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Pourquoi la participation décline aux élections fédérales canadiennes : un nouveau sondage des non-votants


3. Les corrélats de l'abstention

Pour commencer notre examen des corrélations de l'abstention, nous regrouperons divers prédicteurs possibles, dont bon nombre ont été définis dans notre rapport précédent. Nous intégrerons à nos équations de régression plusieurs caractéristiques socio-démographiques des répondants.

  • 1. Leur âge, mesuré par leur année de naissance.
  • 2. Leur niveau de scolarité, mesuré par la formation scolaire accomplie.
  • 3. Leur revenu, mesuré par le revenu familial total.
  • 4. Leur sexe.
  • 5. Leur lieu de naissance, au Canada ou ailleurs.
  • 6. Leur mobilité, mesurée par leur durée de résidence dans leur quartier ou leur collectivité actuelle.

Nous supposons que la plupart de ces facteurs socio-démographiques ont un lien avec l'abstention. Notre hypothèse est que les jeunes, ainsi que les personnes moins instruites et moins aisées, voteraient moins dans toute élection. Nous nous attendons aussi à ce que les individus nés à l'étranger soient moins familiers avec la politique canadienne et moins susceptibles de voter; de même, ceux qui sont géographiquement mobiles seraient moins portés à voter, car ils peuvent être moins familiers avec la situation politique de la région où ils viennent de s'établir. Nous n'avons aucune hypothèse sur les différences entre les sexes, mais nous les incluons car elles peuvent être intéressantes à examiner.

Nous prêterons particulièrement attention à la variable de l'âge. Nous savons, bien sûr, que l'âge est une variable de l'abstention, et l'a toujours été : les jeunes votent moins que leurs aînés. Si nous voulons expliquer pourquoi certaines personnes votent et d'autres pas, à une élection donnée, l'âge sera un « prédicteur » important. Mais nous voulons aussi étudier l'âge sous un autre aspect, celui de la cohorte (groupe d'âge). Le groupe d'âge le plus jeune  – moins de 25 ans, dont beaucoup de nouveaux électeurs  –  affiche un taux d'abstention particulièrement élevé depuis quelques élections. Le présent rapport analyse les cohortes d'âge en détail.

Ces cohortes sont formées en regroupant les âges selon l'année de naissance (tableau 13), ce qui permet d'examiner des tendances propres à des élections ou à des ères politiques. L'élection ou les élections lors desquelles un groupe est devenu admissible à voter est indiquée dans la colonne « première admissibilité ». Les répondants nés entre 1971 et 1975, par exemple, étaient âgés entre 25 et 29 ans à l'élection fédérale de 2000 et auraient acquis le droit de vote en 1993. Le nombre de répondants pour toute l'étude (y compris l'entrevue préliminaire) qui se retrouvent dans chaque groupe est indiqué dans la colonne « N », et le nombre de non-votants confirmés figure dans la colonne « NV ».



Tableau 13  Répartition des répondants par cohorte d'âge


Âge en 2000 Année de naissance Première admissibilité Premier ministre N NV
18 à 20
1980 à 1982
2000
Chrétien
282
148
21 à 24
1976 à 1979
1997
Chrétien
460
207
25 à 29
1971 à 1975
1993
Chrétien
512
177
30 à 37
1963 à 1970
1984/1988
Mulroney
1 023
224
38 à 47
1953 à 1962
1974 – 1980
Trudeau
1 099
161
48 à 57
1943 à 1952
1968/1972
Trudeau
926
85
58 à 67
1933 à 1942
1957 – 1963
Diefenbaker/Pearson
638
49
68+
Avant 1933
1953
King/Saint-Laurent
587
35
 
5 527
1 086


Nous utiliserons davantage les cohortes d'âge plus loin, mais nous présentons ici le portrait de base des votants et des non votants (tableau 14). Ce tableau utilise l'ensemble de l'étude, y compris les entrevues préliminaires, étant donné que « l'âge » et « le vote » étaient deux des rares questions posées à toutes les personnes contactées. L'échantillon global étant surreprésentatif des votants de 2000, nous avons pondéré le tableau 14 pour obtenir la juste proportion de votants et des non-votants à cette élection6.



