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La technologie et le processus de vote


V. Expérience des technologies de vote

A. Expérience canadienne

1. Le vote téléphonique au Canada

L'expérience canadienne des méthodes électroniques de vote a surtout été limitée à des élections municipales et à la sélection de chefs de partis politiques provinciaux. Aux échelons fédéral et provincial, un certain nombre de facteurs ont contribué à modérer l'intérêt des administrateurs électoraux pour le vote électronique. Il s'agissait notamment du caractère peu fréquent des scrutins, de la faiblesse relative des densités de population dans la plupart des régions du pays et de la présence d'un seul enjeu par scrutin.

2. Congrès d'investiture de partis politiques provinciaux

Plusieurs partis politiques provinciaux ont eu recours au vote par téléphone pour le choix de leur chef. On y voyait habituellement une tentative de stimuler la participation des membres, conformément aux normes démocratiques de ces partis. On a, en général, noté une telle hausse, bien que le taux de participation à ce genre de congrès d'investiture dépende également de la popularité relative du parti et de la transparence du processus électoral au plan des règlements adoptés.

À ce jour, les principales inquiétudes formulées au sujet du vote téléphonique portent sur les questions suivantes : la capacité du système de supporter le volume d'appels reçus en période de pointe, la possibilité technique de retracer des votes par appariement des NIP, le risque d'usage frauduleux de NIP, la déperdition d'un sentiment d'identité politique collective et les dangers de coercition et d'intimidation des votants.

À quatre reprises, des partis politiques canadiens ont eu recours au vote téléphonique pour le choix d'un leader; il s'agissait des partis libéraux de la Colombie-Britannique, de la Nouvelle-Écosse et de l'Alberta, et du Parti conservateur de la Saskatchewan. On trouvera ci-dessous des renseignements sur le congrès d'investiture du Parti libéral de la Nouvelle-Écosse, un des premiers exemples de vote par téléphone repérés au Canada.

Une étude du congrès d'investiture du Parti libéral de la Nouvelle-Écosse, menée par Ian Stewart, Agar Adamson et Bruce Beaton de l'Acadia University, suggère que l'utilisation du vote téléphonique pour ce congrès d'investiture a modifié non seulement la dimension mais également la composition de l'électorat. Comme le notent les auteurs, « ...le nombre des voteurs admissibles en 1992 était de presque quatre fois supérieur à ce qu'il était six ans plus tôt... (et) il n'est pas impossible que certaines catégories de personnes qui n'auraient sans doute pas participé à un congrès d'investiture traditionnel des Libéraux ont effectivement acquis le droit d'accès au suffrage en raison des nouvelles procédures. Plus spécifiquement, le caractère pratique du vote à domicile a dû encourager la participation d'un nombre beaucoup plus élevé de personnes des régions les plus isolées de la Nouvelle-Écossenote 15. »

MM. Stewart, Adamson et Beaton tirent de l'expérience néo-écossaise les trois conclusions suivantes :

(1) Le processus a fait preuve d'une ouverture remarquable – tout électeur ayant acquitté les frais requis était admissible à voter – ce qui soulève le risque de modes de vote tactiques, comme dans les États américains à élections primaires croisées (où des personnes peuvent s'inscrire et voter aux congrès à l'investiture de plus d'un parti politique);

(2) la sécurité du vote téléphonique soulève des inquiétudes justifiées, les gens pouvant voter aussi souvent qu'ils possèdent de NIP;

(3) même si le vote téléphonique facilite l'accès au processus, 56 p. 100 des membres du parti n'ont tout de même pas exercé leur droit de votenote 16.

Cette troisième conclusion peut s'expliquer par un certain nombre de facteurs, allant du montant du droit d'inscription à l'apathie des membres. Toutefois, elle sert à rappeler qu'on aurait tort de privilégier le vote électronique comme panacée capable de résoudre l'apathie et le sentiment de désillusion de l'électorat; il s'agit plutôt d'une façon d'améliorer l'accès au scrutin et de fournir aux électeurs un plus grand nombre de modes de vote.

