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Chapitre 4 – L'histoire du vote au Canada

Equité, transparence et intégrité, 1982–2020

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Photo d'un bureau de scrutin montrant des préposés au scrutin assis à une longue table sur laquelle se trouvent des urnes.

En 1982, l'histoire du droit de vote entre dans une nouvelle ère quand la Charte canadienne des droits et libertés est enchâssée dans la Constitution. La Charte protège les droits et libertés fondamentaux, y compris le droit de vote et celui de se porter candidat. Son adoption mène à la contestation judiciaire de certaines dispositions de la Loi électorale du Canada et à l'octroi du droit de vote à des catégories de citoyens précédemment exclues, comme les juges, les détenus, les expatriés et certaines personnes ayant une déficience intellectuelle. D'autres contestations judiciaires en vertu de la Charte concernent certaines restrictions applicables aux partis politiques et à d'autres groupes.

Même si les restrictions juridiques sont abolies pour de nombreuses personnes, d'autres obstacles demeurent pour d'autres. Des réformes législatives et administratives supplémentaires sont menées pour rendre le processus de vote plus accessible pour les personnes handicapées. L'allongement des périodes de vote par anticipation et l'instauration du vote par bulletin spécial offrent à tous les Canadiens davantage de possibilités de voter.

Des mesures législatives et administratives sont aussi adoptées pour aider à faire en sorte que chacun ait une chance égale de participer et pour renforcer l'intégrité du processus de vote. Par exemple, la Loi électorale du Canada est modifiée de façon à exiger que les électeurs fournissent une preuve d'identité et d'adresse avant de voter. Élections Canada prend aussi des mesures visant l'équité dans l'administration des élections. De plus, au lieu que les directeurs du scrutin soient nommés par le gouvernement, ils le seront désormais par le directeur général des élections, en fonction du mérite.

Parallèlement, la réglementation du financement politique est resserrée pour le rendre plus juste et plus transparent. Les contributions des entreprises et des syndicats sont d'abord limitées, puis interdites. Les dépenses faites par des tiers – c'est-à-dire des personnes ou des groupes autres que des candidats ou des partis politiques – sont également réglementées. La mise en place de ces mesures, et d'autres encore, augmente la complexité du rôle qu'Élections Canada est amené à jouer.

La réglementation des dépenses des tiers est contestée en vertu de la Charte, mais les tribunaux statuent qu'une vaste réglementation des dépenses électorales, bien qu'elle limite la liberté d'expression, est justifiée pour assurer l'équité des élections. Les tribunaux affirment également qu'il est nécessaire de veiller à la représentation des communautés d'intérêts lorsque sont établies les limites des circonscriptions électorales.

Le présent chapitre décrit les changements résultant de l'adoption de la Charte et examine les autres réformes législatives et administratives mises en place de 1982 à 2020.

La Charte canadienne des droits et libertés

Parmi les facteurs qui influent sur la législation électorale dans les années d'après-guerre, l'adoption de la Charte canadienne des droits et libertés, dont la plupart des dispositions entrent en vigueur le 17 avril 1982, est sans doute un des plus importants. La Charte garantit certaines libertés fondamentales, comme celles de religion, d'opinion, d'expression et d'association, lesquelles ne peuvent être restreintes « que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique ».

Aucun document constitutionnel n'avait jamais enchâssé le droit de vote, mais l'article 3 de la Charte aborde expressément les droits démocratiques : « Tout citoyen canadien a le droit de vote et est éligible aux élections législatives fédérales ou provinciales. » Contrairement à d'autres dispositions de la Charte, l'article 3 ne peut faire l'objet d'aucune dérogation invoquée par le Parlement fédéral ou par les assemblées législatives des provinces et territoires au moyen de ce qu'on appelle communément la « clause nonobstant »1.

En outre, les articles 4 et 5 garantissent que le Parlement et chaque législature provinciale et territoriale tiennent une séance au moins une fois tous les 12 mois. Ils précisent aussi que le mandat maximal de la Chambre des communes et des assemblées législatives est de cinq ans. Une exception est toutefois prévue en cas de guerre, d'invasion ou d'insurrection, réelles ou appréhendées. Le cas échéant, le mandat de la Chambre des communes ou de l'assemblée législative provinciale ou territoriale concernée peut être prolongé, tant que cette prolongation ne fait pas l'objet d'une opposition exprimée par les voix de plus du tiers des députés.

Photo de Sa Majesté la reine Elizabeth II signant la proclamation de la Loi constitutionnelle de 1982 sous le regard du premier ministre Pierre Elliot Trudeau.

Un droit démocratique

En 1982, le droit de voter et le droit de poser sa candidature à une élection sont enchâssés dans la Charte canadienne des droits et libertés, qui fait partie de la Loi constitutionnelle de 1982. Depuis, divers groupes ont invoqué la Charte pour contester devant les tribunaux leur exclusion du droit de vote et d'autres dispositions de la législation électorale. Sa Majesté la reine Elizabeth II a signé la proclamation de la Loi constitutionnelle de 1982 à l'occasion d'une cérémonie se déroulant sous la pluie, sur la Colline du Parlement, le 17 avril 1982. Bibliothèque et Archives Canada, e002852801

Déjà bien avant 1982, beaucoup de Canadiens pensaient probablement que leur droit de vote était garanti. Cependant, comme nous l'avons vu, de nombreuses personnes en ont été privées par le passé, soit pour des motifs d'ordre racial ou religieux, soit parce qu'elles ne pouvaient se rendre au bureau de vote le jour de l'élection. Même quand des améliorations sont proposées pour faciliter l'accès aux bureaux de vote et le vote lui-même, par exemple en accordant le droit de voter par anticipation à d'autres groupes que les employés des chemins de fer et les voyageurs de commerce, elles suscitent parfois une opposition au Parlement. Il faudra 50 ans pour que le droit de voter par anticipation soit accordé à quiconque le désire. En effet, chaque fois qu'il est question d'octroyer ce « privilège » à un nouveau groupe, des protestations s'élèvent, généralement fondées sur le coût ou la complexité administrative. Des arguments liés aux droits et aux principes de la démocratie sont moins souvent invoqués.

La Charte représente un tournant. Les Canadiens peuvent y recourir pour contester la perte ou le non-respect de droits. Une personne qui est privée du droit de vote en raison d'une loi fédérale ou provinciale, par exemple, peut s'adresser aux tribunaux. Si elle a gain de cause, les tribunaux peuvent invalider les dispositions législatives en cause ou exiger que les règles administratives à l'origine de la privation soient modifiées – ce qui s'est produit souvent depuis 1982.

Des progrès importants ont sans contredit été réalisés dans la législation et l'administration électorales avant l'avènement de la Charte. Entre autres, le déni du droit de vote pour des raisons liées au sexe, à la religion, à la race ou au revenu a été éliminé de la législation, et des mesures administratives ont été prises pour faciliter le vote aux personnes handicapées, aux personnes absentes de leur circonscription le jour de l'élection ainsi qu'aux membres de la fonction publique et aux militaires en poste à l'étranger. Une fois la Charte adoptée, ces gains sont constitutionnellement protégés.

Parallèlement, on souhaite de plus en plus remédier aux apparences d'influence indue, étant donné que les activités financières des partis politiques et des tiers ne sont pour l'essentiel pas réglementées. Or, les efforts déployés en ce sens, notamment la modification de la Loi électorale du Canada pour restreindre davantage le financement électoral, suscitent à leur tour de nombreuses contestations fondées sur la Charte. Le motif le plus souvent invoqué est l'entrave à la liberté d'expression garantie par l'alinéa 2b) de la Charte. Le même alinéa est invoqué pour contester des restrictions touchant la radiodiffusion, la publicité des tiers et la publication de résultats de sondages électoraux en période électorale.

Bon nombre de ces problèmes ont depuis été réglés. Des mesures prises par le Parlement et les responsables électoraux garantissent que le système électoral du Canada respecte les principes de la Charte sur les plans tant juridique qu'administratif. Elles rendent le vote accessible à toute personne ayant le droit de suffrage tout en protégeant l'intégrité du processus : la volonté de limiter l'influence de l'argent dans les courses électorales est mise en équilibre avec la liberté d'expression.

En effet, les tribunaux adoptent une vision de la démocratie électorale qui admet la réglementation du processus et qui accorde une assez grande déférence au Parlement. Cette conception se démarque de l'approche moins restrictive des tribunaux américains. Par exemple, la Cour suprême du Canada statue que même si la réglementation des dépenses des tiers brime leur liberté d'expression, elle se justifie par la nécessité de favoriser l'équité électorale. Les tribunaux canadiens développent aussi la notion d'un droit à une représentation effective. Suivant ce principe, d'importants écarts de population par circonscription peuvent être admis pour permettre une meilleure représentation de communautés d'intérêts.

Le respect des principes de la Charte est appuyé par la Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis (aussi connue sous le nom de Commission Lortie, d'après son président, Pierre Lortie). La Commission est mise sur pied en 1989 par le gouvernement progressiste-conservateur de Brian Mulroney pour examiner, entre autres, les nombreuses anomalies dans le processus électoral mises en lumière par les contestations fondées sur la Charte. En 1992, le Comité spécial sur la réforme électorale de la Chambre des communes (connu sous le nom de Comité Hawkes, d'après son président, Jim Hawkes) examine les recommandations de la Commission et présente des recommandations additionnelles. Ces travaux mènent à l'adoption du projet de loi C-78, Loi modifiant certaines lois relativement aux personnes handicapées, en 1992 (voir la section du présent chapitre consacrée à l'accessibilité du vote), et du projet de loi C-114, Loi modifiant la Loi électorale du Canada, en 1993. Ces deux projets de loi amorcent une transformation considérable de la façon dont la législation électorale régit l'accès au vote. L'encadrement du financement politique est encore modifié au début des années 2000, en application des recommandations de la Commission.

Projet de loi C-114, loi modifiant la Loi électorale du Canada

En 1993, le projet de loi C-114 modifie sensiblement la Loi électorale du Canada. Entre autres, il :

  • donne aux électeurs des régions tant rurales qu'urbaines le droit de s'inscrire pour voter le jour de l'élection;
  • élargit l'utilisation du bulletin de vote spécial, de sorte que tout électeur puisse s'inscrire et voter sans avoir à se présenter en personne le jour de l'élection ou lors du vote par anticipation;
  • permet à tout électeur de voter lors du vote par anticipation;
  • élimine l'inhabilité à voter frappant les juges, certaines personnes ayant une déficience intellectuelle et les détenus purgeant des peines de moins de deux ans;
  • impose une limite aux dépenses engagées par des tiers pour favoriser ou contrecarrer un parti enregistré ou un candidat pendant une élection;
  • interdit les dons politiques provenant de sources étrangères.

À cette époque, la Loi électorale du Canada est profondément modifiée. De 1970 à 2000, la Loi subit tant de mises à jour, de modifications, de révisions et de clarifications qu'elle devient un véritable labyrinthe pour qui doit l'interpréter. À la lumière des rapports de 1992 de la Commission Lortie et du Comité spécial sur la réforme électorale ainsi que des observations sur le sujet faites par le directeur général des élections, une évidence s'impose : la Loi a besoin de bien plus qu'un simple dépoussiérage.

Dans le sillage de l'élection générale de juin 1997, le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre dépose son propre rapport au mois de juin suivant. Cette synthèse des travaux et des recommandations des années précédentes sert d'assise à la nouvelle loi. Avec l'adoption du projet de loi C-2, Loi électorale du Canada, en septembre 2000, l'ancienne loi est abrogée. Elle est remplacée par une nouvelle loi aux dispositions et à la structure simplifiées.

La nouvelle loi introduit aussi certains changements majeurs, y compris pour améliorer l'accès au scrutin et réglementer la publication de sondages électoraux et la publicité électorale faite par des tiers. Les tribunaux ayant invalidé la période d'interdiction de 72 heures en vigueur depuis 1993, la Loi électorale du Canada de 2000 interdit la diffusion de publicité électorale seulement le jour de l'élection, jusqu'à la fermeture de tous les bureaux de scrutin de la circonscription. La Cour suprême du Canada confirmera la validité de la nouvelle période d'interdiction ainsi que de la réglementation de la publicité faite par des tiers (Harper c. Canada (Procureur général), 2004 CSC 33).

D'autres changements importants concernent l'application de la Loi.

Projet de loi C-2, Loi électorale du Canada de 2000

Voici des points saillants de la nouvelle loi :

  • Elle est mieux structurée et les dispositions sont plus claires, ce qui en facilite l'interprétation et l'application.
  • Elle impose des exigences d'enregistrement et de divulgation aux tiers, et plafonne leurs dépenses à 150 000 $ à l'échelle nationale et à 3 000 $ dans une circonscription donnée pour chaque élection générale. (Les plafonds de dépenses sont ajustés chaque année en fonction de l'inflation.) Les dépenses sont également plafonnées pendant une élection partielle, mais dans ce cas seulement dans la circonscription.
  • La publication ou la diffusion de publicité électorale et de nouveaux résultats de sondages électoraux est interdite le jour de l'élection jusqu'à la fermeture de tous les bureaux de scrutin de la circonscription.
  • Les partis enregistrés sont soumis à des règles plus rigoureuses en matière de rapports financiers.
  • Le commissaire aux élections fédérales est habilité à conclure des transactions (ententes de conformité) et à demander des injonctions en période électorale afin de faire respecter la Loi.

Le droit de vote

En matière de droit de vote, les principaux bénéficiaires des contestations de la législation électorale fondées sur la Charte sont les juges, les détenus, les personnes handicapées et les citoyens vivant à l'étranger.

Jean-Marc Hamel, qui est directeur général des élections lorsqu'est adoptée la Charte, réagit aux répercussions de celle-ci sur la Loi électorale du Canada en dressant une liste des dispositions de la Loi qui sont susceptibles d'être contestées devant les tribunaux et qui devraient être modifiées. D'ailleurs, au moment de la nomination de Jean-Pierre Kingsley comme directeur général des élections en 1990, les tribunaux ont déjà été saisis d'une douzaine de ces contestations. M. Kingsley recommande lui aussi une série de modifications à la Loi.

Depuis 1874, les juges de nomination fédérale sont privés du droit de vote. Cette interdiction demeure en vigueur jusqu'en 1993, mais un jugement fondé sur la Charte rend la disposition en cause inopérante à l'époque de l'élection générale de 1988. Environ 500 juges de nomination fédérale sont habilités à voter aux élections fédérales lorsqu'un tribunal invalide l'article contesté de la Loi électorale du Canada, déclarant qu'il va à l'encontre de la garantie du droit de vote inscrite dans la Charte.

Les détenus, quant à eux, ne peuvent pas voter depuis 1898. Selon au moins un député, Lucien Cannon, certains d'entre eux auraient toutefois réussi à contourner les règles, comme il l'explique à l'occasion du débat sur la Loi des élections fédérales, en 1920 :

Il est arrivé qu'on a permis aux prisonniers, sous la garde du shérif, d'aller déposer leur bulletin sauf à revenir ensuite.

Débats, 29 avril 1920, 1861

Le solliciteur général de l'époque, apparemment, n'ajoute pas foi à cette histoire, affirmant que les détenus peuvent figurer sur les listes électorales, mais ne peuvent pas voter, de toute façon, parce qu'ils n'ont pas accès à une urne.

Avant 1982, peu de parlementaires s'intéressent à la défense du droit de vote des détenus. Après 1982, cependant, des détenus réclament le droit de vote devant les tribunaux en invoquant la Charte. Ils commencent par contester les législations électorales provinciales et remportent un certain succès à ce chapitre. Ensuite, pendant l'élection fédérale de 1988, la Cour d'appel du Manitoba statue qu'il appartient au législateur de déterminer quels détenus peuvent ou non voter. En 1993, le Parlement supprime l'interdiction de voter pour les détenus purgeant des peines de moins de deux ans, mais la maintient pour les détenus purgeant des peines plus longues.

La nouvelle disposition est contestée par un détenu condamné à une peine plus longue. En 2002, dans l'affaire Sauvé c. Canada (Directeur général des élections), la Cour suprême du Canada statue que les détenus purgeant des peines de deux ans ou plus ne peuvent pas être privés de vote, puisqu'une telle mesure limite de façon déraisonnable leur droit de vote. Cet arrêt assure l'accès au vote à tous les détenus. La Loi électorale du Canada n'est pas modifiée immédiatement, mais le directeur général des élections donne suite à l'arrêt de la Cour suprême aux élections générales qui suivent. En 2018, la disposition inopérante est abrogée par le projet de loi C-76, Loi sur la modernisation des élections.

Le retrait du droit de vote n'est pas conforme aux exigences en matière de peine appropriée, à savoir que la peine ne doit pas être arbitraire et qu'elle doit viser un objectif valide en droit criminel. Pour ne pas être arbitraire, la peine doit être ajustée aux actions et à la situation particulière du contrevenant.

— Cour suprême du Canada, Arrêt Sauvé c. Canada, 31 octobre 2002
Photo de l'édifice de la Cour suprême du Canada, à Ottawa.

