open Menu secondaire

La technologie et le processus de vote


VIII. Incidences des nouvelles technologies sur l'administration électorale

A. Effet sur les critères d'une administration électorale efficace

Selon notre analyse, l'intégration des nouvelles technologies électroniques au processus électoral peut avoir un effet généralement positif sur les 17 critères d'une administration électorale efficace présentés à la Section III. Cependant notre appui à la notion d'un mode électronique de vote dépend fondamentalement de sa jonction à une base fonctionnelle de données relationnelles. Cette base de données regrouperait des renseignements sur les électeurs inscrits, sur leur district électoral et sur chacun des candidats en lice. Élections Canada gère déjà l'amorce d'une telle base de données avec le Registre national des électeurs.

Nous avons procédé à l'évaluation des impacts organisationnels et administratifs des technologies de vote en rencontrant des hauts fonctionnaires d'Élections Canada afin de bien comprendre les questions pertinentes, que nous avons ensuite présentées à des experts en technologies pour recueillir leurs opinions.

1. Démocratie – chaque électeur admissible a droit à un vote

Si l'une des différentes méthodes de vote était offerte le jour du scrutin, Élections Canada aurait besoin d'une base de données accessible en direct et en temps réel pour l'ensemble de ces méthodes, afin de garantir qu'aucune personne ne puisse voter plus qu'une fois. Par contre, si différentes options étaient offertes à des jours différents (p. ex. un scrutin par anticipation), cela mettrait fin à la nécessité de communiquer ces données en temps réel.

2. Exactitude – le décompte final du scrutin reflète la volonté des électeurs

Les solutions technologiques envisagées peuvent fournir aux électeurs l'occasion de confirmer que le vote enregistré correspond bien à leur intention. Les électeurs peuvent aussi modifier ou annuler leur vote avant son enregistrement par le système.

3. Sécurité – des mesures sont en place pour protéger l'intégrité du processus

Les contrôles de sécurité technologiques sont au point et utilisés à grande échelle par plusieurs industries. Ces contrôles de sécurité connaissent également des avancées continuelles en appui aux nouvelles applications technologiques.

Le numéro d'identification personnel (NIP) particulier aura les avantages suivants :

  • faire référence à un électeur particulier (et ainsi à son district électoral);
  • être annulé dès l'enregistrement du vote;
  • refuser l'accès au système après un nombre déterminé d'essais avec un NIP incorrect.

L'accès au système de vote téléphonique à partir d'un numéro de téléphone particulier pourra être bloqué si le système de sécurité détecte un nombre donné de tentatives de voter avec un NIP invalide.

La connexion Internet ou téléphonique au système de vote pourra être enrayée après une période donnée, afin d'empêcher qui que ce soit de bloquer les lignes destinées aux électeurs.

La protection par garde-barrière électronique de la base de données sera un dossier évolutif, appelant une attention et des mises à jour périodiques.

4. Secret – aucun vote ne peut être identifié à son auteur

Le vote peut être relié à un électeur le temps de noter que cet électeur a voté. Mais après la confirmation et l'enregistrement du vote, le choix effectué sera « scindé » de l'électeur et envoyé au dépouillement, sans aucun trajet permettant de le retracer.

5. Vérifiabilité/contrôlabilité – les résultats du vote peuvent être vérifiés après le dépouillement

Les résultats du vote peuvent être enregistrés électroniquement. On peut y avoir de nouveau accès en mode électronique, ou les transcrire sur papier. Des décomptes d'électeurs et de tous bulletins détériorés ou incomplets peuvent être compilés au cours du scrutin.

6. Respect de la vie privée/confidentialité – les renseignements recueillis au sujet des électeurs ne sont utilisés qu'aux fins des élections

L'utilisation des données entreposées et l'accès à ces renseignements doivent être assujettis à une loi.

7. Transparence – le processus est ouvert à un examen effectué de l'extérieur

Les agents des candidats peuvent visionner des bilans actualisés du nombre d'électeurs ayant voté, en utilisant des technologies comme celles de l'écran cathodique et de la sortie sur imprimante.

8. Accessibilité – les besoins particuliers des électeurs admissibles sont pris en considération de façon à ne priver personne de son droit de vote

Le recours à la technologie peut favoriser l'accès au processus électoral de plusieurs groupes d'électeurs qui éprouvent des problèmes de transport, de mobilité ou de manque de temps. Cependant, il faudra probablement encore plusieurs années avant que l'on ne puisse adopter une méthode technologique de vote capable de convenir à 100 p. 100 de l'électorat.

