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La technologie et le processus de vote


VI. Attitudes de la population canadienne face aux nouvelles technologies

A. Étude sur l'élection canadienne 1997

Élections Canada a commandé aux auteurs de l'Étude sur l'élection canadienne 1997 un certain nombre de questions visant à déterminer la réceptivité de la population canadienne à la notion du vote électronique et à différents processus en ce sens. Les personnes interrogées ont répondu à une série de questions touchant leur disposition et leurs préférences à l'égard de cinq éventuelles méthodes de vote, soit le vote par courrier, par téléphone, par ordinateur, sur écran tactile et au moyen d'un instrument compteurnote 19.

Les principaux résultats de cette enquête sont résumés ci-dessous :

1. Vote par courriernote 20

En tout, 31 p. 100 des répondants au sondage se sont dits disposés à voter par courrier, et c'est le groupe des 18-24 ans qui a manifesté le plus d'intérêt pour cette méthode (soit 40 p. 100). Moins de sans-emploi (30 p. 100) et de retraités (20 p. 100) étaient prêts à voter par courrier, en comparaison des étudiants ou des personnes au foyer (36-39 p. 100), et seulement 22 p. 100 des personnes handicapées se sont dites prêtes à voter par la poste. Le vote par la poste constituait la méthode alternative de vote la plus susceptible d'intéresser 20 p. 100 des répondants et la méthode la moins intéressante pour 45 p. 100 des gens interrogés. Les raisons les plus souvent citées pour récuser le choix du courrier étaient des questions de confidentialité (31 p. 100), de lenteur et de délais (19 p. 100) et l'inquiétude d'une dévaluation de l'importance du vote (10 p. 100).

2. Vote par téléphone

Trente-six pour cent des répondants au sondage ont indiqué leur disposition à voter par téléphone; 44 p. 100 des 18-24 ans se disaient prêts à utiliser cette méthode. Cette méthode s'est révélée moins populaire auprès des personnes retraitées (18 p. 100); quant aux personnes handicapées, 39 p. 100 de celles dont la mobilité ou l'agilité étaient affectées se disaient prêtes à voter par téléphone, alors que ce pourcentage tombait à 16 p. 100 chez les personnes souffrant de déficiences visuelles ou auditives. Le vote par téléphone était la méthode la plus intéressante pour 26 p. 100 des répondants et la moins intéressante pour 40 p. 100 d'entre eux, qu'inquiétaient notamment des questions de confidentialité (43 p. 100), de risque de fraude (21 p. 100) et d'exactitude (9 p. 100).

3. Vote par ordinateur personnel

En tout, 29 p. 100 des répondants au sondage se sont dits prêts à voter par ordinateur personnel. Cette proportion s'élevait à 43 p. 100 dans le groupe des 18-24 ans. L'intérêt pour le vote par ordinateur était plus élevé au sein de la population étudiante (50 p. 100), en comparaison des travailleurs (33 p. 100), des sans-emploi (31 p. 100), des retraités (10 p. 100) et des personnes au foyer (22 p. 100). Seuls 16 p. 100 des répondants handicapés (de toutes catégories) ont exprimé une disposition à voter par ordinateur. Le vote par ordinateur s'est avéré le choix préféré de 18 p. 100 des répondants et le dernier choix de 43 p. 100 d'entre eux. Les raisons les plus citées pour l'impopularité de cette méthode étaient des problèmes d'accès à un ordinateur (37 p. 100) et de confidentialité (24 p. 100).

4. Vote par ordinateur à écran tactile

On a constaté que 54 p. 100 des répondants se disaient prêts à voter par ordinateur à écran tactile. La méthode de l'écran tactile s'avérait populaire auprès des travailleurs (56 p. 100 bien disposés), des étudiants (64 p. 100), des sans-emploi (50 p. 100) et des personnes au foyer (51 p. 100). Trente pour cent des personnes handicapées de la vue ou de l'ouïe se disaient disposées à voter de cette façon, en comparaison de 52 p. 100 des gens dont la mobilité ou l'agilité étaient déficientes. Le vote sur écran tactile s'est avéré être le choix préféré de 37 p. 100 des répondants et le moins populaire auprès de 16 p. 100 d'entre eux, qui se sont notamment inquiétés du risque de fraude ou de manipulation des résultats (15 p. 100) et de problèmes de confidentialité (22 p. 100).

