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Moderniser le processus électoral – Recommandations du directeur général des élections du Canada à la suite de la 37e élection générale


Partie 2 : Une accessibilité accrue pour les candidats et les partis politiques

L'objet du système électoral est, bien entendu, de permettre aux électeurs d'élire des représentants à la Chambre des communes parmi les candidats en lice. Le processus grâce auquel un individu devient un candidat peut être aussi important que le vote de l'électeur le jour du scrutin. La meilleure personne au monde ne saurait se faire élire sans franchir avec succès le processus qui lui permet d'être candidat, et les électeurs ne peuvent voter de façon pleinement éclairée à moins que cette personne et son parti (si elle est soutenue par un parti politique) aient une possibilité raisonnable de participer à l'élection.

La partie 2 du présent rapport porte sur la capacité des individus et des partis à participer pleinement et équitablement au processus électoral. Le chapitre 1 est consacré au processus d'investiture du candidat. Le chapitre 2 traite du système de partis prévu par la Loi électorale du Canada et formule des recommandations visant à améliorer et à rationaliser les droits de participation des petits partis.

Chapitre 1 : La participation des candidats

Candidatures

La Constitution garantit aux électeurs le droit d'être candidats à une élection fédérale. Le but ultime du processus de déclaration des candidatures devrait être de faciliter au maximum l'exercice de ce droit, sans compromettre l'efficacité et l'efficience du processus25.

Il est raisonnable d'exiger que les candidats à une charge élective soient sérieux dans leur démarche. Il est également raisonnable de leur permettre de briguer les suffrages en exigeant qu'ils fournissent de l'information fiable et exacte à l'appui de leur candidature. Cependant, la poursuite de ces objectifs a rendu le système actuel indûment complexe, alourdi de vérifications superflues visant à attester le sérieux des candidats et la fiabilité de l'information qu'ils fournissent. De plus, certaines de ces vérifications découlent de notions périmées ou n'atteignent tout simplement pas leur objectif26.

Ensemble, ces contrôles créent un fardeau administratif à la fois pour les candidats et pour le système chargé de vérifier ces exigences. La section qui suit explique comment le processus actuel pourrait être simplifié sans guère diminuer l'assurance de sérieux des candidats.

Cette section traite aussi des chances égales de se porter candidat en relation avec les congés accordés aux employés. Seuls les employeurs assujettis à la partie III du Code canadien du travail sont obligés d'accorder un tel congé. Cette inégalité pourrait être éliminée en étendant cette obligation à tous les employeurs, comme on l'explique ci-après.

En principe, sous le régime actuel, une personne qui désire briguer les suffrages ne présente pas elle-même sa candidature. Celle-ci doit être proposée par un nombre minimal d'électeurs prescrit par la Loi27.

L'acte de candidature doit comporter les nom, adresse et signature, recueillis en présence d'un témoin, d'au moins 100 électeurs résidant dans la circonscription où la personne désire poser sa candidature (50 signatures seulement sont nécessaires dans les circonscriptions prévues à l'annexe 3 de la Loi électorale du Canada – généralement les plus éloignées et les moins densément peuplées). L'acte doit également porter les nom et adresse de chaque témoin des signatures. Le témoin du consentement du candidat (dont on traitera ci-après) doit prendre les mesures nécessaires pour s'assurer que chaque signataire est un électeur de la circonscription28.

La Loi précise l'information additionnelle qui doit figurer sur l'acte de candidature, notamment les renseignements personnels et administratifs nécessaires en vue de se porter candidat et ceux prouvant que le vérificateur proposé et l'agent officiel du candidat éventuel respectent les exigences administratives de la Loi (y compris la déclaration de l'agent officiel attestant qu'il accepte d'agir à ce titre). Si le candidat est soutenu par un parti enregistré ou admissible, le nom du parti doit être fourni. Le candidat éventuel qui n'a aucune appartenance politique doit indiquer s'il préfère être désigné par la mention « indépendant » ou n'avoir aucune désignation d'appartenance politique dans les documents électoraux.

L'acte de candidature doit également comprendre une déclaration sous serment du candidat éventuel attestant qu'il consent à la candidature. Cette déclaration doit être signée devant un témoin ayant qualité d'électeur, à l'exclusion de la personne qui recueille le serment. Le témoin doit aussi signer l'acte.

L'acte de candidature doit être présenté au directeur du scrutin (ou son représentant) de la circonscription où le candidat éventuel désire briguer les suffrages. Il doit être remis par le témoin du consentement du candidat, à tout moment après la publication de l'avis d'élection, mais doit être reçu au plus tard à 14 h le lundi 21e jour avant le jour du scrutin. Le candidat ne peut pas le soumettre lui-même.

L'acte de candidature peut être soumis par voie électronique dans les délais prescrits, pourvu que l'original parvienne au directeur du scrutin dans les 48 heures suivant la clôture des candidatures29.

Au moment de déposer l'acte, le témoin du consentement du candidat doit prêter un serment additionnel devant le directeur du scrutin, déclarant qu'il connaît la personne qui désire se porter candidat, qu'il a qualité d'électeur et que la personne qui désire se porter candidat a signé en sa présence le consentement à sa candidature.