9. Neutralité? les processus électoraux ne favorisent aucun candidat ou parti en regard d'un autre

L'adoption des méthodes technologiques se ferait pour accommoder les électeurs et non les candidats.

L'examen des options offertes par la technologie révèle bien la possibilité de présenter, avec les noms des candidats, des ajouts comme les couleurs du parti ou la photo de chaque candidat. L'adoption de telles formules peut répondre aux exigences d'une présentation multilingue.

10. Simplicité – les processus de vote ne rendent pas le vote indûment complexe

Une vaste proportion de l'électorat maîtrise l'utilisation de nombreuses technologies, dont les guichets bancaires, les services téléphoniques automatisés de commande et d'interruption de la livraison à domicile d'un quotidien, la messagerie vocale, les télécommandes de téléviseur, les serrures électroniques et les cartes de débit et de crédit. L'administration du système électoral sera simplifiée par l'informatisation de beaucoup de ses tâches.

11. Flexibilité – le processus de vote peut accommoder divers modèles de bulletins de vote et divers procédés de dépouillement du scrutin

La technologie utilisée offre suffisamment de souplesse pour permettre différents modèles de vote, ainsi que divers modèles de bulletins de vote et de procédés de dépouillement du scrutin (p. ex. le vote par téléphone, par borne interactive à écran tactile et par ordinateur personnel).

12. Géométrie variable – le processus de vote peut être configuré à plus ou moins grande échelle selon l'envergure du scrutin en cause

La capacité et la rapidité du matériel informatique augmentent de façon exponentielle, et tout indique que cette progression va se poursuivre. La technologie actuelle pourra accueillir une base de données aux dimensions nécessaires pour une élection fédérale.

13. Récupérabilité – le processus de vote permet un dédoublement des systèmes afin de prévenir toute perte de données

Les technologies de stockage permettront de conserver des données en format comprimé; le stockage d'un double des données n'exigera donc pas le double de la capacité de stockage. On peut également préparer et stocker des transcriptions écrites de données.

14. Mobilité – le processus de vote offre la possibilité de voter à partir d'autres lieux que le bureau de scrutin traditionnel

Le recours à des solutions technologiques de vote peut éliminer la nécessité pour chaque électeur de se rendre à un bureau de scrutin. Les électeurs pourraient voter à partir de n'importe quel endroit doté d'un téléphone ou d'un accès Internet. Cela pourrait permettre à des Canadiens de voter à partir d'endroits situés à l'étranger.

15. Rapidité du dépouillement – les résultats du scrutin peuvent être rapportés rapidement

Le dépouillement des votes enregistrés pourrait se faire de façon continue, sur une base nationale ou locale. La transmission du décompte de chaque site pourrait être périodique ou avoir lieu à la fermeture des bureaux de scrutin. La compilation des résultats transmis à la base centrale de données pourrait fournir des résultats en l'espace de quelques minutes.

16. Rentabilité – le processus de vote est efficace et économique

L'adoption de la technologie peut réduire de beaucoup le temps exigé pour les processus d'administration électorale dépendant d'un travail manuel intensif. L'utilisation du téléphone ou du réseau Internet pour le processus électoral fait appel à des appareils dont disposent les électeurs. Élections Canada pourrait fournir une infrastructure de soutien au processus. La planification d'autres utilisations de cette technologie que les élections fédérales devrait être prise en ligne de compte dans l'évaluation de sa rentabilité d'acquisition. Il faudrait donc enquêter et se pencher sur les possibilités d'utilisation polyvalente de ces technologies.

17. Durabilité technique – le processus de vote met l'infrastructure électorale raisonnablement à l'abri de la désuétude

Élections Canada devrait évaluer soigneusement l'acquisition de technologies d'appui au processus électoral, de façon à déterminer celles qui s'avéreront les plus viables à l'avenir. Il faut anticiper des transferts périodiques vers de nouvelles technologies de bases de données. Ces mises à jour techniques de la base de données serviront à préserver l'intégrité des données stockées. L'acquisition et l'entretien de périphériques à fonctions spécialisées devront être pesées avec soin si l'on ne prévoit pas ré-utiliser ceux-ci avant quatre ans. Cette conjoncture a l'avantage de susciter des occasions de partenariats avec des organismes électoraux aux échelons provincial et municipal.