Les tribunaux et la Charte

La Cour suprême du Canada et plusieurs tribunaux provinciaux, appelés à interpréter les droits garantis par la Charte canadienne des droits et libertés, ont rendu des jugements concernant des dispositions de la Loi électorale du Canada. Ces décisions ont eu un impact sur les critères d'admissibilité au vote, le nombre de candidats qu'un parti politique doit soutenir pour avoir droit à l'enregistrement, les restrictions concernant la publication de sondages électoraux en période de campagne et les dépenses des tiers. Élections Canada

Les détenus et le droit de vote – Sauvé c. Canada

1992

L'affaire Sauvé c. Canada met en cause une vieille disposition de la Loi électorale du Canada qui interdit aux détenus de voter. Dans sa décision, la Cour d'appel de l'Ontario examine trois objectifs qui peuvent être jugés assez importants pour justifier la limitation du droit de vote des détenus, à savoir :

  • affirmer et maintenir le caractère sacré du droit de vote dans notre démocratie;
  • préserver l'intégrité du processus électoral;
  • sanctionner les contrevenants.

La Cour conclut que, même pris collectivement, ces objectifs ne peuvent justifier le retrait pur et simple du droit de vote. La disposition fédérale interdisant le vote aux détenus est abrogée. Ces derniers peuvent ainsi voter au référendum fédéral de 1992 sur l'Accord de Charlottetown.

1993

La Cour suprême du Canada confirme la décision de la Cour d'appel de l'Ontario, estimant que l'interdiction en cause est trop large : elle va à l'encontre du principe voulant que les sanctions pénales ne doivent porter qu'une atteinte minimale à l'exercice des droits garantis par la Charte et que les effets négatifs de l'atteinte doivent être proportionnés aux effets bénéfiques.

La même année, le projet de loi C-114 abolit l'interdiction de vote pour les détenus purgeant des peines de moins de deux ans.

1995

Dans Sauvé (1995), la Section de première instance de la Cour fédérale accepte l'argument du gouvernement selon lequel le rehaussement du sens du devoir civique et du respect de la primauté du droit de même que la finalité des sanctions pénales sont des objectifs suffisamment importants pour justifier la restriction d'un droit garanti par la Charte. Elle conclut néanmoins que l'interdiction de vote imposée aux détenus purgeant des peines de deux ans ou plus ne respecte pas les critères de proportionnalité et d'atteinte minimale aux droits. Le succès de l'administration du vote des détenus pendant le référendum de 1992 semble aussi influer sur la décision de la Cour d'invalider les limitations prévues par le projet de loi C-114.

1999

La Cour d'appel fédérale infirme la décision de la Cour fédérale et maintient l'interdiction de vote imposée aux détenus purgeant des peines de deux ans ou plus.

2002

La Cour suprême du Canada infirme la décision de la Cour d'appel fédérale, estimant que :

  • priver un individu du droit de voter ne lui enseigne pas les valeurs de la vie communautaire et de la démocratie;
  • la privation généralisée du droit de vote constitue un châtiment inapproprié parce qu'il est sans rapport avec la nature du crime commis;
  • comme elle a pour effet de nier la dignité inhérente à toute personne, la privation du droit de vote ne mène pas à un plus grand respect de la démocratie.
2004

Le Parlement ne retire pas immédiatement de la Loi électorale du Canada l'interdiction de vote imposée aux détenus purgeant des peines de deux ans ou plus. Néanmoins, le directeur général des élections applique l'arrêt Sauvé (2002) pendant les élections générales subséquentes, ce qui permet à tous les détenus de voter.

2018

Le projet de loi C-76 abroge la disposition de la Loi électorale du Canada qui empêche les détenus sous responsabilité fédérale de voter et que la Cour suprême a invalidée.

Dans les années 1980 et au début des années 1990, divers changements administratifs et législatifs rendent le vote beaucoup plus facile pour les électeurs handicapés. Certaines personnes handicapées demeurent cependant explicitement privées du droit de vote sous le régime de la Loi électorale du Canada, soit « toute personne restreinte dans sa liberté de mouvement ou privée de la gestion de ses biens pour cause de maladie mentale ». En 1985, un comité de la Chambre des communes recommande que ces personnes soient recensées et aient le même droit de vote que les autres citoyens. Le rapport de la Commission Lortie, publié en 1992, affirme que l'exclusion de ces électeurs « appartient de toute évidence à une époque révolue ».

Entre-temps, les tribunaux invalident la disposition afférente. En 1988, le Conseil canadien des droits des personnes handicapées, une coalition de groupes de défense des droits des personnes handicapées, fait valoir, dans une contestation judiciaire basée sur la Charte, que la Loi électorale du Canada ne devrait pas exclure les personnes assujetties à certaines restrictions pour cause d'incapacité mentale. Le tribunal lui donne raison, sans toutefois préciser à partir de quel niveau de compétence mentale une personne serait apte à voter. En 1993, le Parlement élimine l'exclusion pour cause d'incapacité mentale dans le cadre du projet de loi C-114.

Le référendum de 1992 sur l'Accord de Charlottetown

Le troisième référendum fédéral de l'histoire a lieu le 26 octobre 1992. Le premier ministre fédéral, Brian Mulroney, et ses homologues provinciaux viennent de négocier l'Accord de Charlottetown, qui prévoit la modification de la Constitution afin de céder plusieurs pouvoirs fédéraux aux provinces, de résoudre la question de la représentation autochtone au Parlement, de réformer le Sénat et de reconnaître le Québec comme société distincte. Les citoyens doivent répondre oui ou non à la question suivante : « Acceptez-vous que la Constitution du Canada soit renouvelée sur la base de l'entente conclue le 28 août 1992? » Le Québec tient son propre référendum sur la même question.

Le scrutin est organisé en application de la Loi référendaire, adoptée en juin 1992. Celle-ci prévoit, entre autres, la réglementation de comités référendaires enregistrés ainsi que des contributions et des dépenses pour favoriser la question référendaire ou s'y opposer.

La participation électorale dans l'ensemble des provinces et territoires hormis le Québec est de 71,8 %. Les électeurs rejettent l'Accord, ayant voté « Non » à 54,3 %.

Le référendum de 1992 donne lieu à une affaire concernant le droit de vote. Graham Haig, un électeur qui avait quitté l'Ontario pour s'installer au Québec moins de six mois avant le référendum, n'était de ce fait pas habilité à voter à ce référendum. Il s'est tourné vers les tribunaux. En septembre 1993, la Cour suprême du Canada conclut que son exclusion du référendum fédéral ne constitue pas une violation des droits garantis par la Charte canadienne des droits et libertés. En effet, bien que l'article 3 de la Charte garantisse le droit de voter dans une élection fédérale ou provinciale, il ne s'applique pas aux scrutins référendaires (Haig c. Canada (Directeur général des élections), [1993] 2 RCS 995).

L'exigence pour les votants de fournir une preuve d'identité et d'adresse entre en vigueur après l'adoption du projet de loi C-18, Loi modifiant la Loi électorale du Canada (vérification de résidence), en 2007. Cette exigence est contestée en 2010 par trois résidents de la Colombie-Britannique, au motif qu'elle porte atteinte au droit de vote des personnes qui ne disposent pas des documents nécessaires. La Cour suprême de la Colombie-Britannique, en 2010, puis la Cour d'appel de la Colombie-Britannique, en 2014, concluent toutes deux que l'exigence d'identification des votants restreint effectivement le droit de vote garanti par l'article 3 de la Charte, mais que cette limitation est justifiée aux termes de l'article 1 (Henry v. Canada (Attorney General), 2014 BCCA 30).

La restriction applicable au vote des citoyens vivant à l'étranger depuis plus de cinq ans est contestée par deux Canadiens dans cette situation qui n'ont pas été autorisés à voter à l'élection de 2011. Gillian Frank et Jamie Duong font valoir que cette interdiction porte atteinte au droit de vote, en contravention de l'article 3 de la Charte. En janvier 2019, la Cour suprême du Canada invalide la restriction, affirmant qu'elle contrevient à la Charte sans justification aux termes de l'article 1. Entre-temps, le Parlement a adopté, le 13 décembre 2018, le projet de loi C-76. La nouvelle loi élimine la restriction qui enlevait le droit de vote aux électeurs ayant vécu à l'étranger pendant plus de cinq ans. Les personnes qui souhaitent s'inscrire au Registre international des électeurs doivent fournir une preuve d'identité et de citoyenneté canadienne ainsi que l'adresse de leur dernier lieu de résidence habituelle au Canada.

Au moment de l'élection générale de 2019, le registre compte environ 55 500 électeurs résidant à l'étranger. Environ 34 000 d'entre eux renvoient leur bulletin de vote, ce qui représente 0,2 % du total des votes exprimés. La participation est beaucoup plus élevée qu'à l'élection générale de 2015, où environ 15 600 électeurs habitant à l'étranger s'étaient inscrits au registre et quelque 10 700 bulletins de vote avaient été retournés, comptant pour 0,1 % des votes exprimés.

Les droits des candidats et des partis politiques

En plus de garantir le droit de vote, l'article 3 de la Charte garantit le droit de se porter candidat, lequel ne peut être restreint « que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique ». En réalité, aux termes de la Loi électorale du Canada, certaines personnes ne peuvent pas poser leur candidature : les détenus en établissement correctionnel, les juges de nomination fédérale (autres que les juges de la citoyenneté), le directeur général des élections et les fonctionnaires électoraux.

La garantie du droit de se porter candidat prévue par la Charte mène à la contestation et à l'invalidation de l'exigence, pour les partis politiques, de présenter un nombre minimal de candidats à une élection et, pour les candidats, de verser un cautionnement de 1 000 $.

Les modifications législatives qui, en 1970, donnent un statut juridique aux partis politiques prévoient qu'un parti doit présenter des candidats dans au moins 50 circonscriptions pour pouvoir s'enregistrer. Cette exigence restera en vigueur pendant des années, jusqu'à ce qu'elle soit contestée en vertu de la Charte par le chef du Parti communiste du Canada, Miguel Figueroa. Ce parti avait perdu son statut de parti enregistré en 1993 parce qu'il n'avait pas présenté 50 candidats à l'élection générale de cette année-là. Dans Figueroa c. Canada ([2003] 1 RCS 912), la Cour suprême du Canada annule l'obligation de présenter 50 candidats, statuant qu'elle constitue une restriction injustifiable des droits garantis par la Charte. La Cour estime que rien ne permet de croire qu'un parti présentant moins de 50 candidats ne peut pas constituer un véhicule efficace de participation utile de candidats individuels. Elle ajoute que restreindre la capacité des partis politiques de s'enregistrer constitue une atteinte injustifiée au droit des citoyens de jouer un rôle utile dans le processus électoral.

Gros plan de Miguel Figueroa devant un tribunal orné de grandes colonnes.

De 50 candidats à un seul

En 2003, le chef du Parti communiste du Canada, Miguel Figueroa, réussit à faire invalider par les tribunaux une disposition de la Loi électorale du Canada qui obligeait un parti politique à soutenir 50 candidats à une élection générale pour demeurer enregistré. Le nom de tout parti enregistré qui, désormais, soutient au moins un candidat peut figurer sur le bulletin de vote à côté du nom du candidat. Presse Canadienne, Kevin Frayer

En 2004, le Parlement adopte donc le projet de loi C-3, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et la Loi de l'impôt sur le revenu, qui prévoit de nouveaux critères pour l'enregistrement des partis. Le projet de loi, déposé par le gouvernement libéral de Paul Martin et appuyé par les partis d'opposition, vise à établir un juste équilibre entre l'équité envers les partis et l'intégrité du système électoral. La nouvelle mesure innove en introduisant la toute première définition juridique de « parti politique » au pays, lui donnant le sens d'« organisation dont l'un des objectifs essentiels consiste à participer aux affaires publiques en soutenant la candidature et en appuyant l'élection d'un ou de plusieurs de ses membres ».

Le projet de loi contient également de nouvelles dispositions visant à réglementer l'activité politique, lesquelles obligent notamment les partis politiques à avoir en tout temps un chef, trois autres dirigeants et au moins 250 membres. Chaque parti doit aussi soumettre une liste à jour de 250 membres et leurs déclarations signées tous les trois ans, et présenter chaque année un énoncé de son objectif essentiel. Un parti qui manque à l'une ou l'autre de ces obligations peut être radié.

En novembre 2015, Kieran Szuchewycz, qui voulait se présenter comme candidat indépendant à l'élection générale de 2015, conteste l'obligation de verser un cautionnement remboursable de 1 000 $ et de recueillir la signature de 100 électeurs, soutenant que cette obligation est inconstitutionnelle. Dans l'affaire Szuchewycz v. Canada (Attorney General) ([2017] A.J. No 1112), la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta confirme l'exigence relative aux signatures, mais statue que l'obligation de verser un cautionnement qui incombe aux candidats éventuels contrevient à l'article 3 de la Charte. Cette décision n'est pas portée en appel, et Élections Canada cesse dès lors d'appliquer l'exigence de cautionnement. En 2018, le projet de loi C-76 modifie la Loi électorale du Canada pour en retirer cette exigence.

La liberté d'expression

Les sondages électoraux font partie du contexte électoral moderne. En 1993, craignant que la diffusion de résultats de sondages électoraux vers la fin d'une campagne puisse influencer le résultat d'une élection, le Parlement adopte une mesure législative qui interdit leur publication pendant les 72 heures précédant le jour de l'élection. Cette mesure est contestée devant les tribunaux. Dans l'affaire Thomson Newspapers Co. c. Canada (Procureur général) ([1998] 1 RCS 877), la Cour suprême du Canada invalide la disposition contestée au motif qu'elle porte atteinte à la liberté d'expression, statuant que la limitation n'est pas justifiée aux termes de l'article 1 de la Charte.

Dans la même décision, la Cour suprême déclare que les préoccupations concernant la précision méthodologique des sondages électoraux sont justifiées et qu'il serait donc conforme à la Constitution d'adopter une mesure législative exigeant que les résultats des sondages soient accompagnés d'indications à propos de la méthodologie employée. Par conséquent, la Loi électorale du Canada de 2000 exige que, au moment de la publication initiale d'un sondage, des indications soient fournies sur son demandeur et sur la méthodologie employée. La Loi interdit également la publication, le jour de l'élection, de nouveaux résultats de sondage électoral ou de résultats non encore publiés.

Image de la carte du Canada divisé en provinces et en territoires. Sous la carte se trouve une rangée de six horloges analogiques dont les aiguilles indiquent les différents fuseaux horaires.

Les heures de scrutin décalées

Comme le Canada compte six fuseaux horaires, il se faisait que les résultats du vote dans l'Est du pays étaient diffusés avant la fermeture des bureaux de scrutin dans l'Ouest. Le décalage des heures de scrutin, instauré en 2000, a éliminé en grande partie ce problème : la majorité des résultats de l'ensemble du pays sont désormais dévoilés à peu près en même temps. Élections Canada

À cette époque toutefois, l'essor des médias sociaux et du courriel fait qu'il est difficile de contrôler la publication prématurée de résultats électoraux. Pendant des années, les heures d'ouverture et de fermeture des bureaux de vote le jour de l'élection sont les mêmes dans tous les fuseaux horaires au Canada. Les bulletins de vote sont comptés à la fermeture des bureaux dans chaque fuseau horaire, d'est en ouest, mais les électeurs apprennent les résultats des autres régions seulement à la fermeture des bureaux de vote dans leur propre fuseau horaire. Dans l'Ouest canadien, lorsque les bureaux de vote ferment, il arrive souvent que les électeurs apprennent que l'issue de l'élection a déjà été déterminée par les votes comptés dans les autres régions.

Le rapport de la Commission Lortie, en 1992, recommande que les heures de scrutin soient prolongées et qu'elles soient décalées selon la région. Le directeur général des élections reconnaît également le problème. En 1996, la Loi électorale du Canada est modifiée de façon à instituer des heures de scrutin décalées le jour d'une élection générale, pour que les résultats soient connus à peu près en même temps dans tout le pays. En 2000, la Loi est à nouveau modifiée pour que le directeur général des élections puisse changer les heures de scrutin dans les régions qui n'utilisent pas l'heure avancée.

Lorsqu'un résident de la Colombie-Britannique, Paul Bryan, est poursuivi pour avoir publié sur Internet les résultats des provinces de l'Est avant la fermeture des bureaux de vote de l'Ouest à l'élection générale de 2000, il conteste la constitutionnalité de l'interdiction prévue à l'article 329 de la Loi électorale du Canada. L'affaire se rend jusqu'en Cour suprême du Canada. Celle-ci statue que, même si l'article 329 de la Loi électorale du Canada restreint la liberté d'expression, cette limitation est justifiée aux termes de l'article 1 de la Charte.

Il reste cependant que l'usage croissant des médias sociaux rend difficile, sinon impossible, l'application de l'interdiction de communiquer des résultats électoraux avant la fermeture des bureaux de vote dans l'Ouest canadien. Dans son rapport sur l'élection générale de mai 2011, le directeur général des élections, Marc Mayrand, affirme que le moment est venu pour « le Parlement de songer à révoquer la règle actuelle ». En janvier 2012, le gouvernement annonce qu'il mettra fin à l'interdiction, déclarant que l'« utilisation répandue des médias sociaux et des autres technologies modernes de communication rend l'interdiction adoptée en 1938 illogique ». L'article 329 est abrogé en 2014.

Le vote et le processus de vote

Il ne suffit pas, pour garantir le droit de vote, d'éliminer les restrictions touchant divers groupes; il faut aussi que les obstacles à l'exercice de ce droit soient reconnus et surmontés. Au fil des ans, diverses mesures législatives et administratives sont adoptées pour s'assurer que tous les électeurs sont en mesure d'exercer leur droit de vote, que l'intégrité du processus de vote est protégée et que la révision des limites des circonscriptions assure une représentation efficace tout en tenant compte de la diversité de la population canadienne.