Même si cette expérience de vote téléphonique s'est terminée avec succès, les organisateurs ont dû surmonter un certain nombre d'obstacles, dont une panne complète initiale du système, dont on avait d'abord surestimé la capacité de réponse.

Après cette première tentative infructueuse au congrès d'investiture du Parti libéral de la Nouvelle-Écosse, la société KPMG a été engagée par le parti et par le fournisseur du système – MT&T Technologies – dans le but de 1) déterminer si le système pouvait être repensé de façon à rendre le processus intègre, complet et confidentiel et, le cas échéant, 2) pour examiner et évaluer les procédures de contrôle du système et enfin, 3) pour vérifier les résultats du vote et de formuler une opinion à ce sujet.

KPMG a confirmé la possibilité d'élaborer un système approprié et a ensuite émis des opinions quant à l'adéquation des procédures de contrôle et aux résultats de l'élection. KPMG a, par la suite, mis à jour ces opinions pour chaque instance d'utilisation du système de vote par téléphone, en formulant une opinion au sujet des résultats de chacun de ces événements. Des difficultés techniques ont été signalées pour un des congrès d'investiture subséquents; à notre avis, ces problèmes découlaient directement d'un manque d'application cohérente de procédures définies à l'avance et ne concernaient pas les éléments techniques du système de vote téléphonique.

Les résultats des quatre congrès provinciaux d'investiture organisés au Canada par vote téléphonique sont cohérents en ce sens que le système s'est finalement avéré fonctionnel dans tous les cas. Cependant, chacun de ces événements a exigé beaucoup plus de planification que ne l'avaient initialement prévu certains des organisateurs. En règle générale, celles des élections qui ont été bien planifiées, avec des procédures et des lignes directrices complètes, ont connu très peu de difficultés. Mais une planification inadéquate, l'absence de tests et la négligence de respecter de façon systématique certaines procédures essentielles se sont traduites par des ratés dans deux de ces élections.

Le recours au vote téléphonique exige, comme en fait la plupart des technologies, un processus cohérent et bien structuré, où les écarts sont bien définis à l'avance et assortis procédés de résolution adéquats.

3. L'expérience des municipalités canadiennes

Un certain nombre de municipalités canadiennes font appel à des systèmes électroniques de dépouillement du scrutin. Elles le font pour diverses raisons : nouvelles tournures du processus électoral, augmentation du nombre d'enjeux électoraux par événement, difficulté de recruter et de former les membres du personnel du scrutin, caractère onéreux des processus manuels de dépouillement, baisse des budgets d'opération et contestation du rejet de bulletins de vote.

Il se peut que certains de ces facteurs amènent des municipalités à explorer également des méthodes de vote électronique.

Par exemple, la ville de North York a récemment tenu un référendum téléphonique au sujet d'une fusion avec le Grand Toronto. Les administrateurs de cette consultation en ont conclu que l'on pouvait réussir à tenir un référendum téléphonique dans une municipalité de 400 000 électeurs, et ce en plusieurs langues et en garantissant le caractère confidentiel du vote. L'expérience a également démontré que la plupart des gens étaient capables d'utiliser ce système et que l'on pouvait organiser un référendum téléphonique pour environ la moitié du coût d'une élection ordinairenote 17.

Par ailleurs, l'expérience de North York a mis en lumière trois problèmes à résoudre pour toute utilisation future du référendum ou du vote téléphonique. D'abord, cette technologie appelle une forme quelconque d'identificateur personnel, permettant à chaque électeur de se qualifier. On a choisi d'utiliser un NIP à 10 chiffres, qui a été distribué par la poste aux électeurs admissibles. Certains électeurs admissibles vivant dans des ensembles d'habitations multiples (tours à appartements) ont rapporté ne pas avoir reçu leur NIP. D'aucuns ont soulevé l'hypothèse que des NIP avaient été volés et utilisés illégalement.