Tableau 14  Vote et abstention en 2000, par cohorte d'âge


Voté en 2000 Âge en 2000
68+ 58 – 67 48 – 57 38 – 47 30 – 37 25 – 29 21 – 24 18 – 20 Total %
Oui
83,3
80,4
76,4
66,2
54,2
38,2
27,5
22,4
61,3
Non
16,7
19,6
23,6
33,8
45,8
61,8
72,5
77,6
38,7
N = 2 467
V = 0,392 p<0,000


Les différences de participation entre les cohortes d'âge sont frappantes. L'abstention augmente de façon constante à mesure que les cohortes deviennent plus jeunes. On constate même une légère différence dans les taux de certaines cohortes plus âgées : les électeurs qui sont devenus admissibles à voter au début de la période Trudeau (âgés de 48 à 57 ans en 2000) ont moins voté que ceux qui sont devenus admissibles plus tard. Ceux qui ont acquis le droit de vote plus tard dans la période Trudeau (âgés de 38 à 47 ans) ont voté en 2000 à un taux inférieur aux deux tiers. Les électeurs devenus admissibles durant la période Mulroney (âgés de 30 à 37 ans en 2000) n'ont voté qu'à 54,2 %. À partir de ce point, le taux glisse bien en dessous de la moitié : la cohorte de 1993 a voté à 38,2 %, celle de 1997 à 27,5 % et la cohorte des nouveaux électeurs de 2000 à seulement 22,4 %.


La pondération a été établie en pondérant chacun des non-votants de l'échantillon à 1, et en corrigeant le suréchantillon de votants en pondérant chacun de ces votants à 0,34, simulant ainsi un échantillon de 2 467 avec un taux de participation de 61,3 %, le taux réel de participation en 2000.


Ainsi, l'entrée de cohortes de nouveaux votants fortement abstentionnistes a joué un rôle majeur dans le déclin de la participation aux trois dernières élections. Le tableau 14 montre que cette baisse associée aux groupes d'âge subséquents n'est pas un phénomène nouveau, mais remonte à la période de ceux qui sont devenus électeurs dans les années 1970, sinon avant. Les effets du cycle de vie, qui augmentent les taux de participation des cohortes à mesure qu'elles vieillissent, n'ont pas fait monter les cohortes Trudeau et Mulroney au niveau des générations King, Saint-Laurent, Diefenbaker et Pearson. Les perspectives sont encore pires pour la génération Chrétien, entrée dans l'électorat de 1993 à 2000, puisque ces électeurs commencent à des niveaux de participation plus bas. Si les effets du cycle de vie sur les jeunes citoyens continuent de faiblir, les taux de participation continueront vraisemblablement de diminuer.

Un autre facteur potentiellement important est celui de la région. La participation à l'élection de 2000 en Ontario n'a été que de 58 % (Résultats de l'élection de 2000, site Web d'Élections Canada, tableau 4). Terre-Neuve (57,1 %) et les Territoires du Nord-Ouest (52,2 %) étaient bien en dessous de la moyenne (61,2 %*) et l'Alberta (60,2 %) se situaient légèrement sous la moyenne. Toutefois, une première analyse des facteurs importants en fonction de la province ne révèle pas d'écarts importants entre l'Ontario  –  la région où le nombre de répondants est suffisant pour assurer des résultats fiables  –  et les résultats nationaux.


Le taux de participation de 61,2 % de 2000 a été rajusté pour un taux définitif de 64,1 % après notre mise à jour habituelle du Registre national des électeurs pour en retirer les noms des électeurs décédés et les doublons provenant des déménagements. Le directeur général des élections du Canada a expliqué le rajustement lors de sa comparution du 6 octobre 2003 devant le Sous-comité de la révision des limites des circonscriptions électorales et lors de sa comparution du 5 mars 2004 sur le budget principal des dépenses 2004, devant le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre.