Photo d'une femme qui porte un bébé et regarde un homme déposer un bulletin de vote dans une urne en métal.

Du métal au carton

Les boîtes de carton recyclables remplacent les urnes en métal au Québec et en Ontario lors de l'élection générale de 1988, puis dans l'ensemble du pays lors du référendum fédéral de 1992. Conçues par le Conseil national de recherches à la demande d'Élections Canada, les urnes de carton sont légères et peu coûteuses à produire. Elles peuvent être aplaties pour l'expédition et sont faciles à assembler par le personnel des bureaux de scrutin. Elles ont éliminé la nécessité d'entreposer les urnes entre les élections. Par ailleurs, les isoloirs de carton ont été dotés d'un plafond partiel pour mieux protéger le secret du vote. Élections Canada

Photo d'un homme déposant un bulletin de vote dans une urne en carton d'Élections Canada.

Urnes en carton

Élections Canada

Photo d'une femme se tenant à côté d'un isoloir en carton d'Élections Canada placé sur une table.

Isoloirs en carton

Élections Canada

L'accessibilité du vote

Tout au long des années 1980, le mouvement pour les droits des personnes handicapées réclame des changements législatifs pour assurer aux personnes handicapées un accès égal et entier à tous les programmes fédéraux. Or, certains éléments de la législation électorale rendent l'acte de voter physiquement peu commode pour bien des électeurs.

Image de la couverture du rapport intitulé Obstacles. (version anglaise)

Élimination des obstacles au vote

Le rapport Obstacles, publié en 1981 par le Comité spécial de la Chambre des communes concernant les invalides et les handicapés, recommande que le Canada établisse un système de vote postal et que le directeur général des élections tienne compte des problèmes de mobilité des personnes handicapées. Il recommande aussi de modifier la Loi électorale du Canada de manière à prévoir des « bureaux de scrutin spéciaux dans les hôpitaux et les maisons de repos ». Ces mesures sont introduites par le Parlement, avec l'adoption des projets de loi C-78 en 1992 et C-114 en 1993. Chambre des communes, Comité spécial de la Chambre des communes concernant les invalides et les handicapés, Obstacles, troisième rapport, 1re session, 32e législature, 1981

Au début des années 1990, la question a l'attention du Parlement. En juin 1990, dans un rapport intitulé S'entendre pour agir : l'intégration économique des personnes handicapées, le Comité permanent des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées de la Chambre des communes recommande que soit dressée la liste de tous les textes législatifs qui imposent des entraves aux personnes handicapées. Puis, en septembre 1991, le Conseil canadien des droits des personnes handicapées formule ses propres recommandations législatives. Celles-ci mènent, avec les travaux du Comité permanent et les recommandations de la Commission Lortie, du Comité spécial sur la réforme électorale et du directeur général des élections, à la présentation du projet de loi C-78 par le gouvernement progressiste-conservateur de Brian Mulroney. Le projet de loi, adopté par le Parlement en 1992, apporte des changements à la législation et à l'administration électorales rendant le vote plus accessible aux personnes handicapées.

Projet de loi C-78, Loi modifiant certaines lois relativement aux personnes handicapées

La Loi innove sur plusieurs plans :

  • Elle permet l'utilisation de bureaux de vote dans les établissements où vivent des personnes âgées ou handicapées, pour que le personnel électoral puisse apporter une urne aux personnes qui auraient de la difficulté à se rendre au lieu de vote ordinaire.
  • Elle garantit l'accès de plain-pied à tous les bureaux de vote et bureaux du directeur du scrutin, sous réserve d'exceptions inévitables permises uniquement avec l'autorisation du directeur général des élections.
  • Elle établit les certificats de transfert, qui permettent aux personnes handicapées de voter dans un autre bureau de vote si le leur n'a pas d'accès de plain-pied.
  • Elle exige que des gabarits soient mis à la disposition des électeurs aveugles ou ayant une déficience visuelle.
  • Elle permet aux travailleurs électoraux de nommer des interprètes, y compris des interprètes gestuels, pour faciliter la communication avec les électeurs.
  • Elle permet aux travailleurs électoraux d'aider un électeur handicapé à voter, y compris de marquer un bulletin de vote en son nom, en présence d'un témoin.
  • Elle prévoit des programmes d'information et de sensibilisation à l'intention des citoyens handicapés.
Photo d'un homme âgé en fauteuil roulant déposant un bulletin de vote dans une urne en carton d'Élections Canada installée dans une cuisine.

Les urnes se rendent aux électeurs

En 1992, le projet de loi C-78 vient faciliter l'accès au vote de plusieurs manières. Entre autres améliorations, des bureaux de scrutin itinérants permettent à de nombreuses personnes âgées ou handicapées de voter dans l'établissement où elles habitent. Élections Canada

En 2008, James Hughes, un résident de Toronto qui se déplace en fauteuil roulant ou à l'aide d'un déambulateur, présente une plainte à la Commission canadienne des droits de la personne au sujet de l'impossibilité d'accéder sans entrave à l'endroit où il doit voter. En 2010, le Tribunal canadien des droits de la personne statue qu'Élections Canada a manqué à ses obligations de fournir un accès sans entrave et de traiter les plaintes de M. Hughes. Le Tribunal ordonne qu'Élections Canada prenne des mesures de redressement systémique, notamment qu'il mène des consultations auprès du milieu des personnes handicapées, améliore ses politiques, revoit ses pratiques de communication, d'affichage et de formation, et adopte un processus de traitement distinct pour les plaintes relatives à l'accessibilité (2010 TCDP 4). En 2014, Élections Canada officialise son engagement en créant le Comité consultatif sur les questions touchant les personnes handicapées, chargé de fournir une expertise et des conseils techniques relativement aux initiatives en matière d'accessibilité.

D'autres progrès sont faits en 2018, lorsque le projet de loi C-76 modifie les mesures d'adaptation prévues par la Loi électorale du Canada afin de tenir compte de toutes les personnes handicapées, non seulement celles avec un handicap physique. L'exigence d'« accès de plain-pied » à des locaux, par exemple, est remplacée par l'exigence qu'un lieu soit « accessible aux électeurs ayant une déficience ». Le projet de loi C-76 élargit aussi l'accès aux certificats de transfert pour les électeurs handicapés et prescrit que le directeur général des élections « est tenu de développer, d'obtenir ou d'adapter une technologie de vote à l'intention des électeurs ayant une déficience et peut mettre à l'essai cette technologie en vue d'une élection ultérieure ». Élections Canada met aussi au point un nouveau bulletin de vote à gros caractères qui peut être lu par les lecteurs d'écran électroniques.

Photo d'une femme accompagnée d'un chien-guide, déposant son bulletin de vote dans une urne sous le regard d'une préposée au scrutin.

Pour voter malgré une déficience visuelle

Les électeurs ayant une déficience visuelle peuvent voter à l'aide d'un gabarit en braille avec fonctions tactiles comportant une série de trous, un trou par candidat. L'électeur peut déterminer, au toucher, où se trouve la case qu'il désire marquer sur le bulletin de vote. Élections Canada

Photo d'un bulletin de vote, d'une liste des candidats en braille et d'un gabarit de vote permettant de maintenir le bulletin en place. Le gabarit comporte des chiffres en relief et en braille.

Gabarit de vote en braille

Élections Canada

Le vote par anticipation et les bulletins spéciaux

Parallèlement, d'autres mesures législatives améliorent l'accès au vote pour tous les électeurs. En 1993, par exemple, le projet de loi C-114 ouvre le vote par anticipation à tous les citoyens. À partir de ce moment, un nombre toujours croissant de Canadiens se prévalent de cette possibilité. À l'élection générale de 1988, c'est-à-dire avant le changement, un peu plus de 500 000 personnes, ou 3,8 % des votants, votent par anticipation. En 1993, ce nombre passe à 633 000 personnes, soit 4,6 % des votants. Comme le montre le tableau ci-dessous, le nombre et la proportion de personnes qui votent dans un bureau de vote par anticipation et en application des règles électorales spéciales augmentent généralement depuis 1993. En particulier, le pourcentage d'électeurs qui votent dans un bureau de vote par anticipation connaît une hausse marquée du milieu des années 2000 (environ 11 %) à 2019 (plus de 26 %).

Tableau 4.1

Votes exprimés dans un bureau de vote par anticipation ou au moyen d'un bulletin spécial Nombres et pourcentages pour les élections générales de 1993 à 2019
Année de l'élection générale Votes dans un bureau de vote par anticipation Votes par bulletin spécial Nombre total de votes
Nombre Pourcentage Nombre Pourcentage
1988 507 487 3,8 % 159 965 1,2 % 13 281 191
1993 633 464 4,6 % 208 479 1,5 % 13 863 135
1997 704 336 5,3 % 135 458 1,0 % 13 174 698
2000 775 157 6,0 % 191 833 1,5 % 12 857 773
2004 1 248 469 9,2 % 246 011 1,8 % 13 564 702
2006 1 561 039 10,5 % 438 390 3,0 % 14 817 159
2008 1 520 838 11,0 % 253 069 1,8 % 13 834 294
2011 2 100 855 14,3 % 279 355 1,9 % 14 723 980
2015 3 657 415 20,8 % 607 152 3,5 % 17 591 468
2019 4 840 300 26,6 % 643 462 3,5 % 18 170 880

 

Photo d'un soldat en tenue de camouflage debout dans un bureau de vote, regardant un document que lui tend et que pointe un préposé au scrutin assis derrière la table.

Le vote des militaires en mission

Les militaires canadiens peuvent voter à une élection fédérale, peu importe où ils sont en poste, au pays ou à l'étranger. Les membres des Forces canadiennes — ainsi que le personnel enseignant et administratif des écoles des forces armées à l'étranger — votent par bulletin spécial. Par exemple, les Canadiens en poste en Afghanistan ont reçu des bulletins de vote et la liste des candidats à l'élection générale de 2004. Ils ont voté quelques jours avant la plupart de leurs concitoyens afin que leurs bulletins arrivent au Canada à temps pour le dépouillement. Cpl. John Bradley, 3 R22eR gp-bon., ministère de la Défense nationale

De plus, le projet de loi C-114 remplace le vote par procuration par le vote au moyen du bulletin spécial, accessible à tous les électeurs. Le vote par bulletin spécial est un mécanisme d'inscription et de vote destiné aux Canadiens absents de leur circonscription, aux personnes handicapées, aux détenus et à tout autre électeur incapable de voter en personne le jour de l'élection ou dans un bureau de vote par anticipation. Les électeurs peuvent utiliser le bulletin spécial pour voter à n'importe quel bureau local d'Élections Canada ou par la poste. Les électeurs qui sont incarcérés, membres des Forces canadiennes ou temporairement hospitalisés peuvent également voter par bulletin spécial à des moments précis de la période électorale. Les nouvelles mesures permettent à tous les citoyens qui vivent ou se trouvent à l'étranger – non seulement le personnel militaire et les diplomates – de voter à la condition qu'ils présentent une demande de bulletin spécial dans les délais prescrits.

Les dispositions touchant le vote par anticipation et le bulletin spécial sont modifiées en 2014, alors que le projet de loi C-23, Loi sur l'intégrité des élections, ajoute une quatrième journée de vote par anticipation, puis à nouveau en 2018, lorsque le projet de loi C-76 prolonge les heures d'ouverture des bureaux de vote par anticipation et élimine la restriction applicable aux citoyens vivant à l'étranger depuis plus de cinq ans.

Photo d'un homme assis tenant une pièce d'identité et parlant à un travailleur électoral qui tient un bulletin de vote.

Voter par bulletin spécial

Les électeurs qui ne sont pas en mesure de voter lors du vote par anticipation ou le jour de l'élection peuvent voter par bulletin spécial, soit par la poste, soit en personne dans un bureau local d'Élections Canada, comme l'illustre la photo. Le vote par bulletin spécial est basé sur un système à trois enveloppes imbriquées qui protège le secret du vote. Élections Canada

Photo d'une personne plaçant une enveloppe dans une autre enveloppe.

Trousse de vote par bulletin spécial

Élections Canada, ACU00623_C

Les élections à date fixe

Dans le système canadien de gouvernement responsable, pour rester en place, le premier ministre et le Cabinet doivent bénéficier de la confiance, c'est-à-dire de l'appui, de la majorité des députés de la Chambre des communes. Si le gouvernement perd la confiance de la Chambre, par convention, il doit démissionner ou demander la dissolution du Parlement, ce qui a pour effet de déclencher une élection générale. De plus, dans cette forme de gouvernement responsable, le premier ministre peut demander la dissolution du Parlement à tout moment.

La Loi constitutionnelle de 1867 ne précise pas à quel moment les élections doivent se tenir. L'article 50 limite toutefois à cinq ans le mandat de la Chambre des communes. Comme il a été mentionné précédemment, cette limite est réitérée dans la Charte, le paragraphe 4(1) prévoyant que le « mandat maximal de la Chambre des communes et des assemblées législatives est de cinq ans à compter de la date fixée pour le retour des brefs relatifs aux élections générales correspondantes ». Cette limite peut être dépassée uniquement « en cas de guerre, d'invasion ou d'insurrection, réelles ou appréhendées ».

Étant donné le manque de certitude concernant le moment où les élections doivent avoir lieu, l'idée de les tenir à date fixe est débattue à plusieurs occasions. Elle est notamment défendue par le Comité spécial mixte du Sénat et de la Chambre des communes sur la Constitution du Canada dans son rapport final publié en février 1972. La Commission Lortie se penche également sur la question. Elle résume ainsi les arguments avancés en faveur de la tenue des élections à date fixe :

Elles seraient plus faciles à planifier et à organiser, le recensement produirait de meilleurs résultats, et la démocratie y gagnerait étant donné que le parti au pouvoir n'aurait plus la possibilité de déclencher les élections au moment le plus favorable pour lui.

— Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis, Pour une démocratie électorale renouvelée : rapport final, vol. 4, 1991

Pourtant, la Commission ne fait aucune recommandation à ce sujet. Le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre s'en abstient aussi lorsqu'il étudie la question en 1994.

L'idée continue tout de même de faire son chemin dans les esprits et, au début des années 2000, les assemblées législatives de la Colombie-Britannique, de l'Ontario et de Terre-Neuve-et-Labrador adoptent des lois fixant la date des élections. En 2006, le gouvernement conservateur de Stephen Harper s'engage sur la même voie en déposant le projet de loi C-16, Loi modifiant la Loi électorale du Canada. Le raisonnement est que des élections à date fixe « rendraient les campagnes électorales plus équitables, elles apporteraient plus de transparence et de prévisibilité ainsi qu'une meilleure gouvernance, elles augmenteraient le taux de participation des électeurs et elles aideraient à attirer les meilleurs candidats ». Le directeur général des élections, Jean-Pierre Kingsley, est également en faveur de la tenue d'élections à date fixe. Dans son témoignage devant le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, le 26 septembre 2006, il soutient que ce projet de loi « améliorerait nos services aux électeurs, aux candidats, aux partis politiques et aux autres intervenants ». Le projet de loi reçoit la sanction royale le 3 mai 2007.

Les modifications apportées à la Loi électorale du Canada font en sorte que les élections générales se tiennent toujours au même moment, soit le troisième lundi d'octobre de la quatrième année civile qui suit la dernière élection générale. Cela dit, le libellé des nouvelles dispositions précise que celles-ci n'ont « pas pour effet de porter atteinte aux pouvoirs du gouverneur général, notamment celui de dissoudre le Parlement lorsqu'il le juge opportun ». Autrement dit, la Loi électorale du Canada n'interdit pas le déclenchement d'une élection générale anticipée lorsque le gouvernement a perdu la confiance de la Chambre ou que le premier ministre demande la dissolution du Parlement.

Le projet de loi C-16 fixe la date de la prochaine élection générale en octobre 2009, mais le Parlement est dissous prématurément et une élection est tenue le 14 octobre 2008. L'élection générale suivante doit donc avoir lieu en octobre 2012, mais, encore une fois, le Parlement est dissous de façon anticipée et l'élection a lieu le 2 mai 2011. La première élection générale à être organisée conformément aux dispositions sur les élections à date fixe se tient le 19 octobre 2015.

L'élection de 2015 se démarque également par sa période électorale de 78 jours, la plus longue depuis 1872. Dans son rapport de recommandations de 2016, le directeur général des élections, Marc Mayrand, fait remarquer que les élections à date fixe devaient donner le temps à Élections Canada de se préparer. Il note que les directeurs du scrutin « ont fait face à des pressions additionnelles pour l'embauche de personnel et n'ont pu disposer de la période de préparation prévue ». Par conséquent, il fait valoir que l'« imposition d'une durée maximale de la période électorale (par exemple 45 ou 50 jours), en plus de l'élection à date fixe, offrirait plus de prévisibilité à tous les participants au processus électoral à l'approche de la date de l'élection et permettrait de mieux atteindre l'objectif d'une élection à date fixe ». Cette question est résolue par le projet de loi C-76, qui établit à 50 jours la période électorale maximale.

Un autre problème survient : le jour de l'élection et les jours de vote par anticipation coïncident avec certaines fêtes religieuses. Avant la modification de la Loi électorale du Canada établissant les élections à date fixe, Élections Canada avait consulté à plusieurs reprises des représentants de diverses religions sur cette question, attirant leur attention sur d'autres possibilités de voter à l'avance, par exemple au moyen du bulletin spécial.

Photo du directeur général des élections du Canada, Stéphane Perrault, assis à un bureau et signant un grand document. À côté de lui se trouve une pile de documents similaires.