On a également trouvé problématique le volume d'appelants, qui a dépassé la capacité du système téléphonique, tel que configuré. Une certaine expérience a été acquise quant à la distribution horaire des appels, au genre d'appareils téléphoniques utilisés et à la durée de ces appels. Cette expérience a servi à apporter des améliorations au système.

Enfin, certaines firmes ont fait valoir que la surcharge provoquée par un vote téléphonique risquait de compromettre leur propre accès au réseau téléphonique dont dépendait leur entreprise (commandes téléphoniques, autorisations de carte de crédit, etc.).

4. Le vote électronique à l'échelon provincial

Les gouvernements provinciaux ne tiennent généralement pas pour réalisable à l'heure actuelle une transition du scrutin manuel vers des méthodes électroniques de vote ou de dépouillement du scrutin. On ne ressent pas encore clairement le besoin d'implanter de nouveaux systèmes, compte tenu du peu de demandes adressées aux électeurs (un vote à tous les quatre ans environ), et ce, dans un système uninominal majoritaire à un tour où les bulletins de vote demeurent très simples (comparativement à certains bulletins municipaux plus longs et plus complexes). Ces facteurs rendent le processus électoral relativement simple aux échelons provincial et fédéral.

En plus de cette absence de besoin évident, certains administrateurs provinciaux demeurent sceptiques quant à l'exactitude et à la sécurité des méthodes de vote électroniquenote 18. Autre obstacle de taille pour les autorités provinciales : l'importance des coûts d'investissement et d'immobilisations associés à une telle entreprise. Ce facteur fait ressortir l'importance des partenariats entre les organismes électoraux provinciaux et Élections Canada.

5. Universités canadiennes

Au cours de l'été 1997, l'association étudiante de l'University of Calgary a été approchée par Voting Systems International (VSI), une entreprise basée à Calgary qui cherchait un endroit où mettre à l'essai sa technologie de vote électronique. À l'automne 1997, VSI a organisé gratuitement une élection partielle de l'association étudiante en utilisant son système d'ordinateurs à écran tactile. Forte du succès de cette première expérience, VSI s'est occupée de l'élection générale du gouvernement étudiant en février 1998, pour un montant symbolique de 3 000 $. VSI a ainsi pu tester l'efficacité de sa technologie, tandis que l'université a bénéficié d'une baisse impressionnante du nombre de bulletins de vote rejetés et d'un dépouillement du scrutin plus rapide. Le recours à la technologie n'a pas ajouté à la participation de l'électorat; cependant, un sondage mené auprès d'électeurs choisis au hasard a fait valoir la facilité d'utilisation du système.

Le système VSI de vote électronique est fondé sur des terminaux à écran tactile associés à des ordinateurs portatifs où sont enregistrés les résultats du scrutin. Les votes inscrits sur les terminaux sont transmis aux ordinateurs portatifs au moyen d'ondes radio à basse fréquence. Les résultats peuvent être emmagasinés électroniquement dans chaque ordinateur portatif, puis téléchargés périodiquement, ou transmis en temps réel (ou périodiquement) à un ordinateur central.

Dans l'expérience réalisée à l'University of Calgary, le processus était le suivant : l'électeur éventuel se présentait devant le greffier et déclinait son numéro d'étudiant en montrant une carte d'identité munie d'une photo. Le numéro d'étudiant était utilisé pour activer le bulletin de l'électeur, différent selon le cours et la faculté où était inscrit l'électeur (qui votait à la fois pour l'exécutif du conseil et pour des représentants de faculté). Le bulletin était alors transmis à l'un de plusieurs terminaux à écran tactile placés derrière des partitions de carton, comme dans les isoloirs de bureaux de scrutin traditionnels. Le système invitait chaque électeur à voter pour des candidats, en lui permettant de modifier ces réponses avant de les soumettre au système. Une fois soumis, le bulletin de vote était retransmis à l'ordinateur portatif et ses résultats enregistrés sous forme électronique. Au moment de cette remise du bulletin de vote, l'identité de l'électeur était dissociée du bulletin par le système.