5. Vote par instrument compteur des votes exprimés

En tout, 67 p. 100 des répondants au sondage se sont dits prêts à l'utilisation d'un instrument compteur des votes exprimés. La proportion la plus élevée des réponses positives (77 p. 100) est venue des répondants âgés de 65 ans et plus. On a constaté que 73 p. 100 des personnes retraitées se disaient disposées à voter selon cette méthode; c'était également le cas pour 64 p. 100 des répondants handicapés. Les instruments compteurs correspondaient au choix préférentiel de 52 p. 100 des répondants, tandis que 16 p. 100 des gens en ont fait leur dernier choix, en citant surtout l'incommodité d'un tel système (32 p. 100).

Nous nous sommes basés sur ces résultats pour procéder à une modélisation du processus de vote par téléphone, par Internet (vote par ordinateur) et en borne interactive électronique (vote par écran tactile). Nous n'avons pas créé de modèle pour le vote par instrument compteur, puisqu'il s'agit plus d'un instrument de dépouillement du scrutin que de vote proprement dite. Nous n'avons pas non plus modélisé le vote par courrier puisque cette solution ne comprend pas de nouvelle technologie.

6. Sommaire des résultats de l'étude sur les préférences de vote


Tableau I : Volonté d'utiliser des méthodes de rechange
Méthode courrier téléphone ordinateur écran tactile compteur
% de volonté 31 % 36 % 29 % 54 % 67 %


Tableau II : Méthodes de vote la plus probable et la moins probable
Méthode courrier téléphone ordinateur écran tactile compteur
la plus probable (%) 20 26 18 37 52
la moins probable (%) 45 40 43 16 16


Tableau III : Raisons justifiant le choix de la méthode la moins probable
  total courrier téléphone ordinateur écran tactile compteur
risque de fraude 14 14 21 12 15 6
confidentialité 29 31 43 24 22 8
exactitude 7 6 9 5 8 8
lenteur/délais 10 19 4 5 6 9
perte d'importance 5 10 4 3 3 3
accès 16 7 9 37 13 11
tech./comp. 2 1 1 5 7 2
inconvénient 7 4 1 2 12 32
autre 9,5 9 8 8 12 20
ne sais pas 0,3 0,5 0,2 2 0,6

B. Tables rondes du Forum des politiques publiques

Élections Canada a invité le Forum des politiques publiques à organiser une série de tables rondes avec certains groupes clés d'intervenants : des députés et des sénateurs, des représentants de catégories de personnes directement intéressées à l'application des nouvelles technologies au processus électoral, ainsi que des leaders d'opinion sélectionnés. Ces tables rondes ont eu lieu entre mars 1998 et mai 1998; on en trouvera un résumé ci-dessous.

1. Députés et sénateurs

La table ronde organisée avec des parlementaires a surtout porté sur des façons de compléter ou d'enrichir au moyen de la technologie le système actuel de vote. Ces échanges ont permis l'émergence de trois domaines de préoccupations associées aux changements technologiques.

  1. Questions technologiques – Les participants se sont penchés sur les exigences technologiques associées au processus des élections, notamment en matière de sécurité et d'adéquation.
  2. Questions sociales – On a également discuté un peu des aspects sociaux de l'évolution technologique, et notamment du fait que ce ne sont pas tous les secteurs de la population qui pourraient utiliser de tels changements ou en bénéficier également.
  3. Questions politiques – Le groupe a également débattu des aspects politiques de l'évolution technologique, se demandant notamment si celle-ci aurait pour effet d'altérer le système canadien de démocratie de représentation.
Questions technologiques

Les parlementaires se sont d'abord demandé si l'évolution technologique aurait ou non des effets positifs et mélioratifs sur le processus électoral. Tout en reconnaissant que des technologies comme celles du téléphone et du réseau Internet pouvaient contribuer à résoudre certains des problèmes d'accessibilité encourus par les personnes handicapées, âgées ou souffrant d'une vue ou d'une ouïe déficiente – d'où une hausse possible de la participation au scrutin –, on a également reconnu que les expériences récentes de vote électronique avaient connu des succès mitigés et que l'opinion publique était relativement partagée au sujet de ces nouvelles technologies.