La signature des brefs

Le directeur général des élections du Canada, Stéphane Perrault, a signé 338 brefs, soit un par circonscription, pour l'élection générale du 21 octobre 2019. Ce document donne instruction à chaque directeur du scrutin de tenir une élection pour choisir un député. Élections Canada

En 2019, la date prévue du jour de l'élection et certains jours de vote par anticipation coïncident avec des jours sacrés juifs. Des Juifs pratiquants demandent au directeur général des élections d'envisager une autre date. Élections Canada leur répond en indiquant quelles mesures seraient prises pour satisfaire aux besoins des électeurs juifs, sans toutefois faire référence au pouvoir que lui confère la Loi de recommander un jour d'élection différent. Chani Aryeh-Bain et Ira Walfish demandent alors à la Cour fédérale de procéder à une révision judiciaire de la décision de ne pas recommander que l'élection se tienne un autre jour. La Cour ordonne au directeur général des élections de réexaminer sa décision en pesant bien ses répercussions sur les droits des demandeurs garantis par l'article 3 de la Charte (Aryeh-Bain c. Canada (Procureur général), 2019 CF 964). Le 29 juillet, le directeur général des élections, Stéphane Perrault, confirme sa décision de ne pas recommander à la gouverneure en conseil de changer la date de l'élection, affirmant ceci :

Après avoir examiné attentivement les répercussions de la tenue de l'élection le 21 octobre sur la capacité des juifs pratiquants à participer au processus électoral, et compte tenu de ma responsabilité d'assurer un vote accessible à tous les Canadiens, j'en conclus qu'il n'est pas souhaitable de changer la date de l'élection générale à un stade aussi avancé.

— Directeur général des élections du Canada, Décision – Recommandation du directeur général des élections – Date de l'élection générale, 29 juillet 2019

Le Registre national des électeurs

L'idée d'un registre permanent des électeurs, née dans les années 1930, devient réalité dans les années 1990. Avant sa création, une liste des personnes habilitées à voter est dressée à chaque élection par des recenseurs faisant du porte-à-porte. En 1986, le Livre blanc sur la réforme de la loi électorale avait abordé la question, mais recommandé de conserver la méthode existante de recensement. C'est le rapport du vérificateur général de 1989 – critique à l'endroit d'Élections Canada pour sa réticence à rationaliser ses activités par des moyens informatiques – qui donnera l'impulsion nécessaire à la création de cette liste permanente longtemps attendue.

Après quelques essais du logiciel prévu, Élections Canada utilise en 1992 des listes électorales informatisées pour la tenue du référendum sur l'Accord de Charlottetown dans 220 circonscriptions (hors Québec)2. La Loi référendaire est par la suite modifiée pour que les listes de 1992 puissent être utilisées à l'élection générale de 1993.

En 1992, l'idée de créer un registre permanent des électeurs trouve aussi un écho dans les recommandations de la Commission Lortie, mais cette dernière estime que les conditions ne sont pas encore réunies pour l'établissement d'un tel registre fédéral. La Commission constate notamment que la population n'est pas en faveur d'un système où il incombe à chaque électeur de s'inscrire. Certains experts, dans leur témoignage, estiment de plus que l'inscription volontaire créerait des obstacles à la participation au vote. Finalement, la Commission recommande d'utiliser les listes électorales provinciales pour les scrutins fédéraux.

Le rapport d'un groupe de travail d'Élections Canada présenté en 1996 conclut qu'un registre permanent serait à la fois faisable et rentable, permettrait de raccourcir la période électorale en éliminant le recensement et pourrait réduire considérablement les coûts et le travail en double à l'échelle du pays. À l'automne, le gouvernement libéral de Jean Chrétien dépose le projet de loi C-63 afin de modifier la Loi électorale du Canada pour permettre les changements administratifs nécessaires. Le projet de loi est adopté en décembre, et Élections Canada se voit confier la mission d'établir le Registre national des électeurs.

En prévision de l'élection générale de 1997, Élections Canada mène son dernier recensement porte-à-porte. Puisque des élections provinciales ont eu lieu peu avant en Alberta et à l'Île-du-Prince-Édouard, les listes de ces deux provinces sont utilisées pour les listes électorales préliminaires. Le Registre national des électeurs devient réalité après le recensement et sert pour la première fois à l'élection de juin 1997.

Depuis ce recensement, le registre est mis à jour régulièrement avec des données de diverses sources obtenues dans le cadre d'ententes de partage de renseignements négociées par le directeur général des élections. Les partenaires qui fournissent les données pour le registre sont les services de données de l'état civil et d'enregistrement des véhicules à moteur des provinces et des territoires ainsi que, au fédéral, l'Agence du revenu du Canada, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada et la Défense nationale. Ensemble, ces sources permettent de mettre à jour l'adresse des millions de Canadiens qui déménagent chaque année (en 2018, par exemple, 5,2 % des quelque 15 millions de ménages au pays avaient déménagé au cours des cinq années précédentes). Elles permettent aussi d'obtenir le nom de nouveaux électeurs qui ont atteint l'âge de 18 ans ou obtenu la citoyenneté canadienne et d'électeurs décédés qui doivent être retirés des listes. Pour tenir le registre à jour, Élections Canada utilise également les listes électorales des six provinces et territoires qui font encore des recensements, et se rend dans environ 10 % des foyers dans le cadre d'initiatives de révision ciblée pendant les élections fédérales. Au cours d'une élection, y compris une élection partielle, les électeurs peuvent aussi s'inscrire à leur bureau local d'Élections Canada ou à leur bureau de scrutin lorsqu'ils s'y présentent pour voter. La Loi électorale du Canada encadre strictement la façon dont peuvent être utilisés les renseignements personnels du registre.

Grâce à la diversité des méthodes de collecte et de tenue à jour des données du registre, celui-ci inclut la vaste majorité des électeurs canadiens et est en grande partie exact. De 2009 à 2020, la couverture nationale, c'est-à-dire le pourcentage d'électeurs inclus dans le registre, varie de 92 % à 96,9 % (Élections Canada, Description du Registre national des électeurs). Au début de l'élection générale de 2019, la couverture est de 96,4 %, tandis que l'exactitude du registre, à savoir la proportion d'électeurs inscrits dont l'adresse est à jour, est de 93,3 %. Par comparaison, l'exactitude était de 91 % en 2015 et de 90 % en 2011 (Élections Canada, Rapport sur la 43e élection générale du 21 octobre 2019).

Dès le départ, un des grands objectifs du Registre national des électeurs est de réduire le plus possible le travail en double, d'une élection et d'un gouvernement à l'autre, afin d'économiser les deniers publics. Témoignant devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales le 8 février 2005, le directeur général des élections rapporte que l'utilisation du registre durant les élections générales de 2000 et de 2004 s'est traduite par des économies estimées à 100 millions de dollars.

En éliminant les recensements complets à chaque élection, le registre rend possible un autre changement réclamé depuis longtemps par bien des électeurs : le raccourcissement des campagnes électorales. En 1997, le délai minimal requis entre la délivrance des brefs d'élection et le jour de l'élection passe de 47 à 36 jours, un délai qui est encore la norme aujourd'hui. Les campagnes électorales peuvent toutefois être plus longues, comme celle de 2015, qui dure 78 jours, un record. En 2018, le projet de loi C-76 fixe la durée maximale des périodes électorales à 50 jours.

Le projet de loi C-76 établit aussi le Registre des futurs électeurs, auquel les citoyens de 14 à 17 ans peuvent demander d'être inscrits. À 18 ans, les personnes admissibles sont ajoutées au Registre national des électeurs. L'inscription préliminaire des jeunes de 16 et de 17 ans faisait partie des recommandations du directeur général des élections après l'élection générale de 2015.

La méthode actuelle suppose qu'une inscription exhaustive doit être précédée d'un recensement tout aussi complet. Cette hypothèse ne tient pas compte du fait que la révision et l'inscription le jour du scrutin sont des éléments essentiels de tout processus d'inscription exhaustif [...].

— Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis, Rapport final, 1992
Une femme se tient dans la porte d'entrée ouverte d'une maison et signe un document. En face d'elle, deux travailleurs d'Élections Canada tiennent des planchettes à pince.

L'inscription de porte en porte

La plupart des données des listes électorales proviennent du Registre national des électeurs. Une révision ciblée touchant les secteurs à haute mobilité et à faible taux d'inscription est par ailleurs organisée pendant la période électorale. Des agents réviseurs se rendent dans les nouveaux quartiers, les immeubles d'appartements, les résidences étudiantes, les maisons de repos et les établissements de soins de longue durée. Le porte-à-porte n'est toutefois plus aussi efficace qu'avant, car de plus en plus de gens sont absents pendant la journée ou hésitent à ouvrir à des inconnus. Élections Canada

Les exigences d'identification

Au milieu des années 2000, un des changements les plus importants aux pratiques électorales est l'obligation pour les électeurs de fournir une preuve d'identité et d'adresse pour s'inscrire et voter à une élection fédérale.

La Loi électorale du Canada de 2000 normalise le processus d'inscription le jour d'une élection. En effet, depuis 1993, les électeurs ont le droit de s'inscrire le jour de l'élection, mais seuls ceux des régions rurales peuvent le faire sans preuve d'identité ou de résidence, s'ils prêtent serment et qu'un autre électeur inscrit sur la liste électorale de la même section de vote répond d'eux. La Loi électorale du Canada révisée accorde ensuite le même droit aux électeurs des régions urbaines.

L'exigence de présenter une pièce d'identité découle de préoccupations concernant l'intégrité du processus électoral. En juin 2006, le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre dépose un rapport intitulé Améliorer l'intégrité du processus électoral : recommandations de modifications législatives. Le Comité signale que des inquiétudes ont été soulevées au sujet du « risque de fraude et de fausse déclaration au moment du vote » et fait remarquer que d'autres opérations importantes supposent qu'on présente une pièce d'identité. Le rapport dit ensuite :

Au Canada, nous avons toujours essayé de faciliter le plus possible l'exercice du droit de vote, mais si la confiance dans le système est minée, il faut le changer. Il est évident que nous ne voulons pas prendre des mesures qui seraient de nature à dissuader les électeurs de voter ou à rendre le vote plus difficile qu'il le faut. La légitimité et la crédibilité du système supposent cependant que nous fassions quelque chose pour veiller à ce que seules les personnes ayant le droit de voter votent effectivement et qu'elles sont bien qui elles disent qu'elles sont. C'est indispensable à la préservation de l'intégrité du système électoral.

— Chambre des communes, Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, Améliorer l'intégrité du processus électoral : recommandations de modifications législatives, Rapport 13, 1re session, 39e législature, juin 2006

Le Comité affirme également que tous les partis politiques alors représentés à la Chambre des communes appuyaient l'instauration d'une « méthode plus efficace pour procéder à la vérification de l'identité des électeurs, notamment au moyen d'une pièce avec photo ». Lorsqu'il se présente devant le Comité le 13 juin 2006, le directeur général des élections, Jean-Pierre Kingsley, dit être favorable à l'idée que les électeurs doivent présenter une pièce d'identité pour voter.

Photo d'une femme assise à une table portant l'inscription « Bureau d'inscription des électeurs ». La femme signe une feuille de papier sous les yeux de deux travailleurs électoraux assis en face d'elle.

L'inscription au bureau de scrutin

Tout électeur qui ne figure pas sur la liste électorale peut s'inscrire au moment de voter lors du vote par anticipation ou le jour de l'élection. Selon les règles en place en 2020, l'électeur non inscrit doit soit présenter une preuve d'identité et de résidence, soit déclarer son identité et son lieu de résidence et demander à une personne qui le connaît et qui est inscrite au même bureau de scrutin de répondre de lui. Élections Canada

Dans sa réponse, le gouvernement indique qu'il présentera un projet de loi qui mettra en place un système uniforme d'identification des électeurs aux bureaux de vote. Le projet de loi C-31, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, est adopté le 22 juin 2007. Il impose des exigences d'identification des électeurs, y compris la présentation d'une preuve d'identité et d'adresse. Les électeurs peuvent établir leur identité et leur résidence de trois façons :

  • présenter une pièce d'identité délivrée par un gouvernement canadien (fédéral ou provincial ou une administration locale); la pièce doit comporter la photographie, le nom et l'adresse de l'électeur;
  • présenter deux pièces d'identité qui, toutes deux, portent le nom de l'électeur et dont une porte aussi son adresse;
  • prêter serment s'il est accompagné d'un répondant – un électeur dont le nom figure sur la liste électorale de la même section de vote et qui a prouvé son identité et son adresse.

Ces exigences posent un problème pour les électeurs vivant dans les régions rurales qui n'ont pas de pièce d'identité comportant leur adresse municipale. Pour remédier à ce problème, le gouvernement dépose le projet de loi C-18, Loi modifiant la Loi électorale du Canada (vérification de résidence), en vue d'autoriser l'utilisation d'un autre type de pièce d'identité. Le projet de loi C-18 est adopté le 14 décembre 2007.

En 2014, les exigences d'identification sont modifiées par les dispositions du projet de loi C-23. Adoptée par le Parlement le 19 juin 2014, la Loi interdit l'utilisation de la carte d'information de l'électeur comme preuve d'identité aux bureaux de vote. Elle élimine également la possibilité pour un électeur de prouver son identité en recourant à un répondant et la remplace par un processus d'attestation qui exige toujours une preuve d'identité et permet qu'un autre électeur atteste son adresse.

Principales dispositions du projet de loi C-23, Loi sur l'intégrité des élections (2014)
  • Interdiction de l'utilisation de la carte d'information de l'électeur comme preuve d'identité autorisée par le directeur général des élections.
  • Remplacement des dispositions précédentes de recours à un répondant par une procédure d'attestation de l'adresse, mais non de l'identité de l'électeur.
  • Ajout d'une quatrième journée de vote par anticipation le dimanche, 8e jour avant le jour de l'élection.
  • Transfert du poste de commissaire aux élections fédérales d'Élections Canada au Bureau du directeur des poursuites pénales.
  • Instauration d'une nouvelle exigence de vérification indépendante du rendement des préposés au scrutin après une élection.
  • Instauration d'un nouveau cadre concernant les services d'appels aux électeurs.
  • Modification du mandat du directeur général des élections, qui passe à une période non renouvelable de 10 ans.
  • Possibilité pour le directeur général des élections d'établir des notes d'interprétation, des lignes directrices et des avis écrits sur l'application de la Loi électorale du Canada.
  • Restriction aux élèves du primaire et du secondaire du mandat du directeur général des élections qui a trait à la mise en œuvre de programmes d'information et d'éducation populaire visant à mieux faire connaître le processus électoral.

Les exigences d'identification des électeurs sont modifiées encore une fois en décembre 2018 lorsque le Parlement adopte le projet de loi C-76. Ce projet de loi lève l'interdiction d'utiliser la carte d'information de l'électeur comme preuve d'adresse et rétablit la possibilité pour les électeurs qui n'ont pas de pièce d'identité d'avoir recours à un répondant.

Principales dispositions du projet de loi C-76, Loi sur la modernisation des élections (2018)
  • Limitation de la période électorale à 50 jours maximum.
  • Prolongation des heures de vote les jours de vote par anticipation (désormais 12 heures à chacun des 4 jours).
  • Abaissement de l'âge minimal des fonctionnaires électoraux à 16 ans.
  • Remplacement du mot « sexe » par le mot « genre » dans l'ensemble de la Loi.
  • Établissement du Registre des futurs électeurs.
  • Retrait de l'interdiction d'utiliser la carte d'information de l'électeur comme preuve d'adresse lorsqu'elle est utilisée avec une autre pièce d'identité qui établit l'identité de l'électeur.
  • Possibilité pour l'électeur d'établir son identité et sa résidence en ayant recours à un répondant (et élimination de l'option d'établir la résidence au moyen d'une attestation).
  • Remplacement de l'exigence d'« accès de plain-pied » par l'exigence d'un local « accessible aux électeurs ayant une déficience ».
  • Retrait des exigences selon lesquelles les électeurs résidant à l'étranger devaient avoir vécu à l'extérieur du Canada depuis moins de cinq années consécutives et devaient avoir l'intention de rentrer au Canada.
  • Abrogation des dispositions législatives invalidées par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Sauvé en 2002 en ce qui concerne le vote des détenus purgeant des peines de deux ans ou plus.
  • Rétablissement du mandat d'information et d'éducation du directeur général des élections.
  • Instauration d'une période préélectorale avant les élections générales à date fixe assortie de plafonds de dépenses et d'exigences en matière de production de rapports applicables aux entités politiques réglementées.
  • Élargissement de la portée du régime des tiers en réglementant de nouvelles activités, en introduisant de nouvelles exigences en matière de production de rapports et en interdisant l'utilisation de fonds provenant d'entités étrangères pour mener des activités partisanes, faire de la publicité électorale ou partisane, ou effectuer des sondages électoraux.
  • Obligation faite aux partis politiques de publier – et de maintenir – leur politique de protection des renseignements personnels sur leur site Web.
  • Obligation faite à certaines plateformes en ligne de tenir un registre des publicités électorales et partisanes accessible au public.
  • Transfert du poste de commissaire aux élections fédérales au Bureau du directeur général des élections et attribution de pouvoirs supplémentaires au commissaire.