Un des avantages de ce système est sa capacité de produire, suite à l'événement, divers comptes rendus, dont les résultats du vote et le nom de personnes qui auraient voté plus d'une fois en se présentant à différents bureaux de scrutin. En effet, comme il y avait plus qu'un bureau de scrutin et que les divers éléments du système n'étaient pas reliés en temps réel, il était possible pour un électeur de voter à plusieurs reprises. Si les administrateurs électoraux avaient constaté ce genre d'abus, l'université aurait pu imposer aux contrevenants diverses sanctions plus ou moins sévères. VSI fait valoir que l'on peut résoudre ce problème en reliant électroniquement les bureaux de scrutin et en leur communiquant en temps réel le nom de chaque personne ayant voté.

B. Expérience internationale

Notre analyse de la conjoncture internationale nous amène à considérer que le vote électronique en est encore à ses premiers balbutiements.

Il y a de nombreux exemples d'instances qui font appel à diverses technologies pour assurer le décompte des votes ou d'organisations (comme des partis politiques ou des entreprises de télédiffusion) qui se servent de technologies comme le téléphone pour prendre des décisions ou recueillir des opinions. Divers États ont même consacré des recherches au vote électronique. Mais il y a très peu d'exemples de régimes qui se préparent à appliquer une filière technologique au vote, et encore moins d'instances où cela s'est déjà fait avec succès. Quant au recours à la technologie à partir d'emplacements éloignés (c.-à-d. du domicile ou du bureau, par exemple, plutôt que dans un bureau de scrutin), les projets en ce sens sont encore plus rares. Toutefois, on note également l'existence d'un certain nombre d'entreprises qui créent et commercialisent des technologies ou des produits d'appui au vote électronique, tels des logiciels de chiffrement et des instruments de vérification d'identité.

Voici quelques cas de figure intéressants, issus de nos recherches.

1. Brésil

Pour les élections aux postes de maires et de représentants de comté organisées en 1996, 33 millions d'électeurs brésiliens ont inscrit leurs votes par voie électronique sur des ordinateurs portatifs installés dans des bureaux de scrutin. Ce vote électronique touchait 52 des principales villes du Brésil, y compris les 26 chefs-lieux de comté et 26 autres villes dont les listes électorales comptaient plus de 200 000 électeurs.

Le Tribunal électoral fédéral supérieur du Brésil, qui administre toutes les questions d'ordre électoral, a introduit le vote électronique comme façon de réduire la fraude et d'accélérer le temps de dépouillement du scrutin (qui est passé de 30 jours à environ 6 heures).

Le système de vote électronique utilisé a été conçu par Unisys Brazil. En dépit des préoccupations fréquemment associées à la sécurité et à l'intégrité du vote électronique, les administrateurs électoraux préfèrent de loin le nouveau système au scrutin conventionnel à bulletins de papier, qui souffrait de longs délais d'attente, de recomptages fréquents et de fraudes aux urnes.

Le système fonctionne à partir de petits ordinateurs, tels des portatifs, équipés de claviers numériques spéciaux et de trois grosses touches aux couleurs différentes (les touches de l'appareil sont toutes munies de caractères braille, à l'intention des électeurs non voyants). Chaque candidat à l'élection est associé à un numéro de code, que l'électeur inscrit à l'ordinateur après s'être enregistré auprès du surveillant du bureau de scrutin. Un portrait du candidat choisi apparaît à l'écran, avec des renseignements au sujet de son parti. L'électeur se sert alors d'une des touches de couleur pour confirmer son choix, corriger ce choix ou décider de ne faire aucun choix.

Chaque ordinateur emmagasine sur un disque les caractéristiques des votes inscrits, en utilisant un double processus de chiffrement. L'ordinateur ne retient pas l'identité des votants. À la fin de la journée de scrutin, les disques sont scellés et transportés à des centres régionaux de groupage, où l'on procède au décompte des voix. Les résultats sont ensuite transmis au Tribunal électoral fédéral, à Brasilia.

2. Belgique

Le système électoral belge en est un de représentation proportionnelle.