Tableau 15Analyse factorielle des variables liées à l'intérêt, au sens du devoir civique et à la compétition entre partis


  1 2 3
De manière générale, quel est votre intérêt pour la politique?
0,768
0,262
-0,05
Si vous pensez à l'élection fédérale de 2000 à l'échelle nationale, jusqu'à quel point avez-vous trouvé les partis politiques compétitifs?
0,004
0,09
0,861
Et pour l'élection fédérale de 2000 dans votre circonscription  –  jusqu'à quel point avez-vous trouvé les partis compétitifs?
0,02
0,178
0,840
À l'élection fédérale de 2000, quelles étaient les chances pour que votre vote fasse une différence à l'échelle du pays?
-0,008
0,857
0,170
Quelles étaient les chances pour que votre vote fasse une différence au niveau de votre circonscription?
0,135
0,845
0,157
Selon vous, à quel point est-il important que les gens votent?
0,506
0,457
-0,005
Lorsque vous étiez enfant, combien souvent votre famille discutait-elle de politique et d'actualité?
0,717
-0,08
0,03
Et à présent, combien souvent discutez-vous de politique et d'actualité avec votre famille ou vos amis?
0,813
0,04
0,03
Note : éléments principaux; rotation Varimax
Facteur 1 : Intérêt, discussion, devoir civique
Facteur 2 : Utilité du vote, devoir civique
Facteur 3 : Partis compétitifs


Notre deuxième catégorie de prédicteurs sera tirée de deux analyses factorielles, présentées aux tableaux 15 et 16. Comme nous l'avons expliqué, l'analyse factorielle explore les corrélations entre tous les éléments d'un groupe de variables, et identifie tout point commun, ou facteur, sous-jacent. Les « saturations de facteurs » (corrélations des variables individuelles avec les facteurs sous-jacents) figurent aux tableaux 15 et 16, et les « cotes de facteurs » seront utilisées ultérieurement dans les analyses de régression.

Le tableau 15 présente une analyse factorielle de variables comprenant l'intérêt pour la politique. Nous employons cette technique pour déterminer quelles variables saturent le même facteur que l'intérêt pour la politique, afin d'utiliser un facteur plus complexe pour prédire le vote. En soi, l'intérêt pour la politique suscite autant de questions que de réponses, comme nous l'avons noté. Nous avons inclus dans l'analyse factorielle une mesure du « sens du devoir civique »  –  l'importance perçue de voter aux élections. Nous avons aussi inclus deux variables de « discussion politique », une mesurant la socialisation, à savoir si les gens discutaient de politique avec leurs parents lorsqu'ils étaient enfants, et une mesurant la fréquence actuelle de leurs discussions politiques avec d'autres. Nous examinons aussi l'incidence de la compétitivité perçue, en présumant que si les gens ont l'impression que leur vote a de l'importance, ils sont plus susceptibles de voter, et que si les partis politiques dans l'ensemble du pays et dans la circonscription du répondant sont vus comme plus compétitifs, le vote semblera aussi avoir plus d'importance et la participation sera plus élevée. Toutes ces hypothèses s'appuient sur l'approche du choix rationnel, selon laquelle les gens sont plus portés à participer à une activité plutôt qu'à une autre lorsqu'il y va de leur intérêt personnel.

Le groupe de variables décrit dans le paragraphe précédent génère trois facteurs. Le premier regroupe l'intérêt pour la politique avec le sens du devoir civique et les discussions politiques, celles de l'enfance et celles d'aujourd'hui avec parents et amis. Nous pourrions désigner ce facteur sous le nom de « citoyen engagé ». Le deuxième facteur comprend aussi la variable du devoir civique, mais la regroupe avec les deux questions demandant aux répondants s'ils avaient l'impression que leur vote avait de l'importance, à l'échelle du pays ou dans leur circonscription. Ces deux dernières variables saturent beaucoup plus ce facteur, de sorte que nous pouvons désigner ce dernier comme « vote qui compte », où les gens sont plus enclins à agir lorsque leur vote peut peser dans la balance ou lorsqu'il est important pour le pays que les citoyens participent aux élections. Ce facteur peut être considéré comme conforme aux théories du choix rationnel, en ce sens qu'il sera dans l'intérêt de l'électeur de voter là où son suffrage pourrait peser dans la balance, ou « compter davantage » étant donné que cela donnerait plus de valeur au choix de cette action par opposition à une autre. Le troisième facteur du tableau 15 regroupe les deux variables qui demandent au répondant d'évaluer le niveau de compétitivité des partis à l'échelle du pays et dans leur circonscription. Ce facteur cadre aussi avec l'approche du choix rationnel, et nous pouvons l'appeler « compétition entre partis ». Il est intéressant de noter que ce facteur est distinct de celui axé sur les questions concernant l'utilité perçue du vote. Le fait que le devoir civique se rattache au deuxième facteur et non au troisième implique que d'autres motifs que la compétition entre partis sont en cause lorsque les gens ont à déterminer si leur vote pourrait compter ou non7.


