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Rapport du directeur général des élections du Canada sur la 41e élection générale du 2 mai 2011

3. Enjeux principaux

La 41e élection générale a mis en évidence un certain nombre de pistes à explorer pour améliorer le cadre électoral dans le domaine des services aux électeurs, des services aux candidats et des communications. La présente section porte sur ces trois aspects de nos activités. Certains enjeux sont précis et déjà bien définis, alors que d'autres nécessiteront une analyse et des évaluations plus approfondies ainsi que la participation continue des parlementaires et des intervenants.

3.1 Services aux électeurs

Le rapport de 2010 Faire face à l'évolution des besoins – Recommandations du directeur général des élections du Canada à la suite de la 40e élection générale (le rapport de recommandations) souligne l'évolution rapide de la société canadienne, de plus en plus mobile, diversifiée et vieillissante. Les Canadiens s'attendent aujourd'hui à des services souples, capables de répondre à leurs besoins changeants. Le dérangement que représente le vote est souvent cité comme motif d'abstentionnisme. La 41e élection générale a confirmé que les services actuels sont trop rigides pour les besoins et attentes de l'électorat et qu'un examen approfondi s'impose.

La rigidité du processus de vote n'est pas seulement un désagrément pour les électeurs : elle est également coûteuse et, dans certains cas, inefficace. Dans nos efforts pour améliorer et diversifier les services aux électeurs, nous devons aussi envisager des processus plus efficaces pour le vote.

Règles électorales spéciales

Les Règles électorales spéciales offrent plusieurs possibilités de vote aux électeurs qui ne peuvent pas ou ne veulent pas voter par anticipation ni le jour du scrutin. Le nombre d'électeurs qui votent par bulletin spécial continue de s'accroître. C'est le seul moyen de voter pour les militaires, les détenus et les Canadiens résidant à l'étranger, ainsi que pour les électeurs absents de leur circonscription les jours de vote par anticipation et le jour du scrutin, comme les étudiants et les travailleurs de chantiers éloignés.

Comme il a été expliqué dans la section précédente, les Règles électorales spéciales occasionnent certaines difficultés aux électeurs, en raison notamment du calendrier électoral serré et de l'obligation de transmettre une preuve documentaire de leur identité et de leur adresse.

S'il est vrai que ce mécanisme de vote a besoin d'être revu afin d'éliminer ces difficultés, il offre aussi d'importantes possibilités pour la création d'options de vote plus pratiques et plus souples. Le bulletin spécial permet déjà de répondre aux besoins de deux catégories d'électeurs qui ne pourraient pas voter autrement ou auraient de grandes difficultés à le faire, soit les électeurs dans des établissements de soins de courte durée et les travailleurs des chantiers éloignés. Cependant, l'usage du bulletin spécial pourrait être étendu de façon à rendre le vote plus commode. Ainsi les directeurs du scrutin pourraient être autorisés à ouvrir des kiosques de vote par bulletin spécial sur les campus ou dans les centres commerciaux, ou encore permettre aux électeurs de voter par bulletin spécial à n'importe quel bureau de scrutin le jour de l'élection.

À la suite de la 38e élection générale, le directeur général des élections avait recommandé une « révision globale » des Règles électorales spéciales, dont un examen des applications possibles des nouvelles technologies pour faciliter les processus de vote par bulletin spécial. Le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre et le gouvernement avaient exprimé leur accord. Toutefois, en raison des gouvernements minoritaires successifs, cette révision n'a pas été entamée. Le contexte actuel pourrait toutefois mieux s'y prêter.

Vote par anticipation

Le nombre d'électeurs qui profitent du vote par anticipation augmente, et la tendance devrait se poursuivre. Même si Élections Canada a ajouté des bureaux de vote par anticipation, notamment en zone rurale, le régime actuel n'est pas assez bien conçu pour offrir un service adéquat aux électeurs.

Le rapport de recommandations propose d'assouplir l'embauche des travailleurs électoraux pour le vote par anticipation. Cet enjeu demeure crucial, mais d'autres aspects du régime doivent également être examinés. Par exemple, l'établissement de bureaux itinérants de vote par anticipation dans des régions éloignées où le nombre d'électeurs ou de travailleurs disponibles ne permet pas la tenue de trois jours de vote par anticipation pourrait améliorer le service aux électeurs, tout en optimisant le déploiement des ressources.

Opérations de vote

La vaste majorité des électeurs (98 %) ont voté à un bureau de scrutin ordinaire le jour de l'élection (84 %) ou à un bureau de vote par anticipation (14 %). À la 41e élection générale, des préoccupations ont été soulevées concernant l'efficacité du processus de vote dans les bureaux de scrutin. Elles sont essentiellement les mêmes que celles signalées dans les rapports sur la 40e élection générale :

  • Des files d'attente peuvent se former à un bureau de scrutin dans un lieu de vote, alors que les travailleurs d'un bureau voisin ne sont pas occupés. Comme les électeurs arrivent parfois par vagues, les préposés à l'information, les greffiers du scrutin et les agents d'inscription sont occupés à différents moments.
  • Les contraintes de temps et la complexité croissante du processus de vote compliquent la formation des travailleurs électoraux, ce qui peut entraîner un taux de roulement élevé et un manque d'uniformité dans les services aux électeurs.
  • Le processus de vote est strictement défini, et aucun préposé au scrutin ne peut en remplacer un autre. Il n'est pas possible de partager la charge de travail ou d'accomplir des tâches autres que celles prescrites dans la Loi.
  • Le jour du scrutin, la journée de travail est de 15 heures, sans période de repas ni pause, ce qui nuit au recrutement. À la fin de cette longue journée, les travailleurs ont des activités de première importance à accomplir, soit dépouiller les votes et fermer les bureaux de scrutin.

