open Menu secondaire

Une évaluation comparative d'organismes électoraux centraux

Annexe A – Définition des critères d'évaluation

Les critères que nous avons utilisés dans le cadre de l'évaluation comparative des six modalités de gouvernance électorale sont définis ci dessous.

  • Pouvoir juridique clair – Cela signifie que le pouvoir est proportionnel aux responsabilités assignées à un OGE. Le mandat juridique d'un OGE est aussi bien habilitant que restrictif. Il assure la légitimité des mesures que prend l'OGE et lui fournit les moyens d'exécuter ses fonctions dans la légalité. En même temps, l'OGE se voit obligé de respecter la loi, de travailler à l'intérieur de ces paramètres et de faire son possible pour exécuter ses dispositions.

  • Indépendance – Cela signifie que la gestion électorale, particulièrement certaines activités de nature très délicate, est à l'abri de l'ingérence ou de l'influence excessive d'autres institutions et acteurs. La majorité des fonctionnaires électoraux et experts en la matière estiment que l'indépendance constitue le critère le plus important des modalités de gouvernance électorale saine, et nous sommes d'accord. Il faut toutefois reconnaître qu'un OGE ne peut être entièrement indépendant et autonome puisqu'il doit également rendre des comptes aux organismes qui l'ont établi et être en mesure de se plier à ceux-ci.

    La capacité d'agir de manière indépendante est plus importante pour certaines fonctions d'un OGE que pour d'autres. L'indépendance est essentielle, par exemple, pour ce qui est des fonctions juridiques et quasi juridiques, telles que la réglementation, les enquêtes, le règlement des différends et l'application de la loi, qui sont toutes des fonctions qui requièrent une impartialité et une équité réelle et perçue. L'indépendance est également importante lorsqu'un OGE doit, en vertu de son mandat, fournir des conseils indépendants en matière de politique qui sont éclairés par des connaissances expertes et dépourvus de considérations politiques. De nombreux OGE sont également tenus de mener des activités de communication et d'éducation qui doivent idéalement être exécutées de manière indépendante et non partisane. L'indépendance est généralement moins importante en ce qui concerne les questions administratives telles que l'établissement de budgets et la dotation, puisque l'OGE doit entrer en négociation avec d'autres parties du système gouvernemental.

    Un OGE ne peut se déclarer autonome simplement parce qu'il est pratique de le faire sur le plan administratif ou même parce qu'il maintient un certain degré d'indépendance depuis longtemps. En fait, l'indépendance doit être justifiée : l'OGE doit respecter les valeurs et les propriétés essentielles de l'institution, que l'on juge comme étant nécessaires à la promotion d'une démocratie saine.

  • Impartialité et équité – Ces deux valeurs essentielles doivent être protégées par la condition d'indépendance. Dans une certaine mesure, un OGE doit être à l'abri des pressions externes que peuvent exercer diverses sources afin d'exécuter ses fonctions de manière professionnelle et objective. Il doit, notamment, avoir le pouvoir et la liberté de mener des enquêtes poussées afin de rendre une décision impartiale au sujet d'un parti politique, d'un candidat, d'un électeur ou de représentants des médias.

    La notion d'un processus électoral impartial et équitable comprend des aspects de fond et de procédure. En ce qui concerne la procédure, la loi doit être appliquée de manière diligente et régulière sans qu'il y ait même la possibilité de parti pris ou de favoritisme. En ce qui concerne le fond, les décisions doivent être basées sur les dispositions de la loi, une interprétation exacte et valide des faits et l'application d'un jugement professionnel sain.

  • Professionnalisme et expertise – Ces deux attributs caractérisent une gouvernance électorale saine. Dans une démocratie établie comme le Canada, les citoyens perçoivent les élections comme des événements courants et ne pensent guère à la complexité de la planification et de l'exécution d'une élection dans l'ensemble du pays en un jour tandis que le processus de vote a lieu à l'échelle locale sous la direction de fonctionnaires électoraux appelés directeurs du scrutin. Sur le plan de l'administration, il est très difficile de s'assurer que les citoyens savent où et comment voter, de veiller à ce que ce soit pratique pour eux de le faire, d'éviter les infractions possibles à la loi et de faire en sorte que les résultats des élections soient rapportés avec exactitude et en temps opportun dans un pays aussi vaste et aussi diversifié sur le plan social que le Canada. Les connaissances et les compétences spécialisées nécessaires pour organiser des élections qui se déroulent sans accrocs ne s'acquièrent que par l'éducation, l'expérience et la formation continue que reçoivent les employés des OGE. Au sein de l'OGE même, il doit exister une culture de professionnalisme, d'exactitude, d'intégrité, d'apprentissage et de perfectionnement.