L'intégrité du processus de vote

En plus des nouvelles exigences d'identification mises en place en 2007, deux affaires judiciaires entraînent d'autres modifications aux pratiques d'Élections Canada liées à l'intégrité du processus de vote. Les incidents à l'origine de ces affaires se déroulent pendant l'élection générale de 2011 et portent sur des procédures administratives aux bureaux de vote et sur des appels téléphoniques frauduleux auprès d'électeurs.

La première affaire concerne un dépouillement judiciaire dans la circonscription d'Etobicoke-Centre, en Ontario. Après qu'on eut déclaré que Ted Opitz avait remporté l'élection par une majorité de 26 voix, le candidat arrivé deuxième, Borys Wrzesnewskyj, conteste les résultats devant la Cour supérieure de justice de l'Ontario. Le 18 mai 2012, la Cour, qui conclut que les fonctionnaires électoraux avaient commis un certain nombre d'erreurs administratives, constate la « nullité » de l'élection. M. Opitz porte le jugement en appel devant la Cour suprême du Canada. Dans une décision partagée rendue le 25 octobre 2012, la Cour suprême du Canada statue en sa faveur et confirme le résultat de l'élection.

L'affaire porte en grande partie sur les erreurs administratives qui devraient constituer des « irrégularités ayant influé sur le résultat de l'élection ». La majorité des juges déclare que « [s]euls les votes émanant de personnes qui n'ont pas le droit de voter sont invalides », alors qu'une minorité est d'avis que l'élection peut être annulée s'il existe un nombre suffisant d'irrégularités administratives, en d'autres mots des cas de « non-respect des exigences de la [Loi électorale du Canada] ».

Pour trancher la question, la Cour suprême du Canada établit deux conditions pour prononcer l'annulation d'une élection : d'abord, qu'il y ait eu « manquement à une disposition législative visant à établir qu'un électeur a le droit de voter » et, ensuite, qu'« une personne a voté sans en avoir le droit ». Si le nombre de votes invalides est égal ou supérieur à la majorité du candidat élu, l'élection est annulée.

En l'espèce, la Cour n'a pas jugé qu'il y avait suffisamment d'éléments de preuve que les erreurs administratives avaient fait en sorte qu'une personne avait voté sans en avoir le droit. Par contre, la Cour conclut que les fonctionnaires électoraux ont commis de nombreuses erreurs graves et que, dans d'autres circonstances, de telles erreurs pourraient entraîner l'annulation d'un scrutin (Opitz c. Wrzesnewskyj, 2012 CSC 55). Pendant que cette affaire est encore devant les tribunaux, le directeur général des élections, Marc Mayrand, annonce qu'Élections Canada va « accorder une plus grande importance au renforcement des mesures visant à améliorer la conformité aux procédures et aux normes applicables le jour du vote » (Harry Neufeld, Examen de la conformité : Rapport final et recommandations, Élections Canada, 2013, 12).

Pour l'aider à améliorer ses pratiques administratives, Élections Canada demande à Harry Neufeld, spécialiste de l'administration électorale indépendant, de réaliser un examen de la conformité des fonctionnaires électoraux avec les procédures de vote le jour de l'élection. Dans son rapport final, déposé en mars 2013, il estime qu'une irrégularité est survenue dans 1,3 % de tous les votes exprimés le jour de l'élection, soit une moyenne de 500 erreurs administratives par circonscription. Il recommande le remaniement du processus de vote pour réduire les risques d'erreur.

Le projet de loi C-23 instaure une nouvelle exigence de vérification indépendante du rendement des préposés au scrutin après une élection. En 2015-2016, Élections Canada met sur pied une direction interne « pour surveiller la conformité aux procédures de vote et renforcer sa capacité de détecter, d'analyser et de régler les incidents qui pourraient compromettre l'intégrité du processus électoral » (Élections Canada, Rapport ministériel sur le rendement 2015-2016). En outre, à l'élection générale de 2015, on apporte des changements aux procédures pour améliorer la conformité aux bureaux de vote, en plus d'embaucher davantage de superviseurs de centre de scrutin et d'agents d'inscription, et de réviser le matériel de formation des préposés au scrutin. D'autres améliorations sont apportées pour l'élection générale de 2019, notamment la simplification des certificats et des formulaires, une nouvelle révision du programme et du matériel de formation ainsi que le renforcement du rôle de soutien du superviseur de centre de scrutin. Aux élections générales de 2015 et de 2019, aucun incident portant atteinte à l'intégrité du processus électoral n'a été détecté, et les vérifications indépendantes ont confirmé que les fonctionnaires électoraux ont correctement exercé leurs attributions aux bureaux de vote.

La deuxième affaire liée à l'intégrité du processus de vote porte sur des appels téléphoniques automatisés effectués pendant l'élection générale de 2011 qui donnaient aux électeurs de fausses informations au sujet de l'emplacement de leurs bureaux de vote. Un ancien membre du personnel du Parti conservateur sera reconnu coupable d'avoir tenté d'empêcher les électeurs de voter à l'élection.

En raison de ces appels frauduleux, on demande à la Cour fédérale d'annuler les résultats du scrutin dans six circonscriptions. Dans sa décision en date du 23 mai 2013, le juge Mosley conclut qu'il y a bien eu fraude, mais il n'est pas convaincu que la fraude a influé sur le résultat obtenu dans les circonscriptions en cause. Il refuse donc d'exercer son pouvoir discrétionnaire d'annuler les résultats contestés. Il précise toutefois que, s'il avait conclu que l'un ou l'autre des candidats victorieux ou de leurs agents avait participé à l'action frauduleuse, il n'aurait pas hésité à annuler les résultats (McEwing c. Canada (Procureur général), 2013 CF 525).

Autre conséquence de l'affaire des appels automatisés, un nouveau régime est instauré par le projet de loi C-23 pour assurer la transparence lorsque des fournisseurs de services d'appels communiquent avec des électeurs pendant une période électorale. Dans le cadre de ce régime, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) est responsable de l'établissement, de la tenue et du contrôle d'application du Registre de communication avec les électeurs. Les personnes qui font des appels relatifs à l'élection pendant la période électorale doivent s'inscrire auprès du CRTC. Elles doivent aussi conserver un registre des numéros de téléphone qui ont fait l'objet d'appels ainsi qu'une copie des scripts utilisés pour faire ces appels et des enregistrements des messages transmis pendant ces appels. Par ailleurs, le projet de loi C-23 prévoit que commet une infraction quiconque se présente faussement comme un candidat ou un fonctionnaire électoral, ou déroge à l'obligation de conserver les scripts et les enregistrements utilisés pour les appels.

À l'approche de l'élection générale de 2019, les menaces à l'intégrité du vote causées par les campagnes d'influence, la désinformation ou les cyberattaques soulèvent de nouvelles préoccupations. Dans un rapport intitulé Cybermenaces contre le processus démocratique du Canada, publié en 2017 et mis à jour en 2019, le Centre de la sécurité des télécommunications (CST) signale les menaces que font peser des adversaires étrangers sur les élections, les partis politiques et les politiciens ainsi que sur les médias traditionnels et les médias sociaux. Le CST, qui fournit des services de sécurité en technologies de l'information au gouvernement du Canada, affirme que les électeurs canadiens feront probablement face à des activités de cyberingérence étrangère relativement à l'élection fédérale de 2019. Il mentionne toutefois que, bien que des élections aient fait l'objet de cybermenaces partout dans le monde, « au Canada, les élections fédérales se déroulent encore principalement sur support papier, et Élections Canada a mis en place de nombreuses mesures juridiques, procédurales et liées aux technologies de l'information (TI) qui offrent une protection robuste contre les auteurs de menace qui tentent de modifier secrètement le compte de votes officiel » (Centre de la sécurité des télécommunications, Le point sur les cybermenaces contre le processus démocratique du Canada en 2019, 5).

Pour répondre à ces préoccupations, des dispositions sont incluses dans le projet de loi C-76 pour lutter contre les menaces émergentes associées à l'ingérence numérique et à la désinformation. Ces dispositions interdisent notamment l'utilisation, par des tiers, de financement provenant d'entités étrangères pour mener des activités partisanes ou faire de la publicité électorale ou partisane. Elles exigent aussi que les grandes plateformes en ligne qui vendent de la publicité aux partis politiques durant la période préélectorale et la période électorale conservent un registre de cette publicité.

En janvier 2019, le gouvernement annonce la création du Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignements visant les élections, constitué du Service canadien du renseignement de sécurité, de la Gendarmerie royale du Canada, du CST et d'Affaires mondiales Canada. À titre d'organisme indépendant, Élections Canada n'a pas été intégré à ce groupe de travail, mais il collabore avec ses membres et prend des mesures pour améliorer la sécurité du scrutin, notamment en perfectionnant son infrastructure de technologies de l'information et en offrant une formation sur la sensibilisation à la sécurité au personnel d'Élections Canada.

Carte des circonscriptions du Canada.

Répartition des sièges par province et territoire

En 2015, le nombre de circonscriptions (et de sièges à la Chambre des communes) est passé à 338. De nouvelles circonscriptions ont été ajoutées en Ontario (15), en Colombie-Britannique (6), en Alberta (6) et au Québec (3) pour tenir compte des changements dans la population. Élections Canada

Le redécoupage des circonscriptions

Comme on l'explique dans le chapitre 3, la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales de 1964 a établi un processus impartial pour le redécoupage des limites des circonscriptions. Étant donné les variations constantes de population enregistrées depuis les années 1970, ce processus a conduit à la création de nouvelles circonscriptions dans les régions urbaines du sud du pays, aux dépens de circonscriptions isolées des régions rurales et septentrionales, et de certaines circonscriptions historiques situées au cœur des agglomérations urbaines. La formule pour calculer les sièges est énoncée dans la Loi constitutionnelle de 1867; elle a été modifiée en 1974, en 1985 et en 2011.

Sous le régime de la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales, les commissions tracent les limites des circonscriptions de manière à ce que la population de chaque circonscription se rapproche le plus possible de la population moyenne d'une circonscription de la province concernée. Les commissions doivent veiller à ce que l'écart entre la population d'une circonscription et la population moyenne des circonscriptions n'excède pas plus ou moins 25 %. Toutefois, en cas de circonstances extraordinaires, elles peuvent déroger à cette règle. Les commissions doivent aussi examiner d'autres facteurs humains et géographiques. Elles peuvent modeler la taille des circonscriptions pour tenir compte de la communauté d'intérêts ou de la spécificité d'une circonscription, pour respecter l'évolution historique des limites antérieures d'une circonscription ou pour faire en sorte que la superficie des circonscriptions dans les régions peu peuplées, rurales ou septentrionales ne soit pas trop vaste.

Photo d'une femme et deux hommes assis derrière des microphones reposant sur une longue table encombrée de document.

Le redécoupage des circonscriptions

La délimitation des circonscriptions fédérales qui suit chaque recensement décennal est réalisée par 10 commissions fédérales indépendantes (une par province). Puisque le Nunavut, les Territoires du Nord-Ouest et le Yukon ne comptent qu'une circonscription chacun, aucune commission n'est nécessaire dans leur cas. On voit ici la commission pour l'Ontario lors d'une audience à London, en 2002. Will Fripp, secrétaire, Commission de délimitation des circonscriptions électorales fédérales pour l'Ontario

Des contestations fondées sur la Charte ont fait ressortir le concept de « communauté d'intérêts ». L'affaire la plus importante à cet égard est l'arrêt Renvoi : Circ. électorales provinciales (Sask.) ([1991] 2 RCS 158, aussi connu comme l'arrêt Carter). L'instance est introduite au nom d'un groupe d'électeurs de Saskatoon et de Regina qui veut obtenir un jugement sur la constitutionnalité des limites des circonscriptions adoptées par la Saskatchewan après la promulgation de la Loi de 1989 sur la représentation électorale3. Infirmant la décision de la Cour d'appel de la Saskatchewan, la Cour suprême du Canada juge que le dénombrement strict de la population ne doit pas être considéré comme le seul facteur dans la délimitation équitable des circonscriptions. Selon la Cour, « l'objet du droit de vote garanti à l'article 3 de la Charte n'est pas l'égalité du pouvoir électoral en soi, mais le droit à une représentation effective », qui peut être obtenue par la « parité relative du pouvoir des électeurs » en tenant compte de facteurs comme la géographie, l'histoire, la communauté d'intérêts et la représentation des groupes minoritaires afin de garantir « que nos assemblées législatives représentent effectivement la diversité de notre mosaïque sociale ».

Une autre décision qui met en évidence le concept de communauté d'intérêts est Raîche c. Canada (Procureur général) (2004 CF 679), dans laquelle la Cour fédérale conclut que la Commission de délimitation des circonscriptions électorales fédérales pour le Nouveau-Brunswick a erré dans l'application des règles régissant la préparation de ses recommandations. La Cour estime en l'espèce que la Commission n'a pas accordé assez d'importance à la Loi sur les langues officielles et aux communautés d'intérêts qui existent dans les circonscriptions. À la suite de cette décision, le projet de loi C-36, qui reçoit la sanction royale en 2005, modifie les limites des circonscriptions d'Acadie-Bathurst et de Miramichi. La décision de la Cour infirmait en effet le transfert de certaines paroisses francophones d'une circonscription à majorité de langue française à une circonscription à majorité de langue anglaise. C'était la première fois depuis l'entrée en vigueur de la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales qu'un tribunal ordonnait de modifier le tracé d'une circonscription.

Après le recensement de 1991, le Parlement suspend le processus de révision deux fois. En 1992, il l'interrompt parce que le processus n'aurait vraisemblablement pas pu être terminé avant la tenue de l'élection fédérale suivante. En 1994, devant l'insatisfaction exprimée au sujet du processus, le gouvernement décide de revoir la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales. En conséquence, le Parlement suspend de nouveau le processus de révision des circonscriptions. En février 1995, le gouvernement dépose le projet de loi C-69, Loi de 1995 sur la révision des limites des circonscriptions électorales. Les dispositions de ce projet de loi visent en grande partie à resserrer les liens entre le processus de redécoupage et les véritables besoins des populations visées. Le projet de loi prévoit des révisions aux fins de redécoupage tous les cinq ans, plutôt que tous les dix ans, ainsi qu'une définition du terme « communauté d'intérêts » incluant :

[…] des facteurs tels que l'économie des circonscriptions électorales, leurs limites existantes ou traditionnelles, le caractère urbain ou rural d'un territoire, les limites des municipalités et des réserves des Premières Nations, les limites naturelles et l'accès aux moyens de communication et de transport.

— Chambre des communes, projet de loi C-69, Loi portant sur la création de commissions de délimitation des circonscriptions électorales et la révision des limites des circonscriptions électorales, paragraphe 19(5), 1re session, 35e législature

Le projet de loi C-69 est adopté par la Chambre des communes, mais il meurt au Feuilleton au Sénat avec le déclenchement de l'élection générale de 1997.

En avril 2004, dans son rapport à la Chambre des communes, le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre présente des recommandations pour l'amélioration du redécoupage. En mai 2005, le directeur général des élections, Jean-Pierre Kingsley, publie un rapport intitulé Optimiser les valeurs du redécoupage. Il y formule des recommandations, notamment pour assurer le redécoupage en temps opportun, pour améliorer la représentation effective des Canadiens et pour favoriser une participation publique plus large et de meilleure qualité. Le rapport appuie également la demande du Comité permanent d'inclure une définition de « communauté d'intérêts » dans la loi.

Pour répondre à la sous-représentation des provinces dont la croissance est la plus rapide, c'est-à-dire l'Ontario, la Colombie-Britannique et l'Alberta, le Parlement adopte, en décembre 2011, le projet de loi C-20, Loi sur la représentation équitable. Ce projet de loi crée de nouveaux sièges pour ces provinces ainsi que pour le Québec, afin d'éviter qu'elle ne devienne sous-représentée.

Principales dispositions du projet de loi C-20, Loi sur la représentation équitable (2011)
  • Modification de la formule énoncée dans la Loi constitutionnelle de 1867 quant à la répartition des sièges de la Chambre des communes entre les provinces, ce qui se traduit en 2015 par une augmentation du nombre de circonscriptions, lesquelles passent de 308 à 338. Pour ce faire, une modification a été apportée à la Constitution en vertu de l'article 44 de la Loi constitutionnelle de 1982, portant que le Parlement a compétence exclusive pour promulguer des lois qui modifient les dispositions de la Constitution relatives au Sénat ou à la Chambre des communes.
  • Modification des délais dans plusieurs dispositions de la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales et ajout de l'indication qu'une version électronique de chaque carte doit être fournie aux partis enregistrés.
  • Possibilité de nommer un directeur du scrutin pour un nouveau mandat sans avoir à prendre en compte la candidature d'autres personnes, si le poste de directeur du scrutin est vacant par suite de la révision des limites des circonscriptions fédérales.
Tableau 4.2
Nombre de sièges dans les provinces et les territoires, 1867–2013 – Partie 1
Année Can. N.-B. N.-É. Ont. Qc Man. C.-B. Î.-P.-É. T.N.-O. Yn
1867 181 15 19 82 65
1871 185 15 19 82 65 4
1872 200 16 21 88 65 4 6
1873 206 16 21 88 65 4 6 6
1882 211 16 21 92 65 5 6 6
1887 215 16 21 92 65 5 6 6 4
1892 213 14 20 92 65 7 6 5 4
1903 214 13 18 86 65 10 7 4 10 1
Nombre de sièges dans les provinces et les territoires, 1867–2013 – Partie 2
Année Can. N.-B. N.-É. Ont. Qc Man. C.-B. Î.-P.-É. Alb. Sask. T.N.-O./Yn T.-N.-L.
1907 221 13 18 86 65 10 7 4 7 10 1
1914 234 11 16 82 65 15 13 3 12 16 1
1915 235 11 16 82 65 15 13 4 12 16 1
1924 245 11 14 82 65 17 14 4 16 21 1
1933 245 10 12 82 65 17 16 4 17 21 1
1947 255 10 13 83 73 16 18 4 17 20 1
1949 262 10 13 83 73 16 18 4 17 20 1 7
Nombre de sièges dans les provinces et les territoires, 1867–2013 – Partie 3
Année Can. N.-B. N.-É. Ont. Qc Man. C.-B. Î.-P.-É. Alb. Sask. T.N.-O. Yn T.-N.-L. Nt
1952 265 10 12 85 75 14 22 4 17 17 1 1 7
1966 264 10 11 88 74 13 23 4 19 13 1 1 7
1976 282 10 11 95 75 14 28 4 21 14 2 1 7
1987 295 10 11 99 75 14 32 4 26 14 2 1 7
1996 301 10 11 103 75 14 34 4 26 14 2 1 7
2003 308 10 11 106 75 14 36 4 28 14 1 1 7 1
2013 338 10 11 121 78 14 42 4 34 14 1 1 7 1
Photo d'une femme assise à un bureau et travaillant sur son ordinateur portatif.