Les participants à la table ronde se sont également demandé si les nouvelles technologies n'allaient pas altérer la nature fondamentale du processus politique canadien. Certains ont fait valoir qu'une réduction de l'effort associé au geste même de voter (banalisation du processus) pourrait amener les électeurs à juger également triviales les questions en jeu dans l'élection. Ainsi, les avantages d'un recours à la technologie pour accroître la participation au vote pourraient être annulés par des modifications indésirées de la nature du vote lui-même.

En plus de questions immédiates sur la plus ou moins grande nécessité d'un changement, deux questions principales ont émergé de la discussion portant sur les incidences d'une application des nouvelles technologies au processus électoral, à savoir leur sécurité et leur pertinence.

Au plan de la sécurité, on s'est inquiété d'une éventuelle compromission de l'intégrité d'une méthode de vote électronique, advenant qu'un mot de passe d'électeur ou quelque autre identificateur personnel tombe dans de mauvaises mains. Le récent plébiscite téléphonique de la ville de North York a été donné comme exemple de la distribution par le courrier de numéros d'identification personnelle (NIP), que les électeurs ont ensuite utilisés pour avoir accès au système de vote par téléphone. On a soutenu que des personnes pourraient être tentées d'intercepter ces NIP et de s'en servir pour corrompre le vote. À une échelle plus réduite, les parlementaires ont également fait valoir qu'un électeur pourrait obliger d'autres membres du ménage à voter pour un candidat particulier. Des questions de sécurité semblables ont été soulevées au sujet d'autres technologies, comme le vote par Internet ou par borne interactive.

Sur le plan de la pertinence, on a beaucoup discuté de la technologie la plus appropriée à utiliser (téléphone, Internet, ou borne interactive), compte tenu de leurs divers taux d'implantation au Canada. Les avantages et les inconvénients respectifs de chacune de ces solutions ont alimenté ce débat.

Les participants ont reconnu que le téléphone était celle des trois technologies qui bénéficiait de l'implantation la plus avancée, ce qui semblait en faire la méthode de préférence. Cependant, les parlementaires se sont inquiétés des questions de sécurité associées aux NIP, ainsi que du nombre élevé d'électeurs ruraux abonnés à des lignes partagées, qui ne seraient donc pas en mesure d'utiliser cette solution de façon sécuritaire.

Bien que l'on trouve aujourd'hui des bornes interactives électroniques à presque tous les coins de rue, sous forme de guichets automatiques bancaires (GAB), les députés et sénateurs ont noté que la fraude par GAB demeurait courante et que l'utilisation d'un tel système, qui exigeait – comme le téléphone – l'activation d'un identificateur personnel, soulevait des problèmes de sécurité. On s'est aussi inquiété de ce qu'un système semblable aux GAB serait difficile à implanter dans les régions rurales, à faible densité de population.

Les participants ont également abordé la notion de vote par ordinateur personnel ou par Internet, vu la popularité croissante de ces systèmes. Tout en vantant le potentiel du réseau Internet comme outil d'information des électeurs sur les questions en jeu et les positions des candidats, les parlementaires ont remis en question son utilisation comme instrument de vote, dans la mesure où il s'agit de la moins sécuritaire des trois technologies envisagées.

Les députés et les sénateurs ont toutefois manifesté de l'enthousiasme quant à l'utilisation possible de diverses technologies pour faciliter l'accès au vote de certains groupes.

Questions sociales

Le débat sur les incidences techniques des diverses technologies en cause a conduit les participants à identifier un certain nombre de problèmes sociaux susceptibles d'accompagner toute transition technologique. Les parlementaires et les sénateurs ont noté que les progrès techniques ont des incidences différentes sur les divers secteurs et groupes d'âge de la population. L'implantation de nouvelles technologies appelle nécessairement un certain apprentissage de la part des utilisateurs, ce qui pourrait affecter l'habilité de ces personnes à prendre part au processus électoral. Les participants ont donc convenu de la nécessité de procéder avec précaution, afin d'éviter que tout nouvel instrument ait un effet d'exclusion sur certains secteurs ou échelons de la société dans son ensemble.