Au dépôt de l'acte, le témoin doit remettre un cautionnement de 1 000 $ (remboursable si la candidature est refusée par le directeur du scrutin ou si le candidat respecte les exigences de la Loi en matière de rapports). Il doit aussi fournir une déclaration d'un vérificateur et d'un agent officiel portant que ces derniers ont accepté d'agir à ce titre et, s'il y a lieu, un acte écrit, signé par le chef du parti enregistré ou admissible (ou son représentant), confirmant que le candidat éventuel est soutenu par le parti30.

Aux termes de la Loi, le directeur du scrutin et son adjoint ont le devoir d'être tous deux présents au bureau du directeur du scrutin le jour de clôture des candidatures, entre midi et 14 h, pour recevoir les actes de candidature qui n'ont pas encore été déposés.

Le directeur du scrutin doit confirmer ou rejeter la candidature dans les 48 heures suivant la réception de l'acte. Il doit s'assurer que l'acte est complet, conformément aux instructions du directeur général des élections. Il vérifie notamment si l'acte comporte au moins le nombre de signatures exigées et si les signataires sont des électeurs de la circonscription où la personne désire se porter candidat. Un acte de candidature que le directeur du scrutin a rejeté peut être remplacé par un nouvel acte ou un acte corrigé, pourvu que celui-ci soit déposé dans les délais prescrits.

2.1.1 Signatures des électeurs qui proposent un candidat

L'obligation de joindre à l'acte de candidature un nombre précis de signatures d'électeurs soutenant le candidat remonte à 1874. Comme l'indiquait en 1992 la Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis (Commission Lortie), dans son rapport intitulé Pour une démocratie électorale renouvelée, cette règle a pour but d'assurer que les candidats puissent démontrer qu'un certain nombre de personnes appuient leur candidature, car les élections ne doivent être ouvertes qu'aux candidats ayant prouvé qu'ils bénéficient de l'appui politique de certains électeurs.

L'obtention de 100 (ou 50) signatures d'électeurs admissibles exige beaucoup de ressources, tant de la part du candidat qui doit recueillir ces signatures que de la part du système électoral qui doit les vérifier. À la 37e élection générale, trois candidatures ont été officiellement refusées, toutes parce que les vérifications ont révélé qu'un nombre insuffisant de signataires résidaient dans la circonscription où le candidat se présentait. Un quatrième cas de refus a été soumis au commissaire aux élections fédérales31.

L'obligation actuelle a une valeur symbolique, tout au plus. Dans le cas des candidats désignés par un parti, cette désignation en soi (compte tenu des exigences législatives régissant l'obtention du statut de parti admissible) démontre que le candidat jouit de l'appui politique de certains électeurs. Le processus d'investiture au sein d'un parti peut s'avérer ardu et constituer un meilleur indicateur du sérieux d'un candidat que la capacité de recueillir 100 (ou 50) signatures.

Aujourd'hui, même pour les candidats indépendants, la capacité d'obtenir 100 (ou 50) signatures aux fins de leur candidature n'est pas un véritable reflet de leur soutien électoral. Par le passé, bien des candidats ont obtenu le nombre requis de signatures sans jouir, en fait, d'un soutien sérieux. L'obligation actuelle sert davantage à évaluer les capacités administratives du candidat éventuel que son soutien électoral.

En outre, cette obligation grève les ressources du système électoral. Il s'avère difficile, sur le plan administratif, de vérifier la validité des signatures dans le délai de 48 heures accordé pour confirmer une candidature. Dans le meilleur des cas, on vérifie si l'adresse des signataires se trouve dans la circonscription du candidat, mais le temps ne permet pas de déterminer l'authenticité des signatures. Quels que soient les avantages apparents de cette exigence, ils s'en trouvent incontestablement réduits. La solution ne consiste pas non plus à prolonger la période de vérification des signatures : certains partis ont fait savoir qu'ils trouvaient le délai de 48 heures trop long.

Recommandation : Pour alléger le fardeau administratif des candidats éventuels, l'obligation de recueillir 100 (ou 50) signatures d'électeurs admissibles devrait être supprimée.

2.1.2 Obligation pour le témoin de déposer l'acte de candidature et de prêter serment

La nécessité de faire déposer l'acte de candidature par le témoin du consentement du candidat et d'obliger le témoin à prêter serment devant le directeur du scrutin est également discutable. Le témoin doit déclarer sous serment qu'il connaît la personne qui désire se porter candidat, qu'il a qualité d'électeur et que la personne qui désire se porter candidat a signé en sa présence le consentement à sa candidature. Le témoin est ainsi tenu de se présenter au bureau du directeur du scrutin et d'y prêter serment, ce qui alourdit le fardeau administratif tant pour les partis que pour le système électoral.

De plus, la Loi manque d'uniformité sur ces points. L'article 73 autorise le candidat à transmettre directement son acte de candidature et les documents à l'appui au directeur du scrutin par voie électronique. Dans un tel cas, le témoin n'est pas tenu de déposer l'acte ni de prêter serment.

Recommandation : La personne qui désire se porter candidat devrait être autorisée à déposer son acte de candidature elle-même. On devrait cesser d'exiger que le témoin du consentement du candidat dépose l'acte de candidature et prête serment devant le directeur du scrutin.

Cette modification assurerait une pratique législative uniforme, que l'acte soit déposé en main propre ou par voie électronique.