Le fait que la variable devoir civique (mesurée par la question « Dans quelle mesure est-il important de voter aux élections? ») se rattache à deux facteurs permet de la retirer de l'analyse factorielle et de la traiter isolément. Lorsqu'on procède ainsi, la structure factorielle de l'analyse du tableau 15 demeure identique. Toutefois, lorsque nous utilisons la variable du devoir civique comme prédicteur du vote en 2000 (tableau 17) avec des cotes de facteurs recalculées et tous les autres prédicteurs, il devient le prédicteur le plus puissant du vote en 2000. Selon nous, il serait imprudent de s'appuyer uniquement sur l'indicateur du devoir civique comme prédicateur indépendant du vote, de la même façon que nous ne voulons pas utiliser l'intérêt pour la politique de façon indépendante, parce que, pris isolément, sa valeur explicative semble douteuse. Affirmer que les gens font des choses parce qu'ils sont intéressés à les faire n'est pas très éclairant. De même, affirmer qu'ils votent à une élection particulière parce qu'ils jugent important de voter aux élections ne constitue pas une explication très utile. Quand on intègre ces variables avec d'autres dans les cotes de facteurs, l'effet de ces facteurs peut être démontré sans dominer l'analyse.


Tableau 16 Analyse factorielle des variables liées à l'efficacité, à la confiance et au soutien des partis


  1 2 3
En général, les élus au Parlement perdent contact avec les citoyens
0,648
-0,134
-0,009
Les élus au Parlement reflètent la diversité de la société canadienne
-0,06 
0,694
0,106
Les gens comme moi n'ont pas leur mot à dire à propos des actions du gouvernement
0,652
0,04
-0,148
Parfois, la politique et le gouvernement semblent si compliqués qu'une personne comme moi ne peut pas vraiment comprendre ce qui se passe
0,369
0,578
-0,302
Je ne crois pas que le gouvernement se préoccupe beaucoup de ce que les gens comme moi pensent
0,695
-0,133
-0,07
La plupart du temps, nous pouvons avoir confiance que les gens du gouvernement feront ce qui est juste
-0,338
0,629
0,192
Tous les partis politiques se ressemblent : il n'y a pas vraiment de choix
0,584
-0,01
-0,272
Les partis politiques sont la meilleure façon de représenter les intérêts des citoyens
-0,221
0,385
0,519
Les partis politiques embrouillent les enjeux plutôt que de fournir des choix clairs
0,680
-0,05 
-0,160
Les partis politiques fournissent de bons plans à propos de nouvelles politiques
-0,230
0,445
0,411
Au cours d'une campagne électorale, les partis politiques et les candidats parlent des problèmes auxquels les électeurs s'intéressent
0,08
0,01
0,811
Les partis politiques sont trop influencés par les gens qui ont beaucoup d'argent
0,639
-0,155
-0,004
Trop de partis politiques représentent une petite partie du pays au lieu du pays dans son entier
0,540
-0,04 
0,137
Note : éléments principaux; rotation Varimax
Facteur 1: Inefficacité, cynisme, négativisme envers les partis
Facteur 2 : Confiance, représenté
Facteur 3 : Soutien des partis



Le tableau 16 présente la deuxième analyse factorielle. Nous y avons inclus des variables mesurant le concept de l'efficacité politique, le sentiment qu'on peut comprendre et influencer éventuellement le processus politique. Nous y avons aussi intégré des mesures de confiance, dans les politiciens et dans le système politique en général. Enfin, nous avons inclus une série de mesures d'attitudes à l'égard des partis, principaux agents de représentation politique. Un certain nombre de ces variables mesurent le degré de sentiments positifs ou négatifs que les gens ont à l'égard des partis, comme représenter les régions ou le pays dans son ensemble, brouiller ou éclaircir les enjeux, et être influencés par « les gens qui ont beaucoup d'argent ».