B. Considérations juridiques

Au cours de notre travail dans ce projet, nous avons créé une liste des articles de la Loi électorale du Canada qui allaient devoir être amendés pour permettre le vote électronique (voir Annexe B). À la réflexion, nous avons conclu que des amendements aux articles de la loi ainsi énumérés ne feraient que compliquer un document juridique déjà ardu et complexe. En fait cette loi est si étroitement liée au processus électoral actuel qu'elle appellerait des modifications aussi radicales que systématiques. Si le Parlement décide d'envisager des amendements qui rendent possible le vote électronique, la meilleure marche à suivre serait de rédiger une nouvelle annexe à la Loi électorale du Canada, afin d'autoriser le vote électronique selon les conditions que les législateurs jugeront pertinentes. C'est de cette façon qu'on a procédé dans le cas des Règles électorales spéciales.

C. Coûts

En technologie de l'information, on constate qu'à la hausse de puissance et d'efficacité des systèmes informatiques correspond systématiquement une baisse, souvent impressionnante, de leurs coûts. C'est dire que la pertinence du facteur coûts (presque toujours présent) dans une éventuelle application des nouvelles technologies au processus électoral est en contante évolution. Et, s'il faut en croire la voix de l'expérience, un problème – comme celui de la sécurité et du respect de la vie privée – qui peut sembler insurmontable aujourd'hui peut très bien se résoudre à bon compte quelques années plus tard. Donc, la question des coûts est importante, mais son importance est relative, et ce paramètre se transforme constamment. Il faut retenir que la technologie pertinente au processus électoral n'est pas de plus en plus, mais de moins en moins coûteuse.

De plus, il faut garder à l'esprit, afin de bien situer dans son contexte toute la question de la technologie et du vote, que chacune des différentes technologies de vote correspond aux besoins d'accessibilité de différents secteurs de la population canadienne. C'est ainsi qu'une solution technologique facilitant le vote des personnes handicapées peut sembler coûteuse tant que l'on oublie de tenir compte du coût très important des mesures actuelles d'instauration de l'accessibilité. Un coût moyen par électeur de 1,50 $note 22 pour l'organisation d'une élection à l'échelon fédéral peut inclure des frais 10 fois plus élevés pour les membres des groupes particuliers qui font déjà face à des problèmes d'accessibilité. Les solutions technologiques adressées au même groupe d'électeurs devraient être évaluées en tenant compte de ce contexte.

D. Occasions de partenariat

Il est important de savoir si un investissement effectué à l'échelon fédéral dans de nouvelles technologies de vote pourrait être récupéré au moyen de la collaboration avec d'autres administrations, au Canada ou à l'étranger. Même s'il était présomptueux de prétendre récupérer une proportion importante des frais encourus par l'administration fédérale, il est néanmoins raisonnable de croire que certains gouvernements provinciaux, municipaux ou étrangers pourraient se montrer prêts à partager une partie des frais de développement en cause ou, au Canada, à partager la gestion des bases de données ou d'autres infrastructures du système. C'est ce qu'on constate déjà avec certains aspects du Registre national des électeurs. De plus, une telle coopération au Canada refléterait et renforcerait la notion de « contribuable unique » et rentabiliserait les investissements de fonds publics dans la conduite des élections fédérales, provinciales et locales.

Au delà de la question des frais, le Canada a déjà tiré des avantages importants de son leadership et de partenariats dans des questions d'administration électorale. Ces avantages pourraient prendre de l'ampleur dans des domaines comme celui du vote électronique où un leadership en technologie et en gestion de systèmes de ce genre pourrait se traduire par une influence accrue de notre gouvernement et par des occasions accrues de développement commercial.


Note 22 Le coût par électeur des activités de vote aux élections générales de 1993 et de 1997 était respectivement de 1,45 $ (rajusté en dollars de 1997 pour tenir compte de l'inflation) et de 1,54 $ (estimation). Ces estimations comprennent les frais et les paiements liés aux scrutateurs, aux greffiers, aux superviseurs de centre de scrutin, aux agents d'information, aux propriétaires (location des bureaux de scrutin) et aux imprimeurs (impression des bulletins) pour le vote ordinaire, par anticipation et itinérant. Elles comprennent aussi les fournitures requises aux bureaux de scrutin (papier pour les bulletins, guides, manuels d'instructions, formulaires, affiches, isoloirs, boîtes de scrutin, papeterie, etc.) Tous les autres coûts associés à la préparation et à la conduite de l'élection sont exclus (inscription des électeurs, Règles électorales spéciales, remboursements versés aux partis et aux candidats, etc.)