Pour accélérer le dépouillement du scrutin et faciliter le vote aux électeurs, une petite entreprise de San Diego (Californie) nommée dZine a élaboré depuis 1985, à l'intention du gouvernement belge, un certain nombre de prototypes fondés sur la technologie du photostyle, appliquée à des ordinateurs personnels normaux (en système d'exploitation standard, tel que Windows). Les électeurs inscrivent leurs choix sur l'écran de l'ordinateur au moyen du photostyle (comme ils utiliseraient leur doigt dans une borne interactive à écran tactile).

En 1985, le gouvernement belge a signé un contrat avec dZine pour un projet pilote de 60 appareils. Depuis, le gouvernement a entrepris un programme d'essais long et détaillé, et il a lancé des appels d'offres pour des systèmes de vote électronique destinés à plusieurs régions du pays et fondés sur le même format photostyle/ordinateur personnel standard. Cette technologie est utilisée pour les élections locales et régionales.

Le processus de vote par photostyle se déroule comme suit. Les électeurs se présentent au greffier, où leur admissibilité est confirmée. Après cette étape de confirmation, chaque électeur ou électrice reçoit une carte de la dimension d'une carte de crédit et se dirige vers un des nombreux terminaux installés dans le bureau de scrutin. L'électeur inscrit ses choix sur l'écran au moyen du photostyle et a ensuite le choix d'envoyer ses décisions au système ou de modifier son vote. L'électeur insère également la carte remise lors de son inscription dans un dispositif de balayage de carte relié à l'ordinateur personnel; au moment où son vote est acheminé au registre central, il est également enregistré sur cette carte. Le votant dépose alors cette carte dans l'urne traditionnelle. Le fait d'envoyer électroniquement la décision au registre central accélère le dépouillement du scrutin, tandis que l'inscription de l'information sur la carte, avant son dépôt dans l'urne, crée une façon supplémentaire de vérifier le décompte des voix exprimées.

3. Bosnie

Le Centre for Information Law and Policy (CILP), un projet conjoint de la Villanova University School of Law et du Chicago-Kent College of Law de l'Illinois Institute of Technology, s'est doté récemment d'une équipe intitulée « Projet Bosnie » qui a travaillé au développement d'un système de vote basé sur Internet, à utiliser en Bosnie.

Les Accords de Dayton, qui ont signalé la fin des combats en Bosnie, permettent à tous les électeurs bosniaques de voter aux élections tenues dans leur région d'origine. Cette disposition comprend les électeurs déplacés de leur région d'origine durant la guerre. Dans une tentative d'atténuation des tensions qu'auraient provoquées le retour de votants, le jour des élections, dans des territoires occupés par leurs anciens ennemis, l'équipe du CILP a entrepris de créer un système qui permettrait aux électeurs d'exercer leur droit de vote par Internet. À titre d'essai préliminaire, la Villanova School of Law a élaboré un premier système de vote par Internet, que cette faculté a mis à l'essai lors de l'élection de son gouvernement étudiant. Même si son système de vote par Internet destiné à la Bosnie en était encore à l'étape de la planification, l'équipe du CILP a attiré l'attention de l'International Foundation for Election Systems (IFES), qui collaborait avec le gouvernement du Costa Rica à un autre projet de vote par Internet.

4. Costa Rica

L'IFES travaillait depuis quelque temps avec le gouvernement du Costa Rica à la possibilité de tenir des élections par Internet. Au cours de l'été et de l'automne 1997, des membres de l'équipe du CILP se sont rendus au Costa Rica pour discuter avec des hauts fonctionnaires gouvernementaux de la possibilité d'un soutien en ce sens. Le Tribunal électoral suprême du Costa Rica a consenti à un projet d'élaboration et de mise à l'essai d'un système d'élection basé sur Internet.