Pour trouver une circonscription

Le site Web d'Élections Canada donne de l'information sur les circonscriptions, y compris les listes de candidats, les emplacements des lieux de scrutin et les adresses des bureaux locaux d'Élections Canada, ainsi que les cartes de toutes les circonscriptions. Élections Canada

Propositions de réforme du système électoral

Des propositions visant à réformer le système uninominal à un tour ont été mises en avant de temps à autre.

  • En 1985, la Commission royale sur l'union économique et les perspectives de développement du Canada (aussi appelée Commission Macdonald, d'après le nom de son président, Donald S. Macdonald) recommande « un Sénat élu en fonction d'une représentation proportionnelle ». Elle recommande aussi, si la réforme du Sénat ne peut être réalisée dans un délai raisonnable, d'« entreprendre la modification du système électoral des Communes et améliorer la représentation régionale ».
  • Dans son rapport final de 1992, la Commission Lortie fait observer que, bien que la Commission Macdonald ait avancé des solutions de rechange au système uninominal à un tour, aucune d'elles n'a été présentée à la Chambre des communes. Par conséquent, la Commission Lortie ne recommande pas que le système uninominal soit modifié.
  • À compter de 2001, la Commission du droit du Canada, qui a pour mandat de fournir des conseils indépendants pour l'amélioration, la modernisation et la réforme du système juridique, entreprend une étude sur la réforme électorale. Dans son rapport de 2004, intitulé Un vote qui compte : la réforme électorale du Canada, la Commission recommande l'adoption d'un système électoral mixte avec compensation proportionnelle.
  • En février 2013, le gouvernement conservateur de Stephen Harper demande à la Cour suprême d'examiner, notamment, si le Parlement a le pouvoir de légiférer pour instaurer un régime d'élections consultatives pour la nomination des sénateurs. Dans sa décision rendue en 2014, la Cour suprême juge que l'établissement d'un tel régime nécessiterait de modifier la Constitution suivant le mode de révision normal (Renvoi relatif à la réforme du Sénat, 2014 CSC 32). Ainsi, la modification devrait être approuvée par le Parlement et par les deux tiers des provinces dont la population confondue représente 50 % de la population canadienne.
  • En 2016, le gouvernement libéral de Justin Trudeau lance une série de consultations sur la réforme électorale. Parallèlement, en juin 2016, la Chambre des communes met sur pied le Comité spécial sur la réforme électorale pour étudier la question des modes de scrutin en vue de remplacer le système uninominal ainsi que les questions du vote obligatoire et du vote en ligne. Le Comité spécial mène de vastes consultations auprès des Canadiens et sollicite aussi le point de vue d'experts. Dans son rapport de décembre 2016, le Comité spécial recommande la tenue d'un référendum sur le système électoral en place et une proposition de système de représentation proportionnelle. Le système proposé serait conçu pour « réduire au minimum le degré de distorsion entre la volonté populaire de l'électorat et la répartition des sièges au Parlement ». Le Comité spécial recommande que ni le vote obligatoire ni le vote en ligne ne soient instaurés « en ce moment ». D'autres recommandations visent l'amélioration de l'accessibilité du vote et de la participation électorale, la possibilité accrue, pour les membres des groupes généralement privés de leurs droits et sous-représentés dans le passé, d'être élus, l'inscription des jeunes de moins de 18 ans au Registre national des électeurs et l'attribution à Élections Canada du mandat de stimuler la participation de l'électorat.
  • Dans sa réponse au Comité spécial, le gouvernement tire cette conclusion : « Aucune préférence à l'égard d'un système électoral en particulier n'est ressortie clairement, encore moins un consensus. De plus, tenir un référendum sans qu'il y ait de préférence ou de question claire ne serait pas dans l'intérêt du Canada. » Le gouvernement souscrit toutefois à l'esprit des recommandations visant à améliorer l'accessibilité du vote afin de favoriser la participation électorale et de stimuler la participation des groupes ayant été sous-représentés dans le passé. Il marque aussi son accord avec les recommandations préconisant la création d'un registre des futurs électeurs et l'attribution à Élections Canada du mandat de favoriser une plus forte participation au scrutin.

Propositions pour accroître la représentation autochtone au Parlement

Au cours des années 1990, plusieurs propositions sont formulées pour améliorer la représentation autochtone au Parlement.

  • Dans son rapport final, en 1992, la Commission Lortie traite de la question des circonscriptions autochtones. Selon le rapport, il y a consensus au sein des peuples autochtones pour la création de ces circonscriptions; leur création serait compatible avec le système parlementaire canadien, et les Canadiens non autochtones ont d'excellentes raisons pour soutenir leur établissement. La Commission recommande donc l'établissement de sept circonscriptions autochtones, soit deux en Ontario et une au Québec, au Manitoba, en Saskatchewan, en Alberta et en Colombie-Britannique, respectivement.
  • En 1992, l'Accord de Charlottetown, qui regroupe des propositions de modifications constitutionnelles, se penche aussi sur la question de la représentation autochtone. L'Accord propose que le Parlement examine cette question en consultation avec les peuples autochtones. Cependant, l'Accord est rejeté dans un référendum tenu le 26 octobre 1992, et cet examen n'a pas lieu.
  • Le rapport de 1996 de la Commission royale sur les peuples autochtones recommande l'établissement d'un parlement autochtone dont la principale fonction serait de « conseiller la Chambre des communes et le Sénat sur toute mesure législative et question constitutionnelle touchant les peuples autochtones ». Les parlementaires autochtones seraient élus par leurs nations ou leurs peuples et les élections se tiendraient en même temps que les élections fédérales.

L'élargissement de la réglementation du financement politique

Durant la période couverte par ce chapitre, des changements fondamentaux sont apportés à la réglementation sur le financement des campagnes et le financement électoral ainsi qu'à la réglementation des dépenses des tiers. Ces changements visent à assurer une plus grande transparence et des règles du jeu équitables afin que chacun ait la même possibilité de participer au processus électoral et que les électeurs soient mieux informés au sujet du financement des campagnes politiques et de la manière dont l'argent est dépensé.

À la suite de ces changements et d'autres encore, le rôle d'Élections Canada évolue et devient plus complexe. En plus de son rôle opérationnel dans la tenue des élections, l'organisme veille à l'observation de la réglementation. En particulier, il doit contrôler le respect des plafonds de contributions et de dépenses, du régime de remboursement des dépenses électorales et des exigences en matière de rapports financiers.

De 1974 à 2018, une série de réformes entraîne le développement d'un vaste régime de financement politique qui deviendra de plus en plus complexe. Par exemple, des plafonds de contributions, des catégories de dépenses et certaines exigences qui s'appliquent en période préélectorale depuis 2018 sont différents de ce qui prévaut en période électorale. Pour aider les entités politiques à respecter les règles, Élections Canada répond à leurs questions, produit du matériel de formation et publie des avis écrits, des lignes directrices et des notes d'interprétation.

Photo des pancartes électorales de quatre candidats soutenus par quatre partis différents, placées dans l'herbe.

Éléments clés du régime de financement politique du Canada

Le régime de financement politique du Canada limite les contributions annuelles des particuliers et interdit les contributions des sociétés et des syndicats. Un financement public est offert sous forme de crédits d'impôt pour les contributions et de remboursement partiel des dépenses électorales. Les entités politiques sont tenues de produire des rapports financiers. Maria Janicki/Alamy – Code de l'image : F4KBPK

Le financement des campagnes et le financement électoral

La réforme du financement des campagnes et du financement électoral est le fruit d'un vif débat qui a animé la fin des années 1990 et le début des années 2000. En 1992, la Commission Lortie formule plusieurs recommandations de réforme du financement politique au palier fédéral. Dans ses rapports au Parlement sur les élections de 1993, de 1997 et de 2000, le directeur général des élections se prononce fermement en faveur de mesures pour restreindre l'influence des entreprises et des syndicats.

Aussi le gouvernement libéral de Jean Chrétien introduit-il, en janvier 2003, le projet de loi C-24, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et la Loi de l'impôt sur le revenu. Le projet de loi contient le plus imposant ensemble de réformes du financement des partis et des campagnes depuis la Loi sur les dépenses d'élection de 1974. Dans le discours qu'il prononce à la deuxième lecture, le premier ministre Chrétien décrit ainsi ce projet de loi :

Un projet de loi qui changera la façon de faire de la politique dans ce pays. Un projet de loi qui remédiera à la perception que l'argent est roi, que les grandes sociétés et les gros syndicats ont trop d'influence sur le gouvernement. Un projet de loi qui réduira le cynisme à l'égard de la politique et des politiciens. Un projet de loi qui est dur, mais juste.

Débats, 11 février 2003

Le projet de loi, que le Parlement a adopté en juin 2003 et qui est devenu loi en janvier 2004, est fondé sur l'idée que le financement des candidats et des partis doit provenir principalement de dons relativement modestes versés par des particuliers plutôt que de dons importants versés par des organisations. Ainsi, chaque électeur peut verser jusqu'à 5 000 $ par année à des partis enregistrés, à leurs associations de circonscription, à leurs candidats à l'investiture et à leurs candidats, 5 000 $ à des candidats indépendants ainsi que 5 000 $ à des candidats à la direction d'un parti. Les dons des entreprises et des syndicats aux associations enregistrées, aux candidats à l'investiture et aux candidats sont limités à 1 000 $ par année. De plus, les particuliers peuvent verser de l'argent directement à un parti enregistré, mais les entreprises et les syndicats ne le peuvent pas. Pour veiller au respect des nouvelles règles, la Loi ajoute des exigences de divulgation aux associations de circonscription ainsi qu'aux candidats à la direction et aux candidats à l'investiture des partis enregistrés.

Afin de faire contrepoids aux nouveaux plafonds de contributions, le projet de loi C-24 instaure l'octroi de subventions publiques directes aux partis politiques. Celles-ci s'ajoutent au financement public que représentent le remboursement partiel des dépenses et les crédits d'impôt pour les contributions. Ainsi, tout parti ayant obtenu un pourcentage donné du vote lors d'une élection générale a droit à une allocation trimestrielle proportionnelle à sa part des voix (aussi appelée « subvention par vote obtenu »). Les allocations trimestrielles compensent les partis pour la perte de leur source habituelle de financement provenant des dons des grandes entreprises et des syndicats. Le concept n'est pas nouveau : la Commission Barbeau en 1966 et la Commission Lortie en 1992 avaient déjà souligné son bien-fondé.

Les allocations trimestrielles ajoutent en moyenne 26,4 millions de dollars par année aux coffres des partis enregistrés admissibles. De ce fait, « les flux de rentrées annuels moyens de toutes les entités politiques fédérales réglementées sont passés de 76,6 millions de dollars avant 2004 à 111,9 millions de dollars après 2004, soit une hausse de 46 % » (Élections Canada, Analyse des tendances financières des entités politiques fédérales réglementées de 2000 à 2014, novembre 2015).

Afin d'assurer l'égalité des chances et le caractère équitable des règles, le projet de loi C-24 vise également à empêcher les excès de dépenses dans le cadre des courses à l'investiture ou à la direction d'un parti. En vertu des nouvelles règles, les candidats à l'investiture ou à la direction d'un parti doivent :

  • s'inscrire auprès d'Élections Canada;
  • respecter les règles sur les sources des contributions;
  • limiter les dépenses d'investiture à 20 % du plafond par candidat prévu pour la circonscription à cette élection générale;
  • divulguer toute l'information sur les contributions et les dépenses d'investiture de la même façon que pour une élection.

Enfin, le projet de loi C-24 soumet pour la première fois les associations de circonscription locales à un cadre législatif. Toute association de circonscription qui désire recevoir des contributions pour un parti enregistré ou un candidat – ou lui fournir des biens et services ou lui transférer des fonds – doit s'enregistrer auprès d'Élections Canada et présenter un rapport annuel.

Le projet de loi C-24 est fondé sur la prémisse que ces mesures de contrôle financier et de transparence « aideront à rebâtir la confiance de la population dans le système [et que] des partis politiques en bonne santé financière contribueront à la vitalité du processus électoral » (Robertson, 2003, 15). La Cour suprême du Canada a décrit cette formule comme un « modèle égalitaire » d'une démocratie électorale. Dans ce modèle, chacun a une chance égale de participer au processus électoral. Le remboursement des candidats et des partis politiques de même que l'attribution de temps d'antenne aux partis politiques mènent à ce résultat. La réglementation des dépenses électorales vise à établir des règles du jeu équitables pour ceux qui souhaitent participer au processus, ce qui permet aux électeurs d'être mieux informés (Harper c. Canada (Procureur général), 2004 CSC 33).

Nous tous ici présents, nous nous sommes rendus coupables un jour ou l'autre d'avoir lancé l'accusation que les contributions d'entreprises ou de syndicats influencent nos adversaires – très souvent à la légère. Et les médias encore plus. C'est très mauvais pour le processus politique. C'est très mauvais pour la démocratie. Le projet de loi s'attaque de front à cette question.

— Jean Chrétien, déclaration précédant la deuxième lecture du projet de loi C-24, Chambre des communes, 11 février 2003

Principales dispositions du projet de loi C-24, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et la Loi de l'impôt sur le revenu (2004)

  • Établissement d'un plafond des contributions annuelles aux partis politiques enregistrés, aux associations de circonscription, aux candidats, aux candidats à l'investiture et aux candidats à la direction d'un parti. Les citoyens canadiens et les résidents permanents peuvent verser jusqu'à 5 000 $ par année à un parti enregistré et à ses associations de circonscription, candidats à l'investiture et candidats, plus 5 000 $ pour une course à la direction d'un parti et 5 000 $ pour chaque candidat indépendant.
  • Les entreprises et les syndicats peuvent verser jusqu'à 1 000 $ par année aux associations de circonscription, candidats à l'investiture et candidats d'un parti enregistré – mais rien au parti lui-même ni à ses candidats à la direction.
  • Quiconque accepte une contribution pour soutenir sa candidature à la direction d'un parti enregistré ou engage des dépenses à cette fin doit s'enregistrer auprès du directeur général des élections comme candidat à la direction d'un parti.
  • Les partis enregistrés reçoivent une allocation trimestrielle de 43,75 cents (1,75 $ par année) pour chaque vote obtenu à la dernière élection générale. Pour être admissible, un parti doit avoir obtenu au moins 2 % de tous les votes à l'échelle nationale ou 5 % des votes dans les circonscriptions où il présentait des candidats.
  • Le taux de remboursement des dépenses électorales aux partis enregistrés passe de 22,5 % à 50 %.
  • Le pourcentage de votes qu'un candidat doit obtenir pour avoir droit au remboursement de ses dépenses électorales est ramené de 15 % à 10 % et la portion des dépenses admissibles passe de 50 % à 60 %.
  • Le montant maximal d'une contribution donnant droit au crédit d'impôt maximal de 75 % passe de 200 $ à 400 $.
  • De nouvelles dispositions antiévitement interdisent aux partis et aux candidats de dissimuler l'identité de donateurs ou de contourner autrement les règles régissant les contributions.
  • Le délai imparti pour intenter des poursuites après la perpétration d'une infraction est porté de 18 mois à 7 ans, mais la poursuite doit être engagée dans les 18 mois suivant la date à laquelle le commissaire aux élections fédérales est informé de la plainte.

En 2006, le projet de loi C-2, Loi fédérale sur la responsabilité, est déposé. Ce texte, présenté par le gouvernement conservateur de Stephen Harper, restreint encore les dons politiques en interdisant les contributions des entreprises, des syndicats, des associations et des groupes. Il apporte aussi à la Loi électorale du Canada des modifications destinées à accroître la transparence du processus électoral et à mieux contrôler l'influence de l'argent sur les élections.

