont adopté directement les exigences des Voluntary Voting System Guidelines en matière de certification, alors que d'autres ont défini leurs propres lignes directrices.

Exigences minimales obligatoires de la loi Help America Vote Act of 2002
  • Création de l'Election Assistance Commission, une commission d'assistance électorale indépendante
  • Présence obligatoire d'une machine électronique à enregistrement direct ou de vote assisté à chaque bureau de scrutin
  • Exigences applicables aux bulletins de vote de papier
  • Possibilité offerte aux électeurs de vérifier leurs choix avant de voter
  • L'Election Assistance Commission doit créer des lignes directrices d'application volontaire, mais les États sont libres d'adopter leur propre méthode.
Points abordés dans les Voluntary Voting System Guidelines
Lignes directrices en matière de rendement
  • Exigences fonctionnelles
  • Facilité d'utilisation et accessibilité (dont couleur, contraste, importance de l'essai)
  • Exigences en matière de matériel électronique, de logiciel et de télécommunications
  • Assurance de la qualité et gestion de la configuration
Lignes directrices en matière d'essais de certification
  • Essai de fonctionnalité
  • Essai du matériel informatique et des logiciels
  • Intégration des systèmes et assurance de la qualité

La loi Help America Vote Act of 2002 exige également que l'Election Assistance Commission réalise une étude du vote par Internet, mais elle semble prendre la forme d'une sous-partie d'autres études. Nous avons trouvé une enquête générale sur le vote par Internet, mais pas de lignes directrices aussi détaillées que les Voluntary Voting System Guidelines.

Les Voluntary Voting System Guidelines ont suscité certaines critiques, parce qu'une fois qu'une technologie est certifiée, le renouvellement de cette certification n'est pas obligatoire. De plus, ces lignes directrices se sont adaptées lentement aux nouvelles menaces. Certains États, comme la Californie, ont adopté des exigences additionnelles rendant obligatoire le signalement immédiat de toute erreur ou de tout problème et menaçant les contrevenants de lourdes amendes.

A.3 Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe

L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) est un groupe de surveillance européen qui, entre autres, envoie des observateurs électoraux à presque chaque élection européenne de premier plan afin de rendre publique une fiche de rendement et de passer en revue les procédures électorales. Les rapports de l'OSCE sont une excellente source d'information indépendante sur le déroulement des élections dans la pratique. Nous avons utilisé ses rapports sur la Norvège, les Pays-Bas, l'Estonie et d'autres pour cerner les questions et les lacunes apparues dans les autres pays ayant utilisé le vote électronique.

Le Manuel d'observation des élections de l'OSCE (OSCE, 2010) donne à ses observateurs la consigne d'observer les pratiques des nations en matière de conduite du scrutin, ce qui est utile pour les observateurs examinant le scrutin par bulletins de vote de papier, ainsi que le vote par Internet. Le manuel préconise les étapes suivantes qui sont parmi les plus efficaces pour inspirer confiance aux électeurs.

Principales exigences juridiques de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe
  • Certification transparente des systèmes et de la promulgation des résultats
  • Mise à l'essai indépendante par des universitaires ou par des organismes de certification
  • Règlements en vue d'éviter les conflits d'intérêts avec des tiers
  • Méthodes de vérification rigoureuses à des moments prédéfinis
  • Répartition des responsabilités entre les fonctionnaires, les fournisseurs et les vérificateurs
Lacunes et problèmes fréquents des cadres juridiques
  • Absence de cadre juridique adéquat
  • Impossibilité de contrôler manuellement
  • Absence d'accès au code source
  • Méfiance du public envers l'intégrité du matériel de vote électronique
  • Formation insuffisante des fonctionnaires électoraux
  • Manque d'information des électeurs
  • Manque de transparence du processus de certification
  • Manque de répartition des responsabilités entre les fournisseurs de matériel, les organismes de certification et l'administration électorale
  • Manque de clarté des instructions ou des règlements à appliquer en cas de panne du matériel

Les premiers rapports de l'OSCE recommandaient vivement les bulletins de vote de papier, mais cette recommandation avait trait aux bornes autonomes en milieu contrôlé, quand on craignait l'altération des machines à voter.

A.4 Fondation internationale pour les systèmes électoraux

La Fondation internationale pour les systèmes électoraux (IFES), une organisation non gouvernementale, se spécialise depuis longtemps dans l'examen des lois électorales, notamment des questions relatives à la représentation proportionnelle, à la fraude commise par des électeurs et au vote électronique. L'IFES se compose d'universitaires et d'autres experts en questions juridiques qui conseillent régulièrement des nations en développement et qui collaborent avec ces dernières à la mise en œuvre de lois électorales. Cet organisme a publié d'excellents manuels sur la réalisation d'études de faisabilité du vote électronique dans le cadre des élections, ainsi que sur la mise en œuvre de solutions. Dans son récent rapport, intitulé International Experience with E-Voting (Barrat i Esteve et al., 2012b), l'IFES a présenté une vaste enquête consacrée aux nombreuses questions à analyser en vue de la mise en œuvre du vote électronique, qui a été inestimable pour notre recherche. La fondation a réalisé une étude approfondie des récents projets pilotes norvégiens. Dans son rapport de 2011, intitulé Electronic Voting & Counting Technologies: A Guide to Conducting Feasibility Studies (Goldsmith, 2011), l'IFES a insisté sur l'importance de l'analyse des lois existantes et des modifications recommandées afin de les adapter à la technologie électorale.