2.1.3 Déclaration sous serment du candidat

L'obligation faite au candidat de prêter serment vise notamment à déterminer le sérieux de ce dernier de trois façons : lui faire comprendre l'importance de l'action qu'il s'apprête à poser; décourager les candidatures frivoles grâce aux implications morales ou religieuses du serment; accroître la fiabilité de l'information fournie, compte tenu des sanctions prévues en cas de fausses déclarations (punissables pour parjure en vertu de l'article 131 du Code criminel ou pour prestation d'un faux serment en vertu du paragraphe 549(3) de la Loi électorale du Canada)32.

Si cette exigence n'impose pas de lourd fardeau aux résidents des centres urbains, où il est facile de trouver une personne autorisée à recueillir les serments, il n'en va pas de même pour les candidats éventuels résidant dans les régions éloignées. La difficulté de trouver une personne autorisée à recueillir les serments pose un problème encore plus grand lorsque le temps presse pour soumettre l'acte de candidature.

Indépendamment des opinions qu'on peut avoir sur la valeur éthique ou morale du serment dans la société moderne, il faut s'interroger sur la véritable utilité du serment du candidat. De nos jours, le cautionnement de 1 000 $ qui accompagne l'acte de candidature procure vraisemblablement un niveau similaire de certitude quant à l'engagement du candidat à participer au processus électoral et à respecter les règles.

Si le serment était aboli, on pourrait continuer d'assurer l'authenticité de l'information fournie en ajoutant à la Loi une disposition interdisant au candidat toute fausse déclaration dans son acte de candidature, comme le font déjà d'autres dispositions de la Loi concernant les déclarations fausses ou trompeuses (notamment les art. 56, 91, 92 et 281).

Recommandation : Le candidat éventuel ne devrait plus être tenu de faire une déclaration sous serment attestant qu'il consent à la candidature. Par ailleurs, la Loi devrait contenir une disposition interdisant toute déclaration fausse ou trompeuse dans un acte de candidature.

2.1.4 Délai pour la confirmation des candidatures

Si les recommandations ci-dessus concernant la simplification du processus d'investiture sont adoptées, les directeurs du scrutin n'auront pas besoin de 48 heures pour vérifier une candidature. La vérification pourra être quasi immédiate. Par ailleurs, l'élimination du délai de 48 heures actuellement prévu par la Loi facilitera l'impression des bulletins.

Recommandation : Les directeurs du scrutin devraient être tenus de terminer la vérification des actes de candidature au plus tard à la clôture des candidatures, le 21e jour avant le jour du scrutin.

2.1.5 Cautionnement du candidat

Le cautionnement du candidat sert non seulement de garantie de performance – c'est sa principale raison d'être en vertu de la Loi électorale du Canada –, mais il contribue aussi indirectement à limiter le nombre de candidatures frivoles. L'obligation de verser un cautionnement remboursable de 1 000 $ contribue de manière concrète à réduire le nombre de personnes qui proposeraient leur candidature sans avoir vraiment l'intention de se présenter aux élections. Mais l'efficacité de cette mesure semble avoir été diminuée par inadvertance. Avant 1993, la Loi stipulait que le cautionnement (200 $ seulement à l'époque) devait être versé sous forme de monnaie légale ou de chèque certifié payable à l'ordre du receveur général du Canada. Cette exigence a été abolie en 1993 avec l'adoption du projet de loi C-114. À chaque élection générale tenue depuis, quelques chèques sans provision ont été reçus. La Loi est muette sur ce point.

Recommandation : La Loi devrait obliger le candidat à verser son cautionnement en espèces ou sous forme de chèque certifié, de mandat ou d'une autre garantie de fonds autorisée par le directeur général des élections.

2.1.6 Dépôt du cautionnement du candidat par le parti

La Loi exige que l'acte de candidature présenté au directeur du scrutin soit accompagné du cautionnement du candidat (par. 67(4)). Cette disposition, inscrite dans l'Acte des élections fédérales de 1874 (à l'époque, le cautionnement était de 50 $), est une des plus anciennes exigences du processus électoral.

Lorsqu'un candidat est soutenu par un parti politique, il n'est pas rare que son cautionnement soit payé par le parti. Pour se conformer aux règles actuelles, le parti doit effectuer de nombreux virements de fonds entre ses comptes bancaires et ceux des candidats qu'il soutient afin que l'argent puisse être transmis au directeur du scrutin approprié. Certains partis ont demandé qu'on leur permette de verser directement au receveur général du Canada un montant global représentant le cautionnement de tous les candidats qu'ils appuient. Le versement direct, qui tient compte des réalités modernes concernant les virements de fonds électroniques, apparaît comme une mesure pratique et efficace, pourvu qu'on implante un processus administratif adéquat33.

Recommandation : La Loi devrait permettre à un parti politique, quand le directeur général des élections est convaincu qu'un processus administratif adéquat est en place, de verser le cautionnement des candidats qu'il soutient au receveur général du Canada par l'entremise du directeur général des élections.

Corollairement, le paragraphe 67(4) de la Loi devrait stipuler qu'il n'est pas nécessaire de joindre le cautionnement à l'acte de candidature lorsque le directeur du scrutin est convaincu que le parti qui soutient le candidat a versé le cautionnement directement au receveur général du Canada par l'entremise du directeur général des élections.

Pour prévenir les éventuels malentendus ou erreurs de transmission, la Loi devrait également obliger le directeur du scrutin à consulter le directeur général des élections avant de refuser toute candidature, y compris pour le motif que le dépôt requis n'a pas été versé.