Si la Loi autorisait les projets pilotes, on pourrait mettre à l'essai un modèle plus efficace, semblable à celui utilisé lors des élections provinciales au Nouveau-Brunswick. Les travailleurs des centres de scrutin ne seraient pas affectés à une section de vote en particulier. Les électeurs se présenteraient au bureau de scrutin où la file d'attente est la moins longue, y recevraient leur bulletin de vote et voteraient. L'achalandage serait ainsi géré de façon efficace, comme dans le secteur privé. Cela éviterait les longues files d'attente au vote par anticipation et simplifierait le recrutement et la formation des travailleurs électoraux. Un projet pilote, comme proposé dans le rapport de recommandations, permettrait au directeur général des élections de mettre le modèle à l'essai et de présenter une meilleure recommandation au Parlement.

3.2 Services aux candidats

Processus de mise en candidature

Un certain nombre de problèmes ont été signalés à propos du processus de mise en candidature : trois candidats ont éprouvé des difficultés et des irrégularités auraient été observées concernant les signatures sur les actes de candidatures. Ces incidents témoignent du besoin de revoir le processus, d'en rediscuter avec les intervenants, d'évaluer dans quelle mesure ils sont répandus et de trouver des solutions. Certains sont peut-être des conséquences inévitables du très court délai alloué pour les mises en candidature, mais il reste néanmoins des possibilités d'amélioration.

Outre la solution à ces incidents particuliers, il faudrait aussi étudier des moyens de moderniser et d'ainsi faciliter le processus de mise en candidature. Pour de nombreux candidats, surtout dans les grandes circonscriptions, il est difficile de produire les documents demandés dans les délais stricts fixés par la Loi. Le rapport de recommandations propose d'autoriser les signatures électroniques. Si la Loi électorale du Canada était ainsi modifiée, les mises en candidature pourraient-elles se faire en ligne? Convient-il encore aujourd'hui d'exiger la signature de 100 électeurs de la circonscription? Autant de questions sur lesquelles les parlementaires devraient se pencher.

3.3 Communications et médias sociaux

L'expansion des technologies Web, particulièrement des médias sociaux comme YouTube, Facebook et Twitter, est en voie de transformer les communications pendant et entre les élections. Vu l'évolution rapide des choses, il faut s'interroger sur la pertinence du cadre juridique actuel. La 41e élection générale a démontré la nécessité de revoir particulièrement deux aspects du régime : la diffusion prématurée des résultats d'une élection, qu'interdit l'article 329 de la Loi électorale du Canada, et la réglementation de la publicité électorale faite par des tiers.

Diffusion prématurée des résultats d'une l'élection

Rien ne porte Élections Canada à croire que l'interdiction de diffuser prématurément les résultats de l'élection a été largement transgressée. Néanmoins, l'utilisation croissante des médias sociaux remet en question le caractère exécutoire de cette interdiction, voire même sa clarté et son utilité dans un monde où la distinction entre communication privée et diffusion publique s'estompe à vue d'œil. Aussi le moment est-il venu pour le Parlement de songer à révoquer la règle actuelle.

Publicité Web par des tiers

Le cadre législatif doit également être repensé pour ce qui est de la publicité par des tiers. Si les messages publicitaires sont relativement faciles à distinguer à la télévision, à la radio et dans les médias imprimés, ce n'est pas le cas avec les technologies récentes. Par exemple, un vidéoclip humoristique mis en ligne sur YouTube ou Facebook peut être considéré comme un commentaire, une émission, de l'art ou de la publicité, et les messages diffusés sur Twitter peuvent être vus comme des commentaires publics ou de la publicité. Même les sites et les pages Web sont difficiles à classer. La confusion entourant la nature de telles communications est cause d'incertitudes et d'incohérences, suscite des perceptions d'illégalité et mine la participation3.

Le régime des tiers témoigne d'une volonté d'établir des règles équitables pour tous, quels que soient les moyens financiers. Le régime réglemente les dépenses de publicité, mais il n'a pas pour objet de réduire l'information offerte aux électeurs ou d'empêcher qui que ce soit de participer au débat électoral. Les médias sociaux et l'Internet sont propices à l'engagement politique, dans la mesure où ils permettent la diffusion de messages à grande échelle et à très faible coût. Les nouvelles technologies peuvent aussi améliorer le processus électoral en renforçant l'égalité et la liberté d'expression. Afin de réduire le flou existant et de tirer parti des nouvelles technologies, les parlementaires pourraient envisager d'exclure de la définition de publicité électorale toutes les communications Web de tiers, sauf peut-être celles placées par leur auteur sur un autre site moyennant des frais.


3 L'article 319 de la Loi définit de façon générale le terme publicité électorale et donne des exemples de ce que la définition n'englobe pas, dont « la diffusion par un individu, sur une base non commerciale, de ses opinions politiques sur le réseau communément appelé Internet » [alinéa 319d)]. Il en résulte une grande confusion. Il est difficile en effet de déterminer ce qui constitue des opinions politiques personnelles. Et, plus important encore, le libellé très précis de l'alinéa 319d) porte à croire qu'il s'agit d'une exception à la définition plutôt que d'un simple exemple de ce que la définition n'englobe pas. Savoir quels autres types de communications Web sont exclus de la définition demeure en grande partie sans réponse satisfaisante.