Le Tribunal électoral suprême du Costa Rica devait relever un défi particulier : un taux de participation habituellement limité à 65 p. 100 des Costariciens admissibles. Cela tient notamment à la réticence des citoyens à s'inscrire sur la liste électorale ailleurs qu'à l'endroit où ils s'y sont inscrits pour la première fois, au moment de leur majorité. Il en résulte qu'à chaque élection, beaucoup d'électeurs admissibles doivent choisir entre un long voyage pour aller voter ou l'abstention pure et simple du scrutin. Chaque année électorale, les partis politiques dépensent donc des millions de dollars pour emmener par autobus des électeurs aux bureaux de scrutin ou pour leur rembourser leurs frais d'essence s'ils choisissent de se rendre en voiture jusque dans la région où ils sont inscrits pour voter. Ce système expose l'appareil électoral du pays à des niveaux indus d'incitation et de coercition.

Face à ce problème, l'équipe du CILP proposa le système suivant :

  1. L'équipe mettrait sur pied de cinq à dix bureaux de scrutin expérimentaux où les commettants pourraient voter soit manuellement, soit électroniquement. Des directives seraient données sur place aux électeurs qui en auraient besoin.
  2. Chaque citoyen pourrait voter à son école publique locale, sans avoir à voyager jusqu'à l'endroit où il est inscrit sur la liste électorale. Les électeurs inscrits localement voteraient de façon manuelle et les électeurs inscrits ailleurs voteraient par mode électronique.
  3. Chaque votant « électronique » présenterait un numéro d'identification au préposé d'un bureau d'inscription; le préposé inscrirait le nom de cet électeur dans un ordinateur à chaque bureau de scrutin. On utiliserait alors le réseau Internet pour vérifier que cet électeur n'a pas déjà voté et pour livrer le bulletin de vote approprié à cet électeur.
  4. L'interface électronique présenterait des photos des divers candidats, associés à leurs drapeaux de parti, et serait équipée d'un écran tactile ou d'un photostyle pour permettre aux électeurs de choisir un des candidats.
  5. Les votes seraient transmis électroniquement, par Internet, à un serveur central géré par « Projet Costa Rica » et par la société AT&T au nom du Tribunal électoral.

Les avantages d'une telle approche auraient inclus une réduction de la fraude électorale et de la coercition politique, une participation accrue des électeurs et une plus grande efficacité dans l'administration du processus électoral. L'équipe du CILP proposa également d'adapter au réseau Internet les fonctions associées à l'inscription des électeurs.

Toutefois, le vote par Internet demeure à l'état de projet au Costa Rica, en raison d'objections politiques (le gouvernement demeurant inquiet du niveau de sécurité du système) et à cause de la culture politique de ce pays (où la journée des élections est associée à un congé national, qui permet aux gens de se rendre à leur ville ou leur village natal afin de visiter leurs amis et leur famille).

5. État de la Floride

En octobre 1997, l'État de la Floride a annoncé une initiative qui autoriserait le vote par Internet à l'occasion des élections d'État de 1998. On prévoit que le vote par Internet sera offert comme solution de rechange aux électeurs militaires et civils résidant à l'étranger, afin d'atténuer les contraintes de temps associées au système actuel de vote des absents par la poste et de favoriser ainsi une plus grande participation de l'électorat.

Le vote par Internet sera semblable au système floridien actuel de vote des absents. Un électeur situé à l'étranger demandera une autorisation de voter par Internet. Sur réception de cette autorisation, l'électeur remplira un bulletin virtuel sur son terminal d'ordinateur. Le vote sera instantanément inscrit auprès du contrôleur des élections, sans le risque actuel de perte du bulletin dans le courrier international.

À ce jour, ces dispositions habilitantes n'ont pas encore été mises à l'épreuve dans un scrutin en Floride.


Note 15 Ian Stewart, Agar Adamson et Bruce Beaton, ?Pressing the Right Buttons: The Nova Scotia Liberals and Tele-Democracy?, dans Roasting Chestnuts: The Mythology of Maritime Political Culture, sous la direction d'Ian Stewart, UBC Press, Vancouver, 1994.

Note 16 Ibid.

Note 17 Le vote par téléphone coûte 2,20 $ par vote exprimé, où 1,11 $ par électeur admissible.

Note 18 Christa Scholtz, op. cit.