2.1.7 Dépôt par le parti de la déclaration du chef attestant qu'il soutient un candidat

Lorsqu'un candidat est soutenu par un parti, il doit présenter avec l'acte de candidature une déclaration signée par le chef du parti affirmant que le candidat est soutenu par le parti (par. 67(4)). Contrairement aux autres éléments du dossier de candidature, qui en général sont produits localement, les lettres de soutien des chefs de parti proviennent du siège du parti. Des partis ont fait valoir à Élections Canada qu'ils doivent consacrer des ressources considérables à la préparation et à l'envoi de lettres individualisées pour chaque candidat aux directeurs du scrutin appropriés34.

Recommandation : Les partis devraient être autorisés à confirmer par écrit au directeur général des élections le nom complet, l'adresse et le nombre des candidats qu'ils soutiennent, et le directeur du scrutin devrait pouvoir accepter un acte de candidature s'il est convaincu que le directeur général des élections a reçu une lettre de soutien du parti pour ce candidat. Pour prévenir les éventuels malentendus ou erreurs de transmission, la Loi devrait également obliger le directeur du scrutin à consulter le directeur général des élections avant de refuser toute candidature présentée par un parti, y compris pour le motif que le candidat n'a pas le soutien du chef du parti.

2.1.8 Chances égales de se porter candidat

L'Annexe du rapport du directeur général des élections du Canada sur la 35e élection générale – Consolider les assises, recommandait d'étendre à tous les employés le droit d'obtenir un congé pour se porter candidat à une élection fédérale, plutôt que de limiter ce droit aux employés visés par la partie III du Code canadien du travail, en affirmant notamment :

L'article 87 de la Loi électorale du Canada [aujourd'hui l'art. 80] oblige les employeurs à accorder un congé, payé ou non, à tout employé souhaitant briguer une investiture et être candidat à une élection. Cet article ne vise toutefois que les employés régis par la partie III du Code canadien du travail.

On peut y voir une forme de discrimination envers les personnes dont l'emploi ne relève pas d'une loi fédérale. L'attribution du droit au congé à tous les employés respecterait l'esprit de l'article 3 de la Charte canadienne des droits et libertés. Il convient de souligner que l'article 148 de la Loi [aujourd'hui l'art. 132], qui garantit à tout employé quatre heures consécutives pour aller voter, s'applique à tous les employeurs.

Cette recommandation, formulée également par la Commission Lortie en 1992, n'a toujours pas été mise en œuvre.

Recommandation : Le droit à un congé sans solde pour se porter candidat à une élection fédérale devrait être étendu à tous les employés, qu'ils soient engagés en vertu d'une loi fédérale, provinciale ou territoriale. Cette disposition ne devrait pas empêcher un employeur d'accorder un congé payé. Comme il pourrait exister des situations où l'absence d'un employé nuirait sérieusement aux activités de l'employeur, la Loi devrait prévoir des exceptions ainsi qu'un mécanisme servant à déterminer, en cas de litige, les répercussions d'une absence. La Loi électorale du Manitoba prévoit un tel mécanisme35.

Chapitre 2 : La participation des partis

Le dynamisme de tout système politique se mesure à sa capacité d'évoluer et de s'adapter aux changements de la société dans laquelle il s'inscrit. La force du système politique canadien est attestée par l'émergence progressive et le développement constant de son système de partis. Cette évolution reflète la croissance des droits et des responsabilités des partis politiques dans l'histoire de la Loi électorale du Canada36.

Les réformes proposées ci-dessous visent à redresser des iniquités dues au rôle croissant accordé aux partis sous le régime législatif actuel. Certaines de ces iniquités sont apparues alors que l'on poursuivait des fins politiques qui n'ont plus leur raison d'être aujourd'hui ou qui ne sont plus justifiables en regard des droits politiques garantis par la Charte canadienne des droits et libertés.

La Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis (Commission Lortie) dans son rapport de 1992 intitulé Pour une démocratie électorale renouvelée, parlait de « la primauté des partis dans le système politique canadien ». Elle expliquait que les partis politiques ont trois importantes fonctions :

  • ils structurent les choix électoraux et donnent donc un sens au vote;

  • ils offrent à la population des mécanismes qui lui assurent une participation politique accrue;

  • ils organisent le travail des élus au Parlement et contribuent ainsi à l'efficacité de notre régime de gouvernement responsable.

Les partis jouent donc un rôle dans le processus politique, non pas à cause de quelque droit politique inhérent, mais parce qu'ils se sont révélés des outils puissants et indispensables pour l'évolution de la pensée politique et l'ordonnancement du processus politique. C'est cet apport des partis, au bout du compte, qui valorise les droits des électeurs. Le redressement des inégalités dans la participation des partis devrait donc être considéré comme utile, non seulement pour les partis eux-mêmes, mais aussi pour le public, qui bénéficie du rôle électoral que jouent les formations politiques.

2.2.1 Le statut de parti admissible

Le système de partis actuellement prévu par la Loi électorale du Canada est indûment complexe et crée des distinctions inutiles entre partis. Il importe de le simplifier et de le clarifier.

La notion de « parti » constitue un élément essentiel de la Loi électorale du Canada. Un parti politique est un groupe de personnes qui partagent une idéologie politique et qui se regroupent dans une organisation formelle dotée de règles et d'une structure, d'un chef et d'autres dirigeants, principalement dans le but de faire élire ses membres à la Chambre des communes. Les partis politiques sont la clé de voûte du système électoral canadien d'aujourd'hui.