Principales recommandations de la Fondation internationale pour les systèmes électoraux
  • Apporter des modifications aux lois électorales pour permettre aux observateurs d'accéder à toutes les principales composantes du processus administratif électoral
  • Mettre en œuvre des dispositifs de sécurité et des mesures de protection pour assurer l'exactitude et l'intégrité des élections
  • Définir les exigences de la certification initiale et périodique de la technologie, en stipulant notamment qui peut effectuer ces certifications et les conséquences d'un échec éventuel dans ce domaine
  • Mettre en place des dispositions d'urgence à appliquer en cas d'échec d'un mécanisme de vérification ou décider quel registre prévaut en cas de registres contradictoires
  • Indiquer si des vérifications sont obligatoires
  • Évaluer le dispositif en place pour contester les résultats

A.5 The Carter Center

The Carter Center, un organisme de bienfaisance américain, envoie notamment des observateurs électoraux à de nombreuses nations en développement et contribue à édifier la société civile dans de nombreux pays. Le centre a collaboré avec les Nations Unies à l'élaboration d'un cadre international pour les observateurs électoraux. Comme la majorité des élections auxquelles il a participé ont eu lieu dans des pays présentant peu de similarités culturelles avec le Canada ou se servant des machines à voter, nous n'avons pas utilisé ses études de cas dans notre rapport. En revanche, The Carter Center Handbook on Observing Electronic Voting (The Carter Center, 2012) fournit aux observateurs un manuel leur indiquant à quoi s'intéresser lors de l'examen d'un cadre juridique. Bien que ce manuel ne s'applique pas au vote par Internet, nous avons trouvé ses considérations très utiles pour concevoir un cadre juridique exhaustif pour le vote électronique.

Principales considérations de l'analyse d'un cadre juridique par le Carter Center
  1. Comment le cadre juridique pour le vote électronique protège-t-il les droits fondamentaux de la personne et appuie-t-il le respect des obligations dans le cadre des élections démocratiques (y compris la protection du secret)?
  2. Le cadre juridique est-il compréhensible et cohérent pour l'utilisation des technologies du vote électronique? (Cette dernière est-elle régie par la loi ou par des dispositions de circonstance?)
  3. Quels sont les principaux intervenants liés à l'utilisation du vote électronique dans ce processus électoral? Quels sont leurs rôles respectifs selon la loi? (Par exemple, existe-t-il un sous-comité technique ou un organe consultatif indépendant en matière de technologie?)
  4. La loi autorise-t-elle l'inspection indépendante du système par des tiers et l'observation par des observateurs nationaux et internationaux et par les candidats, les partis et leurs représentants?
  5. La loi autorise-t-elle une piste de vérification de papier et quelle est la relation légale entre ce registre et les autres registres électoraux?
  6. Le calendrier électoral prévoit-il assez de temps pour tous les aspects du processus?
  7. Quels essais ou quelle certification du système sont exigés par la loi?
  8. Quelles procédures sont définies par la loi pour le jour du scrutin?
  9. Quelles mesures de sécurité et quels plans d'urgence sont prescrits par la loi? (Les infractions électorales s'appliquent-elles au vote électronique?)
  10. Quelles dispositions sont en place pour résoudre les conflits électoraux relatifs à l'utilisation des technologies du vote électronique?
  11. Existe-t-il de graves lacunes ou défauts dans le cadre juridique pour l'utilisation du vote électronique?

De plus, The Carter Center a soulevé d'autres questions en matière de mesures prises pour informer les électeurs et pour leur inspirer confiance. Le processus de demandes de propositions pour la technologie était-il ouvert? Qui détient la propriété intellectuelle? Un plan d'urgence est-il en place en cas de panne de la technologie?

A.6 Recherche canadienne

Pour les besoins de nos recommandations, nous pensons qu'il importe également de citer certains principes qui commencent à émerger dans d'autres documents de travail consacrés au vote électronique.

Un document de travail produit par Elections BC, l'organisme électoral de la province de la Colombie-Britannique, a défini sept critères applicables au vote électronique (Elections BC, 2011).

Critères applicables au vote électronique du document de travail d'Elections BC
  1. Accessibilité : recommandations telles que l'utilisation d'une interface conviviale, la promotion de l'accès public et l'utilisation non exclusive du mode de scrutin par Internet.
  2. Égalité du droit de vote : recommandations sur la centralisation des listes des personnes ayant voté, ainsi que sur l'utilisation de méthodes pour autoriser plusieurs votes, mais en ne conservant que le dernier.
  3. Secret : recommandations sur l'utilisation de processus cryptographiques, ainsi que sur l'autorisation des électeurs à voter plusieurs fois afin de prévenir la coercition exercée sur les électeurs.
  4. Sécurité : recommandations sur la reconnaissance des menaces et sur la conception de technologies visant à les combattre.
  5. Vérifiabilité : recommandations visant à permettre aux électeurs de vérifier que leur vote a été compté conformément à leurs intentions. De plus, ce principe s'applique également aux méthodes de mises à l'essai, de certification du système et du matériel et à la confiance des experts à leur égard.
  6. Transparence et simplicité : recommandations visant principalement à ne pas perdre de vue la transparence, l'ouverture et la simplicité, et à permettre au public d'examiner la majeure partie des procédures de mise à l'essai et de vérification, ainsi que les plans de mise en œuvre.

Comme ceux de nombreuses autres sources, les principes énoncés dans le rapport d'Elections BC régissent à la fois les exigences juridiques et techniques.


Note 12 Les machines électroniques à enregistrement direct sont un type de technologie de vote en milieu contrôlé répandu, et le plus fréquemment associé au vote électronique aux États-Unis.