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Déclarations et discours

Allocution du directeur général des élections

sur le projet de loi C-76

Loi modifiant la Loi électorale du Canada et d'autres lois et apportant des modifications corrélatives à d'autres textes législatifs

devant le

Comité plénier du Sénat

Le 6 novembre 2018

Le discours prononcé fait foi

Merci.

C'est un privilège pour moi d'être ici aujourd'hui pour parler du projet de loi C-76, qui prévoit une vaste réforme de la Loi électorale du Canada. Même si le projet de loi pourrait faire l'objet de certaines améliorations – dont je vous parlerai tout à l'heure –, il demeure somme toute une mesure législative importante et très positive.

Bon nombre des changements prévus dans le projet de loi C-76 avaient été proposés par Élections Canada à la suite de la dernière élection générale.

Moderniser le processus électoral

En tête de liste se trouve une série de modifications qui visent à accorder à Élections Canada une plus grande marge de manœuvre pour adapter et moderniser les processus aux bureaux de vote, tout en maintenant les procédures essentielles à la protection de l'intégrité du vote. Ces modifications nous aideront à rendre les processus plus efficaces, à réduire l'attente aux bureaux de vote et à améliorer les conditions de travail des préposés au scrutin.

Même si je n'aurai pas le temps, avant la prochaine élection générale, de tirer pleinement profit de la marge de manœuvre accordée par le projet de loi, je suis convaincu que les changements apportés seront bénéfiques pour les Canadiens, à long terme.

Un autre volet crucial de la modernisation touche les mécanismes de conformité et d'exécution de la loi, auxquels s'ajouteront un régime de sanctions administratives pécuniaires et le pouvoir du commissaire de contraindre des personnes à témoigner. Selon moi, ce sont des améliorations indispensables.

Des élections plus accessibles

Le projet de loi rendra également le processus électoral plus accessible. À cet égard, notamment, un certain nombre de mesures ont été prévues pour les électeurs handicapés. Par exemple, les partis politiques et les candidats ayant droit à un remboursement recevront désormais un montant additionnel s'ils offrent leurs communications électorales dans des formats accessibles.

Intégrité électorale et transparence

Le projet de loi comprend aussi un certain nombre de mesures pour répondre aux préoccupations émergentes concernant l'influence étrangère, la désinformation et les cybermenaces contre le processus électoral.

Par exemple, le projet de loi resserrait considérablement les règles applicables aux tiers. En effet, toutes les dépenses partisanes des tiers, et non plus seulement leurs dépenses de publicité électorale, seraient visées par les plafonds des dépenses et les restrictions relatives au financement. Le projet de loi renforcerait également les interdictions pour les tiers d'utiliser des fonds de l'étranger et d'agir de concert avec d'autres pour contrevenir aux règles, en plus de proscrire la vente d'espace publicitaire à des entités étrangères.

Le projet de loi C-76 apporterait un autre changement important en obligeant les plateformes de médias sociaux à créer et à publier un registre de publicités électorales et partisanes. Il s'agit d'un effort pour répondre aux préoccupations croissantes concernant l'utilisation des médias sociaux pour faire de la désinformation ou des campagnes manipulatrices ciblées.

La dernière disposition importante dont je souhaite parler est celle qui vise à établir, à compter du 30 juin d'une année d'élection à date fixe, une période préélectorale au cours de laquelle les dépenses des tiers et des partis politiques seraient réglementées. Le fait de limiter les dépenses des partis et des tiers au cours de cette période, et de les obliger à en rendre compte, contribuera à la transparence et à l'égalité des chances. Je suis heureux de constater que la période préélectorale réglementée est courte, ce qui atténue les limites à la liberté d'expression, de même que tout avantage que le parti au pouvoir pourrait autrement en retirer.

Même si je suis d'avis que le projet de loi C-76 représente, dans l'ensemble, une amélioration considérable de la Loi électorale du Canada, il est de mon devoir d'attirer votre attention sur ses lacunes, qui concernent la protection des renseignements personnels, les délits informatiques et le pouvoir du DGE d'exiger des reçus des partis politiques.