Principales dispositions du projet de loi C-2, Loi fédérale sur la responsabilité (2006)

  • Seuls les particuliers peuvent faire des contributions aux entités politiques enregistrées; ces particuliers doivent être des citoyens ou des résidents permanents du Canada.
  • Les contributions sont plafonnées à 1 000 $ (montant rajusté selon l'inflation) par année civile à chacune des entités suivantes :
    • un parti politique enregistré;
    • chaque entité liée à un parti enregistré (associations de circonscription, candidats à l'investiture et candidats à la direction);
    • chaque candidat, y compris les candidats soutenus par un parti enregistré et les candidats indépendants.
  • Les contributions en espèces aux entités politiques enregistrées sont limitées à 20 $.
  • Il est désormais interdit aux entreprises, aux syndicats et aux associations et groupes de faire des contributions politiques.
  • Il est interdit à tout candidat d'accepter un cadeau (autre que les contributions à sa campagne) dont on pourrait penser qu'il influera sur l'exercice de sa charge éventuelle de député, sauf s'il provient d'un parent ou s'il est une marque normale de courtoisie ou de protocole.
  • Tout candidat doit déclarer au directeur général des élections les nom et adresse de chaque personne (autre qu'un parent) ou organisation dont il a reçu, pendant qu'il était candidat, un ou des cadeaux d'une valeur supérieure à 500 $. Il doit aussi déclarer la nature du cadeau et les circonstances dans lesquelles il a été donné.
  • Les partis enregistrés et les associations de circonscription enregistrées ne peuvent plus céder des fonds détenus en fiducie aux candidats du parti.
  • Il incombe au directeur général des élections de nommer un directeur du scrutin pour chaque circonscription. Ces nominations sont fondées sur le mérite et le directeur général des élections doit être convaincu que la personne possède les qualités essentielles exigées par le poste. Le mandat d'un directeur du scrutin est de 10 ans, mais des motifs de destitution sont prévus par la Loi.
  • Toute poursuite pour infraction à la Loi électorale du Canada doit être engagée dans les 5 années suivant la date à laquelle le commissaire aux élections fédérales est informé des faits donnant lieu à la poursuite et au plus tard 10 ans après la date de la perpétration.
  • Il revient au directeur des poursuites pénales d'intenter les poursuites pour infraction à la Loi électorale du Canada. Quant au commissaire aux élections fédérales, il reste chargé de conclure les transactions et de demander des injonctions visant à prévenir ou à faire cesser les infractions à la Loi en période électorale.

Dans son budget de juin 2011, le gouvernement annonce qu'il introduira des dispositions législatives pour éliminer graduellement les allocations trimestrielles accordées aux partis politiques en 2003 à titre de compensation pour la perte des dons des entreprises et des syndicats. Relevant le fait que les partis politiques reçoivent aussi un soutien des contribuables grâce au crédit d'impôt versé à ceux-ci pour leurs contributions et au remboursement des dépenses électorales, le gouvernement explique que l'élimination graduelle des allocations est une façon de réaliser des économies dans une période de compression budgétaire. Selon le gouvernement, les économies atteindront 30 millions de dollars par année en 2015-2016 (Gouvernement du Canada, Des impôts bas pour stimuler la croissance et l'emploi, 6 juin 2011).

Par conséquent, en octobre 2011, le gouvernement présente le projet de loi C-13, Loi sur le soutien de la croissance de l'économie et de l'emploi au Canada, un projet de loi omnibus qui, notamment, modifie la Loi électorale du Canada pour éliminer graduellement les allocations trimestrielles sur trois ans. Pendant les débats à la Chambre des communes, certains députés qui sont en faveur de l'élimination de la subvention par vote obtenu soutiennent que les partis politiques devraient être appuyés par leurs membres plutôt que par les contribuables, alors que d'autres, opposés à la disparition de la subvention, font valoir que grâce à cette mesure chaque vote a un effet, peu importe que le candidat ait ou non gagné un siège. Après l'adoption du projet de loi C-13 en décembre 2011, les allocations versées aux partis diminuent graduellement; les dernières allocations trimestrielles sont payées en avril 2015.

En février 2014, le gouvernement présente le projet de loi C-23, que le Parlement adopte en juin 2014. Outre certaines modifications administratives (dont il est question dans la section sur les programmes et les services électoraux), le projet de loi augmente le plafond des contributions annuelles des particuliers, le faisant passer de 1 200 $ à 1 500 $, avec une augmentation de 25 $ par année. Il augmente aussi les plafonds de dépenses électorales des partis et des candidats, prévoyant en outre l'augmentation de ces plafonds en cas de période électorale plus longue que la période minimale de 36 jours.

Dans une note d'interprétation publiée en août 2015, puis dans son rapport de recommandations au Parlement à la suite de la 42e élection générale, en 2016, le directeur général des élections, Marc Mayrand, signale des faiblesses dans la réglementation sur les courses à la direction et à l'investiture d'un parti :

Comme elles permettent de ne pas déclarer plusieurs dépenses et contributions pertinentes, les dispositions actuelles sur le financement politique qui s'appliquent aux candidats à la direction et à l'investiture ne respectent pas l'objectif de transparence de la Loi.

Cette question est prise en compte dans le projet de loi C-50, Loi modifiant la Loi électorale du Canada (financement politique). Introduit par le gouvernement libéral de Justin Trudeau et adopté par le Parlement le 21 juin 2018, le projet de loi modifie les définitions des dépenses de course à l'investiture et à la direction d'un parti de manière à ce qu'elles comprennent l'ensemble des dépenses engagées relativement à la course, plutôt que seulement les dépenses engagées durant la période de la course. Le projet de loi C-50 établit aussi l'obligation pour les partis politiques d'annoncer publiquement les activités de financement auxquelles assistent des ministres, des chefs de parti ou des candidats à la direction d'un parti lorsque l'entrée à une telle activité coûte plus de 200 $. Les partis politiques doivent également produire à Élections Canada un rapport énonçant le nom des personnes qui ont assisté à l'activité de financement.

Comme il est mentionné dans la section sur les élections à date fixe, l'élection générale du 19 octobre 2015 a été le premier jour d'élection à date fixe, et la période électorale pour cette élection, d'une durée de 78 jours, a été la plus longue depuis 1872. Dans son rapport de recommandations de 2016, le directeur général des élections, Marc Mayrand, souligne que l'objectif des élections à date fixe est d'accroître la transparence et l'équité; il ajoute : « l'absence d'une période électorale maximale et le fait que les plafonds de dépenses des partis et des candidats sont proportionnels à la durée de la campagne peuvent compromettre l'égalité des chances en favorisant les campagnes électorales qui disposent de plus de ressources ».

Cette question est résolue par le projet de loi C-76, qui établit à 50 jours la période électorale maximale. Cette loi abroge aussi la disposition portant que les plafonds de dépenses varient en fonction de la durée de la période électorale.

Le projet de loi C-76 crée également une période préélectorale durant laquelle les partis politiques et les tiers doivent respecter les plafonds de dépenses. La période préélectorale commence le 30 juin d'une année d'élection générale à date fixe et se termine le jour précédant le début de la période électorale. Durant cette période, des règles régissent la publicité partisane de la part des partis politiques, des associations de circonscription et des tiers ainsi que les activités partisanes et les sondages électoraux de tiers.

Photo de l'édifice du Centre sur la Colline du Parlement.

Resserrement des règles du financement politique

Au fil du temps, le Parlement a augmenté la portée de la réglementation du financement politique pour le rendre plus juste et transparent et éviter toute influence indue de l'argent. Entre autres, des règles ont été imposées sur les dépenses faites par des tiers, c'est-à-dire des personnes ou des groupes autres que des candidats ou des partis politiques. Lorsque ces règles ont été contestées en vertu de la Charte, les tribunaux ont statué qu'une vaste réglementation des dépenses électorales, bien qu'elle limite la liberté d'expression, est justifiée pour assurer l'équité du processus électoral. Élections Canada

Les dépenses des tiers

Comme il est mentionné dans le chapitre 3, la Loi sur les dépenses d'élection de 1974 prévoyait que seuls les partis et les candidats étaient autorisés à engager des dépenses pendant une période électorale pour favoriser ou contrecarrer des candidats. Elle interdisait expressément les dépenses faites par un tiers, sauf si elles visaient à faire la promotion d'une position de principe ou à promouvoir les objectifs d'un groupe non partisan.

Or, le libellé de la Loi était si général qu'il ne résistait pratiquement jamais devant les tribunaux, minant ainsi l'objectif de la limitation des dépenses. En 1983, le gouvernement libéral de Pierre Elliott Trudeau dépose le projet de loi C-169, Loi no 3 modifiant la Loi électorale du Canada, qui interdit toute dépense électorale faite par des tiers pour favoriser ou contrecarrer un candidat ou un parti, à moins que cette dépense ne soit officiellement autorisée.

Ce projet de loi est invalidé par la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta dans l'affaire National Citizens' Coalition Inc. v. Canada (Attorney General) (1984, 11 DLR (4th) 481), la Cour y voyant une atteinte inconstitutionnelle à la liberté d'expression et une contravention à l'article 2 de la Charte. En 1993, le projet de loi C-114 vise à interdire les dépenses de publicité électorale de plus de 1 000 $ faites par des tiers. Cette restriction est aussi contestée par la National Citizens Coalition dans Canada (Attorney General) v. Somerville (1996 ABCA 217). Elle connaît le même sort, étant invalidée par la Cour d'appel de l'Alberta.

L'année suivante, la Cour suprême du Canada donne une nouvelle interprétation juridique des restrictions sur les dépenses des tiers, dans l'arrêt Libman c. Québec (Procureur général) ([1997] 3 RCS 569). Cette affaire porte sur des dispositions de la Loi sur la consultation populaire du Québec qui sont semblables aux dispositions invalidées dans l'arrêt Somerville. La Cour suprême confirme la validité des dispositions de la Loi sur la consultation populaire qui restreignent les dépenses des tiers, estimant qu'elles favorisent l'égalité de participation, puisque le régime vise à :

[…] permettre un choix éclairé en s'assurant que certaines positions ne soient pas enterrées par d'autres [et] à préserver la confiance de l'électorat dans un processus démocratique qu'il saura ne pas être dominé par la puissance de l'argent.

Libman c. Québec (Procureur général) ([1997] 3 RCS 569)

La décision Somerville a créé une anomalie en permettant aux tiers de dépenser des sommes illimitées en publicité électorale, tandis que les dépenses électorales des candidats sont plafonnées. Dans son Rapport du directeur général des élections du Canada sur la 36e élection générale, Jean-Pierre Kingsley recommande l'introduction de nouvelles mesures législatives inspirées des dispositions correspondantes de la Loi référendaire fédérale pour limiter les dépenses des tiers.

En 2000, la nouvelle Loi électorale du Canada réintroduit des mesures pour limiter les dépenses des tiers. Aux termes de la nouvelle loi, la « publicité électorale » est définie ainsi :

Diffusion, sur un support quelconque et pendant une période électorale, d'un message publicitaire qui favorise ou contrecarre un parti enregistré ou l'élection d'un candidat, notamment par une prise de position sur une question à laquelle est associé un parti enregistré ou un candidat.

Loi électorale du Canada, L.C. 2000, ch. 9, par. 2(1)

Les nouvelles dispositions limitent les dépenses des tiers, définis ainsi par la Loi électorale du Canada : « Personne ou groupe, à l'exception d'un parti enregistré, d'une association enregistrée, d'un candidat et d'un candidat à l'investiture ». Les dispositions assujettissent aussi pour la première fois les tiers à des obligations d'enregistrement et de rapport.

La National Citizens Coalition s'adresse aux tribunaux pour contester la constitutionnalité de ces dispositions dans Harper c. Canada (Procureur général) (2004 CSC 33). Le 18 mai 2004, la Cour suprême du Canada statue que, si les limites imposées aux dépenses des tiers restreignent bel et bien la liberté d'expression, l'atteinte est justifiée, parce que ces limites favorisent l'égalité, préservent la confiance des électeurs et protègent l'intégrité du système de financement politique. Toutes les dispositions du régime des tiers sont alors maintenues.

En 2014, le projet de loi C-23 modifie les règles applicables aux tiers dans la Loi électorale du Canada, pour exiger que les particuliers et les personnes responsables d'un groupe certifient qu'ils sont des citoyens ou des résidents permanents du Canada ou qu'ils résident au Canada. Le tiers qui est une personne morale doit certifier qu'elle exerce des activités commerciales au Canada.

En 2018, les règles applicables aux tiers sont de nouveau modifiées, par le projet de loi C-76, pour s'appliquer à un éventail d'activités élargi, sur une plus longue période. Les activités visées incluent maintenant les activités partisanes pour favoriser ou contrecarrer un parti ou un candidat (comme les campagnes sur des médias sociaux ou le porte-à-porte), les sondages électoraux (comme ceux dont le but est de recueillir de l'information sur les intentions de vote) ainsi que les activités et la publicité partisanes pendant la période préélectorale.

Le projet de loi C-76 a créé cette période préélectorale, qui s'étend du 30 juin d'une année d'élection générale à date fixe jusqu'à la délivrance du bref. Les tiers et autres entités réglementées qui effectuent des activités partisanes, des sondages électoraux ou de la publicité (autrement dit, des activités réglementées) pendant la période préélectorale doivent s'enregistrer auprès d'Élections Canada si les coûts qu'ils engagent sont égaux ou supérieurs à 500 $. Le projet de loi interdit aux tiers d'utiliser des fonds pour des activités réglementées si ces fonds proviennent d'une entité étrangère; il interdit en outre aux tiers étrangers d'engager des dépenses pour des activités réglementées. Le projet de loi impose des plafonds de dépenses séparés pour les activités réglementées qui ont lieu pendant une période préélectorale et pendant une période électorale.

L'opinion publique canadienne sur le financement politique

Depuis l'élection générale de 1997, Élections Canada participe à l'Étude électorale canadienne (EEC), un projet de recherche universitaire mis sur pied en 1965 afin d'examiner divers aspects des élections fédérales. Les résultats de l'EEC témoignent d'un soutien notable envers la réglementation du financement politique.

1997
  • 83 % des répondants appuient la limitation des dépenses des tiers.
2000
  • 95 % estiment que la population a le droit de savoir d'où viennent les contributions versées aux candidats et aux partis.
  • 93 % appuient la limitation des dépenses électorales.
  • 63 % appuient la limitation des contributions politiques.
2004
  • 72 % sont d'accord pour que les associations de circonscription soient tenues de s'enregistrer auprès du directeur général des élections.
  • 68 % appuient les nouvelles limites imposées aux dépenses de campagne des candidats à l'investiture.
  • 57 % sont d'accord pour qu'il soit interdit aux entreprises et aux syndicats de verser directement des contributions aux partis.
2008
  • 97 % estiment que la population a le droit de savoir d'où viennent les contributions versées aux candidats et aux partis.
  • 77 % trouvent qu'il est justifié que les entreprises et les syndicats ne soient pas autorisés à verser des contributions aux partis politiques fédéraux.
2011
  • 97 % estiment que la population a le droit de savoir d'où viennent les contributions versées aux candidats et aux partis.
  • 99 % trouvent qu'il est justifié que des limites soient imposées aux sommes que les partis politiques peuvent dépenser pendant les élections.
2015
  • 97 % estiment que la population a le droit de savoir d'où viennent les contributions versées aux candidats et aux partis.
  • 90 % trouvent qu'il est justifié que des limites soient imposées aux sommes que les partis politiques peuvent dépenser pendant les élections.
  • 76 % sont d'accord pour que des limites soient imposées en tout temps aux dépenses de publicité des partis politiques.
— Source : Étude électorale canadienne, 1997 à 2015.

Programmes et services électoraux

Un des principaux rôles d'Élections Canada est de veiller à l'administration juste et impartiale des élections. Au cours de la période dont traite le présent chapitre, diverses mesures législatives et administratives ont été prises aux fins de l'administration des élections et de l'application de la Loi électorale du Canada. D'autres touchent la manière dont la technologie est utilisée dans le processus électoral, la protection des renseignements personnels des électeurs et les activités de rayonnement d'Élections Canada auprès des Canadiens. Le rôle d'Élections Canada évolue pendant cette période, alors que l'organisme veille au respect d'un cadre réglementaire de plus en plus complexe.

Enfin, ce chapitre décrit certaines initiatives de collaboration entre Élections Canada et ses vis-à-vis provinciaux, territoriaux et internationaux. Cette collaboration procède de son mandat de se pencher sur des questions touchant la gouvernance et la responsabilisation, les tendances législatives, les pratiques exemplaires et les services aux électeurs, entre autres.

L'administration des élections

Un des changements importants à l'administration des élections est la modification apportée en 2006 par le projet de loi C-2. En vertu de cette modification, les directeurs du scrutin sont nommés par le directeur général des élections; leur nomination est fondée sur le mérite et sur une liste de qualités requises. Auparavant, les directeurs du scrutin étaient nommés par le gouverneur en conseil (le gouvernement) et aucune compétence particulière n'était exigée.

Ce changement a mené à ce qu'on pourrait appeler la professionnalisation du rôle du directeur du scrutin. Ainsi qu'il est précisé dans le profil du directeur du scrutin, cette fonction fait appel à un « bon leadership et à une grande variété de techniques de gestion : la gestion des ressources humaines, financières et matérielles, la gestion de projets, les relations publiques et la bureautique, pour ne nommer que celles-là ». Par exemple, les directeurs du scrutin louent des locaux pour les bureaux de scrutin, embauchent et forment le personnel de bureau, nomment des centaines de fonctionnaires électoraux et supervisent leur travail, et veillent au respect des lignes directrices et des politiques d'Élections Canada.

En 2014, le projet de loi C-23 remplace la retraite obligatoire du directeur général des élections à l'âge de 65 ans par un mandat non renouvelable de 10 ans. Le directeur général des élections ne peut être destitué que pour un motif valable par le gouverneur général à la suite d'une adresse conjointe du Sénat et de la Chambre des communes.

