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Déclarations et discours

Allocution du directeur général des élections devant le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre Les langues autochtones sur les bulletins de vote

Le 29 mars 2022

Introduction

Merci, Madame la Présidente, de me donner l'occasion de m'adresser au Comité.

L'amélioration des services en langues autochtones est un élément important en vue d'offrir un processus électoral plus inclusif et de réduire les barrières auxquelles font face les électeurs autochtones. De manière plus fondamentale, je crois que cela fait partie de la réconciliation.

Bien que nous offrions déjà des produits d'information dans plusieurs langues autochtones, nous travaillons à améliorer nos processus et notre offre de services. Cela comprend la question des langues autochtones sur le bulletin de vote et sur une gamme de produits d'information qui peuvent être offerts dans les bureaux de vote.

Conception et production du bulletin fédéral actuel

Avant d'envisager d'apporter des modifications au bulletin fédéral, il est important de comprendre le contexte juridique et opérationnel actuel de la production du bulletin.

La conception et le contenu du bulletin sont prescrits de façon assez détaillée dans la Loi électorale du Canada. Le bulletin est d'ailleurs reproduit dans une des annexes de la Loi. Ces exigences concernent non seulement la langue, dont l'utilisation de l'alphabet latin et l'ordonnancement alphabétique des noms, mais aussi des caractéristiques physiques comme la souche et le talon, qui sont séparés par des lignes perforées. En raison de ces caractéristiques particulières, seul un nombre restreint de fournisseurs peuvent imprimer les bulletins actuels, qui doivent être imprimés et distribués selon un échéancier très serré.

Bien que les noms des candidats puissent figurer dans n'importe quelle langue qui utilise l'alphabet latin, les candidats doivent fournir une preuve d'identité lors de leur mise en candidature; c'est ce nom qui est inscrit sur le bulletin.

En ce qui concerne les parti politiques, c'est le parti qui choisit la langue dans laquelle son nom figure sur le bulletin. Rien n'oblige un parti à avoir un nom bilingue; actuellement, trois partis fédéraux ont un nom uniquement en français, et un parti a un nom uniquement en anglais. Ces noms ne sont pas traduits.

En vertu de la Loi, les bulletins doivent être imprimés pendant la courte période qui va de la clôture des candidatures, soit 21 jours avant l'élection, au premier jour du vote par anticipation, soit 10 jours avant le jour de l'élection. Dans les grandes circonscriptions et les circonscriptions éloignées, l'impression et la distribution des bulletins à temps pour le vote par anticipation représente déjà un défi important.

Autres options de bulletins et considérations de politique

Nous concevons quatre options différentes concernant l'utilisation des langues autochtones pour les bulletins de vote fédéraux. Chaque option soulève des questions particulières en matière de politiques, d'opérations et d'intégrité électorale qui doivent être prises en considération. Toutes ces options, sauf une, nécessitent des modifications législatives. À titre de référence, j'ai fourni un tableau qui examine les quatre options et les questions qu'elles soulèvent pour le Parlement.

Le bulletin multilingue

L'une de ces options serait d'offrir un bulletin multilingue, comprenant une (ou plusieurs) langues autochtones, dans des circonscriptions désignées.

Cela soulève d'abord une question importante quant au seuil de population autochtone requis dans une circonscription avant d'inclure une langue autochtone et, si un plafond sur le nombre de langues pour un bulletin est nécessaire.

Il a été suggéré que les électeurs autochtones qui représentent 1 % de la population d'une circonscription devraient avoir accès à un bulletin dans leur propre langue. En pratique, si l'on se fie à la langue maternelle des Canadiens autochtones, cela signifierait qu'il faudrait gérer des bulletins en 17 langues dans 27 circonscriptions, et ce, jusqu'à 5 langues autochtones dans certaines circonscriptions.

La présence de plus de deux langues sur des bulletins imprimés soulève d'importantes questions d'accessibilité et de design . Inscrire les noms des partis et des candidats en plusieurs langues risque de surcharger le texte et de rendre le bulletin difficile à comprendre pour certains électeurs, en particulier ceux qui ont une faible littératie ou un handicap intellectuel ainsi que ceux qui ont un handicap visuel. Il serait essentiel de procéder à des tests de conception du bulletin auprès de certaines communautés d'usagers avant d'adopter ce modèle dans une loi.

Un bulletin dans une langue autre que l'anglais et le français nécessite la translittération des noms des candidats et la traduction des noms des partis. Élections Canada n'est pas un expert en langues autochtones. Nous offrons des produits d'information en 16 langues autochtones et nous sommes conscients que, pour certaines de ces langues, les experts sont très peu nombreux et les délais de traduction sont considérables. Cette réalité a des conséquences importantes sur les délais de production et sur l'ensemble du calendrier électoral, dont il faudrait prolonger la durée.