Protection des renseignements personnels

De concert avec le commissaire à la protection de la vie privée, j'ai recommandé de renforcer les dispositions du projet de loi portant sur la protection des renseignements personnels détenus par les partis politiques. À mon avis, les partis devraient être assujettis par la loi à des normes minimales et à un mécanisme adéquat de surveillance par le commissaire à la protection de la vie privée.

Je suis conscient de l'importance des renseignements des électeurs pour les campagnes politiques et du fait que les principes de protection des renseignements personnels devraient être adaptés aux réalités des partis. Toutefois, l'absence de normes n'est pas dans l'intérêt de la démocratie électorale, particulièrement la confiance des Canadiens.

Bien qu'il soit peut-être tard dans le cycle pour imposer des changements majeurs aux partis politiques dans ce domaine, j'inviterais le Parlement à en traiter à plus long terme. D'ici là, les partis ont la responsabilité d'adopter des politiques rigoureuses pour protéger les renseignements personnels des Canadiens.

Utilisation non autorisée d'un ordinateur

Le projet de loi C-76 prévoit une nouvelle infraction en cas d'utilisation non autorisée d'un ordinateur, en raison des inquiétudes soulevées par les actes de piratage informatique qui ont compromis le processus électoral dans d'autres pays.

Bien que j'appuie cette disposition, je constate qu'elle exige une preuve de l'intention du contrevenant de nuire aux systèmes informatiques et de son « intention d'influencer les résultats d'une élection ». Je crains que l'obligation de fournir de telles preuves restreigne grandement l'application de la nouvelle infraction. Les événements récents donnent à penser que de tels actes peuvent être commis dans l'intention de semer la méfiance et la confusion, voire de dissuader les électeurs de voter ou d'ébranler leur confiance dans le processus, mais pas nécessairement dans l'intention d'influencer les résultats. L'intention de nuire au fonctionnement d'un système informatique utilisé pour une élection devrait être suffisante pour constituer une infraction.

Reçus relatifs aux dépenses des partis politiques

Enfin, j'aimerais parler d'un nouvel amendement que je trouve regrettable. Cet amendement concerne les documents à l'appui des dépenses électorales des partis politiques. Contrairement aux candidats ou même aux tiers, les partis politiques ne sont pas tenus de présenter de pièces justificatives pour leurs dépenses, biens qu'ils aient droit à un remboursement.

C'est une anomalie de longue date que le projet de loi C-76 devait initialement corriger. Le projet de loi a été amendé de façon à permettre uniquement au commissaire de demander des reçus aux partis politiques lors d'une enquête. Cette mesure n'aidera malheureusement pas mon bureau dans l'exercice de ses fonctions de vérification administrative visant à assurer une saine gestion des millions de dollars en fonds publics qui sont versés aux partis après les élections générales.

Conclusion

Malgré quelques lacunes, le projet de loi C-76 demeure, dans l'ensemble, un projet de réforme essentiel, et j'espère qu'il sera adopté bientôt.

Comme le cycle électoral est déjà bien avancé, le temps presse car nous devons nous préparer pour la prochaine élection générale. Le projet de loi nous obligera à modifier 20 de nos systèmes informatiques. Il nous obligera aussi à modifier le matériel de formation et les manuels des travailleurs électoraux, de même que les manuels sur le financement politique mis à la disposition des entités politiques. Ce n'est pas une mince affaire, d'autant plus qu'il est fort risqué d'apporter des changements de dernière minute à des systèmes informatiques complexes si nous n'avons pas le temps de les tester rigoureusement.

C'est pourquoi nous avons dû commencer dès cet automne à préparer la mise en œuvre du projet de loi, tout en sachant que son contenu pourrait encore évoluer. Pour le moment, nous prévoyons effectuer les derniers essais intégrés de tous nos systèmes informatiques, y compris les systèmes modifiés en fonction du projet de loi, en janvier 2019. Cela nous permettrait ensuite de procéder au mois de mars à une simulation en région dans une dizaine de circonscriptions à travers le pays et laisserait du temps pour faire des ajustements, le cas échéant. Je vous prie de garder ces dates à l'esprit pendant l'étude de cet important projet de loi.