La présente analyse génère trois facteurs (tableau 15). Le premier est celui que nous désignerons « inefficacité, cynisme, négativisme envers les partis ». Les questions qui saturent fortement ce facteur comprennent des questions classiques sur la « faible efficacité politique » comme « Les élus au Parlement perdent contact avec les citoyens », « Les gens comme moi n'ont pas leur mot à dire à propos des actions du gouvernement » et « Je ne crois pas que le gouvernement se préoccupe beaucoup de ce que les gens comme moi pensent ». Les variables liées aux partis et qui se rattachent aussi à ce facteur correspondent aux déclarations selon lesquelles les partis sont tous pareils, embrouillent les enjeux, représentent une partie du pays au lieu de l'ensemble et sont trop influencés par des gens qui ont de l'argent. Le deuxième facteur reflète la « confiance politique » et comprend des éléments comme « La plupart du temps, nous pouvons avoir confiance que les gens du gouvernement feront ce qui est juste » et « Les élus au Parlement reflètent la diversité de la société canadienne ». Le troisième facteur regroupe deux des questions liées au « soutien des partis » : « Les partis politiques sont la meilleure façon de représenter les intérêts des citoyens » et « Au cours d'une campagne électorale, les partis politiques et les candidats parlent des problèmes auxquels les électeurs s'intéressent ».

Les deux analyses factorielles des tableaux 15 et 16 ont généré six facteurs, et les cotes des répondants sur ces facteurs seront inscrites comme prédicteurs additionnels dans les régressions à suivre, avec les prédicteurs socio-démographiques déjà énumérés. Ce sont :

Nous inclurons aussi dans les régressions une mesure administrative, demandée aux votants et aux non-votants. Nous l'inclurons dans toutes les régressions sauf pour 1993, car les problèmes administratifs de 2000 peuvent être une indication de problèmes antérieurs. Ainsi, le Registre national des électeurs utilisé à l'élection de 2000 est basé sur la liste électorale de 1997 dressée à partir d'un recensement porte-à-porte. L'électeur non inscrit en 1997 serait sur la liste de 2000 seulement s'il s'était inscrit de sa propre initiative.

Pour l'élection de 2000 seulement, nous utiliserons une autre variable, à savoir si le répondant a été contacté par les partis ou les candidats.

Dans les quatre prochaines régressions, trois des variables dépendantes, les votes aux élections de 2000, 1997 et 1993, sont nominales, c'est-à-dire basées sur deux catégories : a voté ou n'a pas voté. Certains analystes refusent d'utiliser la régression de la méthode des moindres carrés pour les variables dépendantes nominales, et d'autres techniques ont été élaborées pour ces cas, comme la régression logistique et la régression probit. Nous préférons utiliser les régressions de la méthode des moindres carrés, parce que cette technique est la plus facile à interpréter, mais nous avons d'abord utilisé les régressions logistiques de confirmation pour les prédicteurs du vote en 2000, 1997 et 1993. Ces résultats montrent que les mêmes variables sont des prédicteurs aussi importants et statistiquement significatifs que ceux figurant aux tableaux 17, 18 et 19. Le tableau 20 comporte une variable dépendante ordinale et l'utilisation de la régression de la méthode des moindres carrés avec ce type de variables est couramment admise.




Tableau 17  Prédicteurs de vote/abstention en 2000 (Régression multiple)


  Coefficients non standardisés Coefficients standardisés
  B   Erreur-type Bêta
1. Quelle est votre année de naissance?
-0,008
0,001
-0,271*
2. Quelle est le plus haut niveau de formation académique que vous ayez terminé?
-0,02
0,005
-0,090*
3. Revenu familial total pour 2001
0,01
0,04
0,062*
4. Sexe
-0,008
0,019
-0,009
5. Êtes-vous né au Canada ou ailleurs?
-0,05
0,028
-0,038
6. Durée de résidence
0,02
0,007
-0,082*
7. Intérêt, discussion, devoir civique?
-0,108
0,012
-0,172*
8. Importance du vote, devoir civique?
-0,123
0,012
-0,197*
9. Compétitivité des partis?
0,002
0,012
0,004
10. Inefficacité/cynisme/négativisme envers les partis?
0,02
0,012
0,040
11. Confiance, représenté?
-0,03
0,012
-0,055*
12. Soutien des partis†
-0,003
0,012
0,005
13. Inscrit sur la liste
-0,217
0,026
-0,168*
14. Contacté par les partis ou les candidats en 2000
-0,104
0,020
-0,097*
? = cotes de facteurs
* = statistiquement significatif p<0,01
données manquantes = données de substitution moyenne
R2 = 0,320
N = 2 047