Les États multilingues ont habituellement recours à d'autres solutions pour offrir à l'électeur un bulletin dans sa langue privilégiée, comme l'utilisation de machines de vote électronique, qui permettent de choisir la langue du bulletin. Parfois, les noms des partis sont remplacés par des logos ou des symboles sur les bulletins.

Un bulletin distinct dans une langue autochtone

Une autre option serait de modifier la Loi afin qu'il soit possible d'offrir un bulletin distinct, en langue autochtone, qui pourrait être utilisé par les électeurs autochtones.

Cette option réduirait la complexité des bulletins, mais présenterait des défis supplémentaires en ce qui concerne les délais de production et la distribution.

De plus, en supposant que les deux bulletins soient disponibles dans l'ensemble d'une circonscription donnée, la confidentialité du vote pourrait être menacée là où les membres d'une communautés linguistiques sont peu nombreux. L'utilisation d'un bulletin distinct par un nombre restreint d'électeurs dans une section de vote pourrait révéler les choix de vote de ces électeurs.

Je ne recommande pas l'utilisation de bulletins distincts.

Un bulletin flexible – le modèle du Nunavut

Une variante du bulletin multilingue consisterait à adopter une approche similaire à celle utilisée au Nunavut pour les élections territoriales, où les candidats qui le souhaitent peuvent inscrire leur nom en langue inuite sur le bulletin.

Une modification à la Loi permettrait aux candidats de fournir un nom dans une langue autochtone qui s'ajouterait à leur nom en anglais et en français sur le bulletin. Les partis fédéraux qui le souhaiteraient, pourraient également fournir des versions autochtones de leur nom à utiliser sur les bulletins dans les circonscriptions où ils le souhaitent. Cette approche serait alignée à l'approche actuelle selon laquelle les partis peuvent, mais ne sont pas tenus, d'avoir leur nom à la fois en français et en anglais.

Bien que cette option éliminerait la nécessité d'une traduction ou d'une translittération indépendante des informations se trouvant sur le bulletin, elle soulève d'autres questions. Les candidats doivent actuellement fournir une preuve documentaire de leur nom. Cette exigence serrait-elle maintenue pour les noms autochtones en plus des noms français ou anglais? Si ce n'est pas le cas, Élections Canada aurait-il la responsabilité de valider la translittération? De plus, qui déterminerait la version du nom d'un parti à utiliser dans une circonscription donnée?

Enfin, il est important de noter qu'avec ce modèle, les bulletins offerts aux électeurs autochtones ne comprendraient pas nécessairement tous les noms des candidats ou des partis dans leur langue.

Utilisation de fac-similés de bulletins de vote en langues autochtones

La dernière option, que je recommande, ne nécessiterait pas de modification législative : Élections Canada fournirait un fac-similé du bulletin dans une langue autochtone que les électeurs pourraient utiliser dans l'isoloir.

Pour la première fois, lors de l'élection générale de 2021, Élections Canada a fait l'expérience de l'utilisation d'un fac-similé de bulletin; dans tous les bureaux de vote du Nunavut, des reproductions en inuktitut du bulletin ont été affichés près des isoloirs. Malgré quelques défis de production, nous avons été en mesure de produire le fac similé juste à temps pour le vote par anticipation.

En consultation avec les communautés autochtones, j'aimerais mettre cette approche à l'essai dans d'autres circonscriptions et avec d'autres langues. Je prévois aussi accroître la disponibilité de produits d'information en langues autochtones dans les bureaux de vote afin de réduire les obstacles auxquels se heurtent les Canadiens autochtones et afin que leur expérience de vote reflète davantage leur identité.

Cela nous permettra de nous familiariser davantage avec les langues autochtones et accroître notre agilité quant à leur utilisation dans le processus de vote ailleurs qu'au Nunavut, qui est à ce jour, la seule juridiction au Canada ayant une expérience dans ce domaine. Nous serons en mesure de collaborer avec les candidats et les partis afin de mettre à l'essai les fac-similés, y compris les translittérations de noms de candidats et, le cas échéant, la traduction des noms de partis. Les délais des processus d'impression et de production pourront également être mis à l'essai.

Conclusion

Je comprends l'importance de cette question pour les Canadiens autochtones et je suis déterminé à continuer d'accroître l'utilisation des langues autochtones dans le processus électoral. Mais j'encourage également le Comité à examiner attentivement les complexités entourant l'utilisation de bulletins multilingues.

Je ne recommande pas de modification législative pour l'instant mais plutôt de poursuive et d'étendre l'utilisation de fac-similés dans d'autres langues autochtones. L'expérience acquise aidera Élections Canada et ce comité à avancer de façon éclairée dans ce dossier important.

Je vous remercie de votre invitation, et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.