Questions politiques

Les parlementaires et les sénateurs ont discuté de la nature de la démocratie canadienne et du rôle que l'évolution technologique pouvait y jouer. La principale question soulevée a été le caractère représentatif, plutôt que direct, du système démocratique canadien. On s'inquiétait du potentiel de décentralisation associé à un système de vote électronique (où l'on voterait à distance plutôt qu'au bureau de scrutin), qui pourrait avoir pour effet de dissoudre la distinction entre ces deux systèmes politiques.

Les participants ont convenu que les nouvelles technologies comme Internet étaient d'excellentes façons d'informer l'électorat et d'intégrer un plus grand nombre de gens aux débats sur les politiques à adopter. Toutefois, en ce qui concerne l'utilisation de telles techniques pour accroître l'accessibilité du processus de vote, certains parlementaires ont soutenu que la baisse de participation des électeurs tenait plus à un manque d'engagement à l'égard des questions en jeu, aux attitudes envers les politiciens et à une apathie générale qu'à des problèmes d'accès aux bureaux de scrutin.

On s'est beaucoup intéressé à cette question de la participation des électeurs, au moment d'évaluer si une technologie améliorée aurait pour effet d'accroître leur présence aux urnes. Certains membres du groupe se sont demandé si une participation accrue signifiait nécessairement une meilleure représentation. En somme, même si l'on peut percevoir le recours aux nouvelles technologies comme élément d'une « marche inexorable vers la démocratie », d'aucuns se demandent si l'implantation irréfléchie de nouvelles méthodes de vote ne risque pas de compromettre le présent système.

Conclusions

Les participants à cette table ronde ont convenu de la nécessité d'assujettir à des objectifs explicites toute amélioration du processus de vote au moyen des nouvelles technologies.

On s'est entendus pour inviter Élections Canada à s'informer autant que possible des avantages et des inconvénients de ces nouvelles technologies, ainsi que des différentes perspectives de la population canadienne face à l'introduction de nouvelles façons de voter. Les parlementaires et les sénateurs ont notamment suggéré à Élections Canada les démarches suivantes : repérer l'évolution des attitudes face au progrès technologique en recueillant des données longitudinales, se tenir au fait des avancées technologiques susceptibles d'améliorer le processus de vote, créer une base de données au sujet des innovations et des expériences de vote électronique et demeurer à la fine pointe du recours aux nouvelles technologies de vote. Ils approuvent également la mise à l'essai de nouvelles technologies auprès de groupes pour qui l'accessibilité pose un problème grave.

2. Représentants de catégories d'électeurs

Certains des participants aux tables rondes y ont été invités spécifiquement en raison de leur capacité de représenter les opinions de divers secteurs de la population canadienne. Ce processus de consultation a fourni un échantillon préliminaire des défis auxquels sont confrontées les personnes sous-alphabétisées, handicapées ou affectées de déficiences visuelles ou auditives, ainsi que les aînés, les néo-Canadiens et les Autochtones. Chacun des représentants de ces catégories de personnes a été invité à évaluer les trois technologies envisagées pour le processus de vote, soit le téléphone, les bornes interactives à écran tactile et le réseau Internet.

Les groupes d'alphabétisation ont fait valoir la nécessité d'un processus de vote exprimé en « langue simple » et qui demeure cohérent d'année en année. Pour ces groupes, c'est moins le niveau d'acceptation des nouvelles technologies qui crée problème qu'une compréhension difficile de leur fonctionnement. Le vote par téléphone a été généralement appuyé, dans la mesure où cette procédure s'avérerait facile à comprendre et à utiliser. Les bornes interactives ont aussi été populaires, vu leur recours à des images et à une technologie à commande vocale. Quant au réseau Internet, son éventuelle utilité a été jugée conditionnelle à une formation et à un accès adéquats à ce système.

Les représentants des personnes handicapées ont, pour leur part, endossé le téléphone comme solution la plus viable pour leur groupe. Cette formule de vote permet en effet aux électeurs de ne pas avoir à quitter leur foyer. Malgré leur utilité, les bornes interactives ont été décrites comme difficiles d'accès aux gens qui ont certaines déficiences. On a aussi reconnu les possibilités avantageuses du réseau Internet; mais seul un faible pourcentage des personnes handicapées y ont accès.