Tableau 18  Prédicteurs de vote/abstention en 1997 (Régression multiple)


  Coefficients non standardisés Coefficients standardisés
  B   Erreur-type Bêta
1. Quelle est votre année de naissance?
-0,007
0,001
-0,245*
2. Quelle est le plus haut niveau de formation académique que vous ayez terminé?
0,006
0,005
0,027
3. Revenu familial total pour 2001
0,01
0,004
0,080*
4. Sexe
0,03
0,018
0,041
5. Êtes-vous né au Canada ou ailleurs?
-0,06
0,027
-0,047
6. Durée de résidence
0,01
0,007
0,065*
7. Intérêt, discussion, devoir civique?
-0,132
0,012
-0,236*
8. Importance du vote, devoir civique?
-0,07
0,011
-0,135*
9. Inefficacité/cynisme/négativisme envers les partis?
0,02
0,011
0,032
10. Confiance, représenté?
-0,02
0,011
-0,029
11. Soutien des partis?
-0,02
0,011
-0,036
12. Inscrit sur la liste
-0,227
0,026
-0,186*
? = cotes de facteurs
* = statistiquement significatif p<0,01
données manquantes = données de substitution moyenne
R2 = 0,280
N = 1 844




Tableau 19  Prédicteurs de vote/abstention en 1993 (Régression multiple)


  Coefficients non standardisés Coefficients standardisés
  B   Erreur-type Bêta
1. Quelle est votre année de naissance?
-0,008
0,001
-0,295*
2. Quelle est le plus haut niveau de formation académique que vous ayez terminé?
0,02
0,005
0,086*
3. Revenu familial total pour 2001
0,02
0,004
0,105*
4. Sexe
0,00
0,018
0,000
5. Êtes-vous né au Canada ou ailleurs?
-0,146
0,027
-0,120*
6. Durée de résidence
0,02
0,007
0,080*
7. Intérêt, discussion, devoir civique?
-0,109
0,012
-0,217*
8. Importance du vote, devoir civique?
-0,06
0,011
-0,135*
9. Inefficacité/cynisme/négativisme envers les partis?
-0,008
0,011
-0,016
10. Confiance, représenté?
-0,002
0,011
0,003
11. Soutien des partis?
-0,02
0,011
-0,045
? = cotes de facteurs
* = statistiquement significatif p<0,01
données manquantes = données de substitution moyenne
R2 = 0,228
N = 1 588




Tableau 20 Prédicteurs de la fréquence de vote aux élections de 1993, 1997 et 2000 (Régression multiple)


  Coefficients non standardisés Coefficients standardisés
  B   Erreur-type Bêta
1. Quelle est votre année de naissance?
-0,03
0,002
-0,396*
2. Quelle est le plus haut niveau de formation académique que vous ayez terminé?
0,04
0,013
0,066*
3. Revenu familial total pour 2001
0,05
0,011
0,105*
4. Sexe
0,003
0,044
-0,001
5. Êtes-vous né au Canada ou ailleurs?
-0,308
0,070
-0,081*
6. Durée de résidence
0,04
0,017
0,044*
7. Intérêt, discussion, devoir civique?
-0,328
0,027
-0,239*
8. Importance du vote, devoir civique?
-0,253
0,026
-0,184*
9. Compétitivité des partis?
0,02
0,026
0,020
10. Inefficacité/cynisme/négativisme envers les partis?
0,02
0,026
0,022
11. Confiance, représenté?
-0,05
0,026
-0,037
12. Soutien des partis†
-0,05
0,026
-0,034
13. Inscrit sur la liste
-0,774
0,065
-0,230*
? = cotes de facteurs
* = statistiquement significatif p<0,01
données manquantes = données de substitution moyenne
R2 = 0,489
N = 1 600


La série de régressions des tableaux 17 à 20 utilise les prédicteurs de vote/abstention que nous avons élaboré ci-dessus, aux élections fédérales de 2000, 1997 et 1993 ainsi qu'un indice composite de la fréquence de vote des répondants aux trois élections. Les catégories de cette variable de la fréquence de vote varient de 3, pour les personnes ayant voté aux trois élections, à 0 pour celles qui n'ont voté à aucune d'elles. Seulement les répondants admissibles à voter aux trois élections ont été inclus.