La Loi électorale du Canada reconnaît divers types de parti : admissible, enregistré, suspendu, autorisé à figurer sur le bulletin de vote, et tiers (ces derniers pouvant ne pas être des partis politiques au sens de la définition donnée plus haut).

La structure des partis prévue par la Loi électorale du Canada est principalement axée sur le parti enregistré. Celui-ci est un parti enregistré auprès du directeur général des élections et qui présente au moins 50 candidats confirmés à une élection générale37.

La Loi actuelle part du principe que le parti enregistré est la forme d'organisation la plus susceptible de constituer un gouvernement et la plus apte à le faire. C'est pourquoi les droits et les obligations en matière de participation des partis sont centrés sur la notion de parti enregistré. La Loi donne aux partis enregistrés des droits de participation plus importants qu'aux autres partis (le droit de figurer sur le bulletin de vote, l'accès à l'information sur les électeurs, la possibilité de proposer des agents réviseurs, la possibilité pour leurs candidats de proposer des scrutateurs et des greffiers du scrutin, le droit de conserver leur nom de parti entre les élections, le droit de recevoir les excédents financiers des candidats à la fin de la campagne, etc.). Les partis enregistrés reçoivent également des fonds publics, ce qui n'est pas le cas des autres, et ont des obligations plus importantes en matière de rapports.

Lorsque la notion de parti enregistré a été introduite dans la Loi en 1970, l'obligation de soutenir au moins 50 candidats a été imposée principalement pour garantir le sérieux de l'engagement des partis dans le processus politique.

Toutefois, lorsque la Loi sur les dépenses d'élection a établi les premières règles relatives aux plafonds de dépenses et au financement public en 1974, on a commencé à voir dans la notion de parti enregistré non plus seulement un moyen de distinguer les grandes formations politiques, mais aussi un moyen de répartir le financement public et d'autres ressources non illimitées, notamment le temps d'antenne. Le financement public et les autres ressources ne pouvant être accordés à tous ceux qui désiraient participer à une élection, le fait de soutenir 50 candidats devenait la base de l'admissibilité à leur répartition. Cette idée venait s'ajouter à la notion initiale de parti enregistré. Le fait de soutenir 50 candidats était considéré comme une preuve du sérieux de l'engagement d'un parti face à l'épreuve électorale et de sa capacité à susciter un intérêt relativement grand pour ses programmes et idées (comme l'a déclaré la Commission Lortie), ce qui justifiait l'octroi à ce parti de ressources prescrites par la Loi38.

Lorsqu'un parti politique présente une demande d'enregistrement au directeur général des élections, il doit démontrer qu'il satisfait à un certain nombre d'exigences administratives concernant son nom, son nom abrégé et son logo (qui ne doivent pas prêter à confusion avec ceux d'autres partis déjà enregistrés), son adresse, ses dirigeants, les nom et adresse de 100 électeurs qui sont membres du parti, etc. Ces éléments établissent le statut du demandeur comme « parti » et servent aussi à des fins opérationnelles. Une fois qu'il a franchi cette étape administrative, il devient un « parti admissible » et le demeure jusqu'au déclenchement d'une élection générale, où il a l'occasion de soutenir le nombre requis de candidats. Si, à la clôture des candidatures de l'élection générale suivante, il n'a pas présenté le nombre voulu de candidats, il perd son statut de parti admissible.

Tout parti enregistré qui ne maintient pas le nombre requis de candidats à une élection générale perd son statut et est suspendu. En tant que parti enregistré, il devait remplir des obligations en matière de rapports, était assujetti à des restrictions particulières et pouvait jouir de certains avantages financiers. En devenant suspendu, il doit donc présenter des rapports au directeur général des élections pour compléter le dossier de ses activités. Le parti suspendu doit aussi remettre l'équivalent en espèces de son actif, après remboursement des dettes, au directeur général des élections, qui transmet la somme au receveur général du Canada. Une fois que le parti suspendu a pris ces mesures, le directeur général des élections le radie (même s'il était réputé être radié dès sa suspension). Le parti peut demander de nouveau son enregistrement (ce qui, conformément à diverses responsabilités administratives connexes (art. 394), arrête la remise de l'actif prévue par la Loi); le processus recommence alors et il redevient un parti admissible.

Les partis admissibles et les partis enregistrés peuvent aussi perdre leur statut s'ils ne satisfont pas aux diverses exigences de déclaration prévues par la Loi. Cette sanction est à la discrétion du directeur général des élections. Dans de tels cas, le parti admissible perd son statut et le parti enregistré est suspendu.

Un parti peut aussi demander le retrait de sa demande d'enregistrement ou sa radiation.

La faille du système de partis, tel qu'il est actuellement prévu par la Loi, réside dans le fait que la répartition des droits et obligations est centrée sur les partis enregistrés.