Pour les personnes ayant une déficience visuelle, la principale caractéristique de tout nouveau mode de vote est sa capacité d'augmenter leur indépendance et leur confiance face à la participation au scrutin. On a reconnu que le vote par téléphone serait un choix intéressant, dans la mesure où cette procédure serait simple et laisserait suffisamment de temps à chaque électeur pour négocier en tout confort les divers choix et étapes du vote. Les technologies associées à une borne interactive ou au réseau Internet furent jugées moins utiles puisqu'elles exigent la lecture d'un écran.

Quant à la collectivité des personnes malentendantes, elle s'est dite très inquiète d'un recours au système actuel d'ATM (appareils de télécommunication pour les malentendants). La façon la plus favorable de communiquer avec ces personnes est la communication individuelle par langage gestuel. Ce groupe s'est largement rallié à la solution des bornes interactives, dans la mesure où cette interface technologie-utilisateur ne passe pas par la parole.

Même si la communauté des aînés canadiens s'intéresse de plus en plus à la technologie du réseau Internet, il reste qu'en général beaucoup de personnes âgées s'inquiètent de voir la technologie remplacer leur accès aux services d'un personnel humain. De nombreuses personnes de cette catégorie ont peur que leur appui à des alternatives technologiques serve à leur enlever éventuellement l'accès à des méthodes plus traditionnelles – et, dans bien des cas, préférées – de prestation de services. Les représentants des aînés ont largement opté pour le vote par téléphone, qui faciliterait l'exercice de ce droit aux personnes confinées à leur domicile ou dans une maison de retraite. La seule préoccupation exprimée au sujet du vote par téléphone a été la revendication que cette procédure n'exige pas l'usage du clavier numérique. Beaucoup de personnes âgées éprouvent des difficultés de motricité fine. Cette méthode de vote pourrait être améliorée par intégration des technologies associées à la voix.

Quant aux représentants des néo-Canadiens, ils ont mis l'accent sur les problèmes d'éducation et de sensibilisation. Bon nombre de néo-Canadiens proviennent de cultures diverses et ne parlent pas couramment le français ou l'anglais. Des technologies aux possibilités multilingues fourniraient une aide aux personnes de ce groupe.

Les représentants des collectivités autochtones se sont dits très favorables aux différentes solutions technologiques proposées. On a fait valoir que, dans plusieurs réserves, le taux d'implantation du téléphone était limité et que les possibilités d'Internet demeuraient tout à fait virtuelles. Les représentants autochtones ont également soulevé le problème de la langue et des communications. On a qualifié d'essentielle la disponibilité de services de traduction de haute qualité.

Conclusions

Les participants aux tables rondes étaient d'avis qu'on devrait explorer plus avant la possibilité d'améliorer l'accès au processus de vote. Ils ont toutefois recommandé à Élections Canada d'adopter une démarche consultative et de ne pas limiter les options de vote à certains groupes d'électeurs. Cette observation reflète, chez les représentants, une certaine insatisfaction quant à l'introduction et à la prolifération des technologies dans l'industrie bancaire.

3. Leaders d'opinion sélectionnés

La discussion en table ronde organisée avec des leaders d'opinion sélectionnés a porté sur tous les aspects du processus de vote, de l'inscription au vote lui-même, y compris la validation, l'assemblage et le dépouillement des résultats du scrutin. Le groupe a également abordé des questions comme la confidentialité, la transparence, l'accessibilité, l'intégrité, l'universalité, l'exactitude et l'anonymat du processus. On trouvera ci-dessous les points saillants des échanges concernant la vérification du droit de vote et le recours à une méthode technologique pour le vote lui-même.

Technologies d'identification des votants

Cette étape du processus de vote sert à garantir que chacune des personnes inscrites à la liste électorale est bien celle qui se présente pour voter. Quatre technologies ont été proposées par les participants afin de relever ce défi : la cryptographie, la reconnaissance de la voix, l'identification biométrique et les cartes à puce.

Perçue comme une technologie prometteuse, la cryptographie (reconnaissance de l'écriture manuelle et des signatures) prend très rapidement de l'ampleur. La reconnaissance de la voix a été citée comme un moyen de plus en plus populaire et implanté de vérification, qui permet aux systèmes actuels de transiger des milliers d'appels par jour dans un environnement sécuritaire et propice à la vérification. L'identification biométrique acquiert également un caractère pratique; on a même noté que les Canadiens semblent mieux accepter l'utilisation du visage comme identificateur biométrique que celle des empreintes digitales, qui continuent à être associées à l'appareil pénal.