On constate de nombreuses similitudes entre les résultats des quatre analyses de régression, ce qui nous permet de déterminer les facteurs d'abstention les plus importants des récentes années. Dans les quatre cas, l'âge ressort comme le premier prédicteur de vote/abstention. Tel que mesuré par la variable Bêta, qui normalise les coefficients de régression mesurant le changement dans la variable dépendante produit par une unité de changement dans la variable indépendante, l'âge s'avère habituellement un coefficient sensiblement plus grand que le deuxième coefficient en importance. Dans le tableau 20, où la variable dépendante est la fréquence du vote aux trois dernières élections fédérales, son coefficient Bêta est de -0,396, alors que le coefficient du facteur suivant, les attitudes d'intérêt, de discussions et de devoir civique, est de -0,239. (Les signes négatifs sont simplement le résultat de l'orientation du codage des variables. L'âge est mesuré selon l'année de naissance, qui va de bas à haut. La fréquence de vote varie de 0 à 3. Le signe négatif du coefficient signifie donc que les personnes plus jeunes  –  donc nées plus tard  – sont moins susceptibles d'avoir voté.)

Les deux facteurs se rattachant au sens du devoir civique ont des liens importants avec la participation électorale. Le facteur nº 7 « Intérêt, discussion, devoir civique » est au deuxième rang pour prédire la fréquence de vote, et au troisième en 2000. L'autre facteur relié (nº 8), « Importance du vote, devoir civique », occupe la quatrième place comme prédicteur, la deuxième en 2000 et la quatrième en 1997 et 1993. Les autres facteurs attitudinaux tirés des analyses factorielles (nos 9 à 12) ne sont pas statistiquement significatifs, sauf le facteur confiance en 2000, qui s'avère un faible prédicteur.

Un autre facteur prédictif d'importance, à savoir le fait d'être sur la liste électorale en 2000, mesure les effets administratifs. Ce facteur s'avère le quatrième en importance dans l'explication de la participation en 2000, mais semble aussi mesurer des effets qui étaient importants aux élections précédentes. Ce facteur est en fait le deuxième prédicteur de l'abstention en 1997, ainsi que le troisième dans la prédiction de la fréquence de vote aux trois élections. Bien qu'il puisse sembler bizarre que la non-inscription en 2000 soit un facteur important pour expliquer l'abstention aux élections antérieures, on doit se rappeler que la liste de 2000 a été dressée à partir du recensement de 1997. Cette variable ramène donc les difficultés administratives d'une période précédente et porte à croire que les mêmes personnes en subissent peut-être les conséquences de façon continue.

D'autres facteurs atteignent le seuil de signification statistique aux tableaux 17 à 20. Parmi les variables socio-démographiques, un revenu plus élevé est associé à une plus grande fréquence de vote et aussi à une participation aux élections de 1993, 1997 et 2000. Le fait d'être nouvellement arrivé au Canada, mesuré par la question de savoir si les répondants sont nés dans ce pays ou non, est associé à une plus faible participation. Il en va de même de la mobilité géographique, mesurée par la durée de résidence d'une personne dans son quartier ou sa collectivité. Enfin, à l'élection de 2000 où nous avons pu mesurer ce facteur, le fait d'être contacté par les partis ou les candidats est lié à une plus grande participation.

En reprenant le tableau 17 pour l'Ontario seulement, nous avons constaté que l'ordre et l'incidence approximative des prédicteurs significatifs de la participation sont les mêmes que ceux affichés dans ce tableau pour l'ensemble du pays. Ainsi, le fait que l'Ontario a enregistré une participation plus faible que la moyenne en 2000 n'est pas attribuable à un facteur inhabituel particulier à cette province.