  • Stabilité, uniformité et fiabilité – Il s'agit d'attributs que doit posséder un OGE. Ces qualités permettent au public de mieux comprendre l'organisme qui supervise le processus électoral et d'avoir confiance en lui. Les intervenants, y compris les institutions et les acteurs qui sont le plus directement touchés par les actions de l'OGE ainsi que ceux qui peuvent exercer du pouvoir ou de l'influence sur son rôle, doivent développer une compréhension et un respect mutuels par rapport aux différents rôles que jouent les uns et les autres dans le processus électoral. Il faut du temps pour qu'un OGE inspire le respect et la confiance quant à sa fiabilité, son uniformité, son impartialité et son équité, et tout est rapidement perdu lorsqu'on est visé par des allégations de partialité ou d'incompétence. Une certaine continuité quant aux structures et aux procédures d'un OGE permet également de développer des connaissances et des compétences cumulatives et de forger une culture solide et commune axée sur le professionnalisme, la précision et l'intégrité.

    Au fil du temps, le système politique, la TI et l'opinion publique, entre autres, subiront des changements pouvant nécessiter l'apport de modifications aux modalités de gouvernance électorale. Compte tenu de l'importance centrale de ces modalités pour une démocratie saine, toute modification institutionnelle devrait préserver les principes fondamentaux sous jacents et les compétences distinctes qu'un OGE aura développées au fil du temps.

  • Économie, efficience et efficacité – Ces trois critères sont étroitement liés. Au sens le plus strict, les OGE existent afin d'appuyer le bon déroulement des élections, dans le cadre desquelles les scrutins à l'échelle nationale se tiennent de la manière la plus économique et la plus efficiente possible tout en conservant la qualité du processus de vote. L'efficacité renvoie en partie à l'exactitude et à la rapidité de la communication des résultats, à la restriction du nombre de controverses liées aux processus et aux résultats ainsi qu'à la satisfaction des électeurs, des partis et des candidats par rapport aux processus.

    La réalisation d'élections de qualité constitue une mesure plus générale de l'efficacité d'un OGE. Puisqu'il s'agit d'une expression subjective, elle se prête potentiellement à la controverse. En ce qui nous concerne, une élection de qualité est définie par la force de participation d'électeurs avertis, une absence ou un nombre faible d'actes illégaux ou de tentatives d'influence exagérées et des résultats qui sont perçus comme étant exacts et légitimes. Très peu de tentatives ont été entreprises en vue d'élaborer un cadre d'évaluation comprenant des mesures empiriques de qualité qui pourraient servir à établir une comparaison entre différents pays ou à suivre les améliorations dans un seul pays au fil du temps (Elkit et Reynolds, 2005).

  • Transparence, souplesse et responsabilité – La transparence est une valeur très précieuse dans une démocratie parce qu'elle soutient le droit du public à l'information. La transparence constitue également un moyen d'appuyer tant l'efficacité que la responsabilité dans le cadre de la gestion électorale. Elle peut également aider à prévenir, à détecter et à corriger des irrégularités électorales. Elle donne un fondement à l'information et à l'éducation du public et elle permet de tenir les OGE responsables de leur rendement (Mozaffar et Schedler, 2002 : 10).

    La souplesse renvoie à l'ouverture d'esprit dont fait preuve un OGE face aux conditions changeantes de l'environnement externe et à sa volonté de modifier ses politiques et ses pratiques afin de relever les défis qui se présentent. Elle suppose la consultation auprès des citoyens, des parlementaires et des représentants des partis afin d'obtenir leur avis et des conseils sur la manière d'améliorer le processus électoral. Les relations entre un OGE et les partis politiques sont marquées par une tension inhérente : ces derniers sont les cibles principales des règles régissant les élections, mais en contrepartie, les partis au gouvernement et le corps législatif établissent le mandat de l'OGE et lui accordent le pouvoir et les ressources dont il a besoin pour exécuter ses fonctions. On pourrait décrire la relation idéale entre un OGE et les représentants des partis comme étant « cordiale sans toutefois être chaleureuse » [TRADUCTION]. Il faut éviter d'être trop réceptif, en réalité ou en apparence, aux visées partisanes et politiques.

    En règle générale, la responsabilité implique l'obligation de répondre de l'exercice de ses pouvoirs et de l'utilisation des fonds publics en présentant des renseignements valides au sujet du rendement. L'administration électorale consiste à exercer un pouvoir discrétionnaire et à faire preuve de jugement professionnel dans le cadre des règles « impératives », telles que les lois et les règlements, et les règles « non impératives », telles que les politiques administratives et les codes de conduite. Les règles officielles établissent les paramètres de comportement, mais des situations controversées requérant l'application d'un jugement au sujet des faits ou l'interprétation des règles et de la manière dont elles devraient être appliquées peuvent survenir. Lorsqu'un OGE fait preuve de discrétion, sa neutralité ou ses compétences peuvent être remises en question; voilà donc pourquoi l'on insiste sur la responsabilité.