Même si ces solutions ont été jugées valides et susceptibles de pouvoir répondre aux besoins de l'appareil électoral, c'est une quatrième méthode ? celle des cartes à puce – qui, de l'avis de tous, pourrait le mieux répondre aux besoins d'Élections Canada. Une carte à puce est une carte de transaction, comme celle de l'assurance-santé, dans laquelle un micro-processeur implanté peut accueillir un grand nombre de données. Il serait possible d'émettre à tous les Canadiens une telle carte, dont la puce serait activée aussitôt que son détenteur atteindrait l'âge de voter. Les cartes à puce pourraient être intégrées à la technologie de bornes interactives ou d'appareils téléphoniques perfectionnés équipés d'un dispositif de balayage de carte magnétique. Les participants ont exprimé leur préférence pour l'utilisation de cartes à puce de concert avec des appareils téléphoniques, ceux-ci étant déjà acceptés et accessibles. Cette solution s'avérerait moins coûteuse à implanter qu'un réseau de bornes interactives dans l'ensemble du pays.

Questions stratégiques

Les questions stratégiques associées à l'introduction de bon nombre des solutions envisagées ont été jugées beaucoup plus ardues que celle de leur faisabilité technique.

Même si une liaison des bases de données fédérale et provinciales visant à produire une liste électorale plus exacte pourrait s'avérer bénéfique à Élections Canada, ce genre de processus pourrait également susciter une réaction sociale très négative. Dans quelle mesure les Canadiens veulent-ils voir leurs mouvements repérés et enregistrés par l'État? Les cartes à puce ont beau être un produit technologique de pointe, elles peuvent être perçues par la population comme une intrusion et une menace à la vie privée. Les citoyens peuvent en venir à trouver la technologie trop avancée, y voyant une menace possible à l'anonymat essentiel au processus de vote.

Les participants ont reconnu la nécessité d'un arbitrage entre différents attributs du système de vote. Un souci d'exactitude et d'intégrité pourrait se révéler contre-productif en créant de nouveaux obstacles, à mesure que le système devient plus complexe et plus menaçant pour ses utilisateurs. L'introduction de nouvelles technologies à plus grande vérifiabilité pourrait menacer l'anonymat du vote. Les participants ont recommandé qu'Élections Canada définisse clairement chaque aspect du système électoral que l'organisation cherche à perfectionner lorsqu'elle envisage l'introduction de nouvelles technologies. Si l'accessibilité du système est l'objectif prioritaire, il importe de bien jauger l'impact qu'auront de nouvelles méthodes de vote sur les autres qualités du processus électoral.

Conclusions

Compte tenu de l'expérience acquise par chacun des participants dans la présentation à divers clients et parties intéressées de nouvelles solutions à caractère hautement technologique, on a convenu qu'une approche hybride s'avérerait bénéfique. Il faut différents services pour répondre aux besoins de différentes personnes, et les Canadiens aiment à disposer d'une certaine gamme de choix dans leur accès à des services. L'objectif privilégié devrait être de maintenir le niveau actuel de service à la population, tout en utilisant de nouvelles technologies pour créer une multiplicité de canaux d'accès au système de vote.


Note 19 L'Étude sur l'élection canadienne 1997 a été menée en trois vagues auprès de l'électorat canadien. Le premier sondage a eu lieu durant la campagne électorale; 3 925 entrevues ont été faites par téléphone. Le second sondage a été effectué au cours de la période suivant l'élection; 3 163 entrevues ont alors été réalisées, encore une fois par téléphone. Le troisième relevé a pris la forme d'un sondage auto-administré, à retourner par la poste; 2 500 questionnaires ont été envoyés, dont quelque 1 850 ont été retournés. Les questions sur les méthodes de vote ont été posées dans le cadre de ce questionnaire retourné par la poste.

Note 20 Il faut noter que le vote par courrier est déjà permis aux termes de l'annexe II de la Loi électorale du Canada (Règles électorales spéciales).