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Explication du taux de participation des Autochtones aux élections fédérales : coup d'œil sur l'Alberta, la Saskatchewan et le Manitoba

Introduction

La participation politique généralisée et inclusive est une valeur centrale pour les démocrates libérauxnote 1. Par conséquent, la récente baisse – certains parleront d'effondrement – du taux de participation des Canadiens aux élections nationales a généré de nombreux commentairesnote 2. C'est dans ce contexte que s'inscrit le dossier de la participation des peuples autochtones, un groupe qui, selon la croyance populaire, participe beaucoup moins aux élections que les autres groupes d'électeursnote 3. Le faible taux de participation de ce groupe n'est pas un phénomène récent, mais une constante. Malgré tout, contrairement à celle de l'électorat canadien général, la participation des Canadiens d'origine autochtone a rarement été étudiée, et a encore moins constitué le thème central d'une enquête empirique continue.

La présente étude vise à combler cette lacune. Elle est fondée sur des données tirées de l'enquête Equality, Security and Community (ESC), qui comprend à la fois une étude d'un échantillon de la population générale et un échantillon de personnes qui se sont identifiées comme des Autochtones habitant en Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba. Ces données nous ont permis d'éclairer la nature et l'origine de la participation des peuples autochtones. Elles nous ont également permis d'aborder la question des différences structurelles de participation politique existant entre les populations autochtones et non autochtones du Canada.

Notre étude a été dictée par des interprétations très contrastées de la participation politique des Autochtones fondées, d'une part, sur la recherche courante liée au comportement politique et, d'autre part, sur la documentation générale concernant la politique autochtone. L'interprétation du comportement politique présume que les peuples autochtones sont, en somme, comme les autres Canadiens, au moins concernant les déterminants de leur participation politique. Ce qui diffère, c'est le niveau des diverses ressources dont les peuples autochtones disposent (tel le statut socioéconomique) favorisant la participation aux élections. De ce point de vue, la conclusion logique est, bien sûr, que si les Autochtones et les non-Autochtones jouissaient des mêmes « ressources politiques », les Autochtones afficheraient le même taux de participation aux élections que les autres Canadiens. Par contre, l'interprétation de la politique autochtone attire notre attention sur des facteurs et des circonstances affectant les peuples autochtones qui pourraient expliquer leur taux de participation inférieur, telles les relations diverses et souvent litigieuses qu'ils entretiennent avec l'État canadien, ainsi que le rôle de la participation à des organismes autochtones. Donc, de ce point de vue, même si les Autochtones disposaient des mêmes ressources politiques que les non-Autochtones, leur taux de participation continuerait à accuser un écart significatif.

Au bout du compte, les résultats de notre étude appuient ces deux interprétations. Les ressources qui sont importantes pour la participation des non-Autochtones le sont également pour celle des Autochtones, mais de façon moins considérable. Par contre, de nombreuses questions sur le comportement politique sont restées sans réponse; en effet, même en tenant compte des différences constantes dans les ressources dont les Autochtones et les non-Autochtones disposent, nous avons constaté que leurs taux de participation demeuraient considérablement différents. À cet égard, l'interprétation de la politique autochtone est révélatrice. Entre autres choses, les expériences différentes des peuples autochtones (telles que répertoriées selon le groupe linguistique et l'appartenance à une bande) sembleraient définir des tendances diverses en matière de participation politique. De façon similaire, l'implication dans des organismes autochtones a une incidence importante sur la participation et, contrairement aux arguments avancés dans certains documents, est de nature positive. Enfin, au moins chez les jeunes Autochtones, les attitudes et les perceptions relatives aux relations entre les Autochtones et l'État canadien semblent également constituer d'importants facteurs de mobilisation politique.