L'introduction de la notion de partis enregistrés dans les années 1970 a créé des disparités entre les droits des partis enregistrés et ceux des autres partis. Ces disparités sont encore présentes dans la Loi électorale du Canada. Par exemple, seuls les partis enregistrés ont accès aux listes électorales aux termes de l'article 45 et seuls ces partis (ou leurs associations de circonscription) peuvent recevoir l'excédent financier de leurs candidats à la fin d'une élection. Seuls les partis enregistrés ont des droits en matière de radiodiffusion et peuvent se faire rembourser sur les fonds publics une partie de leurs dépenses électorales. Auparavant, seuls les candidats soutenus par un parti enregistré pouvaient faire inscrire leur appartenance sur le bulletin de vote. Cette distinction a été partiellement corrigée par la Loi L.C. 2001, ch. 21, mais d'autres distinctions subsistent (la disposition modifiée autorise un parti admissible présentant au moins 12 candidats à faire inscrire son nom sur le bulletin)39.

Le projet de loi C-2 a été la source d'une autre inégalité pour les partis non enregistrés, cette fois au sujet de leur plafond de dépenses. Avant l'adoption de ce projet de loi, seuls les partis enregistrés et les candidats étaient assujettis à des plafonds de dépenses électorales et à des exigences en matière de rapports, car eux seuls jouissaient d'une aide financière publique.

Cette situation a changé avec le plafonnement des dépenses de publicité électorale des tiers.

Dans l'optique initiale du projet de loi C-2, le tiers était vu comme une entité qui ne cherchait pas à se faire élire ni à faire élire ses membres. Sa participation à une élection devait se limiter à appuyer ou contrecarrer l'élection d'une autre personne afin de favoriser ses propres intérêts40.

Toutefois, la définition de « tiers » inscrite dans la Loi est si générale qu'elle s'applique, techniquement, à tout groupe ou personne qui n'est pas enregistré comme parti ou candidat. La Loi définit en effet le « tiers » comme une « personne ou groupe, à l'exception d'un candidat, d'un parti enregistré et d'une association de circonscription d'un parti enregistré ». Ainsi, tout parti politique qui n'est pas enregistré devient par défaut un « tiers », même s'il tente de faire élire ses membres au lieu d'appuyer ou de contrecarrer l'élection d'autres personnes.

Or, les règles que la Loi impose aux tiers en matière de dépenses et de rapports sont censées s'appliquer à des entités qui appuient (ou contrecarrent) l'élection d'autres personnes au lieu de chercher à faire élire leurs propres membres. Les plafonds de dépenses ne visent que les dépenses de publicité électorale et sont bien plus bas que ceux imposés aux partis enregistrés. Les obligations de déclaration, puisqu'elles portent uniquement sur les contributions et les dépenses relatives aux dépenses de publicité, sont beaucoup moins importantes que celles imposées aux partis enregistrés.

Avant ce régime, les partis qui, parce qu'ils étaient nouveaux ou trop marginaux étaient inadmissibles au statut de partis enregistrés (et n'avaient donc pas droit à une part du financement public), pouvaient néanmoins participer pleinement à une élection dans la mesure de leurs ressources financières. Le système électoral continuait ainsi de bénéficier de leur participation.

Depuis l'adoption du projet de loi C-2, les partis non enregistrés deviennent par défaut des tiers et sont donc assujettis au régime des tiers. La nature de ces partis en est ainsi faussée. Cette situation accentue les disparités existantes sur le plan de la participation électorale et impose à ces partis des obligations de déclaration inappropriées.

La Loi établit trois ordres essentiels de droits et obligations concernant la participation aux élections fédérales : le financement public, la participation et l'identification des électeurs.

Pour avoir droit à des fonds publics (par le biais soit de crédits d'impôt, soit du remboursement direct d'une partie des dépenses électorales), un parti doit prouver qu'il bénéficie d'un certain soutien électoral. Cette exigence s'impose du fait qu'il n'est pas raisonnablement possible d'offrir des fonds publics à tous ceux qui souhaiteraient se faire élire à la Chambre des communes. La même argumentation tient pour les droits de radiodiffusion qui, même s'ils n'impliquent pas l'octroi de deniers publics, portent sur des ressources non illimitées (le temps d'antenne) et constituent un coût pour les radiodiffuseurs.

Toutefois, les droits relatifs à la participation et à l'identification des électeurs ne font pas l'objet des mêmes contraintes que le financement public et devraient donc être abordés sous un autre angle. Autrement dit, la notion de parti « enregistré », utile et justifiable dans le contexte de la disponibilité et de la répartition de ressources non illimitées, l'est peut-être moins en ce qui concerne les droits relatifs à la participation aux élections et à l'identification des électeurs.

Le fait qu'un parti ne présente pas au moins 50 candidats ne devrait pas l'empêcher d'obtenir un statut de parti politique, ni brimer le droit de l'électorat de connaître l'appartenance politique des candidats que ce parti soutient.

La structure des partis prévue par la Loi est trop axée sur le financement public de la participation des partis. Elle ne reconnaît pas le vrai rôle des partis dont la participation n'est pas d'une ampleur suffisante pour l'obtention d'un financement public, mais qui n'en jouent pas moins un rôle important et historique dans le processus électoral.

Si les partis peuvent renforcer l'élaboration des politiques ainsi que la sélection et les campagnes des candidats, ils peuvent aussi imposer des contraintes pratiques à ceux qui souhaitent se faire élire pour un parti et en présenter les vues. Pour voter de façon éclairée, il est donc important que les électeurs sachent si un candidat appartient à un parti politique.