Le projet de loi C-23 apporte aussi divers changements au mandat d'Élections Canada. Ces changements visent à améliorer la transparence de l'organisme et sa compréhension des besoins des entités politiques, notamment des partis politiques, des associations de circonscription et des candidats. Un de ces changements autorise le directeur général des élections à établir des notes d'interprétation et des lignes directrices sur l'application de la Loi électorale du Canada. Le directeur général des élections est aussi tenu, sur demande, de donner un avis écrit sur la façon dont la Loi s'applique aux activités auxquelles une entité politique a l'intention de se livrer.

Le projet de loi C-23 constitue officiellement le Comité consultatif des partis politiques, qui fournit des avis au directeur général des élections sur toute question liée aux élections et au financement politique. Le Comité consultatif, créé en 1998 par le directeur général des élections Jean-Pierre Kingsley, conseille également le directeur général des élections pour l'élaboration d'avis, de lignes directrices et de notes d'interprétation. Le Comité est formé de deux représentants de chaque parti politique enregistré et se réunit au moins une fois par année.

En 2018, le projet de loi C-76 modifie la Loi électorale du Canada pour permettre une flexibilité dans les services aux électeurs. Si peu de changements ont été apportés lors de l'élection générale de 2019, la Loi accorde maintenant aux préposés au scrutin la possibilité d'échanger les rôles au besoin pour assurer une meilleure efficacité des opérations.

En prévision de l'élection générale de 2019, Élections Canada apporte des améliorations pour aider les directeurs du scrutin à s'acquitter de leurs responsabilités. Pour offrir un soutien accru aux directeurs du scrutin, Élections Canada a mis sur pied un nouveau modèle de soutien aux régions, avec des agents formés sur des sujets particuliers, de même qu'un point d'accès unique sur le Web pour les communications avec l'administration centrale. Il a aussi établi un système de gestion des cas en ligne pour les employés de l'administration centrale qui offrent un soutien et des services au personnel en région.

Photo de deux travailleurs électoraux assis à une table et remplissant des documents.

Des milliers de bureaux de scrutin

Pour l'élection générale du 21 octobre 2019, il a fallu établir plus de 72 000 bureaux de scrutin, comme celui-ci dans la réserve de la Première Nation Sagkeeng, au Manitoba. Plus de 18 millions de bulletins de vote ont été déposés dans cette élection, dont plus de 4,8 millions pendant les quatre jours du vote par anticipation. Élections Canada

L'application de la loi

Comme il est mentionné dans le chapitre 3, la Loi sur les dépenses d'élection de 1974 a créé le poste de commissaire aux dépenses d'élection. En 1997, ce poste devient celui de commissaire aux élections fédérales, dont les responsabilités en matière d'application de la loi sont élargies pour porter sur l'ensemble des dispositions de la Loi électorale du Canada.

Lorsque la Loi électorale du Canada est remaniée en 2000, de nouvelles mesures en matière d'application sont ajoutées. Par exemple, le commissaire aux élections fédérales est autorisé à régler certaines contraventions en concluant une transaction avec le contrevenant – une mesure corrective plutôt que punitive. Il peut aussi demander une injonction en période électorale pour mettre fin à une infraction ou obliger une personne à se conformer à la Loi quand l'intégrité du processus électoral et l'intérêt public l'exigent.

En 2006, le projet de loi C-2 confie au directeur des poursuites pénales la responsabilité d'engager les poursuites pour les infractions à la Loi électorale du Canada. La situation change en 2018, lorsque le projet de loi C-76 donne au commissaire le pouvoir de porter des accusations.

Le projet de loi C-76 ajoute aussi à la trousse d'outils du commissaire en matière de conformité et d'application en lui donnant la possibilité d'imposer des sanctions administratives pécuniaires. Le commissaire peut imposer ces pénalités pour des infractions liées au financement politique, aux communications et aux tiers ainsi que pour certaines infractions concernant le vote, comme le fait de voter plus d'une fois. Comme l'a fait remarquer le directeur général des élections, Marc Mayrand, dans ses recommandations à la suite de l'élection générale de 2015, l'application de la Loi électorale du Canada avait été « presque entièrement fondée sur une approche pénale traditionnelle et coûteuse ». En comparaison, l'objectif des sanctions administratives pécuniaires est de créer un incitatif pour favoriser le respect de la Loi. Le directeur général des élections ajoute que les sanctions administratives pécuniaires sont des outils « plus efficaces et directs que la possibilité d'une poursuite pour assurer la conformité ».

La technologie et le processus électoral

Le Canada fait un premier pas important sur la voie de l'administration électorale de pointe en 1992 en créant une liste électorale informatisée. Cette innovation permet l'établissement du Registre national des électeurs, en 1997.

L'informatique a aussi grandement amélioré l'administration du financement électoral, surtout en ce qui concerne l'enregistrement des entités politiques et la divulgation des contributions et des dépenses. La cartographie informatisée est utilisée pour présenter des données électorales sur des cartes informatisées à l'intention des directeurs du scrutin, des candidats et des partis durant les élections. Ces bases de données géographiques permettent aussi d'assigner une section de vote aux électeurs d'une circonscription et facilitent le redécoupage des circonscriptions après un recensement décennal. Elles permettent également aux électeurs de saisir un code postal sur le site Web d'Élections Canada pour obtenir de l'information sur une circonscription, un député ou un bureau de scrutin. Le soir d'une élection, les Canadiens peuvent utiliser un module Web, appelé Résultats du soir d'élection, qui présente les résultats électoraux au fur et à mesure qu'ils sont établis.

Photo de deux personnes travaillant sur un ordinateur portatif, à côté d'écrans d'ordinateur montrant des cartes électorales.

Cartographie des circonscriptions

La cartographie informatisée et des bases de données géographiques sont utilisées pour affecter les électeurs aux sections de vote et pour soutenir les directeurs du scrutin, les candidats et les partis politiques pendant les élections. Les géographes d'Élections Canada offrent également un soutien technique et cartographique aux commissions électorales mises sur pied lors du redécoupage des circonscriptions après un recensement décennal. Élections Canada

Capture d'écran des résultats officiels de l'élection générale fédérale de 2019. Version pleine grandeur

Les résultats le soir de l'élection

Le soir de l'élection, après la fermeture de tous les bureaux de vote, le site Web d'Élections Canada donne les résultats préliminaires du vote dans chaque circonscription. Les résultats sont également présentés à l'échelle nationale, par province et territoire, par grand centre et par chef de parti. Après l'élection, le site Web présente les résultats validés ainsi que les résultats des dépouillements judiciaires, le cas échéant. Élections Canada

Dans le milieu des années 1990, Élections Canada crée un site Web pour indiquer aux électeurs comment, quand et où voter. Le site Web présente une mine de renseignements sur le processus électoral canadien, y compris des données historiques, les résultats d'élections passées et une base de données consultable sur le financement électoral. Il offre aussi des ressources éducatives sur les élections fédérales et sur la démocratie pour les enseignants aux niveaux primaire et secondaire ainsi que des renseignements pour les groupes de citoyens qui se heurtent à des obstacles à la participation aux élections. Les partis politiques et les candidats peuvent y trouver une information abondante sur la législation électorale ainsi que des formulaires électroniques pour la présentation des rapports.

D'autres outils technologiques visent à aider les personnes handicapées, notamment un service de téléscripteur (ATS) pour les personnes malentendantes, des communiqués de campagne audio et d'autres services d'information pour les personnes ayant une déficience visuelle de même qu'un système de réponse vocale indiquant où voter.

Au début des années 2010, Élections Canada met en place une technologie qui permet de suivre en continu les résultats du soir de l'élection et d'améliorer les services en ligne. Par exemple, les électeurs peuvent s'inscrire en ligne pour voter. La technologie de l'information permet également aux bureaux locaux de mettre à jour électroniquement la liste électorale centrale. Pour l'élection générale de 2015, l'organisme a commencé à utiliser les médias sociaux pour renseigner les électeurs sur l'inscription et le vote.

En prévision de l'élection de 2019, comme il a été mentionné, Élections Canada a considérablement investi dans son infrastructure de technologies de l'information et en a renforcé la sécurité. Il a aussi créé un portail Web qui permet aux candidats de soumettre leur acte de candidature et leurs rapports financiers par voie électronique.

Photo d'une personne tenant un téléphone intelligent sur lequel est affiché le site Web d'Élections Canada.

Une mine de renseignements en ligne

En plus d'offrir des renseignements fiables au sujet du processus électoral canadien, le site Web d'Élections Canada (elections.ca) offre des services en ligne aux électeurs et aux candidats. Par exemple, les électeurs peuvent s'inscrire en ligne ou trouver l'endroit où ils doivent voter. Les entités politiques peuvent aussi déposer les documents et les rapports requis. Le site Web comprend également des données historiques, les résultats d'élections passées, des ressources éducatives et des bases de données consultables. Élections Canada, ACU00008

La protection des renseignements personnels des électeurs

Les partis politiques recueillent des renseignements personnels sur les électeurs. La Loi électorale du Canada prescrit à Élections Canada de communiquer aux partis les listes électorales, qui contiennent les nom et adresse des électeurs, chaque année et au moment d'une élection. Les partis politiques y ajoutent souvent des renseignements provenant d'autres sources. Or, les partis politiques ne sont pas visés par la législation fédérale relative à la protection de la vie privée, c'est-à-dire la Loi sur la protection des renseignements personnels et la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques.

Le directeur général des élections, Marc Mayrand, fait état de préoccupations quant à la protection des renseignements personnels des électeurs dans son rapport de recommandations de 2013 à la suite de la 41élection générale. Selon le rapport, les experts consultés par Élections Canada « étaient particulièrement inquiets des atteintes à la protection des données et du manque de recours pour les victimes ». Le directeur général des élections partage cette opinion et recommande que les entités politiques soient assujetties aux principes largement acceptés de la protection des renseignements personnels qui régissent la collecte, l'utilisation, la communication et la conservation des renseignements.

À la suite de révélations selon lesquelles les renseignements personnels d'électeurs avaient été utilisés pour tenter de manipuler les résultats électoraux au Royaume-Uni et aux États-Unis en 2016, l'idée que les partis politiques soient assujettis à des règles régissant le traitement des renseignements personnels emporte une plus large adhésion. En 2018, le projet de loi C-76 établit l'obligation pour les partis politiques « d'adopter une politique sur la protection des renseignements personnels ». Comme l'explique Élections Canada, cette politique concerne « le traitement de tout renseignement personnel que [les partis politiques] recueillent, utilisent ou communiquent. Ils doivent publier leur politique en ligne et la fournir au [directeur général des élections] afin d'obtenir et de maintenir leur enregistrement » (Élections Canada, La protection des renseignements personnels des électeurs dans le contexte électoral fédéral, mai 2020).

Le rayonnement auprès des Canadiens

En 1992, le directeur général des élections se voit confier le mandat de mettre sur pied des programmes d'information et d'éducation pour mieux faire connaître le processus électoral à la population, particulièrement aux personnes susceptibles d'avoir des difficultés à exercer leur droit de vote en raison d'une déficience, d'un obstacle linguistique ou d'autres facteurs.

Au fil des ans, ce mandat évolue progressivement en fonction de trois grandes orientations :

  • En premier lieu, afin de mieux faire connaître le processus d'inscription et de vote, Élections Canada fournit des renseignements aux Canadiens par divers moyens pour qu'ils sachent quand, où et comment s'inscrire et voter à une élection fédérale.
  • Deuxièmement, Élections Canada mène des activités de rayonnement auprès de groupes le plus souvent aux prises avec des obstacles – les membres des Premières Nations, les Inuits et les Métis, les personnes handicapées ainsi que les nouveaux électeurs, comme les jeunes et les Néo-Canadiens. Élections Canada consulte ces groupes et embauche des agents de relations communautaires qui leur communiquent des renseignements de manière à répondre à leurs besoins. Par exemple, dans le cadre de ses activités de rayonnement auprès des communautés autochtones, des aînés et des jeunes sont embauchés pour travailler aux lieux de scrutin le jour de l'élection afin d'expliquer le processus de vote aux électeurs.
  • Troisièmement, Élections Canada offre un programme continu d'éducation civique aux élèves dans les écoles primaires et secondaires. Il met des ressources à la disposition des enseignants et des élèves dans le but d'accroître leur connaissance de la démocratie électorale du Canada et de stimuler leur intérêt envers elle. De plus, au cours de chaque élection générale depuis 2004, Élections Canada tient une élection parallèle pour les jeunes de moins de 18 ans afin de leur offrir une expérience de vote.

La collaboration avec des partenaires canadiens et internationaux

Élections Canada collabore avec ses vis-à-vis provinciaux, territoriaux et internationaux pour traiter de questions comme la gouvernance et la responsabilisation, les tendances législatives, les pratiques exemplaires et les services aux électeurs.

Après la chute du mur de Berlin en 1989, de nouvelles démocraties ont vu le jour partout dans le monde. Élections Canada a fait partie des premiers organismes de gestion électorale qui ont aidé les démocraties émergentes à établir leurs processus électoraux. Reconnaissant que les projets de développement démocratique peuvent bénéficier grandement de la collaboration d'organismes électoraux dans des réseaux de soutien, Élections Canada collabore avec d'autres organismes de gestion électorale et organisations électorales internationales pour acquérir et échanger des connaissances sur la gestion électorale efficace.

Photo de citoyens votant en Irak.

La mission internationale sur les élections en Irak

En 2004, Élections Canada a participé à la mission internationale sur les élections en Irak, qui visait à surveiller les préparatifs de l'élection ainsi que le vote. Il s'agit d'une des quelque 400 missions internationales auxquelles Élections Canada a pris part de 1990 à 2006. De plus, Élections Canada coopère depuis de nombreuses années avec d'autres organismes de gestion électorale et des organismes électoraux internationaux pour améliorer la gestion des élections au pays et à l'étranger. Paul Assaker, KRT, ABACA-CP

Conformément aux dispositions de la Loi électorale du Canada, Élections Canada a pour objectif de consolider l'indépendance, l'impartialité, l'intégrité, la transparence et le professionnalisme de la gestion électorale à l'étranger et au Canada pour assurer la tenue d'élections libres, justes et inclusives. Depuis 1980, Élections Canada, dans le cadre de son engagement international, a participé à des ateliers, contribué à la recherche mondiale sur l'administration des élections, facilité des missions d'observation et reçu de nombreux délégués étrangers qui venaient au Canada pour se renseigner sur le système électoral canadien.

L'aide et la coopération internationales d'Élections Canada prennent diverses formes, depuis le simple échange d'information jusqu'à l'établissement de partenariats à long terme et à volets multiples avec d'autres organismes de gestion électorale et avec des organisations internationales, comme l'Organisation des États américains. Élections Canada a par exemple noué une relation avec l'Institut fédéral électoral du Mexique, dont le début remonte à 1993 et qui a donné lieu à la signature de deux accords quinquennaux de coopération bilatérale (en 1996 et en 2001). La Mission internationale sur les élections en Irak en 2004 et la Mission internationale d'évaluation des élections en Haïti en 2005 sont d'autres exemples de collaboration.

Élections Canada participe également à divers forums multilatéraux et régionaux, comme le Commonwealth Electoral Network, le Réseau des compétences électorales francophones et le Four Countries Partnership (partenariat entre quatre pays : Australie, Canada, Nouvelle-Zélande et Royaume-Uni), ainsi qu'à des réseaux d'organismes électoraux des Amériques et d'Europe. Il contribue aussi au Réseau du savoir électoral ACE, un répertoire en ligne de connaissances électorales.

Au Canada, le directeur général des élections préside le Comité consultatif des partenaires électoraux, constitué d'Élections Canada et de ses vis-à-vis provinciaux et territoriaux. Élections Canada a aussi des ententes d'échanges de données avec les provinces et territoires canadiens. Cette collaboration a pour but de partager les pratiques exemplaires et de simplifier les processus afin de mieux servir tous les électeurs.

Face à la complexité croissante de la réglementation et des menaces auxquelles sont confrontés les organismes électoraux, la collaboration d'Élections Canada avec différents partenaires canadiens et étrangers aide à mieux comprendre cet environnement qui ne cesse d'évoluer.

Notes de bas de page

1 Le paragraphe 33(1) de la Charte va comme suit : « Le Parlement ou la législature d'une province peut adopter une loi où il est expressément déclaré que celle-ci ou une de ses dispositions a effet indépendamment d'une disposition donnée de l'article 2 ou des articles 7 à 15 de la présente charte. » Ainsi, bien qu'il soit possible, dans certains cas, de déroger aux libertés fondamentales prévues à l'article 2 de même qu'aux droits juridiques et aux droits à l'égalité énoncés aux articles 7 à 15, le droit démocratique de voter garanti à l'article 3 est protégé en toutes circonstances.

2 Au Québec, le référendum de 1992 est organisé en vertu de mesures législatives provinciales.

3 La Loi avait donné lieu à la création de sièges avec un écart de plus ou moins 25 % dans toute la province, à l'exception de sa partie nord. Pour les deux sièges situés dans le nord, l'écart était établi à plus ou moins 50 %. La Loi distinguait en outre les circonscriptions de la partie sud de la province en les divisant en circonscriptions rurales ou urbaines. L'écart maximal de 25 % pour les sièges du sud représentait par ailleurs un changement par rapport à l'écart antérieur, fixé en Saskatchewan à plus ou moins 15 % de la population, et la distinction entre circonscriptions urbaines et rurales était une première dans l'histoire de la province (Courtney).