Il faut plus d'une personne pour former un parti politique, comme le reconnaît implicitement le paragraphe 366(2) selon lequel un parti doit compter au moins 100 membres ayant qualité d'électeur. Par définition, la notion de parti politique suppose un regroupement de personnes. Cependant, dans l'optique du vote éclairé, l'identification d'un candidat comme membre d'un parti ne dépend pas du nombre total de candidats que ce parti choisit de soutenir. Il importe que tout candidat appuyé par ce parti soit désigné comme tel, même si ce parti choisit d'appuyer un seul candidat. Tout comme pour une élection partielle (où il n'y a qu'un candidat par parti), il faut que les électeurs d'une élection générale sachent si un candidat est associé à un parti, envers lequel il pourrait avoir des engagements.

La capacité d'un parti de participer à une élection ne devrait pas dépendre du nombre de candidats qu'il soutient, sauf pour ce qui est du financement public ou de la répartition du temps d'antenne (voir à ce sujet la partie 4). Si l'on part du principe que la participation des partis à une élection est bénéfique, il faut accorder le plus grand nombre de droits de participation possible, et de façon égale, à tous les partis. Rien ne semble justifier le fait que les droits de participation non liés à des ressources publiques soient réservés aux seuls partis qui présentent un certain nombre de candidats.

L'octroi des droits de participation à tous les partis permettrait à ces derniers de mieux communiquer leur message au public et favoriserait davantage un vote éclairé. Les partis inadmissibles à l'enregistrement parce qu'ils sont de création récente, ou pour toute autre raison, ne devraient pas se voir refuser des moyens de planification, comme l'accès à l'information sur les électeurs, qui sont accordés aux partis enregistrés. À cause des règles actuelles, il est plus difficile pour les nouveaux partis de communiquer leur message avec autant d'efficience ou d'efficacité que les partis enregistrés et, par conséquent, de faire valoir des idées nouvelles auprès des électeurs.

Le fait d'imposer aux partis non enregistrés les plafonds de dépenses applicables aux tiers finit également par accroître la difficulté que ces partis éprouvent à faire connaître leurs politiques et leurs positions.

Par ailleurs, le droit de conserver un nom de parti entre les élections ne devrait pas être réservé aux partis enregistrés. Aux termes de la Loi, même un parti qui présente 12 candidats à une élection générale et dont le nom peut figurer sur le bulletin de vote ne jouit d'aucune protection contre les atteintes d'autres partis à son nom. Il peut perdre la possibilité de disputer d'autres élections sous ce nom si un autre parti se l'approprie. Les exigences de la Loi concernant les noms qui portent à confusion ne s'appliquent qu'aux noms des partis enregistrés et des partis admissibles. Un parti peut demander de s'enregistrer aux termes de la Loi sous un nom pouvant être confondu avec celui d'un parti non enregistré. Pour décider si le nom de parti proposé par le demandeur risque de prêter à confusion, le directeur général des élections peut tenir compte seulement des noms des partis enregistrés ou admissibles à l'enregistrement. Un parti dont le nom a figuré sur le bulletin de vote à la dernière élection générale parce qu'il a présenté entre 12 et 49 candidats n'est pas pris en considération, à moins qu'il ait de nouveau demandé son enregistrement après l'élection générale et soit redevenu admissible. Ainsi, il est possible qu'un parti émergent, parce qu'il a perdu son nom, perde aussi sa notoriété et les progrès accomplis pour diffuser son message.

Enfin, les exigences en matière de rapports, qui ne visent actuellement que les partis enregistrés, devraient s'appliquer aussi aux partis admissibles. Le fait qu'un parti ne présente pas au moins 50 candidats ne réduit pas l'importance de la transparence pour les petits partis, dans l'optique du vote éclairé.

Pour toutes les raisons précitées, il importe que la structure des partis prévue par la Loi soit modifiée pour mieux tenir compte des réalités de la participation des partis aux élections. Les recommandations suivantes devraient faciliter l'émergence de nouveaux partis, assurer la divulgation de renseignements financiers plus complets par les partis admissibles et assujettir tous les partis à un ensemble de règles similaires et appropriées.

Recommandations : La Loi électorale du Canada ne devrait prévoir que deux types de partis politiques, soit les partis admissibles et les partis enregistrés.

La définition de parti admissible devrait inclure toutes les organisations qui existent à titre de partis politiques, qui satisfont aux exigences administratives concernant l'existence et la structure des partis aux termes de l'article 366 et qui soutiennent, à une élection générale, entre 1 et 49 candidats confirmés à la Chambre des communes.

Un parti enregistré serait tout parti qui, à une élection générale, présente au moins 50 candidats confirmés à la Chambre des communes.

Tous les partis admissibles et enregistrés devraient avoir les mêmes droits et obligations, sauf pour la répartition de ressources restreintes, et devraient notamment avoir les mêmes obligations de déclaration.

Les plafonds de dépenses des partis admissibles seraient établis de la même manière que ceux des partis enregistrés.

Le statut de parti admissible resterait inchangé entre une élection générale et la clôture des candidatures à l'élection générale suivante, comme c'est le cas actuellement pour les partis enregistrés.

Un parti enregistré qui, à une élection générale ultérieure, ne présenterait que 1 à 49 candidats confirmés aurait de nouveau le statut de parti admissible et conserverait les droits et obligations d'un parti admissible, notamment les obligations en matière de déclaration.

Un parti enregistré ou admissible qui n'aurait pas réussi à présenter au moins un candidat confirmé avant la clôture des candidatures à une élection générale perdrait son statut de parti et deviendrait un tiers.

Pour éviter qu'une formation perde son statut de parti à cause de circonstances temporaires, tout parti qui aurait perdu son statut de parti admissible faute d'avoir présenté le nombre requis de candidats à une élection générale pourrait conserver son nom en informant le directeur général des élections de son intention de présenter au moins un candidat à la prochaine élection générale. Cela éviterait le dédoublement d'efforts qui surviendrait si le parti devait repartir à neuf et fournir au directeur général des élections une preuve suffisante de son statut de parti. Si, à l'élection générale suivante, il ne réussissait pas à présenter le nombre requis de candidats, il perdrait son statut de parti. Pendant cette période, le parti devrait demeurer assujetti à ses obligations de déclaration.

La catégorie des partis « suspendus » serait éliminée de façon à simplifier la Loi.

Le parti politique qui désire cesser d'être traité comme un parti en vertu de la Loi pourrait renoncer à ce statut. Il aurait alors à présenter un rapport final.

L'annexe 2 illustre l'application de ces recommandations.

2.2.2 La distribution des listes électorales

La liste électorale, en plus d'être nécessaire à la gestion du processus de vote, constitue un important outil de planification et de campagne. C'est pourquoi la Loi confère aux partis et aux candidats des droits restreints d'accès à ces listes. L'article 94 stipule qu'à une élection, le directeur du scrutin fait parvenir la liste préliminaire à chacun des candidats de la circonscription qui en fait la demande. Hors de la période électorale, l'article 45 ordonne au directeur général des élections d'envoyer chaque année au député de chaque circonscription et, sur demande, à chaque parti enregistré qui y a soutenu un candidat à la dernière élection, la liste électorale de la circonscription sous forme électronique (tirée du Registre national des électeurs). En outre, en vertu de l'article 109, le directeur général des élections doit, après le jour du scrutin, envoyer la liste électorale définitive de chaque circonscription à chaque parti enregistré ayant soutenu un candidat dans la circonscription et au député élu dans la circonscription41.

La réception d'une liste électorale implique l'obligation de l'utiliser de manière responsable et de protéger la vie privée des électeurs. L'article 110 limite l'utilisation que les partis, les députés et les candidats peuvent faire des listes qu'ils reçoivent. (En règle générale, ils peuvent les utiliser uniquement pour communiquer avec les électeurs, y compris pour solliciter des contributions. Le degré d'utilisation des listes à des fins de communication varie, selon qu'il s'agit d'un parti enregistré, d'un député ou d'un candidat.) L'article 111 interdit à quiconque d'utiliser sciemment un renseignement personnel figurant sur une liste électorale à une fin autre que la communication des partis enregistrés, des députés ou des candidats avec des électeurs telle qu'elle est prévue à l'article 110 ou lors d'une élection ou d'un référendum fédéral. Quiconque contrevient à ces restrictions commet une infraction (art. 487) et est passible, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, d'une amende maximale de 1 000 $ ou d'un emprisonnement maximal de trois mois, ou des deux peines réunies.

Les dispositions de l'article 45 (distribution annuelle des listes) et de l'article 109 (distribution des listes définitives après le jour du scrutin) sont inéquitables, du fait qu'elles ne permettent pas aux partis admissibles d'obtenir les listes et qu'elles en limitent la distribution uniquement aux partis ayant soutenu un candidat dans la circonscription à la dernière élection42.

En limitant la distribution des listes aux partis enregistrés ayant soutenu un candidat dans la circonscription à la dernière élection, il devient difficile pour les autres partis de percer dans des circonscriptions nouvellement créées ou dans des circonscriptions où ils n'ont pas encore soutenu de candidat. Dans les circonscriptions existantes, cela avantage les partis qui y sont déjà présents par rapport aux partis qui cherchent à y percer.

Les restrictions actuelles des articles 45 et 109 visaient sans doute à protéger la vie privée des électeurs en limitant la distribution inutile des listes. Toutefois, la distribution des listes aux partis admissibles et aux partis qui envisagent de percer dans des circonscriptions nouvellement créées fait partie intégrante d'une juste concurrence électorale.

Une plus large diffusion des listes pourrait susciter certaines préoccupations quant à la sécurité des renseignements personnels. Pour éviter toute diffusion inutile, dans le cas d'une circonscription où un parti n'aurait pas présenté de candidat à la dernière élection, la diffusion pourrait se faire sur demande, comme c'est le cas actuellement pour les partis enregistrés. Il faut aussi reconnaître que, si la distribution des listes est actuellement contrôlée, on ne peut guère considérer comme restreinte une diffusion qui s'étend aux partis enregistrés et aux candidats. La protection réelle des renseignements personnels réside dans les dispositions visant l'utilisation abusive des renseignements figurant sur les listes. Ces dispositions continueront de s'appliquer à la diffusion élargie. Tous les partis qui recevront les listes seront aussi guidés par les lignes directrices d'Élections Canada.

Recommandation : Les articles 45 et 109 devraient donner aux partis admissibles les mêmes droits qu'aux partis enregistrés en ce qui concerne l'accès aux listes électorales annuelles et définitives, et prévoir la distribution de la liste d'une circonscription à tous les partis enregistrés et admissibles qui en font la demande, qu'ils aient ou non présenté un candidat dans cette circonscription à l'élection précédente.